Manutention des patients, des équipements, du matériel, utilisation de chariots, marche quotidienne, piétinement… Le quotidien des soignants n’est pas de tout repos. Avec un risque inhérent à la pratique du soin, celui lié aux postures, qu’il convient de combattre pour une meilleure qualité de vie au travail des soignants.
Marie est infirmière en établissement de soins de suite et de réadaptation (SSR) dans le Pas-de-Calais. Chaque jour, elle parcourt des kilomètres
Pousser des chariots chargés de matériel, déplacer des lits ou d’autres équipements, aider un patient à se mouvoir, le soulever pour un soin… Marie l’avoue : tous ces gestes finissent par la fatiguer.
Car, malgré les progrès réalisés dans l’aménagement des postes de travail, l’activité physique des soignants reste l’une des principales causes d’accidents du travail, de maladies professionnelles ou d’inaptitudes au travail. Bien sûr, les facteurs de risque dépendent de l’individu et de son environnement physique, mais également du choix mené dans l’organisation d’un service de soins. Les gestes répétés, la cadence, le rythme de travail, les niveaux d’efforts ainsi que les contraintes liées aux situations de travail mènent bien souvent à des conduites à risques.
D’après l’enquête SUMER 2010
Ces derniers représentent l’un des sujets parmi les plus préoccupants de la médecine du travail : c’est la première cause de maladies professionnelles indemnisées et la première cause de journées d’arrêts de travail.
D’après l’Institut national de veille sanitaire, les troubles musculo-squelettiques et les lombalgies représentent 83 % des maladies professionnelles reconnues par le régime général. En 2010, le nombre de victimes de troubles musculo-squelettiques dans le secteur de la santé était de 6 712, faisant du secteur sanitaire le deuxième secteur le plus touché après le commerce et l’industrie.
Les troubles musculo-squelettiques représentent une quinzaine de maladies touchant les muscles, les tendons et les nerfs des membres et de la colonne vertébrale. Outre la douleur, ils peuvent provoquer une perte de force ou des raideurs, voire entraîner des mouvements maladroits qui peuvent conduire à une mise en danger du patient si le soignant en souffre.
Les maisons de retraite sont les établissements de santé qui souffrent le plus des risques liés aux postures : une part non négligeable des patients y est en effet dépendante, ils nécessitent de l’aide du lever au coucher, en passant par les repas, la toilette, l’habillage, mobilisent de nombreuses ressources physiques, matérielles et psychologiques chez le soignant.
Ces actes répétés, demandant des efforts, finissent par sur-solliciter l’appareil locomoteur, conduisant à des mauvaises postures, elles-mêmes responsables de troubles musculo-squelettiques. Pourtant, en utilisant les moyens de protection adéquat (outils de manutention et techniques de levage appropriées), le risque peut être minimisé.
Pourtant, la prévention existe et se situe à trois niveaux, que ce soit au niveau du personnel, du matériel ou du patient lui-même. Une prévention qui vise à éviter l’apparition d’une forme chronique et à une aggravation pouvant conduire à une invalidité. La prévention revêt plusieurs aspects. Différentes aides matérielles existent, comme les lève-personnes ou d’autres dispositifs facilitant le déplacement des patients, dans différentes positions (assise, allongée) : « Mais l’utilisation de ces dispositifs demeure chronophage », reconnaît Marie, qui renonçait parfois à les utiliser pour lever un malade.
Pour pallier les risques, le travail en binôme a fait ses preuves dans l’établissement où elle travaille : « Nous avons dû changer un peu nos habitudes, car, par souci de rapidité, d’habitude, nous travaillions souvent en solo, pour nous occuper des malades. Par manque de personnel aussi. Mais depuis quelque temps, nous avons changé ces mauvais comportements pour en adopter un autre qui a considérablement changé la donne : avec une aide-soignante, on installe le patient sur des dispositifs facilitant le lever et le déplacement, ce qui rend nos gestes plus rapides mais surtout plus sûrs, pour nous et pour le patient. Nous minimisons le risque de chute, qui reste un risque important lorsque nous travaillons seules. »
Un travail amorcé par le passage d’une ergothérapeute qui a observé le travail de l’équipe soignante pendant quelque temps pour en dresser un portrait-type et surtout apporter une correction aux actes qui le nécessitaient. « Le travail de l’ergothérapeute a été primordial pour prévenir l’apparition de nouveaux TMS, ajoute Sandra, cadre de santé dans cette unité SSR. C’est lui qui a évalué les risques liés aux comportements de nos équipes et aux conditions de travail humaines et matérielles avant de nous proposer différentes solutions matérielles et humaines. L’accent a notamment été remis sur la formation pour ré-apprendre les bons gestes de manutention pour se protéger », explique Sandra, qui avait constaté qu’avec le temps, les mauvaises habitudes aidant, les mauvais gestes se multipliaient. L’ergothérapeute a également remis à plat l’utilisation du matériel mis à la disposition des soignants pour en optimiser le fonctionnement : « En faisant les mauvais gestes, on oublie peu à peu ceux qui sont censés nous faciliter la tâche », admet Marie.
Des formations sont dispensées aux nouveaux arrivants, à tout niveau de compétences pour permettre de partir sur des bases saines, les jeunes étant parfois plus sensibles à la prévention des troubles musculo-squelettiques que les plus anciens. Un pis-aller que l’ergothérapeute a choisi de mettre en place faute de pouvoir aménager directement l’environnement de travail qui souffre parfois des aléas architecturaux des services de soins.
Mais lorsque des changements environnementaux sont envisageables, la démarche d’ergonomie participative fait ses preuves : dans celle-ci, tous les corps de métiers sont engagés pour parvenir à de meilleures conditions de travail. Dans l’étude européenne Next (Nurses’ Early Exit Study)
Pourtant, comme l’indique Madeleine Estryn-Behar, médecin du travail, dans son ouvrage
La prévention des risques liés à l’activité physique (Prap) dispose d’une formation spécifique qui permet au salarié d’être acteur de sa propre prévention mais aussi de devenir acteur de la prévention au sein de son établissement. Cette formation s’adresse principalement aux salariés qui ont dans leur activité une part importante d’activité physique telle que la manutention manuelle, le port de charges, les travaux ou gestes répétitifs, les postures de travail prolongées, et leurs corollaires, c’est-à-dire ce qui peut nuire à leur santé (lombalgies, affections ou lésions articulaires) ou entraîner des efforts inutiles ou excessifs. Elle est ouverte à tout salarié concerné par la prévention des risques liés à l’activité physique. Il existe une filière spécifique pour les salariés du secteur sanitaire et social (filière Prap 2S). À l’issue de cette formation de 21 heures, le salarié obtient un certificat Prap 2S valable 24 mois qui lui permet de participer à l’amélioration de ses conditions de travail de manière à réduire les risques d’accidents du travail ou de maladies professionnelles. Elle implique un engagement de l’encadrement et peut conduire à des modifications organisationnelles.
• “Investiguer la qualité de vie au travail dans le cadre de la certification” • Synthèse des résultats de l’expérimentation (Haute Autorité de santé) : via le lien raccourci bit.ly/2bYPqnn • “L’intervention ergonomique participative pour prévenir les TMS” (étude québécoise) via le lien raccourci bit.ly/2cAXsZg • “Analyse du rapport coût/bénéfice des actions de prévention” (avec un exemple sur le risque manutention des soignants) – Étude de l’INRS à télécharger via le lien raccourci bit.ly/2c1zEZl