La secrétaire médicale, technicienne, se trouve parfoiségalement au sein d’enjeux de santé. À l’interface entre les patients, les équipes de soins et le médecin, elle oscille entre connaissances techniques et savoir médical. Quelle est donc sa responsabilité réelle ?
“À l’interface”… Selon l’expression consacrée, la secrétaire médicale, ou encore “assistante médicale”, se trouve à l’interface entre les patients, les équipes de soins et le médecin. De plus, la secrétaire médicale est également à l’interface entre la connaissance commune et le savoir médical. Si elle ne s’inscrit pas parmi les auxiliaires médicaux listés par le Code de la santé publique, elle côtoie tous les jours le monde du soin, les attentes des patients et de leur famille.
Le défi, c’est qu’elle est souvent le premier contact des patients ou de la famille, parce que c’est elle qui ouvre la porte, qui est présente à l’accueil, ou qui répond au téléphone. Elle est pour les patients la représentante du monde médical et hospitalier. Elle doit être une professionnelle compétente dans son secteur, investie, et sachant prendre des initiatives. Mais elle est également acteur de la qualité des soins par une présence rassurante, un discours adapté vis-à-vis des patients, la rigueur dans la tenue de l’agenda, une méthode de classement et de tenue des dossiers, l’aptitude à la frappe… Elle ne peut en aucun cas rester que technicienne, car le monde médical qui l’entoure la sollicite à tout moment.
En milieu hospitalier, elle est parfois la secrétaire d’un médecin, mais elle travaille le plus souvent avec une équipe médicale et hospitalière, soit une vraie diversité. De même, elle travaille en lien constant avec la direction de l’établissement et l’organisation administrative générale.
Ainsi, en partant d’une base professionnelle relativement technique - le secrétariat ainsi que l’assistance -, la secrétaire se trouve projetée dans des enjeux de santé particulièrement lourds et, pour autant, elle est l’un des rares professionnels présents dans les services des établissements de santé qui ne bénéficient pas d’un statut législatif. Il faut donc raisonner à partir des principes généraux, en structurant une réflexion.
L’assistante médicale exerce dans un statut de subordination.
• Dans un établissement public, elle intègre la fonction publique hospitalière et répond aux règles générales du statut de 1986. En cas de litige, son affaire dépend du tribunal administratif, et on applique alors les règles du droit public.
• Dans un établissement privé, elle est dans une relation contractuelle de salariat, liée par un contrat avec l’employeur, ce qu’on appelle le “contrat de travail”. En cas de litige, l’affaire dépend du conseil de prud’hommes et on applique le Code du travail qui est de droit privé.
L’une des questions qui se pose rapidement est de savoir de quelle hiérarchie dépend la secrétaire médicale.
• Si elle a été recrutée par le médecin qui exerce en libéral, celui-ci est alors en mesure de donner les ordres, comme tout employeur.
• Mais la situation est plus ambiguë dans nombre de cas où l’assistante est embauchée par une structure - un hôpital ou une clinique - pour exercer plus particulièrement auprès de tel ou tel médecin, ou de telle ou telle équipe. Juridiquement, son seul employeur reste la structure. L’employeur a fait le choix de l’affecter à un service, mais cela ne rompt pas le lien de subordination et ne transforme pas le médecin ou l’équipe hospitalière en “patron”. Juridiquement, la secrétaire est placée auprès du médecin ou d’une équipe sur ordre de l’employeur et, en cas de difficulté ou de différent, c’est à l’employeur que revient la décision principale.
Cela n’empêche pas que, dans la vie quotidienne, l’assistante se trouve sous une certaine dépendance du service dans lequel elle exerce, avec une direction de l’établissement qui peut sembler lointaine. Elle doit trouver le juste équilibre entre le rapport hiérarchique qui la lie à l’employeur et le rapport fonctionnel avec le médecin ou une équipe.
Au jour le jour, c’est bien ce médecin ou cette équipe qui seront organisateurs du travail, et l’assistante doit pleinement jouer le jeu. Mais les “ordres” donnés par le médecin de l’équipe auprès de laquelle elle est affectée ne pourront jamais se substituer à l’autorité hiérarchique, qu’il sera parfois nécessaire de solliciter, notamment pour des arbitrages en cas de difficultés relationnelles, pour redéfinir un cadre ou, le cas échéant, pour trouver une autre affectation.
Sur le plan disciplinaire, la secrétaire engage, comme tout agent, sa responsabilité personnelle : si elle commet une faute disciplinaire, elle peut être sanctionnée par l’employeur. Les sanctions disciplinaires ne sont pas directement pécuniaires : il ne peut pas y avoir de peine d’amende, ni de réparation du préjudice causé. En revanche, la sanction la plus sévère est la perte d’emploi, avec donc une incidence financière certaine.
