Objectif Soins n° 248 du 01/09/2016

 

Droit

Gilles Devers  

Les services des urgences sont-ils plus exposés que les autres à l’engagement de leur responsabilité ? Bien sûr, car l’activité est nécessairement à risques… mais sans excès, car la base reste la faute.

La faute n’est pas analysée dans l’absolu, mais en fonction des contingences que rencontrent ces services, soit pour l’activité du service d’aide médicale urgente (Samu), soit aux urgences hospitalières. Examen de quelques décisions de jurisprudence récente qui illustrent ces problématiques.

LA RÉGULATION

En vertu des articles L. 6311-1 et L. 6311-2, R. 6311-1 et 6311-2 du Code de la santé publique, le centre de réception et de régulation des appels (CRRA ou centre 15) du Samu, rattaché à un établissement public de santé, est chargé d’assurer une écoute médicale permanente, de déterminer et de déclencher la réponse la mieux adaptée à la nature des appels, de s’assurer de la disponibilité des moyens d’hospitalisation adaptés à l’état du patient, d’organiser si besoin le transport dans un établissement de santé et de veiller à l’admission du patient.

Le médecin régulateur du centre 15 est chargé d’évaluer la gravité de la situation et de mobiliser l’ensemble des ressources disponibles (médecins généralistes, service mobile d’urgence et de réanimation- SMUR-, ambulances, services d’incendie et de secours), en vue d’apporter la réponse la plus appropriée à l’état du patient et de veiller à ce que les soins nécessaires lui soient effectivement délivrés.

À cet effet, ce médecin, assisté de permanenciers auxiliaires de régulation médicale qui localisent l’appel et évaluent le caractère médical de la demande, coordonne l’ensemble des moyens mis en œuvre dans le cadre de l’aide médicale urgente, vérifie que les moyens arrivent effectivement dans les délais nécessités par l’état de la personne concernée et assure le suivi des interventions.

Enfin, la détermination par le médecin régulateur de la réponse la mieux adaptée se fonde sur trois critères, à savoir :

• l’estimation du degré de gravité avérée ou potentielle de l’atteinte à la personne concernée,

• l’appréciation du contexte, l’état et les délais d’intervention des ressources disponibles,

• dans le meilleur des cas, le dialogue entre le médecin régulateur et la personne concernée, ou, le cas échéant, son entourage.

Ce, « en relation notamment avec les dispositifs communaux et départementaux d’organisation des secours, [afin d’]assurer aux malades, blessés et parturientes, en quelque endroit qu’ils se trouvent, les soins d’urgence appropriés à leur état ».

Ces appréciations reposent sur un dialogue entre le médecin régulateur et la personne concernée, ou, le cas échéant, son entourage.

Voici trois affaires récentes pour illustrer cette mission.

Négligence du médecin dans l’évaluation

Les faits. Un soir à 22 h 46, un homme a été mis en relation avec le Samu rattaché au centre hospitalier de Laon (Aisne), au sujet de l’état de santé de sa compagne. La retranscription des entretiens téléphoniques avec la permanencière, à 22 h 46 et à 23 h 22, établit que le compagnon faisait état de vomissements, d’une diarrhée très importante et d’un ictère sur tout le corps. Il avait parlé d’une forte consommation de l’alcool et que son amie était atteinte d’une cirrhose, et refusait de se soigner

L’analyse. Informé, le médecin régulateur n’a pas procédé à une estimation plus approfondie du degré de gravité avérée ou potentielle de l’atteinte de la patiente. Ainsi, il a sous-évalué l’état médical et s’est abstenu d’engager une médicalisation de la prise en charge...