Objectif Soins n° 249 du 01/10/2016

 

Ressources humaines

Yannick Moszyk  

La loi du 4 mars 2002 à l’article L 1110-4 du Code de la santé publique définit le dossier du patient comme étant « le lieu de recueil et de conservation des informations administratives, médicales et paramédicales, formalisées et actualisées, enregistrées pour tout patient accueilli, à quelque titre que ce soit, dans un établissement de santé ».

La Haute Autorité de santé (HAS) complète la définition du dossier du patient en 2003, en insistant sur son côté dynamique. Ainsi, pour l’agence, « ses composantes administratives et soignantes intègrent des éléments communs et partagés. […] C’est un outil de réflexion et de synthèse médicale et paramédicale, en vue de la démarche préventive, diagnostique et thérapeutique. Les informations qu’il comporte favorisent la coordination de la prise en charge du patient au cours et à l’issue de son contact avec l’établissement de santé »(1). Le dossier patient constitue donc un élément essentiel pour la prise en soin du patient. Bien plus que la traçabilité de toutes les actions réalisées lors du passage dans l’établissement de santé, ce dossier est un outil central qui valorise la communication, la coordination et l’information entre les acteurs de soins et avec le patient ou la personne de confiance. Il maintient la continuité des soins dans le cadre d’une prise en charge multiprofessionnelle en traçant les interventions liées à la restauration, la protection ou l’amélioration de la santé de la personne soignée et en reprenant l’ensemble des informations utiles tant à l’évaluation de ces actions qu’à la prise en charge d’une manière générale.

Son importance doit toutefois sans cesse être pensée afin d’éviter toutes négligences de traçabilité ou de mésusages des données qui impacteraient la qualité des soins.

LE CADRE DE SANTÉ : UN ACTEUR ESSENTIEL

Le cadre de santé apparaît donc comme le garant de cet élément majeur. Par ses actions, notamment d’organisation et de pédagogie, et par ses postures alliant accompagnement et évaluations, le manager se pose en responsable du bon usage du dossier au quotidien de l’hospitalisation du patient. Cette responsabilité est grande dans la mesure où le cadre de santé n’est pas seulement dans l’assurance de la simple réalisation et coordination des actions et des acteurs mais, à un niveau supérieur, dans la vigilance du bon fonctionnement du service de soin rendu à l’usager. Le cadre de santé doit maintenir ses savoirs autour du dossier patient et faire preuve de méthodologie, pour patiemment instiller à ses équipes la mesure des responsabilités qui leur incombent concernant les soins prodigués.

Une responsabilité importante

Même s’ils restent impliqués dans des actions de soins au plus proche du patient, les acteurs de soins n’ont pas forcément connaissance de leurs responsabilités liées à cet outil ; de ce fait, le cadre de santé doit veiller avant tout à ramener ses équipes dans un usage en conformité avec les attendus réglementaires et déontologiques dans la mesure où, selon la loi du 4 mars 2002, ce dossier relève à la fois des règles du secret professionnel et du droit à la communication des informations qu’il contient. Le cadre de santé est, là encore, celui qui rappelle la loi et la fait vivre au quotidien des services rendus à l’usager. Il a connaissance des textes qui réglementent le dossier patient et, avec humilité et pédagogie, les transmet aux agents afin que ceux-ci prennent peu à peu la mesure de leurs responsabilités. Les agents doivent en effet avoir des notions de base des éléments constituant le dossier patient ; que ce soit en termes de définition (régie par l’article L 1110-4 du Code de la santé publique, CSP, issu de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des patients), de composition (définie par l’article R 1112-2 du CSP et l’article R 1112-3 du CSP, issu du décret n° 2002-637 du 29 avril 2002 modifié par le décret n° 2006-119 du 6 février 2006) ou encore de protection des données à caractère personnel (application de la Directive européenne et du conseil 95/46, du 24 octobre 1995). Le cadre de santé est donc celui qui rappelle et transmet ; à ce titre, il maintient sa veille documentaire et n’hésite pas à collaborer avec les services juridiques, d’information médicale et de formation continue de son établissement pour maintenir dans son équipe les attendus liés au dossier patient en termes de responsabilité civile, pénale et administrative.

