Objectif Soins n° 249 du 01/10/2016

 

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Caroline Bouhala  

Prise en charge « Le patient dément subit une double peine: il va avoir les plaies de l’âge et les plaies de la démence », explique Dr Emmanuelle Candas, gériatre à l’hôpital Sainte-Périne à Paris (AP-HP) à l’occasion de la 8e édition des Journées armoricaines plaies et cicatrisation (JAPC) qui se sont déroulées à Rennes (Ille-et-Vilaine) les 15 et 16 septembre dernier.

En effet, en plus des plaies “classiques” liées à l’âge, déjà plus nombreuses, le patient présente des plaies qui sont la conséquence directe de la démence elle-même, comme par exemple celles causées par de l’auto- ou hétéro-agressivité, des brûlures liées à une mauvaise perception de la sensation de chaleur, des plaies buccales pour certains patients présentant des troubles du comportement alimentaire leur rendant difficile la distinction entre la nourriture et son contenant. Face à un patient dément ne percevant pas le danger, le soignant doit renforcer sa propre vigilance et user d’astuces permettant d’anticiper les situations à risques : mettre en place des matelas en bas du lit pour prévenir les chutes ainsi que des protecteurs de ridelles, accompagner le patient pendant ses repas et proposer de la vaisselle en silicone, minimiser le risque de brûlure en installant des caches radiateurs, en préréglant le thermostat des douches à la bonne température, etc.

Mais elle rappelle tout de même que cette démarche doit toujours être bien réfléchie. « Le soignant doit avoir des réflexions éthiques afin d’éviter de générer de la plaie », ajoute-t-elle. Il arrive que, dans une volonté de bien faire, le soignant applique une contention physique passive au fauteuil, afin de protéger le patient de la chute mais qu’au final, cela cause plus de mal que de bien : « Cela a été le cas chez une patient qui a eu une escarre du creux axillaire suite à un drap appliqué sous les aisselles », illustre le gériatre.

En cas de plaie, le soignant doit, en plus des moyens de prévention, trouver des stratégies pour que le patient accepte de se faire soigner. « Mais sans être dans le conflit, précise-t-elle. Il faut trouver un équilibre entre protéger et respecter. » Le gériatre illustre ses propos par des anecdotes, comme celle d’un patient où le pansement a dû être fait en marchant à côté de lui, ou celle de cet ancien dentiste souffrant de la maladie d’Alzheimer, apaisé par le port de gants qui lui rappelaient son cadre professionnel. « Au total, plaies et démence, c’est comme les scouts, on fait de son mieux », conclut-elle.

Escarres et incontinence

Soigner une plaie ne passe pas uniquement par le soin apportée à la plaie, comme l’explique Amélie Chopin, IDE au Pôle Saint-Hélier à Rennes. « Le pansement, ce n’est pas ce qu’il y a de plus important dans la prise en charge des escarres. » En effet, l’incontinence, qu’elle soit urinaire ou fécale, est un facteur de risque reconnu dans la survenue et la non-cicatrisation d’escarres, tout comme la dénutrition, l’immobilité, etc. C’est donc un aspect à ne pas négliger pour permettre une bonne cicatrisation. Des moyens peuvent être mis en œuvre afin de minimiser le risque de fuites, comme l’accompagnement du patient aux toilettes plusieurs fois, une toilette intime quotidienne et, à chaque change, recourir à des protecteurs cutanées chez les sujets dont la peau commence à se fragiliser, corriger les problèmes de transit, etc. Et Lomig le Bihan, également IDE dans le même établissement, résume bien la situation : « Le pansement sera inefficace si l’incontinence n’est pas traitée. »