De la FMIH au GCS en passant par les GHT, où en sommes-nous ? - Objectif Soins & Management n° 251 du 01/12/2016 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 251 du 01/12/2016

 

Économie de la santé

Didier Jaffre  

L’article 50 de la loi de modernisation de notre système de santé de janvier 2016 permet au gouvernement de prendre des mesures. Parmi ces mesures de simplification en figure une particulière : la suppression des fédérations médicales inter-hospitalières (FMIH). Mais quelle différence entre FMIH et groupements de coopération sanitaire (GCS) ?

L’article 50 de la loi de modernisation de notre système de santé de janvier 2016, relatif à la coopération entre les établissements de santé (publics ou privés) et/ou les professionnels de santé vise à simplifier et à ajuster le cadre des groupements de coopération sanitaires (GCS). Cet article donne au gouvernement la possibilité de prendre par ordonnance les mesures utiles dans un but de simplification ou d’adaptation du droit des GCS sur des questions précises et techniques, et qui ne remettent pas en cause les principes fondamentaux de ces outils de coopération.

COMPARATIF ENTRE FMIH ET GCS

La FMIH et les GCS peuvent être comparés à plusieurs titres.

Références législatives et réglementaires

→ FMIH : article L 6135-1 du Code de la santé publique (CSP). Pas de disposition réglementaire.

→ GCS : loi du 21 juillet 2009 – articles L 6133-1 et suivants du CSP. Décret du 23 juillet 2010. Arrêté du 23 juillet 2010.

Nature juridique de la coopération

→ FMIH : instrument juridique de coopération “fonctionnel”/“conventionnel” : pas de personnalité juridique morale. Donc pas de capital social, pas titulaire d’autorisation, pas de création d’institutions représentatives du personnel, pas de propriété ni de location.

→ GCS : personnalité de droit public (si exclusivement composé de personnes morales de droit public et/ou de professionnels libéraux) ou de droit privé (si exclusivement composé de personnes morales de droit privé) selon la nature des membres le composant ; si les deux selon les personnes morales majoritaires au capital social, ou à défaut aux charges de fonctionnement.

Objet et domaines de la coopération

→ FMIH : organisation d’un rapprochement d’activités médicales entre établissements publics de santé (donc pas d’établissements de santé privés ou établissements de santé privés d’intérêt collectif) : regroupement de pôles d’activités, collaboration entre praticiens, travail en réseau, échanges et formations entre les personnels soignants, enseignement et recherche clinique. Peut concerner toutes les activités de soins ou médico-techniques.

→ GCS : structure de coopération pour faciliter ou améliorer l’activité de ses membres. Il existe deux types de GCS :

• le GCS de moyens : organiser et gérer des activités administratives, logistiques, techniques, médico-techniques, d’enseignement et de recherche ; réaliser ou gérer des équipements d’intérêt commun ; permettre des interventions communes de professionnels médicaux et non médicaux (constituer des équipes médicales communes quel que soit le statut des personnels médicaux) ; être titulaire d’une autorisation d’équipement matériel lourd, d’une pharmacie à usage intérieur, d’un laboratoire de biologie médicale ;

• le GCS établissement de santé : titulaire d’une ou plusieurs autorisations d’activité de soins ; mêmes droits et obligations qu’un établissement de santé.

Formation, adhésion, exécution et extinction

→ FMIH : sur décision des établissements membres pouvant donner lieu à la signature d’une convention fixant les conditions d’adhésion, d’exécution, d’extinction de la fédération. La convention fait loi pour tous les sujets. Aucune durée déterminée. Pas de modalités de dissolution définie par la loi.

→ GCS : démarche volontaire des membres qui élaborent une convention constitutive et la transmettent au directeur général (DG) de l’Agence régionale de santé (ARS) pour approbation et publication. Possibilité pour le DG de l’ARS de demander à des établissements publics de santé de créer un GCS (exclusivement constitué entre établissements publics de santé) et de lui transférer certaines compétences.

Identification des membres

→ FMIH : établissements de santé publics uniquement. Convention qui relève du droit administratif.

→ GCS : au moins un établissement de santé. Ouvert aux établissements publics de santé, aux établissements de santé privés, aux établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESMS), aux professionnels médicaux libéraux, aux centres de santé et aux pôles de santé. Peuvent participer tout autre professionnel de santé (pharmaciens, ergothérapeutes, kinésithérapeutes…) ou organisme sous réserve de l’accord du DG de l’ARS ; mais ne sont pas membres et donc pas de droit de vote, ne participent pas au financement, pas tenus des dettes. En revanche, participent aux activités de coopération du GCS. Les professionnels médicaux libéraux peuvent être membres à titre individuel ou sous forme regroupée.

