Objectif Soins n° 248 du 01/09/2016

 

Économie de la santé

Didier Jaffre  

Le 26 août dernier, l’Assurance maladie a signé avec les principaux syndicats représentatifs des médecins libéraux une nouvelle convention médicale pour cinq ans, qui entrera en vigueur au 1er mai 2017.

Cette convention organise les relations entre les médecins libéraux “conventionnés” relevant du secteur 1 à honoraires non libres et 2 à honoraires libres mais ayant signé un contrat d’accès aux soins) et le seul assureur en matière de santé en France, l’Assurance maladie, c’est-à-dire l’Union nationale des caisses d’Assurance maladie. Car, depuis 1945, date de création de la Sécurité sociale, le financement et la gestion des dépenses de santé en France relèvent d’un monopole public exercé par l’Assurance maladie (par délégation de service public de l’État, dans le cadre de conventions pluriannuelles d’objectifs et gestion négociées entre le ministère de la Santé et les organismes de protection sociale, l’État assurant le contrôle de ses organismes), la part non couverte (encore appelée ticket modérateur) restant à la charge du malade, remboursée ou non selon que celui-ci bénéficie d’une mutuelle ou d’une assurance complémentaire privée. En contrepartie de cotisations financées surtout par des prélèvements proportionnels aux revenus (contribution sociale généralisée) et des cotisations assises sur les salaires, la population française a un libre accès aux soins dont le coût est couvert (en grande partie) par l’Assurance maladie. Par rapport à un système assurantiel classique, les primes sont ici déconnectées des risques individuels et l’accès aux soins est conforme aux principes d’une Assurance maladie universelle. Si l’obligation d’assurance se justifie par l’argument d’une internalisation systématique de la sélection adverse (lire l’encadré p.35) qui caractérise un marché d’assurance facultatif, les parts respectives du public et du privé dans le financement du système de santé relèvent très largement d’un choix de société. La remise en cause de ce monopole public de financement conduirait à introduire une concurrence entre les organismes d’assurance maladie et les assureurs privés du système de soins. C’est le cas aux Pays-Bas depuis dix ans, 2006 marquant une réforme importante de l’assurance maladie dans ce pays, en introduisant la concurrence entre les assureurs du système de santé.

POUR LE MAINTIEN D’UN MONOPOLE PUBLIC…

Plusieurs arguments sont généralement avancés pour justifier le maintien d’un monopole public de financement du système de santé, associés à la légitimation de l’intervention de l’État dans le financement et la production de soins. On peut citer tout d’abord les effets externes positifs des politiques de prévention et de santé publique qui n’existeraient pas dans le cadre d’un financement privé de la santé, dans la mesure où aucune demande explicite de soins ne se révélerait sur le marché. Par ailleurs, l’assurance privée ne garantit pas l’équité face à la santé, tout du moins dans une conception égalitariste de l’équité (se reporter au numéro d’Objectifs Soins d’octobre 2006). Elle correspond à une logique de justice commutative, selon laquelle chacun reçoit en fonction de sa contribution initiale tarifée par l’assureur privé sur la base du degré de risque individuel, et non à une logique de justice distributive, selon laquelle chacun reçoit en fonction de ses besoins et contribue en fonction de ses revenus. Cette logique distributive s’accommode soit d’une conception égalitariste de l’équité privilégiant l’égalité d’accès aux soins et la santé, soit d’une conception rawlsienne de l’équité selon laquelle le financement socialisé des dépenses de santé doit principalement bénéficier aux plus défavorisés, alors que la logique commutative s’accommode, elle, d’une conception libérale de l’équité selon laquelle le financement de la santé se fait par le marché. Le monopole public de financement évite ainsi la mise en place d’un système de santé à deux vitesses, l’une pour les personnes aisées, l’autre pour les personnes défavorisées. Toutefois, ce mode de financement rencontre certaines limites.

… QUI POURRAIT ÊTRE REMIS EN CAUSE

Le fonctionnement d’un système de santé doit être apprécié par rapport aux soins qu’il produit pour améliorer l’état de santé de la population et par rapport à la couverture des frais financiers résultant du risque maladie. Trois critères permettent de juger de la performance d’un système de santé :

→ l’efficacité allocative qui correspond au coût d’opportunité des dépenses engagées dans le secteur de la santé relativement aux autres secteurs collectifs ;

→ l’efficacité productive qui correspond au rendement des dépenses engagées dans le secteur de la santé ;

