Objectif Soins n° 247 du 01/06/2016

 

Économie de la santé

Didier Jaffre  

Dans le cadre du Pacte territoire santé lancé en 2012 est enfin réapparu un outil “innovant” qui a été un peu oublié depuis la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) : le centre hospitalier local, devenu depuis le centre hospitalier de proximité.

La loi HPST de juillet 2009 avait supprimé la notion d’hôpital local en faisant de ces établissements des centres hospitaliers (CH) comme les autres. C’était enfin les reconnaître comme tels, et non plus comme de simples établissements pour personnes âgées. Mais, dès lors, ils ont été un peu oubliés.

Or qui n’est pas plus à la jonction de la médecine libérale et de la médecine hospitalière que le CH local ? Un établissement hospitalier qui fonctionne avec des médecins généralistes libéraux, parfois praticiens hospitaliers à temps partiel, souvent siège de maisons de santé pluriprofessionnelles, reconnu au sein de la population. Le Pacte territoire santé s’appuie sur les CH locaux encore existants car, si bon nombre d’entre eux ont été transformés au cours des dix dernières années, il en reste encore beaucoup (environ 250) qui maillent le territoire français, souvent dans des territoires isolés et ruraux, la cible du Pacte.

DANS LE DROIT

• La loi du 22 décembre 2014 de financement de la Sécurité sociale pour 2015, dans son article 52, a introduit la notion de CH de proximité, se substituant aux ex-hôpitaux locaux, en indiquant que leur activité de médecine serait financée par une dotation modulée en fonction de l’activité. Ce modèle de financement mixte dérogatoire à la tarification à l’activité est censé être plus adapté au volume et à la nature de l’activité produite par ces établissements. Les hôpitaux de proximité sont définis sur la base de leur activité de médecine avec une absence d’activité de chirurgie et d’obstétrique, indépendamment de la catégorie juridique de l’établissement. Il manquait cependant un décret d’application, c’est désormais chose faite.

• Le décret du 20 mai 2016 publié le 24 mai dernier (voir En savoir plus p. 37) précise les critères d’éligibilité des hôpitaux de proximité et leurs modalités de financement. Il apporte également des éléments de définition supplémentaires basés sur une approche territoriale du territoire desservi par le CH de proximité, conformément aux engagements du Pacte territoire santé. Le modèle de financement est quant à lui basé sur une dotation construite à partir des recettes historiques de l’établissement, des caractéristiques de son territoire et de l’activité produite. Il répond à un double objectif : d’une part, stabiliser les ressources de ces établissements en leur apportant de la visibilité et, d’autre part, les encourager à développer leur activité.

CONDITIONS À REMPLIR POUR ÊTRE UN CH DE PROXIMITÉ

Première condition nécessaire

Pour qu’un établissement souhaite être reconnu CH de proximité, il lui faut délivrer uniquement des soins de médecine, dans la limite d’un plafond annuel d’activité, fixé à 5 500 séjours annuels (ce qui signifie qu’au-dessus de ce plafond, l’établissement est considéré comme un CH “normal” tarifé à l’activité). Autrement dit, un CH de proximité n’est pas autorisé en chirurgie et en obstétrique, mais uniquement en médecine.

Deuxième condition nécessaire

D’autre part, le CH doit être dans un territoire dit “de proximité” qui présente au moins deux critères de fragilité. Le territoire de l’hôpital de proximité est défini sur la base d’un temps de trajet routier en automobile de vingt minutes autour de l’établissement, mesuré en prenant en compte les temps de trajet aux heures pleines et aux heures creuses. Quatre indicateurs ont été calculés pour caractériser la fragilité du territoire :

→ vieillissement : part de la population âgée de plus de 75 ans supérieure à la moyenne nationale de 9 % ;

→ pauvreté : part de la population vivant sous le seuil de pauvreté supérieure à la moyenne nationale de 14,3 % / part de la population ayant 60 % ou moins du revenu médian en 2012 ;

→ ruralité : densité de population inférieure au seuil de 150 personnes par km2 ;

→ démographie médicale : part des médecins généralistes pour 100 000 habitants inférieure à la moyenne nationale de 99 praticiens pour 100 000 habitants.