Modalités de création

→ FMIH : acte administratif unilatéral non soumis à publication au recueil des actes administratifs (RAA). Décisions conjointes des directeurs des Centres hospitaliers, après concertation avec le directoire et information du comité technique d’établissement (CTE). Recommandation : définir les modalités de fonctionnement dans la convention.

→ GCS : convention constitutive approuvée et publiée par le DG de l’ARS.

Gouvernance

→ FMIH : pas de gouvernance définie par la loi ; ce sont les partenaires à la convention qui en décident.

→ GCS : assemblée générale composée de l’ensemble des membres du GCS et compétente de droit pour prendre toute décision intéressant le GCS ; la convention constitutive fixe la liste des matières sur lesquelles l’assemblée générale est compétente dans le respect des dispositions réglementaires qui déterminent une liste de compétences minimales. Administrateur élu par l’assemblée générale en son sein ; compétent pour mettre en œuvre les décisions de l’assemblée générale ainsi que pour les autres matières que lui confie la convention constitutive.

Instances obligatoires

→ FMIH : aucune prévue par la loi qui prévoit seulement que la FMIH est placée sous la responsabilité d’un praticien hospitalier coordonnateur, assisté si besoin d’une sage-femme ou cadre paramédical ou personnel soignant, et d’un membre du personnel administratif.

→ GCS : assemblée générale des membres. Administrateur. Possibilité de créer au sein de l’assemblée générale un comité restreint lorsque le nombre de membres est important.

Statut et mode de rémunération des personnels

→ FMIH : ne peut pas employer directement du personnel ; la décision conjointe précise les modalités d’association des personnels des établissements à la FMIH. Possibilité d’attribution de l’activité multi-établissements. Possibilité de remboursement des émoluments supportés par l’établissement d’origine des personnels. Possibilité pour les praticiens hospitaliers d’intervenir au titre de leur activité d’intérêt général.

→ GCS : il peut être employeur. Il peut recruter par contrat des personnels médicaux et non médicaux selon les règles qui régissent son statut juridique. Les établissements membres peuvent aussi mettre à disposition du groupement leur personnel qui est alors valorisé auprès du GCS au titre des contributions en nature. Enfin, les personnels peuvent être détachés auprès du GCS.

Mode de financement et régime comptable

→ FMIH : pas de financement propre, ni de régime comptable.

→ GCS : la nature juridique (public ou privé) détermine les règles budgétaires et comptables applicables au groupement. Le GCS de moyens peut percevoir directement des crédits au titre des Missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation (Migac) lorsque leurs membres lui transfèrent une mission financée à ce titre. Le GCS établissement de santé est financé selon les règles tarifaires d’un établissement de santé (échelle tarifaire publique ou privée).

Régime fiscal

→ FMIH : aucun régime fiscal propre. Possibilité exonération TVA.

→ GCS : selon la nature juridique du GCS.

Responsabilités entre membres et vis-à-vis des tiers

→ FMIH : responsabilité pleine et entière des établissements membres vis-à-vis des patients pris en charge.

→ GCS : mise en commun de moyens de toute nature : humains, immobiliers, équipements d’intérêt commun, fonctions administratives, techniques, médico-techniques, systèmes d’information, activités d’enseignement et de recherche. Droits statutaires des membres proportionnels à leurs apports au capital, ou à défaut à leurs participations aux charges de fonctionnement du GCS. Ils sont fixés dans la convention constitutive. Responsabilité pleine et entière du GCS vis-à-vis des patients : le patient est hospitalisé dans le GCS établissement de santé qui est responsable de l’intégralité de sa prise en charge. À ce titre, le GCS établissement de santé est tenu aux mêmes règles que les établissements de santé en matière de qualité et de sécurité des soins.

Convention type

→ FMIH : pas convention type définie par la loi. Modèles sur le site du ministère de la Santé et de l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap).

→ GCS : modèles sur le site du ministère et de l’Anap.

Conclusion

Finalement, à la lecture de cette analyse comparative, le GCS n’est autre que la traduction juridique, sous la forme d’une personnalité morale, d’une organisation médicale entre plusieurs établissements sous la forme d’une FMIH. La FMIH n’a pas la personnalité morale, n’est pas employeur, n’est pas encadrée réglementairement ; le GCS a toutes ses qualités. Dès lors, effectivement, on peut se demander quel est l’intérêt de maintenir des FMIH, si ce n’est éviter justement la lourdeur bureaucratique des GCS. Car, in fine, qu’est-ce qui est primordial : la vraie coopération médicale entre les équipes de plusieurs établissements ou la signature effective d’une convention constitutive de GCS avec tous les impacts financiers et administratifs ?