→ l’équité au sens égalitariste ou rawlsien. Or le système de santé français présente certaines caractéristiques tant d’inefficacité productive que d’iniquité, dont les principales causes peuvent être attribuées à son mode de financement monopolistique public. En termes d’efficacité allocative, les comparaisons internationales montrent que la France consacre 10 % de sa richesse nationale au financement de la santé contre 8 % en moyenne en Europe, alors que ses performances sanitaires mesurées par les indicateurs de morbidité sont moyennes, avec des faiblesses dans certains domaines (iatrogénie médicamenteuse, infections nosocomiales, mortalité maternelle, prévention très faible par exemple). La France dépense plus que ses partenaires européens pour des résultats sanitaires au plus équivalents. En termes d’efficacité productive, l’exemple de l’hôpital montre que, malgré les mécanismes de régulation de l’offre mis en place, les capacités restent excédentaires par rapport aux besoins de la population et sont inégalement réparties sur le territoire national. L’allocation des moyens est pour l’instant, et ce, malgré l’instauration de la tarification à l’activité pour une partie des soins, loin d’être optimale. En termes d’équité, force est de constater qu’un système de santé à plusieurs vitesses existe en France, alors qu’il s’agit d’un argument généralement invoqué par les défenseurs du monopole public de financement. L’augmentation du ticket modérateur, l’existence de structures de proximité dans lesquelles la sécurité des soins n’est pas garantie, les disparités de recours aux soins, les différences interrégionales d’état de santé sont autant d’exemples qui montrent que le système de santé actuel n’est pas équitable, que ce soit selon une conception égalitariste ou une conception rawlsienne de l’équité. L’ensemble de ces critiques pourrait conduire à préconiser l’introduction d’une certaine concurrence dans le financement de l’Assurance maladie. Mais, les différentes expériences menées en la matière dans d’autres pays restent peu convaincantes. Sauf peut-être celle des Pays-Bas.

LA FIN DU MONOPOLE DE L’ASSURANCE MALADIE ?

La mise en concurrence entre assureurs sur la fonction de financement s’apparente à une certaine privatisation du financement des dépenses de santé. Elle doit en théorie conduire à une meilleure efficacité allocative et productive. De nombreux pays se sont engagés dans cette voie au cours des dernières années. À Singapour (Medical Saving Account), la responsabilité financière de l’assuré est poussée à l’extrême, de manière à minimiser la mutualisation des risques et à obliger chaque individu à recourir à son épargne personnelle. Si ce pays présente des performances sanitaires honorables, le gouvernement a toutefois été dans l’obligation de créer un système de couverture complémentaire pour les patients atteints d’une longue maladie et coûteuse, ainsi que pour les pauvres ne payant pas de cotisations, et de maintenir une offre quasi gratuite de dispensaires dans les quartiers les plus pauvres. Aux États-Unis, dans le cadre du système de gestion des soins dit “managed care” ; les salariés sont largement couverts par le biais de leurs entreprises sous la forme de contrats facultatifs et privés souscrits avec des HMO (Health Maintenance Organization) qui assument simultanément la fonction d’assureur et d’acheteur de soins. La prime forfaitaire est tarifée au risque, tandis que l’organisation en réseau de la production de soins, prise en charge par le HMO, incite le HMO, en concurrence avec les autres HMO, à exercer une fonction gestionnaire de soins pour obtenir le meilleur rapport qualité-prix. Or il semble que si l’impact sur le coût des soins est favorable, celui sur la qualité est mitigé, en particulier pour les populations les plus vulnérables. D’autant plus que la sélection des risques est évidente et a conduit le gouvernement à mettre en place des systèmes de couverture publiques pour les personnes âgées et handicapées qui n’étaient pas prises en charge. En Allemagne, c’est la concurrence entre caisses publiques d’assurance maladie qui a été instaurée. La population dans son ensemble peut prétendre à bénéficier d’une assurance maladie, et en deçà d’un certain seuil de revenu, il est obligatoire de s’assurer. L’arbitrage se fait sur le taux de cotisation, car toutes les caisses ont l’obligation de fournir les mêmes prestations. Chaque caisse choisit un taux de cotisation salarial uniforme qui s’applique à l’ensemble des adhérents, l’employeur (ou les autorités locales pour les personnes défavorisées) prenant en charge 50 % de la cotisation. Les personnes les plus riches peuvent quitter le système obligatoire pour souscrire un contrat auprès d’un assureur privé. De manière générale, la mise en concurrence des caisses n’a pas eu d’effet sur les coûts médicaux, ni sur l’efficacité du système.

