En introduisant deux modalités nouvelles que sont le compte qualité et le patient traceur, la certification V2014 a su se rendre plus pertinente pour les cadres, plus proche de la réalité de la pratique professionnelle des soignants. Cette démarche qualité nouvelle version se révèle être, à l’usage, un outil de gestion des risques apprécié des cadres qui le manient au quotidien.
Une certification par groupement hospitalier de territoire (GHT), c’est l’objectif rappelé par le décret sur les GHT de la loi de modernisation du système de santé, paru le 29 avril dernier. D’ici au 1er janvier 2020, tous les établissements rattachés à un même GHT mèneront une certification commune. Cette nouvelle disposition intervient alors que les établissements commencent à s’approprier la certification V2014. Et à en goûter les bienfaits. Cette synchronisation des certifications, propre à chaque établissement, passera par l’un des pivots essentiels du processus : le compte qualité que devront se partager dans quatre ans les établissements d’un même GHT. Jusqu’ici, le compte qualité, pierre angulaire de la V2014, était un outil de suivi transversal du dispositif de gestion des risques établi par chaque établissement, selon ses priorités définies au sein des vingt thématiques listées par la Haute Autorité de santé (HAS). Le compte qualité est ainsi un outil d’auto-évaluation sur la base des engagements pris individuellement par l’établissement dans son système de management de la qualité et des risques et dans sa démarche d’amélioration.
Il y a fort à parier qu’au cours des quatre prochaines années, les cadres soient à nouveau en première ligne pour intégrer ces nouvelles donnes au sein des établissements, tant ils ont su, dans le passé, se montrer incontournables au fil des trois certifications. Ceci est particulièrement vrai pour la dernière version, la V2014, qui ancre le management de la qualité et des risques dans le quotidien des équipes de soins. Ainsi, sur les vingt thématiques retenues dans la V2014 pour l’élaboration du compte qualité et pour les audits de processus, treize concernent la prise en charge du patient
C’est dire si la certification V2014 marque un tournant dans l’engagement des établissements vis-à-vis du patient. Rien d’étonnant donc à ce que la position des soins apparaisse aujourd’hui comme stratégique dans le processus de certifications. « Je pense que, dans les petits établissements, la direction qualité devrait toujours être confiée à la direction des soins qui est en phase avec l’ensemble des directions de l’établissement (direction administrative, direction médicale, directions des soins). La direction des soins se situe au carrefour de toutes les logiques de l’hôpital et peut comprendre toutes les situations », expose Pascale Couturier-Lachal, qui a la chance de pouvoir cumuler ces deux responsabilités au sein de l’hôpital de Rives (Isère).
La V2014 introduit un nouvel outil d’auto-évaluation à partir duquel l’établissement déploie les actions qui y sont inscrites. Cet outil de suivi auquel pourront se référer tous les acteurs donne du sens à la démarche d’amélioration de la gestion des risques formulée à partir de chacune des thématiques. Il récapitule les risques définis comme prioritaires par l’établissement ainsi que les dispositifs et les plans d’action mis en place pour une meilleure maîtrise de ces risques. L’établissement doit ainsi prouver que ses engagements sont assez pertinents pour faire évoluer son système de management de la qualité et des risques et pour atteindre les objectifs qu’il s’est fixé selon des indicateurs nationaux, voire ses propres indicateurs.
Chaque dossier rédigé sur une thématique particulière, le management de la prise en charge médicamenteuse par exemple, est, une fois finalisé, “versé” au compte qualité. Ce compte qualité qui documente les actions et les résultats est également l’outil de suivi qui sera adressé à la HAS tous les vingt-quatre mois. Il prépare ainsi la visite des chefs de projet de la HAS et des experts-visiteurs en vue de la certification. Lorsqu’il produit son compte qualité à la HAS, l’établissement doit préciser sa méthodologie et les modalités adoptées, y compris la manière dont les professionnels de santé ont été impliqués. D’ailleurs, lors de leur visite de certification, les experts-visiteurs accordent une part importante aux interactions avec les professionnels de santé.
Aussi, en définissant les véritables enjeux de l’établissement dans sa démarche qualité et gestion des risques, le compte qualité – comme l’ensemble du processus de certification – fait des cadres de santé des rouages essentiels. « Le cadre apporte une aide dans la méthodologie. Avec sa bonne connaissance du soin, il dispose également de compétences appréciables dans l’animation de groupe », énonce Olivier Michel, responsable du Domaine de la qualité et de l’organisation des soins au Grieps, organisme de formation continue et de conseil.
Une position que confirme Maria Crétant, elle-même cadre de santé au Centre hospitalier (CH) Sud Francilien : « Nous sommes la pierre angulaire de la certification car nous faisons le lien entre la pratique des soignants et la politique de qualité de l’établissement. » Les cadres sont des vecteurs de la démarche de certification auprès des équipes. Ils les aident à se l’approprier et leur instillent cette culture qualité. « Le soutien du cadre est indispensable car bien souvent les équipes perçoivent la certification comme une contrainte, un contrôle avec la crainte de sanction. Les équipes ne se sentent pas nécessairement à l’aise. Les soignants ont du mal à valoriser leurs pratiques, ils craignent que cela ne soit une remise en cause de leur fonctionnement », confirme Olivier Michel.
