Sur le terrain
Cette cadre de santé au CHU de Caen (Calvados) est coordonnateur paramédical de la recherche en soins à la direction des soins. Elle prône la recherche comme axe de valorisation des compétences, axe dans lequel tous les infirmiers et autres professionnels paramédicaux trouveront leur place.
La recherche favorise l’innovation, l’expérimentation de nouvelles approches du soin et constitue un formidable levier d’amélioration de la qualité des soins et de valorisation des compétences. Elle permet de fournir des données probantes pour fonder les pratiques de soins. Les professionnels paramédicaux y ont pleinement leur place.
Cependant, un accompagnement est nécessaire pour ces professionnels de santé afin de les encourager et de les guider dans cette voie. Ainsi, en quasi-totalité, les Centres hospitalo-universitaires (CHU) de France ont désigné des coordonnateurs paramédicaux pour structurer et promouvoir la recherche paramédicale. Un poste dynamique qui fait le lien entre les différents hôpitaux dans l’optique de valoriser et promouvoir la recherche en soins.
Afin de porter, de promouvoir la recherche paramédicale et de partager leurs compétences, les coordonnateurs paramédicaux se sont fédérés en réseau. Ainsi, il y a deux ans, la Commission nationale des coordonnateurs paramédicaux de la recherche (CNCPR) a été créée. Elle est née d’une volonté commune de la commission des coordonnateurs généraux de soins de CHU et des professionnels paramédicaux en charge de la recherche en soins dans ces établissements. Cette initiative a été soutenue dès le départ par la Fédération hospitalière de France (FHF). La coordination générale des soins de chacun des trente-deux CHU a désigné un représentant coordonnateur paramédical de la recherche. À ce jour, quasiment tous les établissements sont représentés. La CNCPR est pilotée par Valérie Berger du CHU de Bordeaux (Gironde) et secondée par deux copilotes, Laurent Poiroux du CHU d’Angers (Maine-et-Loire) et Sébastien Colson de l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM). L’objectif global de cette commission, figurant dans la charte de fonctionnement, est de fédérer en réseau tous les coordonnateurs paramédicaux de la recherche des CHU en vue de promouvoir et de développer la recherche chez les professionnels de santé paramédicaux. Elle fonctionne avec un bureau composé de huit membres. Elle se réunit au moins trois fois dans l’année de manière formelle. Les colloques ou congrès de recherche paramédicale sont également des moments privilégiés de rencontre.
• Favoriser les échanges entre les établissements de santé pour dynamiser l’activité de recherche des professionnels paramédicaux est une mission essentielle. La constitution de ce groupe permet la mutualisation des ressources et compétences dans le domaine de la recherche en soins. Mais aussi le partage d’expériences, comme par exemple la création d’outils pour développer une offre de formation et des appels d’offre internes soutenant des initiatives de projets.
• De manière plus opérationnelle, cette structuration en réseau favorise aussi le développement de partenariats en vue d’études multicentriques.
• Cette commission se doit aussi de promouvoir une politique en faveur de l’universitarisation des professions de santé non médicales, notamment en soutenant la création d’une discipline des sciences infirmières à l’Université.
• La valorisation de la recherche menée par les paramédicaux passe aussi par la promotion et la diffusion des travaux au niveau national et international. Encourager la publication dans des revues de haut niveau fait donc aussi partie des objectifs de la CNCPR.
• Autre mission de la CNCPR : collaborer à l’élaboration des référentiels de formation des professionnels paramédicaux sur la thématique de la recherche. Du fait du lien étroit qu’elle entretient avec les équipes sur le terrain, elle est légitime pour contribuer aux réflexions nationales et internationales en lien avec la recherche en soins. À ce titre, la CNCPR siège à la Commission recherche et innovation (CRI) de la Conférence des directeurs généraux de CHU.
• Rendre visible l’activité de la CNCPR ainsi que sa légitimité incontournable pour toutes les décisions et réflexions stratégiques en matière de recherche est un défi que ce groupe va devoir relever.
Parmi les premiers travaux de la CNCPR, une cartographie
La création et son intégration dans le répertoire des métiers de la fonction publique hospitalière d’une fiche métier de coordonnateur paramédical de la recherche fait donc partie des objectifs prioritaires de la CNCPR. Elle est actuellement en cours de rédaction.