LES FONDEMENTS DU SYSTÈME DE SANTÉ AUX PAYS-BAS

Pour mémoire, les Pays-Bas, ce sont 17 millions d’habitants (soit plus de trois fois moins qu’en France), pour lesquels la nation consacre environ 70 milliards d’euros à leurs dépenses de santé (190 en France, soit en peu moins de trois fois plus), soit environ 10 % du produit intérieur brut (idem en France). Autrement, un panorama global en matière de dépenses de santé à peu près équivalent entre la France et les Pays-Bas. Les fondements de l’organisation du système de santé aux Pays-Bas sont également identiques : un accès aux soins pour tous, une solidarité fondée sur une assurance obligatoire pour tous et accessible par tous, une bonne qualité des soins. Ces fondements on les retrouve dans les quatre lois fondatrices du système de santé néerlandais :

→ la loi relative à l’Assurance maladie (2006), dont la mise en œuvre est confiée à des assureurs privés mis en concurrence dans le cadre d’un marché public contrôlé et régulé par l’État ;

→ la loi relative aux soins de santé de longue durée (2015), dont la mise en œuvre revient à l’État uniquement ;

→ la loi relative au soutien social concernant essentiellement les personnes âgées et les personnes en situation de handicap (2015), dont la mise en œuvre est confiée aux 400 communes des Pays-Bas ;

→ et enfin la loi relative à la jeunesse (2015) et donc concernant les enfants et adolescents, dont la mise en œuvre est également confiée aux communes.

Les objectifs portés par la réforme de 2006 étaient d’offrir à tous les Néerlandais une protection de base étendue en matière de soins de santé, en confiant celle-ci à des opérateurs (assureurs de santé et prestataires de soins de santé) mis en concurrence les uns les autres. Quasiment tous les assureurs de santé (24 actifs aux Pays-Bas) sont organisés sous une forme de coopérative, c’est-à-dire des institutions à but non lucratif. Il s’agissait de passer d’une logique basée essentiellement sur l’offre de soins à une logique basée sur la demande de soins (approche institutionnelle versus approche populationnelle), afin de diminuer les listes d’attente, la bureaucratie, et de centrer l’action sur l’amélioration de l’efficacité et de la qualité. Les assureurs exercent une certaine influence sur les prestataires de soins en passant avec eux des contrats sélectifs lorsqu’ils achètent des soins ; les assurés exercent également une influence sur les assureurs puisqu’ils peuvent librement changer d’assureur chaque année et donc faire jouer la concurrence. Le tout avec un État chargé de contrôler, mais également de définir le marché des prestations de soins assurées obligatoirement.

Les deux autres lois portant sur les soins de longue durée et le soutien social ont pour objectifs d’améliorer la qualité des soins, d’avoir une approche intégrale des besoins, mais également de maîtriser les coûts tout en garantissant l’accès aux soins, dans un contexte (comme en France) d’augmentation du vieillissement et de croissance des maladies chroniques. Même si, dans un premier temps, c’est la solidarité de l’entourage proche de la personne qui est privilégié, ainsi que ses moyens personnels. Ce n’est que si ceux-ci n’existent pas et que la personne a besoin d’une prise en charge 24/24 que la personne peut prétendre à une aide. Concernant le soutien social, ce sont les communes qui en sont chargées car elles sont plus proches des citoyens et donc mieux à même de proposer une offre de soins efficace de plus grande qualité (les communes néerlandaises assurent en quelque sorte les missions aujourd’hui assumées par les conseils départementaux en France).

L’ASSURANCE MALADIE NÉERLANDAISE

L’État est garant du respect de la couverture universelle et des conditions de prise en charge. À ce titre, il s’assure que chaque citoyen est affilié à une assurance (de base) couvrant les frais médicaux tout en lui laissant la liberté de choisir son assureur ; que les assureurs assurent bien de manière obligatoire ces personnes au titre de l’assurance maladie, et ce, quel que soit leur état de santé ; que le montant des primes de l’assurance de soins de santé proposée soit identique pour chaque assuré, indépendamment de son état de santé, de son âge ou de son passé médical ; que les assureurs de soins de santé proposent bien une offre de soins disponible pour l’ensemble de leurs assurés ; enfin, l’État fixe le contenu de la couverture de base. En revanche, la mise en œuvre relève des prestataires de soins de santé, des assureurs-maladie et des assurés eux-mêmes, qui, du coup, ont une grande liberté, partant du postulat que le fonctionnement du marché et la concurrence sont à l’origine de stimuli participant à une meilleure qualité des soins proposés et permettant de travailler de façon efficace. Après conseil auprès de l’Institut national des soins de santé aux Pays-Bas (indépendant), l’État détermine la couverture de base qui est très étendue et inclut la majeure partie des soins médicaux, des médicaments et des matériels médicaux essentiels. Les soins de kinésithérapie et les soins dentaires sont partiellement remboursés. Sur cette base, les assureurs de soins de santé déterminent les offreurs de soins et leur localisation, avec lesquels ils négocient de manière sélective sur la base des informations disponibles en matière de qualité, d’efficacité et du retour des clients. Les assureurs ont l’obligation de proposer une offre de soins dans la couverture de base qui soit disponible pour l’ensemble de leurs assurés. Par ailleurs, les assureurs de soins de santé proposent des mutuelles complémentaires permettant d’obtenir le remboursement d’autres soins et auxquelles souscrivent environ 90 % des Néerlandais. Chaque assuré décide lui-même de souscrire ou non une mutuelle complémentaire et, le cas échéant, s’il souhaite le faire auprès du même assureur que celui auprès duquel il a déjà souscrit la couverture de base. La mutuelle est entièrement régie par le droit privé et l’État ne les soumet à aucune règle restrictive (contrairement donc à la France où la mutuelle a été rendue obligatoire).