Cependant, la certification V2014, plus axée sur les métiers et le terrain, apparaît plus accessible aux cadres que les versions précédentes. « Les certifications antérieures consistaient à se mettre en conformité avec des critères définis par la HAS. Aujourd’hui, il s’agit d’une approche centrée sur la gestion des risques, une approche davantage métier. Les cadres jouent alors un rôle important pour aider les équipes soignantes qui y participent à mettre en avant les risques liés à leurs pratiques. Cela permet de donner une orientation très clinique, on est dans le process de soins, plus proche que jamais du soin, de la prise en charge du patient », explique Olivier Michel. Bien que demandant un grand effort d’écriture, le compte qualité n’entretient pas moins la proximité. « Je revois régulièrement avec les services leurs avancées sur les projets mis en place dans le cadre des EPP (évaluation des pratiques professionnelles). Le déploiement des EPP et leur analyse a en effet abouti à un plan d’action qu’il convient de mesurer à l’aide des indicateurs imposés par la HAS mais aussi par des indicateurs “maison” », expose Nathalie Delage, référente qualité, cadre de santé, adjointe au pôle médecine spécialités (12 unités, 355 soignants) du CH Sud Francilien. Elle pratique ainsi les EPP croisées. Le service néphrologie va évaluer le service cardiologie, « non sur ses spécificités mais sur ses process ». En retour, le service cardiologie évaluera le service oncologie. Ces regards extérieurs, souvent très pertinents, permettent de dérouler un EPP sur la même thématique au sein de chaque service.
Le patient traceur est une méthode d’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins mise en œuvre par la certification V2014. Il s’agit d’une analyse rétrospective de la qualité et la sécurité de la prise en charge d’un patient tout au long de son parcours dans l’établissement. La méthode du patient traceur évalue ainsi les processus de soins, les organisations et les systèmes qui concourent à sa prise en charge en incluant toutes les interfaces interprofessionnelles et interdisciplinaires afin d’identifier et de mettre en œuvre des actions d’amélioration.
L’objectif visé par la HAS est d’apprécier au mieux la réalité de la prise en charge des patients et, pour les experts-visiteurs, de renforcer la performance de leur visite dans l’établissemment. Ce process est un outil apprécié des cadres. « La nouvelle certification tournée sur le parcours du patient, sur le patient traceur, permet d’impliquer davantage le cadre de santé. Je suis ainsi référente, avec un médecin, du parcours d’un patient traceur sur une thématique définie. En l’occurrence, il s’agit d’un patient victime d’un infarctus du myocarde, de son arrivée aux urgences en cardio à son admission au service. Nous sommes vraiment dans le cœur de métier », s’enthousiasme Maria Crétant. Selon elle, la certification permet d’identifier les lacunes dans la prise en charge du patient, notamment les interfaces : on a perdu ses affaires, a-t-on prévenu la famille, a-t-il le bon bracelet ? Cette démarche concrète est plus facile à amener aux soignants. Elle suscite une analyse collégiale avec les équipes qui ont pris en charge ce patient sur tout ce qui peut mettre en péril la sécurité du patient. « Cette nouvelle certification a pour conséquence que l’on se mette à la place du patient, on se trouve de l’autre côté du miroir », reconnaît-elle.
« Ce travail permet de fédérer tous les intervenants, y compris les médecins qui s’inscrivent dans cette dynamique d’équipe. La traçabilité par exemple à l’entrée, l’identitovigilance, la détermination de la personne de confiance… Tout cela relève du quotidien du cadre, mais il y a aussi l’entretien avec le patient, ce qui est extrêmement positif car il apporte une autre dimension au soin. Que peut-on mettre en place pour améliorer la prise en charge du patient, quelles sont ses attentes ? », renchérit de son côté Annie Pascal, directrice Ifsi/Ifas au CH du Forez (Loire). La méthode du patient traceur qui fédère les équipes, y compris les médecins, fait son chemin au sein des établissements. Elle ne demande pas moins de réels investissements et une grande rigueur, notamment dans l’évaluation des interfaces.
* Droits des patients, parcours du patient, prise en charge de la douleur, prise en charge et droits des patients en fin de vie, dossier patient, identification du patient à toutes les étapes de sa prise en charge, management de la prise en charge médicamenteuse du patient, biologie médicale et imagerie, prise en charge des urgences et des soins non programmés, management de la prise en charge du patient dans les secteurs à risque, don d’organes et de tissus à visée thérapeutique.
• Compte qualité, patient traceur et la nouvelle méthode de visite qu’est l’audit de processus, sont les trois évolutions déterminantesde la certification V2014, une procédure qui s’inscrit dans la continuité des certifications précédentes. Elle n’en est pas moins exigeante car elle balaie l’ensemble des volets de la prise en charge du patient. Après la question des grandes organisations approchée dans les deux certifications précédentes, cette dernière mouture s’approche en effet au plus près du patient.
• À manuel constant, elle n’implique donc pas de changement de manuel et répond ainsi à la demande de stabilité des établissements. Les vingt thématiques introduites par la V2014 sont insérées dans le manuel à l’aide d’un feuillet amovible.