Objectif Soins n° 247 du 01/06/2016

 

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Clarisse Briot  

Avancée Être porteur d’un handicap et prendre soin des autres : c’est possible. Comment lever les obstacles à la formation et à l’emploi des soignants en situation de handicap ? Constats et solutions ont été partagés lors du dernier Salon Infirmier.

Les idées reçues ont la vie dure. Alors qu’une étude nationale* conduite par la Fédération hospitalière de France (FHF) révèle que 51,9 % des directeurs d’instituts de formation paramédicaux doutent que des étudiants en situation de handicap puissent devenir des professionnels soignants, Lisa Cann et Sébastien Rogeron, de la Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (Fnesi), ont tenu à rappeler, lors du dernier Salon Infirmier, que « beaucoup de handicaps ne sont pas des contre-indications à l’exercice des métiers du soin ». C’est le cas, par exemple, de la surdité, de certaines infirmités, de la dyslexie, la dyspraxie, etc. Handicap et inaptitude sont, à tort, souvent confondus.

Difficultés en amont de la formation…

La course d’obstacles commence en amont de la formation. Convaincues que le milieu du soin n’est pas fait pour elles, les personnes en situation de handicap s’autocensurent. L’orientation des jeunes à l’école et des adultes dans le cadre de reconversions professionnelles est également défaillante. Puis, une fois lancé, le concours peut s’avérer « une barrière infranchissable ». Souvent par manque de moyens, les instituts de formation ne mettent pas ou peu de dispositions compensatoires en place lors des épreuves (tiers-temps, appui d’un ordinateur, éclairage spécifique…). Autre écueil une fois le concours en poche : obtenir le certificat d’aptitude, délivré par un médecin agréé qui ne connaît pas l’étudiant et peut difficilement évaluer ses capacités futures dans l’exercice soignant.

… au cours de la formation

Les difficultés se poursuivent au cours de la formation. Un seul Ifsi, celui de Castelnau-le-Lez (Hérault ), permet un accompagnement des étudiants en situation de handicap. Dans les autres, les mesures compensatoires sont très aléatoires, en raison d’une absence de financement identifié.

L’insertion professionnelle

Enfin, l’étape de l’insertion professionnelle, peut réserver des surprises. « Il y a une difficulté à assumer son handicap lors du recrutement et vis-à-vis de ses collègues, pointe Sébastien Rogeron. Sans compter les propos choquants que peuvent tenir certains professionnels dans les services et qui renvoient au stéréotype d’incapacité. »

En écho au livre blanc de la FHF consacré au sujet, la Fnesi avance des solutions. Il faut sensibiliser tous azimuts, à commencer par les employeurs publics, qui, globalement, ne respectent pas l’obligation d’embaucher au moins 6 % de personnels en situation de handicap. En 2014, la fonction publique hospitalière a atteint un taux d’emploi de 5,34 %, correspondant « essentiellement à des situations de maintien dans l’emploi tandis que le recrutement direct ne concerne que peu le cœur de métier de l’hôpital », relève le livre blanc. Il s’agit aussi de clarifier les modalités de financement des mesures compensatoires, afin qu’elles ne varient plus d’un institut à un autre, et proposer un accompagnement des étudiants en situation de handicap dans tous les instituts de formation.

* 243 instituts (essentiellement Ifsi et Ifas) ont participé à cette étude, menée par la société Eneis Conseil du 20 avril au 15 mai 2015.