Si la “masterisation” est à présent une notion familière à bon nombre de cadres de santé en exercice, le choix d’une poursuite en filière doctorale semble bien plus confidentiel. Or c’est précisément parce que les cadres de santé
Les retours d’expérience en la matière sont tout aussi confidentiels, ne permettant pas aux potentiels candidats d’étayer leur projet avant de se lancer dans ce parcours riche mais exigeant. Ces quelques lignes, fondées sur un partage d’expérience, visent à éclairer les cadres de santé
Peu d’études quantitatives existent sur le sujet. Une enquête conduite en 2009 et publiée
Concernant les disciplines universitaires choisies, il convient de noter que, si la grande majorité des thèses de doctorats sont réalisées dans le champ des sciences humaines et sociales, elles relèvent en fait d’un panel disciplinaire relativement étendu. Ainsi, par importance numérique décroissante, les thèses réalisées par les cadres ayant répondu à l’étude l’ont été dans le champ des sciences de l’éducation ; de la sociologie ; de la philosophie ; de l’éthique, de la psychologie sociale ; de l’anthropologie, de la biologie, des sciences de gestion, de la psychologie clinique, du droit, de la santé publique, des sciences de la santé, des sciences de l’information et de la communication, des sciences infirmières.
Il se révèle être une étape cruciale de la démarche. S’il est évident que le choix du sujet doit se faire autour d’un objet qui intéresse, motive et questionne l’auteur de la thèse, il est important de préciser que, dans le cadre d’une thèse réalisée en parallèle d’une activité professionnelle, le choix du sujet semble devoir s’opérer dans le champ de ladite activité professionnelle. En effet, on se demande souvent comment un doctorant peut conduire de front son travail de recherche et son exercice professionnel de cadre de santé. Le choix d’un sujet professionnellement familier signe ici l’ébauche d’une réponse. Le cadre de santé, immergé dans l’environnement contextuel de son objet de recherche, gagnera un temps précieux quant à la phase d’acculturation à ce dernier. En outre, il ne manquera pas de se nourrir et d’alimenter ses travaux par son vécu professionnel du quotidien. C’est ici encore assurément un gain de temps.
Il convient en revanche de toujours garder à l’esprit que cette condition, gage de faisabilité d’une thèse en parallèle d’un exercice professionnel, peut parfois comporter un risque de biais de recherche, en ce qu’elle peut impliquer un manque de distanciation du cadre de santé-chercheur, à son objet de recherche.
Outre le choix du sujet, le choix du directeur de thèse est également un temps fort de la démarche. La direction de thèse relève d’une relation longue et exigeante. Il convient donc de pouvoir être en phase avec le directeur de thèse pressenti, afin de pouvoir, sur la durée, accepter certes ses encouragements, mais également ses critiques. Au-delà de ces critères subjectifs non négligeables, il convient bien sûr de choisir un directeur de thèse compétent dans le champ du sujet envisagé.
Mais tout cela est affaire de réciprocité et il paraît important de préciser que le candidat à un projet doctoral devra convaincre le futur potentiel directeur de thèse de l’accompagner dans sa démarche. Pour les cadres de santé, cette étape peut parfois se révéler compliquée, et ce, pour deux raisons principales. Les cadres de santé ayant réalisé un master l’auront bien souvent réalisé dans une filière “professionnelle” et non “recherche”. L’inscription en thèse de doctorat n’est donc pas naturelle, et le directeur de thèse devra « s’assurer de l’aptitude du candidat à la recherche »
Par ailleurs, si les cadres de santé ont à présent largement accès aux formations universitaires de type master, il semble que l’accès au doctorat soit plus contraint et sélectif. Si certaines universités n’hésitent pas à poser des conditions de mentions – minimum bien – quant à la poursuite d’un cursus universitaire en thèse de doctorat, pour le cadre de santé, c’est plus particulièrement la carence de cursus universitaire complet qui pourra poser problème et compromettre un tel projet.
Ne pas faire un doctorat pour faire un doctorat ! Tous les directeurs de thèses vous le diront à présent : un projet doctoral ne présente un intérêt que s’il est porté dans le cadre d’une perspective professionnelle. Il convient donc de bien se poser la question en amont du projet et surtout de pouvoir identifier en quoi le doctorat impactera où rendra possible le projet professionnel escompté.
Là encore, la multiplication de projet doctoraux portés par des cadres de santé mais aussi et surtout leurs retours d’expérience en la matière seront autant d’exemples qui pourront permettre aux futurs candidats d’éclairer leur questionnement. Il est compliqué de pouvoir lister ici tous les débouchés envisageables tant le champ disciplinaire concerné par les études doctorales est vaste. Il est en revanche possible de s’appuyer sur quelques exemples afin de dresser une liste de débouchés possibles : l’enseignement supérieur, que ce soit par la voie universitaire “classique” à travers la qualification de maitre de conférence des universités ou en parallèle de la poursuite d’une activité professionnelle autre, grâce au statut d’enseignant associé (maître de conférence et professeur des universités). Des débouchés plus typiques peuvent également être cités comme l’évolution vers des fonctions de cadre supérieur formateur en Institut de formation des cadres de santé. Moins conventionnelles, dans le champ du droit, des reconversions vers le métier d’avocat peuvent être également citées.
