Objectif Soins n° 248 du 01/09/2016

 

Ressources humaines

Arnaud Gautier  

Qu’entend-on par implication ? Qu’est-ce que l’émotion ? Et comment ces deux notions interagissent ? En tant que cadre de santé, il est important de s’interroger sur les outils managériaux favorisant l’implication au travail. À cet égard, nous nous devons d’examiner l’influence de la compétence émotionnelle du cadre de santé sur l’implication au travail des soignants.

Ces dernières années, les réformes structurelles qui s’opèrent à l’hôpital sont quasiment constantes : certification, création de la tarification à l’acte, gouvernance en pôle d’activité… Ces transformations systémiques génèrent parfois des mécanismes de défenses qui compromettent la mobilisation collective et l’épanouissement individuel. Le cadre de santé se doit de se questionner sur la dimension émotionnelle dans un contexte en constante évolution. Un contexte qui laisse peu de place à l’expression congruente des émotions des soignants. Le rôle du cadre de santé semble primordial pour créer les conditions d’appui à l’implication des soignants (motivation, adhésion, satisfaction…). Nous cherchons à identifier les ressources qui permettent au cadre de santé de développer les conditions nécessaires à l’implication de ses collaborateurs. La compétence émotionnelle, encore peu connue à l’hôpital, peut-elle influencer l’implication des soignants dans une unité de soins hospitalière ? Goleman donne un élément de réponse : « Ce qui soude les individus au sein d’une équipe, et qui les implique dans une entreprise, ce sont les émotions qu’ils éprouvent. »(1)

L’IMPLICATION, UNE QUESTION DE SENS

Bien qu’il ne soit pas toujours aisé de comprendre les liens entre un soignant et son travail, il existe un attachement, une relation faite d’interactions entre ces deux entités. Selon Sandra Michel(2), « l’implication concerne la manière dont l’individu se projette et s’identifie dans son travail (…). L’implication va donc déboucher sur un type de relation entre l’individu et l’organisation, l’individu et son travail »(3). L’étude de l’implication des soignants dans une unité de soins exige d’apprécier la complexité du processus dont elle résulte.

La valeur-travail : une notion individuelle

L’histoire de vie et les origines culturelles d’un soignant sont déterminantes dans son choix de carrière. En effet, le soignant est avant tout un sujet qui n’est pas réductible à une fonction. Cette personne est porteuse d’une histoire de vie influencée par les rencontres humaines. Il est donc difficile de vouloir scinder en deux sphères distinctes la vie professionnelle et la vie personnelle d’une personne. Néanmoins, nous considérons la valeur-travail comme la valorisation du travail en comparaison aux autres sphères de l’existence d’une personne. Pour comprendre la notion d’implication, il paraît essentiel que le cadre de santé s’intéresse à ce que le soignant transfère de lui-même dans son travail. Ainsi, le soignant s’implique dans une unité de soins car il peut s’y reconnaître. L’implication au travail correspond au souhait d’un soignant à adhérer aux valeurs de l’unité.

Travailler, c’est fabriquer sa place

Le travail est un affrontement à l’environnement et au contexte professionnel avec une dimension de contrainte et une dimension de nécessité qui sont susceptibles de produire de l’effet sur les comportements des soignants. Le travail à l’hôpital est régulièrement décrit comme une succession de difficultés qui ne doivent pas être vécues comme des freins mais comme des opportunités au service du développement des soignants. Cette conception de la dynamique souffrance et plaisir au travail nous permet de faire des liens avec la clinique du travail. Christophe Dejours(4) indique que « l’expérience de la souffrance ne représente donc pas l’aboutissement d’un processus et n’est pas pathogène en soi, mais elle peut être subvertie en plaisir, quand certains obstacles ont été dépassés et que la contribution individuelle à la solution peut retrouver une forme de reconnaissance par les autres »(5). Le sens au travail naît à travers le regard des autres. D’après Maurice Thévenet(6), « il est important pour la personne de faire, de réaliser, d’être utile »(7). Au vu de ces éléments, nous pouvons prétendre que travailler, c’est fabriquer sa place. Donner du sens à son travail ne s’impose pas. Il est l’aboutissement d’un processus qui se construit en combinant l’accomplissement de soi et une validation collective. « Le soignant développe le sens au travail lorsqu’il échange avec les autres professionnels de santé dans son environnement de travail. »(8)

L’implication du soignant

Tout ce qui précède met en évidence que l’implication au travail d’un soignant ne se prescrit pas. Néanmoins, la relation managériale demeure au centre du processus d’implication du soignant...