Évaluer les actions de soins

Dans ses recommandations, la HAS précisait aussi que le dossier de soins devait « contenir toutes les informations pertinentes sur les problèmes de santé, les diagnostics infirmiers, les observations pendant le séjour, les feuilles de transmissions infirmières, les interventions de soins, mes fiches de liaison interservices, la fiche de synthèse élaborée à la sortie du patient et la fiche de liaison pour les modalités de suivi »(2). Le cadre de santé, en tant que garant ultime du dossier patient, est légitime pour évaluer les actions mises en place dans la prise en soins du patient. Au travers d’une lecture journalière du dossier, le responsable de l’équipe récolte des informations sur le suivi de l’état de santé du malade et des informations sur la façon dont l’équipe a mis en place l’action de soin ou l’a évaluée. En résulte, pour le cadre de santé, des indicateurs lui permettant de mesurer le besoin en formation sur une compétence donnée pour tel agent ou le besoin en actions correctives sur la posture de tel autre agent.

Évaluer la collaboration

Le manager de santé évalue également la collaboration. Toujours dans ses recommandations, la HAS a indiqué en son temps que, « de façon complémentaire au dossier médical, les professionnels paramédicaux (infirmiers, kinésithérapeutes, diététiciennes, orthophonistes, etc.) ainsi que les autres professionnels de santé constituent un dossier appelé “dossier de soins paramédical”, contenant la trace de leurs observations et actions de soins, assurant la continuité des soins et permettent l’évaluation de leur qualité. Ces éléments constituant le dossier de soins intégrant le dossier du patient »(2).

Les écrits professionnels concernent donc tous les acteurs de l’hôpital, d’autant qu’ils sont à considérer comme étant indissociables de l’organisation et de la continuité des soins. Ils représentent donc un des éléments fondamentaux d’un travail en équipe. Le cadre de santé est le responsable de cette équipe paramédicale pluriprofessionnelle. Issu d’un métier antérieur, le cadre de santé n’est pas forcément expert sur l’ensemble des actions prodiguées par les différents professionnels de l’équipe. Néanmoins, il se doit de maintenir ses connaissances sur les compétences métiers de l’ensemble des agents dont il a la charge afin de pouvoir mieux évaluer, au travers du média dossier patient, les inter-relations professionnelles et la coordination en soins inhérentes. Il pourra ici proposer des actions correctives à destination des agents pour agir dans une optique d’amélioration de la qualité des soins. On peut par exemple citer comme actions des temps de rencontres interprofessionnelles afin que chacun puisse évoquer, voire dépasser ses propres représentations des attendus métiers des collègues ou encore des actions de collaborations spécifiques et médiatisées en vue d’améliorer la collaboration.

Une protection du patient

Depuis la loi du 4 mars 2002 relative aux droits du patient, les écrits professionnels restent un sujet de vigilance constante dans la mesure où les informations qui concernent le patient lui appartiennent, et sont donc sujettes à la confidentialité. L’accompagnement du cadre de santé autour du dossier patient est certes à destination des équipes dont il a la charge, il n’en demeure pas moins vrai que cet accompagnement se veut être un soin mis dans les soins afin que ces derniers soient instillés d’une empreinte de qualité et que les patients soient, dans ce contexte, protégés. Cette protection englobe le droit à la confidentialité des informations personnelles ainsi que le secret professionnel garantissant aux usagers la protection de leur vie privée. En fonction des situations, il convient donc de ne transmettre que les seules informations pertinentes pour l’avis demandé ou les besoins de l’acte effectué. Cet acte demande une certaine subtilité dans la juste appréciation des éléments à retranscrire. Ce à quoi le cadre de santé peut aider au quotidien des situations vécues. Le cadre de santé veille à ce que l’ensemble des informations relatives à la vie privée des personnes prises en charge soient protégées. Il fait alors preuve de vigilance au sein de son travail de soutien pour que l’équipe reste dans le respect de la protection des données. Une fois encore, sa lecture journalière du dossier patient lui permettra d’évaluer la teneur des informations et ainsi de proposer des actions correctives s’il juge qu’une transmission d’informations va trop loin en ne respectant pas l’intégrité ou la vie privée de la personne soignée. Il est à noter également que les actions peuvent être, dans certains cas, créatives en vue d’anticiper la protection des données.

