Objectif Soins n° 246 du 01/05/2016

 

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Aveline Marques  

Société Une centaine de soignants, agents et usagers se sont réunis le 14 avril au soir, place de la République, à Paris, en marge du mouvement citoyen “Nuit debout”. Leur ambition : remettre la santé au cœur du débat public et imaginer un hôpital meilleur.

Ils ont bravé la pluie, les CRS et la fatigue des longues journées de travail. Place de la République à Paris, mi-avril, les hospitaliers étaient “debout” pour partager leurs “galères” et trouver ensemble des solutions. « On aimerait participer à la reconstruction d’une société où la santé aurait un peu plus de place qu’elle n’en a aujourd’hui, où elle ne serait pas une variable d’ajustement de nos équilibres économiques », expose Olivier Youinou, Iade à l’AP-HP.

« Le moment de se montrer »

Cette action “Hôpital debout”, organisée en marge de l’assemblée générale quotidienne “Nuit debout”, a été lancée par la nouvelle commission santé de ce mouvement citoyen, issu de la manifestation contre le projet de loi travail, le 31?mars dernier. À l’origine de l’initiative, des soignants de l’AP-HP, survivants de la mobilisation contre la réforme du temps de travail. « À l’AP-HP, ça fait un an qu’on est en lutte. Le plan d’austérité, c’est la même chose que la loi travail, mais à plus petite échelle… La réduction des RTT, la grande équipe, les 12 heures », estime Céline Berradj, IDE en diabétologie à Lariboisière. C’est elle qui a eu l’idée d’une action “Hôpital debout”. « J’ai écouté Frédéric Lordon [économiste et sociologue, NDLR] dire qu’il fallait que chaque corps de métier soit présent sur cette place, parle de ses problèmes et s’organise. C’est le moment de se montrer. » Pour les soignants, cette mobilisation citoyenne d’un nouveau genre est une opportunité de se faire entendre. « La grève, avec les réquisitions, c’est compliqué. On ne peut pas faire pression de cette façon », constate Céline. Nombre de ceux qui sont présents à cette assemblée générale sont des militants chevronnés, membres des collectifs “Hôpital Saint-Louis en colère”, “Notre santé en danger”, “Hôpitaux en lutte”, de la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité, des syndicats Solidaires, Unsa ou CGT.

Pas d’étiquettes

Mais ce soir-là, les étiquettes syndicales et associatives sont tombées, seules comptent les luttes, martelées au fil des interventions de médecins, de soignants, d’agents techniques ou d’usagers : semaines de 48 heures, réductions d’effectifs, fermetures de services et d’établissements, tarification à l’activité, futurs Groupements hospitaliers de territoire, souffrance de la psychiatrie. « Dans nos établissements, on est des minorités. On a un peu l’impression qu’on est tout seuls, alors que tous les hospitaliers de France ont les mêmes problèmes », souligne un agent de La Pitié-Salpêtrière.

Venu avant tout en tant que citoyen, Nicolas*, Iade dans un Samu parisien, vit sa deuxième nuit debout, après une semaine de 60 heures et une journée de réquisition « payée 30 balles ». Il n’est pas syndiqué et n’a pas manifesté contre la réforme du temps de travail à l’AP-HP, qui le prive pourtant de six jours de RTT. « Il y a autre chose que les manifs à la française, à gueuler dans la rue qu’on n’est pas content. TF1 fait son journal, et le lendemain on passe à autre chose, expose le trentenaire. Ici, c’est bon enfant, il y a des barbecues, des projections de films, des assemblées générales de commissions diverses et variées. Chacun peut venir sur son temps de repos. Et il y a quelque chose de différent : on s’écoute. » Infirmier depuis quinze ans, il évoque un gros ras-le-bol. « On a de moins en moins de personnels, de lits et de plus en plus de patients. »

Mais, au-delà du malaise, que faire ? À charge pour le groupe de travail constitué à l’issue de l’assemblée générale de réfléchir aux actions à mener et, surtout, aux alternatives à proposer au gouvernement. De longues nuits en perspective.

* Le prénom a été changé.