L’amélioration de la qualité repose sur l’hypothèse que la mise en concurrence des assureurs et des prestataires de soins est source d’augmentation de la qualité. Assurés, assureurs et offreurs de soins sont donc les acteurs essentiels de l’amélioration de la qualité. Les assurés peuvent choisir d’autres prestataires de soins de santé et ont chaque année la possibilité d’opter pour un meilleur assureur de soins de santé, ce qui met la pression sur les neuf groupes proposant une assurance maladie, sans compter qu’ils peuvent exprimer leur mécontentement par le biais de leurs organismes représentatifs. Les assureurs de soins de santé contrôlent la qualité et l’efficacité des prestations de soins qu’ils “achètent”. Lorsque les soins de santé ne sont pas d’un niveau satisfaisant, les assureurs peuvent alors décider de ne plus contracter avec les établissements concernés. En raison du fait que le budget consacré aux soins de santé est un budget défini, les assureurs de soins de santé sont incités à faire preuve de discernement dans l’achat de soins de santé. En outre, les assureurs de soins de santé contrôlent que les déclarations présentées par les prestataires de soins de santé sont correctes et que les soins déclarés ont été effectivement fournis et l’ont été de manière efficace. Du fait de leur obligation de fournir des soins, les assureurs-maladie doivent, si besoin, proposer leur entremise dans la recherche de prestataires de santé. Enfin, les prestataires de soins de santé déterminent comment les soins de santé sont fournis. Ils prennent également les décisions finales dans les salles de consultation et les lieux de traitement médical. Les prestataires de soins de santé ont, eux aussi, dans ce cadre, en tant que groupe professionnel, établi des directives relatives à la qualité des soins proposés.

Pour recevoir des soins, le système de soins fonctionne comme tel : sauf aide médicale urgente, le Néerlandais se rend chez son médecin traitant qui fait office de gate keeper et le renvoie le cas échéant chez un spécialiste ou un hôpital si nécessaire. L’assuré choisit lui-même les soins de santé disponibles et, dans ce cadre, l’assureur-maladie remplit un rôle de conseiller et de médiateur. Le prestataire de santé pour lequel il est opté discute des possibilités de traitement avec le patient et procède aux soins en question.

L’assurance maladie néerlandaise est financée sur la base de cotisations versées par les assurés et les employeurs. Chaque assuré paye, à partir de ses 18 ans, une prime “nominale” à son assureur-maladie. En moyenne, cette prime s’élève à 1 200 euros par an. À cela s’ajoute une franchise de 385 euros (en 2016) pour chaque assuré âgé de plus de 18 ans ayant pour but, entre autres, de sensibiliser les citoyens à la question du coût des frais de santé. Un certain nombre de formes de soins proposées (tels que les soins prodigués par les médecins traitants et les soins postnataux) ne tombent pas sous le coup de cette franchise. En ce qui concerne les enfants et les jeunes personnes de moins de 18 ans, l’État acquitte les frais de l’assurance en puisant dans les moyens généraux. Il y a par ailleurs une cotisation en fonction du niveau du revenu payée par l’employeur. Au niveau macro, il s’agit d’un montant comparable à celui de la cotisation annuelle. Cette cotisation en fonction du niveau de salaire combinée à la contribution de l’État pour les enfants et les jeunes personnes de moins de 18 ans sont versées au fonds de l’assurance maladie. Pour certains soins relevant de la couverture de base, les assurés doivent payer une contribution personnelle en sus de la franchise. Il s’agit dans ce cadre de produits et services tels que le transport des malades, les appareils auditifs, certains médicaments et les chaussures orthopédiques. Les assurés peuvent également opter, de leur propre initiative, pour une franchise de 500 euros au maximum, et ainsi payer une prime nominale d’assurance plus faible. Enfin, pour les personnes à faibles ressources, existe une aide financière dont le paiement est effectué par les services de l’administration fiscale. Cette aide permet de couvrir une part importante de la prime d’assurance maladie et de la franchise.