Si, pour être considéré CH de proximité, son territoire doit remplir au moins deux des quatre indicateurs précédents, un établissement peut toutefois être “rattrapé” par l’Agence régionale de santé (ARS) s’il remplit l’un des deux critères suivants :

→ il fonctionne avec des médecins en exercice mixte ville-hôpital ;

→ il est le seul offreur à détenir une autorisation de médecine sur son territoire (vingt minutes autour de l’établissement).

C’est sur la base de ces critères que le ministère de la Santé transmet en début d’année aux ARS une liste d’établissements répondant aux critères d’éligibilité. L’ARS est chargée de prendre contact avec les établissements qu’elle souhaite intégrer dans le dispositif pour les informer de leur éligibilité. L’établissement dispose ensuite d’un délai d’un mois pour faire part de son refus. Ce droit d’opposition s’applique au moment de l’inscription sur la liste des CH de proximité. Il emporte avec lui le rejet du modèle de financement. A contrario, le silence de l’établissement vaut accord pour inscription sur la liste. Après le délai d’un mois, l’ARS propose la liste des établissements qu’elle souhaite voir inscrits sur la liste nationale des hôpitaux de proximité. La liste définitive est arrêtée par les ministres chargés de la Santé et de la Sécurité sociale. Elle est valable au minimum deux ans, période pendant laquelle un établissement ne peut être radié de la liste, sauf en cas de modifications de ses autorisations (perte ou nouvelle autorisation de médecine). Une mise à jour annuelle permet de tenir compte des mouvements d’autorisation. Les indicateurs relatifs au territoire sont revus tous les deux ans. La première liste des 243 hôpitaux de proximité sera arrêtée par la ministre de la Santé prochainement. La majorité d’entre eux sont des anciens hôpitaux locaux, mais on pourra également compter sur la présence de CH, d’établissements privés à but non lucratif et lucratif. Un quart remplirait les quatre critères.

RÔLE DU CH DE PROXIMITÉ

Les CH de proximité sont à la jonction des soins de premier recours, pour lesquels ils constituent un appui certain, et de l’offre de soins de spécialités et du secteur médico-social. Ainsi ils contribuent à l’offre de premier recours par les coopérations qu’ils ont avec la médecine ambulatoire et le secteur médico-social, mais également à l’offre de second recours par les consultations avancées qu’ils peuvent organiser et l’orientation vers les établissements plus importants. Ils contribuent donc à l’amélioration du parcours du patient, notamment des personnes âgées ou en situation de précarité. Les hôpitaux de proximité sont un enjeu important en termes de maintien ou d’amélioration de la démographie médicale. Ils jouent également un rôle dans l’accès aux soins.

Les modalités de coopération avec les acteurs sanitaires et médico-sociaux sont décrites dans le projet médical de l’établissement. Dans le cadre de la mise en place des groupements hospitaliers de territoire et du projet médical partagé, les CH de proximité doivent être pleinement intégrés.

Pour mémoire, l’encadré de la page ci-contre rappelle nos recommandations pour les CH locaux, qui s’appliquent en définitive aussi aux CH de proximité.

FINANCEMENT DU CH DE PROXIMITÉ

Les CH de proximité sont finalement les premiers à mettre en œuvre la réforme de tarification à l’activité, avec un modèle de financement modulé à l’activité. Ce nouveau modèle de financement repose sur une dotation mixte, composée d’une dotation forfaitaire garantie construite à partir des recettes historiques de l’établissement, des caractéristiques du territoire desservi (dotation organisationnelle et populationnelle) et des moyens alloués en fonction de l’activité produite, sur la base de la valorisation des séjours réalisés.

Ainsi, 80 % des ressources de l’établissement sont garanties par rapport à ses recettes extérieures, indépendamment de l’activité produite. Dotation qui peut être majorée en fonction de la fragilité du territoire (dotation organisationnelle et populationnelle).

Le CH de proximité voit donc ses moyens de fonctionnement garantis entre 80 et 90 %, et ce, quels que soient les aléas de l’activité. Les 10 % restants relevant de l’activité, l’établissement est encouragé à développer son activité, et donc à répondre aux besoins de la population.

