Malaise Cet été, la profession a été endeuillée par le suicide de quatre IDE et un cadre. Des drames qui attirent l’attention sur la dégradation des conditions de travail et la montée des risques psycho-sociaux. En exclusivité, la ministre a répondu à notre journaliste pour espaceinfirmier.fr.
« L’un de nos collègues a mis fin à ses jours sur son lieu de travail, la seconde a laissé une lettre, communiquée par son mari, mettant en cause ses conditions de travail », pointe la Coordination nationale infirmière (CNI) dans une lettre ouverte adressée le 1er juillet à Marisol Touraine. Le syndicat alerte à nouveau la ministre de la Santé « au sujet du mal-être des soignants qui s’amplifie dans un contexte de restrictions budgétaires, face à la multiplication des injonctions contradictoires, à la mobilité à outrance, à la polyvalence imposée et aux conditions de travail de plus en plus dégradées ». Les drames du 13 juin au CHU de Toulouse (Haute-Garonne), du 24 juin au Groupe hospitalier du Havre (Seine-Maritime), puis ceux du 8 juillet au CH de Saint-Calais (Sarthe) et des 23 juillet et 13 août dans un service de santé au travail de la région de Reims (Marne) mettent en lumière un lourd problème de dépistage du burn out infirmier. En effet, les suicides du mois de juin sont intervenus dans un contexte de réorganisation des services, pointée du doigt par les syndicats des établissements. Alors que la gestion actuelle des hôpitaux impose aux agents un exercice « en inadéquation avec les valeurs professionnelles », la CNI dénonce « cette non-assistance à personnels en danger ainsi que l’abandon dont fait preuve la tutelle ». Elle exhorte la ministre de la Santé à « prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir la survenue d’autres drames ». Celui du 8 juillet a déclenché un véritable bras de fer entre la direction et les syndicats (lire la brève de la page ci-contre “Enquete”)…
L’Ordre national des infirmiers estime dans un communiqué daté du 30 juin que la lutte contre les risques psychosociaux « doit constituer une priorité de la politique hospitalière ». La CNI a adressé le 2 septembre une lettre ouverte à François Hollande, indiquant qu’« il est impératif d’arrêter les diminutions d’effectifs, de définir des ratios soignants au lit du patient et de mettre en place une réelle prévention des risques psychosociaux dans les établissements de soins » avec les moyens financiers adéquats, insiste le syndicat infirmier.
Réponse de la ministre de la Santé, Marisol Touraine, qui promet de nouvelles mesures de prévention des risques psychosociaux à l’automne. « Profondément attristée d’apprendre le décès par suicide de plusieurs infirmiers au cours des dernières semaines », la ministre de la Santé et des Affaires sociales a exprimé « à leurs collègues et amis, ainsi qu’aux communautés hospitalières concernées » son « soutien » et sa « solidarité », affirme-t-elle. « Je me suis également assurée qu’un accompagnement approprié était proposé à ceux qui en exprimaient le besoin dans ces circonstances exceptionnelles et j’ai tenu à ce que tout soit entrepris pour mieux comprendre les raisons de ces actes dramatiques, car tout suicide est évidemment une situation particulière, complexe et multifactorielle par nature. Ces investigations sont aujourd’hui en cours et je tirerai tous les enseignements possibles de ces événements dramatiques. »
Marisol Touraine explique par ailleurs son silence public sur ces drames. « J’estime que le respect des proches comme la recherche de la vérité imposent de la réserve et de la retenue, incompatibles avec une communication de l’instant. » « Sans conclure à ce stade sur les raisons qui ont malheureusement amené ces personnes à commettre l’irréparable », la ministre de la Santé reconnaît qu’il faut « à l’évidence amplifier les efforts » en matière de prévention des risques psycho-sociaux, une thématique « trop longtemps sous-estimée au sein des établissements ». Marisol Touraine annoncera à l’automne « une série de nouvelles mesures, qui s’appuieront notamment sur les travaux actuellement menés par l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) ».
Elle tient également à rappeler « le travail de fond » engagé depuis 2012. « La loi de santé de janvier 2016 prévoit également que les conférences territoriales de dialogue social prévues dans le cadre des groupements hospitaliers de territoire (GHT) seront amenées à se pencher sur les organisations et les conditions de travail », ajoute la ministre. Une nécessité dans le cadre des mutualisations à venir.
Propos recueillis par Aveline Marques