Le doctorat peut également permettre d’envisager l’intégration pour les cadres de santé-docteurs de la haute fonction publique, soit par la voie des concours internes, soit parfois même par la voie des tours extérieurs.
Il est à noter que le statut actuel de la fonction publique ne permet pas d’envisager l’évolution vers des fonctions d’expertises, reconnues statutairement, pour des cadres de santé-docteurs dans les établissements de la fonction publique hospitalière. Or, en application de la loi du 22 juillet 2013
Là encore, la thèse en tant que “produit fini”, n’est pas une fin en soi, mais doit s’envisager dans une démarche doctorale visant une perspective beaucoup plus vaste. La démarche doctorale est une démarche qui permet de positionner le cadre de santé-chercheur dans une posture de recherche. Cette posture lui permet in fine de développer une connaissance empirique et théorique poussée dans un domaine particulier, tendant à le rendre expert dans le champ choisi. Si cette démarche doit immanquablement déboucher sur la rédaction du “copieux sésame”
Au-delà de la rédaction de la thèse, le quotidien du doctorant va s’articuler autour d’un important travail de revue de bibliographie et autre veille documentaire ou juridique. Ce travail va également passer par la participation à bon nombre de colloques et autres congrès régionaux, nationaux et parfois internationaux. Il va sans dire que, dans le cadre d’un exercice professionnel, ce pan d’activité du doctorant devra s’anticiper et, autant que possible, être facilité par l’employeur du cadre de santé-doctorant.
Le travail du doctorant passe également par tout un travail de communication dans le champ qui est le sien. Cette communication se concrétisera essentiellement par la production d’articles dans des revues professionnelles et/ou scientifiques ou par des interventions dans des colloques ou autres congrès.
Il est enfin important de noter que les écoles doctorales font à présent d’importants efforts afin d’inscrire le travail du doctorant dans une démarche davantage collective. En effet, il a souvent été fait grief à la démarche doctorale d’être une démarche solitaire, bien loin des expériences universitaires de licence, de master ou encore de formations telles qu’on peut les connaître dans le champ des formations paramédicales. Pour inciter les doctorants à inscrire leurs travaux dans une démarche moins esseulée, les écoles doctorales invitent les doctorants à participer et contribuer à la dynamique du laboratoire auquel se rattachent leurs travaux. Ils sont par ailleurs vivement incités par le biais de crédits ECTS
Mais quelles sont les qualités requises pour se lancer dans une telle démarche ? Quatre qualités socles semblent requises pour pouvoir entreprendre ce parcours doctoral : la rigueur, la motivation, la patience et la pugnacité.
Ces qualités seront utiles, voire indispensables, pour pouvoir répondre aux exigences et compétences attendues en termes de collecte, de traitement puis de restitution des données ; d’analyse critique ; de communication ou encore de méthode pour des travaux s’inscrivant sur le long terme. Car c’est bien là une différence fondamentale avec les travaux de recherche qu’un cadre de santé a pu produire dans ses différentes expériences de formation, qu’elles soient paramédicales ou universitaires. La démarche doctorale s’inscrit dans une durée moyenne de trois à six années, en fonction du temps que le doctorant, par ailleurs en exercice, peut consacrer à ses travaux de recherche.
Il va sans dire que le doctorant sera également attendu sur ses capacités à écrire et à communiquer. Des écrits lisibles et compréhensibles associés à une communication aisée et adaptée seront autant d’atouts permettant de réaliser ce travail et de le rendre visible en le valorisant au mieux.
Si la démarche doctorale est une démarche enrichissante, elle n’en demeure pas moins une démarche exigeante.
La principale difficulté, notamment pour le doctorant par ailleurs cadre de santé en exercice, réside dans la gestion du temps. Si le cadre de santé-doctorant doit s’astreindre à trouver une organisation lui permettant de consacrer un temps certain et régulier à ses travaux universitaires en plus de ses journées de travail, il doit également inévitablement apprendre à gérer l’inscription de ces travaux dans un temps long. Dans les deux cas, cette gestion du temps sera au mieux source de stress, au pire source de découragement devant l’ampleur de la tâche à accomplir.