La dotation organisationnelle et populationnelle est calculée selon les quatre critères définissant le territoire de proximité, à savoir : vieillissement, pauvreté, ruralité et démographie (lire précédemment). Le complément de financement à l’activité se calcule de la manière suivante :

→ si la valorisation de l’activité est inférieure au montant, la dotation fixe garantie, la dotation hôpitaux de proximité versée est égale au montant correspondant à la dotation fixe garantie ;

→ si elle est supérieure, la dotation hôpitaux de proximité versée est égale au montant de la dotation fixe garantie auquel s’ajoute le différentiel entre l’activité valorisée ou facturée et la dotation forfaitaire garantie.

CONCLUSION

Finalement, les CH de proximité, longtemps oubliés, constituent un pilier de l’offre de premier recours et inaugurent le nouveau modèle de financement modulé à l’activité. Qui aurait crû que les CH locaux et/ou de proximité, menacés depuis de nombreuses années de fermeture et de transformation en établissements médico-sociaux, deviendraient un modèle dans la réponse aux besoins de premier recours de la population et dans le financement des établissements de santé ?

Alors oui, l’hôpital local est mort, mais le CH de proximité est né.

POUR LA PROMOTION DU CH LOCAL

→ FORMATION ET INSTALLATION DES JEUNES PROFESSIONNELS

Le CH local doit être reconnu comme lieu de stage en médecine générale. Les bourses proposées aux médecins doivent être proposées à l’ensemble des professionnels de santé qui exercent à l’hôpital local. La présence d’un CH local pour caractériser les zones fragiles dans lesquelles les jeunes professionnels titulaires de la bourse s’engagent à exercer doit être un critère au même titre que la présence d’une maison de santé pluriprofessionnelle. Le CH local est un support logistique important pour les futurs professionnels de santé libéraux. La présence d’un CH local est un facteur incitatif non négligeable. Les médecins qui exercent dans ces structures sont aussi les prémisses de ces praticiens territoriaux. Cela signifie en revanche que la rémunération des médecins dans les CH local soit réévaluée pour être en cohérence avec le statut de praticien territorial, dont les textes sont encore en attente. Les référents installation des ARS doivent avoir connaissance des caractéristiques d’un CH local, et ce mode d’exercice particulier doit être porté à connaissance et détaillé sur la plateforme d’appui aux professionnels de santé.

→ CONDITIONS D’EXERCICE

Quand il existe un CH local dans un territoire donné, le développement des maisons de santé pluriprofessionnelles, des pôles de santé, des équipes de santé primaires, doit se faire en étroite articulation avec le CH local, qui va apporter son support logistique et technique pour porter les opérations, mais également parce qu’il fonctionne avec ces mêmes professionnels de santé. Les maisons de santé doivent donc impérativement être adossées aux centres hospitaliers locaux, voire aux Ehapd quand il n’y a pas de CH local. Les CH locaux doivent donc être reconnus comme lieu de stage et de recherche. La télémédecine est un outil formidable pour le CH local, une opportunité pour conforter la technicité de l’hôpital et ouvrir celui-ci sur l’extérieur. Des protocoles de coopération peuvent être plus facilement établis au sein des CH locaux, la mixité salariée-libérale favorisant le partage et le transfert de compétences.

→ TERRITOIRE DE SANTÉ ISOLÉ

Avec l’adossement de maisons médicales de garde, les CH locaux peuvent contribuer à la prise en charge des urgences et ainsi garantir une prise en charge en moins de trente minutes en tout point du territoire. Permanence des soins ambulatoires et permanence des soins au CH local doivent être couplées et organisées en complémentarité. Pour appuyer les structures ambulatoires, les CH locaux doivent conserver leur service de médecine et de soins de suite et de réadaptation. Sinon, cet appui ne sera pas possible, et il sera difficile de maintenir et d’attirer des professionnels de santé. Le CH local doit être positionné dans le dispositif hospitalier comme premier niveau de l’offre de soins hospitalière. Il doit être le lieu de la coordination des acteurs d’un territoire. Ce qui suppose une adaptation de son mode de financement. Enfin, quand le CH local existe, la création d’un centre de santé n’est pas forcément la bonne solution. Il faut au contraire s’appuyer et renforcer le CH local.

En savoir +

Retrouvez le texte intégral de la loi du 20 mai 2016 relatif aux hôpitaux de proximité et à leur financements :

→ via le lien raccourci bit.ly/1trXu90