Le régime disciplinaire est très différent selon qu’on se trouve dans le salariat ou bien dans la fonction publique.
• Dans le salariat, la procédure est assez simple, presque expéditive. L’employeur qui estime qu’une faute disciplinaire a été commise doit convoquer le salarié en entretien préalable, en lui exposant les griefs, et dans l’esprit de recueillir ses observations. Le salarié peut venir en présence d’un délégué syndical ou d’un membre du personnel de l’entreprise, mais il n’a pas accès au dossier. L’employeur prend un temps de réflexion, au minimum une journée d’attente de 24 heures, et il notifie sa décision, en la motivant. Si le salarié n’est pas d’accord, il peut alors saisir le conseil de prud’hommes.
• Dans la fonction publique, la procédure est plus protectrice des droits des agents. L’autorité hiérarchique ne peut prononcer seule, après avoir requis les explications de l’agent, qu’un avertissement ou un blâme. S’il envisage une sanction plus sévère, et notamment une suspension d’exercice, une rétrogradation ou un licenciement, il doit saisir le conseil de discipline, qui est une formation de la commission administrative paritaire. L’agent se voit notifier les griefs, et il a accès à l’intégralité de son dossier. L’administration doit effectuer un rapport d’enquête, dont copie remise à l’agent. En vue de la réunion du conseil de discipline, l’agent peut rédiger un mémoire seul ou avec l’assistance d’un avocat. Est ensuite ordonnée la réunion du conseil de discipline, devant laquelle l’agent concerné doit comparaître pour s’expliquer, seul ou assisté de son avocat. Le conseil de discipline rend un avis, et il revient au directeur de prendre sa décision. L’agent qui conteste cette décision doit saisir le tribunal administratif.
Sur le plan civil, c’est-à-dire celui de la réparation du dommage causé, la secrétaire médicale, salariée d’une clinique ou agent public d’un hôpital, n’engage pas sa responsabilité personnelle. Si les fautes qu’elle a commises ont causé un dommage, la prise en charge des conséquences relève de l’établissement, et cet établissement est assuré pour cela. C’est un régime de responsabilité “du fait d’autrui” : la personne qui cause dommage ne supporte pas la conséquence directe, car le paiement est mis à la charge de son employeur. Si une infirmière est salariée d’un médecin libéral, c’est lui qui assure la responsabilité civile. Mais si l’infirmière est agent d’une clinique ou d’un hôpital, c’est l’établissement qui fait face.
Il n’existe à ce régime très protecteur qu’une seule limite, heureusement très rare. C’est l’hypothèse de la faute “intentionnelle”, aussi appelée “détachable”, c’est-à-dire une faute qui n’entre pas dans la mission qui a été confiée à l’agent, et qui est marquée par la volonté de nuire. C’est donc une faute qui échappe totalement au contrôle de l’employeur, et c’est très logiquement un cas de responsabilité financière personnelle de l’agent. S’agissant des tâches administratives ou de secrétariat, on entend parfois parler dans l’actualité d’affaires de détournement de fonds par des écritures frauduleuses. C’est un cas de responsabilité personnelle de l’agent.
Les professionnels de santé savent qu’ils vivent dans un environnement renforcé de responsabilité. Ce qui est propre aux professionnels de santé, ce n’est pas la notion de faute, qui est générale, mais le fait que cette faute porte atteinte à l’intégrité corporelle. Aussi, dans la mesure où rien n’est plus protégé que le corps humain, la loi considère que toute faute, même involontaire, engage la responsabilité. Ainsi la responsabilité d’un médecin ou d’une infirmière peut être engagée pour une maladresse, une abstention ou une inattention.
Pour la plupart de ses activités, la secrétaire médicale n’est pas en situation, si elle commet des maladresses ou des inattentions, de mettre en cause la sécurité du patient. Il en est par exemple ainsi dans la gestion de la communication des dossiers. La secrétaire médicale qui se tromperait dans l’application de la loi commettrait une faute, et cette faute pourrait porter atteinte aux droits des patient ; cependant, il ne s’agit pas dans ce cas de responsabilité pénale car il n’y a pas d’atteinte au corps des patients. Aussi, on se retrouve dans la situation commune de tous les salariés et agents de la fonction publique qui, à l’occasion de leur travail, commettent des fautes : leur responsabilité pénale n’est engagée que s’il y avait une intention de nuire.