Le CHU de Caen participe activement au développement de la recherche paramédicale. Cette activité est en cours de structuration. Un réel engagement du directeur général et du coordonnateur général des soins permet de soutenir cette volonté. Pour valoriser et accompagner la réflexion des professionnels paramédicaux, un poste de coordonnateur de la recherche en soins a été créé au sein de l’équipe de la direction des soins en septembre 2014. La mission principale était de structurer et développer la recherche paramédicale.
L’histoire débute en 2013 avec la forte volonté du coordonnateur général des soins de développer la recherche paramédicale au sein de l’établissement. La participation aux premières Journées francophones de recherche en soins à Angers a fait office de prise de conscience. En effet, en 2013, il a été acté collectivement que les travaux réalisés par les professionnels paramédicaux sont possibles et que cette recherche a une réalité. La rencontre avec deux coordonnateurs de recherche issus d’établissements où cette structuration était déjà bien ancrée a renforcé cette conviction. Il était nécessaire que le CHU s’organise à son tour et permette un accompagnement des professionnels.
En septembre 2014, un cadre de santé est identifié et deux journées par semaine sont dédiées pour réfléchir à une structuration de la recherche paramédicale au CHU. Afin d’étudier les organisations qui fonctionnent, et s’en inspirer, “l’immersion” auprès de quelques collègues d’autres CHU (au nombre de trois) a été très bénéfique et formateur. Cela a permis de tisser des liens. Les coordonnateurs ont répondu “présent” à l’invitation de la journée de sensibilisation à la recherche paramédicale destinée aux professionnels du CHU (organisée en 2015). Cette journée a été un élément déclencheur de l’essor de cette activité au CHU.
En septembre 2015, le poste de coordonnateur paramédical de la recherche en soins à la direction des soins à 70 % est officiellement créé. Le choix de garder une activité de cadre de santé est un souhait, partagé, qui permet de garder la légitimité du terrain, non seulement par rapport aux autres professionnels qu’il faut convaincre, mais également par rapport aux activités de recherche menées par le coordonnateur. 2015 fut également l’année de l’ouverture pour la première fois aux paramédicaux de l’appel à projet régional du Groupement interrégional de recherche clinique et d’innovation et interne du CHU (appel à projet de recherche interne paramédicale).
Être le référent et coordonner toutes les activités en lien avec la recherche est une mission essentielle du coordonnateur. Informer, encourager la participation et l’investissement des professionnels passe par la diffusion des différents appels à projets nécessaires à l’obtention de financement pour la réalisation des études (besoin de temps paramédical, achat de matériel…). Cela passe, d’une part, par la promotion de la recherche non seulement auprès des collègues paramédicaux, mais également auprès de la communauté médicale qu’il faut parfois convaincre. D’autre part, le suivi des études en cours et le recensement des travaux des professionnels constituent une mission incontournable du coordonnateur.
Le coordonnateur de la recherche, appuyé par le coordonnateur général des soins, est l’interlocuteur privilégié et le porte-parole auprès des responsables de la recherche de l’établissement. Siéger au comité scientifique du CHU où ont lieu des discussions et prises de décision stratégiques permet de faire petit à petit une place aux paramédicaux.
Créer et animer un groupe de recherche en soins composés de professionnels compétents est une perspective envisagée à moyen terme et qui favoriserait également le partage d’expériences.
De l’idée jusqu’à la publication, un accompagnement méthodologique est proposé aux professionnels qui souhaitent faire de la recherche. Par exemple, à partir d’une problématique identifiée, proposer une formation à la méthodologie de la revue de la littérature avec les sites incontournables et les ouvrages à consulter. De fréquents échanges entre le coordonnateur et les professionnels permettent le cheminement de la réflexion ; et ainsi la rédaction des lettres d’intention (résumés permettant une première sélection) et des protocoles complets.
Nos projets suivent une rigueur scientifique et doivent répondre aux exigences réglementaires. Le coordonnateur a donc un rôle de lien avec le statisticien qui garantira la partie méthodologie statistique (calcul du nombre de sujets nécessaires, exploitation des données…) ainsi qu’avec la Délégation à la recherche clinique et l’innovation (DRCI). Le statisticien régule la partie des recherches quantitatives ou des méthodologies des sciences humaines et sociales, des recherches qualitatives. La DRCI régule la partie sur le choix du type protocole adéquat, les aspects éthiques et juridiques et l’élaboration du budget.