Les assureurs de soins de santé sont donc financés avec ces cotisations, mais également une contribution d’ajustement. En fonction de l’état de santé de ses assurés, un assureur perçoit une cotisation plus élevée ou plus faible en provenance du fonds d’assurance des soins de santé. Sans cet ajustement du risque, il ne serait pas possible d’avoir un champ d’action égal pour tous du fait de ces conditions, étant donné que les assureurs avec de meilleurs risques et ceux avec des risques moins avantageux ne bénéficient pas de la même base de manœuvre. En outre, cet ajustement doit prévenir que les assureurs de soins de santé procèdent à une sélection sur la base des risques. Autrement dit, le système a prévu les phénomènes de sélection adverse.

Dans le cadre du contrôle des soins remboursés au titre de la loi sur l’assurance maladie, diverses parties sont chargées d’un certain nombre de missions formelles. L’État a à charge le contrôle de l’intégralité du système de santé et fixe les conditions de qualité auxquelles les soins doivent répondre. Diverses instances publiques ont pour tâche de contrôler ces exigences de qualité :

→ l’autorité néerlandaise en matière de soins de santé veille à ce que la loi sur l’assurance maladie soit appliquée correctement et est l’autorité de surveillance sur les marchés des soins de santé ;

→ l’autorité des consommateurs et du marché est chargée de s’assurer du respect des règles de concurrence sur le marché des soins de santé dans l’intérêt des patients et des assurés ;

→ l’inspection des soins de santé est chargée de contrôler la qualité et la sécurité des soins de santé et mettre en œuvre les pouvoirs dont elle dispose en la matière.

L’EXPÉRIENCE RÉUSSIE DES PAYS-BAS ?

Le système d’assurance maladie aux Pays-Bas repose donc sur une assurance pour les soins de longue durée gérée par l’État, une couverture de base gérée entièrement par des assureurs privés mis en concurrence ; une couverture complémentaire gérée également par les mêmes assureurs privés. L’assurance maladie est obligatoire pour tout le monde ; les assureurs doivent assurer tous les citoyens ; il existe un fonds de péréquation des risques ; l’assuré peut choisir son assureur et en changer tous les ans. Il revient à l’État de définir la couverture de base ; les assureurs négocient les offreurs les soins. L’État prend également en charge les personnes les plus vulnérables (jeunes jusqu’à 18 ans, les personnes à faibles revenus, les maladies de longue durée). Pour quels résultats ? Il n’y a plus de déficit public, le coût étant finalement supporté par les assureurs privés, à charge pour eux de s’équilibrer par une meilleure efficacité. Les frais de gestion ont connu une forte baisse et, depuis 2012, les assureurs privés font des profits. Le système est par ailleurs très égalitaire puisqu’il n’y a aucune discrimination par les risques, le panier de biens couvert est très étendu, les plus modestes sont pris en charge par l’État, les indicateurs de qualité des soins placent les Pays-Bas parmi les premiers pays, les dépenses consacrées à la santé restent élevées mais ne contribuent à aucun déficit public.

À quand la mise en concurrence de l’Assurance maladie en France ?

La sélection adverse

Selon les théories de l’assurance, en situation d’asymétrie de l’information entre l’assureur et l’assuré, « les mauvais risques chassent les bons », ce qui contrarie l’équilibre financier de l’assureur et l’incite à des stratégies de sélection des risques. Seuls les agents à hauts risques s’assurent, les agents à bas risques préférant ne pas s’assurer en raison du coût d’une assurance fondée sur un risque moyen plus important que le leur. Dans ces conditions, l’assureur est en déficit et ne peut qu’augmenter les primes, ce qui amène de nouveaux agents à ne plus s’assurer et donc, à terme, conduit à la disparition de l’assureur. Or seule une assurance universelle (obligatoire) et des conditions de prime et de couverture indépendantes de l’état de santé peuvent assurer le traitement équitable des assurés, l’efficacité du marché, l’assurance à long terme, et empêcher l’éviction des hauts risques. Il revient à l’État d’imposer cette forme de tarification de l’Assurance maladie.

POUR EN SAVOIR PLUS

• “Les soins de santé aux Pays-Bas”, ministère de la Santé, du Bien-être et des Sports, janvier 2016.