Ceci dit, il reste une part pour le régime de responsabilité pénale pour faute involontaire. Il faut rappeler que cette faute commence avec la simple négligence, l’abstention ou même l’inattention. Bien sûr, les secrétaires n’ont pas de fonctions thérapeutiques ni médicales, et elles ne sont chargées ni du diagnostic, ni de la surveillance, ni de la réalisation des actes. Toutefois, à partir du moment où elles interviennent dans des domaines actifs de la relation de soin, elles engagent leur responsabilité pénale si elles commettent une négligence ayant eu des conséquences pour les patients. Des fautes de ce type dans la prise de rendez-vous, dans la transmission des appels téléphoniques et des informations, dans le traitement d’un courrier urgent, peuvent avoir pour effet de porter atteinte de manière indirecte à la santé du patient, et donc engager la responsabilité pénale de la secrétaire.
Le devoir de réserve impose aux agents de s’exprimer, en dehors de leur service, avec une certaine retenue en ce qui concerne le fonctionnement de son service, afin de ne pas porter atteinte à la considération du service qui les emploie.
Sont ainsi sanctionnés les propos injurieux ou violents, la critique publique de la gestion ou du fonctionnement du service, l’exposition publique des différends professionnels ou la mise en cause personnelle de membres de l’établissement. En revanche, ne commet aucune faute l’agent qui s’exprime publiquement, même de manière polémique, sans mettre en cause sa collectivité ou les fonctions qu’il y occupe, ce, au titre de la liberté d’expression (Conseil d’État, 1er juin 1994, n° 150870).
Cette obligation est essentielle, comme le rappelle le fait qu’elle est définie par le Code pénal (article 226-13). Ce que sanctionne la loi, c’est la révélation des secrets confiés, et cela joue pour toutes les informations confidentielles venues à la connaissance des professionnels à l’occasion de ses fonctions, qu’ils les aient entendues, vues, lues ou comprises.
De la bonne pratique du secret dépend la capacité de recevoir les confidences, indispensables à la pratique des soins, car le malade ne peut se livrer que s’il a confiance dans l’intimité de la relation qui existe avec le professionnel. Cette base représente un acquis médical… et pratiquement culturel.
La levée du secret professionnel n’intervient que si un texte de loi a prévu une exception à la règle du Code pénal (article 226-14). C’est notamment le cas pour la révélation de maltraitances ou de maladies nécessitant une surveillance de l’environnement.
Cette règle ne s’oppose pas au nécessaire partage des informations au sein de l’équipe médicale, et le dossier est le lieu de référence du secret partagé. La loi prévoit une présomption, qui répond à une profonde logique. La loi autorise ce partage, mais dans la mesure de ce qui est strictement nécessaire, et cela ne joue qu’au sein de l’équipe.
Le secret n’est pas opposable au patient, et on ne peut envisager d’écarter du dossier des informations le concernant au motif qu’il risque d’en prendre connaissance… Le patient doit être en mesure de recevoir toutes les informations le concernant, à charge pour les professionnels de toujours rester soignants, avec l’accompagnement nécessaire pour que ces informations soient bien comprises.
De même, le professionnel doit prendre en compte la volonté du patient de ne pas être informé de données concernant sa santé ou les risques auxquels il s’expose. Mais toutes les informations concernant l’état de santé doivent figurer dans le dossier, et si un jour le patient demande à avoir accès au dossier selon les formes prévues par les textes, il devra y trouver la trace complète du suivi, et ce, même si cette lecture directe est déstabilisante.
La discrétion professionnelle est le pendant disciplinaire de la règle du secret : un agent ne doit pas divulguer les informations relatives au fonctionnement de son service.
C’est la question permanente pour les secrétaires médicales. Mais il n’existe pas de réponse globale en raison de nombreuses disctinctions à faire.
Il s’agit là du domaine du secret partagé. Bien que n’ayant pas de connaissances ni de pratique médicales, la secrétaire médicale est placée au cœur des informations les plus confidentielles concernant les patients, et elle se trouve donc amenée à partager cette confidentialité.
Mais attention : ce partage ne joue qu’au sein de l’équipe strictement entendue, c’est-à-dire des personnes impliquées dans la prise en charge. Ainsi une secrétaire qui partage son emploi du temps entre deux ou trois équipes ne pourrait en aucun cas procéder à des partages d’informations entre ces différentes équipes.
Les informations médicales sont de type confidentiel et, par principe, l’administration de l’établissement n’a pas accès à ces données intimes. Pour autant, la barrière n’est pas étanche, car l’administration doit disposer des informations indispensables à la prise en charge du patient, ainsi qu’à la bonne organisation de l’établissement. La secrétaire médicale exerce dans un cadre de subordination, elle doit donc s’en remettre aux consignes de fonctionnement qui lui sont données. Pour autant, elle doit vérifier que, dans la pratique, la confidentialité des informations médicales est effectivement assurée, et si elle a un doute, elle doit évoquer le cas avec le médecin et l’administration.