La soumission du protocole et de ses différents documents s’effectue ensemble, porteur de projet et coordonnateur. Cela marque l’aboutissement d’une première étape dans le long chemin d’une étude.
Lorsque le projet est financé, le travail de lien entre les différents acteurs ne s’arrête pas là, il se poursuit pour la présentation aux autorités compétentes éthiques et la validation finale, mais également dans la préparation de l’étude et jusqu’à l’inclusion du premier patient. Lorsque le projet n’est pas sélectionné, un accompagnement est réalisé pour soutenir l’équipe et l’aider à représenter un travail susceptible de répondre aux exigences méthodologiques. Pour le moment, l’activité étant récente, il n’y a pas d’étude arrivée à son terme aboutissant à la publication.
L’objectif de la mesure 11 de la feuille de route de la Grande Conférence de la santé
L’accompagnement méthodologique ne suffit pas à lui seul et une formation plus complète des professionnels est nécessaire. La première session d’une formation “initiation à la recherche” organisée en interne avec le concours d’experts a été réalisée en 2016. Environ une quarantaine de personnes y ont participé. Elle devrait être réitérée l’an prochain. Quelques professionnels ont fait le choix de continuer et s’inscrivent dans un cursus de DU en recherche paramédicale. Une initiation à la lecture critique d’articles, à la recherche documentaire et à l’utilisation d’outils de gestion documentaire a été proposée lors de cette formation. Des ateliers complémentaires vont être proposés l’an prochain.
Tous les travaux méritent d’être valorisés. Ainsi les professionnels sont encouragés et accompagnés dans la production de posters, la rédaction d’articles dans des revues professionnelles, les communications dans des congrès… Un recensement des publications déjà réalisées est actuellement en cours afin de permettre une meilleure visibilité. En dehors de la diffusion des appels à projet de recherche, il est important de proposer à l’ensemble des professionnels les offres de bourses ou prix émanant des industriels de la santé ou des associations. Y concourir permet une mise en lumière des travaux ou des expériences de ces équipes.
Tous les modes de communication sont utilisés afin de favoriser une large diffusion : site Intranet, journal local, mails, intervention lors de réunions (Commission de soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques, réunions cadres). Malgré cela, la réflexion doit être menée afin de valoriser encore mieux ces professionnels.
L’acculturation à la recherche des professionnels paramédicaux au CHU de Caen en est à son début, mais elle commence à porter ses fruits. Quelques équipes démontrent ainsi que la recherche portée par des professionnels paramédicaux a une réalité et qu’elle s’inscrit dans la pratique courante. Les projets de recherche proposés sont un label de qualité qui souligne l’investissement et la dynamique des équipes.
(1) Anne Prestel (CHU de Rennes, Ille-et-Vilaine) et Sophie Schoenhenz (CHU de Nîmes, Gard).
(2) La profession la plus représentée est celle d’infirmier(ière), deux coordonnateurs sont masseur-kinésithérapeutes.
(3) À lire via le lien raccourci bit.ly/1V82TcY
• Elle est infirmière et cadre de santé
• Elle est également membre du bureau de la Commission nationale des coordonnateurs paramédicaux de la recherche
• Parcours universitaire : elle est titulaire d’un master d’épidémiologie et méthodologie de recherche clinique et doctorante à l’Université de Caen/École doctorale EDNBISE
• Publication : Guillouët S., Veniez G., Verger C., Béchade C., Ficheux M., Uteza J., Lobbedez T. “Estimation of the Center Effect on Early Peritoneal Dialysis Failure : A Multilevel Modelling Approach”. Perit Dial Int. 2016 9-10;36 (5): 519-25
→ 4 posters présentés aux Journées francophones de la recherche en soins organisées par le CHU d’Angers en 2015
→ 1re journée d’initiation à la recherche paramédicale destinée aux professionnels paramédicaux du CHU
→ 6 projets financés en 2015 (études débutées en 2016)
→ 6 posters présentés aux 3es Journées francophones de la recherche en soins organisées par le CHU d’Angers en 2016
→ Formation “initiation à la recherche” organisée en 2016 par le CHU de Caen
→ 1 lettre d’intention sélectionnée au PHRIP en 2016
→ 3 lettres d’intention sélectionnées à l’appel à projet du Groupement interrégionel de recherche clinique et d’innovation 2016
→ 3 projets déposés en 2016 dans le cadre de l’appel à projet interne