La piste d’un financement dédié pourrait permettre au cadre de santé-doctorant de s’exonérer de cette difficulté liée au temps ; avoir du temps dédié permettant de fait, d’inscrire le travail dans une moindre durée. Force est de constater que la reprise d’études en doctorat des cadres de santé
Il convient par ailleurs de signaler que l’autonomie inhérente à la démarche doctorale peut parfois être pesante. Les rencontres avec le directeur de thèse ne sont pas si fréquentes que cela, et l’absence de liens directs au quotidien avec des pairs contribue à renforcer les doutes du doctorant. Pour surmonter cette difficulté, le travail en réseau et le partage d’expériences doivent être recherchés et s’imposer.
Enfin, l’articulation entre cet exigeant travail de recherche, qui, rappelons-le, occupe un étudiant de formation initiale à temps complet a minima pendant trois longues années, doit s’articuler pour le cadre de santé en exercice avec ses contraintes professionnelles et bien souvent une vie familiale. Il convient donc très rapidement que le cadre de santé-doctorant puisse trouver une organisation lui permettant de concilier ces trois pôles dans le respect de chaque. C’est sous cette condition d’équilibre que cet exigeant parcours pourra s’inscrire dans la durée et in fine dans la réussite.
Si la poursuite des études universitaires des cadres de santé dans une démarche doctorale reste confidentielle, elle n’en demeure pas moins possible. Ce partage d’expérience vise notamment à éclairer tous ceux qui pourraient être tentés à franchir peut-être le pas.
Elle vise également à poser les enjeux vis-à-vis de cette démarche enrichissante, passionnante, mais ô combien exigeante. C’est sans doute cette exigence qui de nos jours explique que le taux d’abandon des travaux doctoraux reste encore élevé et en moyenne de 40 %
Avant de se lancer dans une telle démarche, il convient donc d’être parfaitement lucide sur ses enjeux et de se poser également les bonnes questions, comme :
• quelles sont mes motivations, s’inscrivent-elles dans une véritable appétence pour la recherche ? ;
• sont-elles en lien avec un questionnement professionnel si possible innovant ou inédit ? ;
• ce projet s’inscrit-il dans un projet d’évolution professionnelle où l’expertise et les compétences développées pourront être mobilisées ? ;
• suis-je suffisamment organisé et soutenu pour entamer cette longue démarche, tant sur le plan familial que professionnel ?
C’est fort de cette introspection que le cadre de santé, futur potentiel doctorant, pourra alors valider le démarrage de ce beau projet sans risquer, à termes, de le compromettre.
(1) Lire partout “cadre et cadre supérieur de santé”.
(2) Si le présent article traite du doctorat des cadres de santé, il est important de noter qu’il n’est pas indispensable d’être cadre pour s’inscrire dans une démarche doctorale.
(3) Jovic Ljiljana, Isambart Guy, “Des infirmières docteurs en sciences ou doctorantes : état des lieux dans le contexte français”, Recherche en soins infirmiers 1/2010 (n° 100), p. 145-147.
(4) Association de recherche en soins infirmiers.
(5) Article 11 de l’arrêté du 25 mai 2016 fixant le cadre national de la formation et les modalités conduisant à la délivrance du diplôme national de doctorat.
(6) Promulguée dans la droite ligne du discours du 5 mars 2012 du président Hollande devant le Collège de France, appelant à l’amélioration des débouchés des titulaires d’un doctorat dans la fonction publique.
(7) Il est en général actuellement préconisé de produire une thèse en 350 à 500 pages.
(8) Les crédits ECTS pour European Credits Tranfert System sont utilisés dans les études en Europe afin de mieux comprendre et comparer les différents sytèmes (ensavoir plus via le lien raccourci bit.ly/1mzwWPi).
(9) Mais, au-delà, de bien d’autres professionnels en exercice.
(10) Conventions industrielles de formation par la recherche (www.anrt.asso.fr).
(11) Attaché temporaire d’enseignement et de recherche, (en savoir plus via bit.ly/2gfrYHV).
(12) Pour les thèses du champ des sciences humaines et sociales, données de l’Aeres 2013 (Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur).
Tout a commencé au cours de la formation cadre de santé à l’IFCS du CHU de Rennes (Ille-et-Vilaine). Une appétence pour les cours de droit hospitalier et l’idée de poursuivre, dès que l’opportunité se présenterait, en master droit, santé, éthique, co-habilité par la faculté de droit de Rennes et l’École des hautes études en santé publique (EHESP). Après quelques années passées sur le terrain, tout d’abord en qualité de cadre de santé puis de cadre coordonnateur de pôle, l’opportunité s’est présentée. Durant ces deux années de master réalisées en alternance, cette appétence pour le droit hospitalier s’est confirmée avec, au-delà, la découverte d’une réelle volonté d’aller plus loin dans le champ du droit, et du droit public en particulier. Outre la découverte de cette nouvelle discipline, c’est également l’opportunité de réaliser un nouveau travail de recherche et l’engouement qu’il a pu générer qui a emporté la décision de poursuivre en thèse de doctorat. Restait à trouver un sujet mais aussi à convaincre un directeur de thèse de bien vouloir accompagner ce travail de recherche.