Le principe est ici l’application du secret, et les atteintes ne sont admissibles que dans des conditions particulièrement restrictives. La secrétaire médicale ne doit pas se laisser piéger par les événements et, face à de telles demandes, elle doit systématiquement inviter à formuler une demande écrite, en cas d’urgence par e-mail ou bien par fax, beaucoup plus facile à apprécier, et à la moindre difficulté, elle doit en référer à l’administration ou au médecin.
La situation la plus attendue est l’appel en urgence de services de police, qui peuvent être à la recherche d’une personne. Les policiers peuvent agir soit dans le cadre d’une mesure de prévention - par exemple s’ils sont à la recherche d’une personne âgée qui s’est égarée -, soit dans le cadre d’une enquête de police judiciaire parce qu’ils sont à la recherche de personnes impliquées, comme auteurs ou comme victimes d’une infraction. Dans le cadre de la prévention, une certaine souplesse est nécessaire. Dans le cadre judicaire, les services de police doivent être en mesure de fournir un ordre de réquisition, ce qui ne laisse alors pas de marge à l’interlocuteur. Mais cet interlocuteur ne peut être qu’un membre de l’équipe médicale ou alors le responsable de l’administration, et la secrétaire médicale doit immédiatement contacter sa hiérarchie. L’intervention de la police est une chose normale, mais qui reste tout de même exceptionnelle au regard du fonctionnement de l’établissement, et ne pas aviser l’administration serait une faute.
Le secret professionnel n’est pas opposable au patient, et la secrétaire médicale qui transférerait des informations médicales au patient ne commet pas l’infraction de violation du secret. En revanche, si elle agit de sa propre initiative, elle commet une faute disciplinaire, car la transmission des informations médicales doit être le fait de l’équipe de soins. La secrétaire médicale n’a pas de formation médicale, et elle ne connaît donc pas l’environnement dans lequel ces informations doivent être analysées. Il est donc primordial de l’appeler à la réserve la plus générale. La seule exception est la situation où le médecin lui a confié de remettre une lettre au patient.
Dans la pratique, la secrétaire doit toutefois transmettre des informations, mais plus neutres, liées à l’organisation des soins, par exemple les prises de rendez-vous pour des consultations ou des examens.
La secrétaire médicale reçoit nombre de confidences venant des patients et des familles, et beaucoup d’informations provenant des tiers. Elle doit bien entendu se garder de procéder à l’analyse médicale de ces informations, qui n’est pas de son ressort. Elle entend également nombre de choses qui finalement se révèlent secondaires ou insignifiantes, et sur lesquelles il n’y a pas lieu de s’arrêter. En revanche, elle doit transmettre au médecin les informations qui, de son point de vue, lui paraissent signifiantes et qu’elle a reçues directement.
La situation est subtile car, en droit, les familles et les proches sont des tiers, par principe non destinataires des informations concernant le patient… Alors que, dans la pratique, il est nécessaire au quotidien de leur transmettre certaines informations. La secrétaire médicale doit veiller à disposer d’un cadre strict d’exercice, discuté avec l’administration, le cadre de santé et le médecin.
Par principe, elle n’est pas autorisée à donner des informations médicales, mais elle peut être sollicitée sur des questions liées à la présence dans le service ou l’organisation du séjour.
L’un des points les plus délicats est celui des demandes des familles par téléphone. Il peut y avoir le cas de familles très inquiètes à la recherche d’une personne, alors que celle-ci vient d’être admise dans le service avec un bilan rassurant. Aussi, alors même que le principe est de ne rien dire, on comprend qu’il faut trouver une exception… selon un processus organisé.
La première chose est de s’assurer de la volonté du patient, s’il veut donner ou non des informations à des tiers. Un patient peut s’y opposer, et cette volonté doit être respectée. L’hospitalisation est une information médicale et, selon les établissements, cela peut même être l’énoncé d’un diagnostic.
Dans une situation courante, il faut toujours être très prudent vis-à-vis de celui qui s’annonce membre de la famille ou proche. L’établissement n’a pas à se mêler de l’histoire des familles, qui peut être fort complexe… En revanche, il paraît dangereux de donner d’emblée des informations par téléphone à quelqu’un s’affirmant de la famille, et à la recherche du patient. Une règle de prudence est de lui demander de donner son nom et ses coordonnées, pour que l’hôpital puisse le rappeler, ce qui permet une certaine vérification. Quoi qu’il en soit, cela ne peut jouer que sur des informations urgentes et neutres, par exemple l’hospitalisation. Pour entrer dans les informations médicales, il est indispensable cette fois-ci qu’il y ait une rencontre en direct avec le médecin.