LE CADRE DE SANTÉ, UN AMBASSADEUR

Respect du droit d’accès aux informations pour les patients

Pour rappel, la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, ainsi que le décret 2002-637 du 29 avril 2002 reconnaissent et garantissent le droit pour chaque personne d’accéder aux informations concernant leur santé obtenues par les institutions et les professionnels de santé. Quelle que soit la nature du support du dossier, chacun peut consulter les données le concernant, conformément à la loi du 6 janvier 1978 relative au droit d’accès aux informations. Ce droit est basé sur le principe d’autonomie qui lui permettra alors de prendre ses décisions en toute connaissance de cause.

Garant de la qualité du dossier de soins

En tant que représentant de service, le cadre de santé joue là encore son rôle de responsable, dans la mesure où il peut, selon les procédures en vigueur dans son établissement, être impliqué dans la retranscription des informations données au patient lorsqu’il le demande. En adéquation avec les recommandations de bonnes pratiques relatives à l’accès aux informations concernant la santé du patient (arrêté du 5 mars 2004), le cadre de santé sera donc celui qui, face au patient, témoignera des soins prodigués durant son séjour dans l’unité par l’équipe qu’il manage. Le cadre de santé sait que l’information de la personne soignée sur son état de santé fait partie intégrante de la relation de soin et le rappelle au quotidien dans son accompagnement des équipes. C’est pour cela qu’il veille à la qualité du dossier qui fait partie intégrante de la prise en charge en soin et c’est pour cela qu’il informe, au moyen d’affichages permanents, les patients sur les modalités d’accès au dossier de soin et sur les documents communicables ou non. Pour rappel, les documents communicables sont, comme stipulés dans la loi du 4 mars 2002, les résultats d’examens, les comptes rendus de consultations et d’interventions, les feuilles de surveillance ainsi que les correspondances entre professionnels de santé.

CONCLUSION

Le cadre de santé est un acteur majeur pour le bon usage du dossier patient par les équipes qu’il gère. Ses savoirs théoriques autour du sujet et ses habiletés relationnelles et pédagogiques l’aident pour garantir aux soignants une montée en compétences dans la retranscription des données. Sa vigilance accrue et son sens des responsabilités l’aident pour garantir aux patients un respect strict des attendus réglementaires et qualitatifs en termes d’informations transmises et de respect de la confidentialité. Ses actions sont multiples et comprennent collaboration, création et conduites d’amélioration pour insérer l’usage du dossier patient, et plus particulièrement la question des écrits professionnels, dans une démarche de qualité globale. Même si le secret professionnel est partagé et s’impose à tous les personnels des établissements de santé, le cadre de santé est celui qui garantit au patient une appréciation des écrits incluant respect de la confidentialité et respect de la vie privée.

Pour cela, il apporte à ses équipes rigueur et réflexion, pour tenter, avec eux, et à sa place, de soigner les situations de soins avec justesse et qualité.

BIBLIOGRAPHIE

Ermitas Ejzenberg. Les écrits professionnels dans le secteur social et médico-social, Perspectives Collection sociales, Vuibert, 2008.

“Évaluation des pratiques professionnelles dans les établissements de santé. Dossier du patient : réglementation et recommandation”, page 32, juin 2003. Consultable sur le site de l’Anaes : bit.ly/2d96n0u.

Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé, Manuel d’accréditation des établissements de santé, février 1999.

Loi du 4 mars 2002 : Droit des malades et qualité du système de santé ; loi du 13 août 2004 sur l’Assurance maladie.

Arrêté du 5 mars 2004, relatif à l’homologation des recommandations de bonnes pratiques de l’Anaes relative à l’accès aux informations concernant la santé d’une personne.

NOTES

(1) Évaluation des pratiques professionnelles dans les établissements de santé. Dossier du patient : Réglementation et recommandation. Juin 2003. Consultable sur le site de l’Anaes via ce lien raccourci : bit.ly/2d96n0u.

(2) Idem, page 32.