Par ailleurs, quid des relations entre FMIH, GCS et groupements hospitaliers de territoire (GHT) ? Là encore, le projet médical partagé des GHT n’est-il pas la traduction concrète des FMIH sur l’ensemble des filières de soins identifiées par le GHT ? Et le GCS, la traduction juridique du GHT qui lui non plus n’a pas la personnalité morale ? Autrement dit, ne passe-t-on pas notre temps à définir des outils juridiques en oubliant l’objectif premier : une meilleure coopération entre les professionnels de santé pour améliorer le service rendu aux usagers du système de santé ?

Finalement, peu importe FMIH, GHT, GCS, groupement d’intérêt économique (GIE)… Ce qui compte, c’est la mise en œuvre concrète de la coopération médicale, avec par exemple des équipes médicales communes de territoire, des autorisations communes, des lignes de permanence des soins partagées. En tous les cas, pour l’instant, nous sommes toujours dans l’attente de la publication des textes sur la simplification des GCS. Ceci explique peut-être cela…

LES ENJEUX DE L’ARTICLE 50 DE LA LOI PORTANT MODERNISATION DE NOTRE SYSTÈME DE SANTÉ DE JANVIER 2016 (EXTRAITS DES MOTIFS DE LA LOI)

→ Mieux articuler les deux types de groupements de coopération

• Les groupements de coopération sanitaires (GCS) prévus aux articles L 6133-1 et suivants du code de la santé publique.

• Les groupements de coopération sociaux et médico-sociaux (GCSMS) prévus à l’article L 312-7 du Code de l’action social et des familles.

Chacun de ces deux outils permet l’association d’entités de l’autre secteur. Or la juxtaposition de ces dispositifs peut conduire à un certain nombre de dysfonctionnements et, en particulier, à limiter le décloisonnement inter-secteur pourtant porté par la stratégie nationale de santé. Il est donc proposé de mettre en œuvre les évolutions utiles au rapprochement de ces deux régimes.

• Clarifier les modalités de prise en charge des patients

Plusieurs types de GCS exploitant ou titulaires d’une autorisation d’activité de soins coexistent, en effet, qui, selon la date de leur création (avant ou après 2009), peuvent ou non facturer leurs activités directement à l’Assurance maladie.

Ce même souci de simplification conduira à permettre à nouveau aux GCS de moyens d’exploiter l’autorisation de leurs membres.

→ Étendre le droit commun de la mise à disposition de plein droit de fonctionnaires aux groupements dont l’objet est la reprise d’une activité de ses membres

Le dispositif actuel constitue, en effet, une entrave à la création d’un groupement chargé de la poursuite d’une activité antérieurement réalisée par l’un de ses membres, dans la mesure où les fonctionnaires concernés peuvent refuser leur mise à disposition auprès de la structure de coopération pour y exercer les mêmes missions que précédemment.

→ Moderniser le dialogue social interne aux GCS

Actuellement, les dispositions du Code du travail ou du Code de la santé publique relatives aux conditions de représentation du personnel ne s’appliquent pas au GCS au prétexte que chaque salarié reste rattaché à son établissement d’origine.

Cet argument se heurte à la réalité de fonctionnement de nombreux GCS qui exploitent pour le compte de leurs adhérents des équipements importants, installés dans des sites propres et dont le fonctionnement quotidien justifie un dialogue social interne structuré.

→ Adapter le régime fiscal des GCS notamment pour les membres “partenaires” d’un GCS

Il traite des questions de pharmacie à usage intérieur (PUI) et d’exploitation de laboratoire de biologie médicale (LBM) par des groupements de coopération. L’article L 5126-1 du CSP permet aux GCS de moyens de gérer une PUI pour le compte de ses membres, les établissements de santé membre du GCS ne disposant alors plus en propre d’une autorisation de PUI. Les établissements de santé autorisés à gérer une PUI peuvent également être autorisés à vendre des médicaments au public conformément à l’article L 5126-4 du CSP (régime de la rétrocession) mais pas les GCS. Cette situation empêche le plus souvent la mutualisation des PUI. Pour faciliter le fonctionnement de ces GCS, il est donc proposé d’étendre l’autorisation de rétrocession aux GCS autorisés à gérer une PUI et d’en tirer l’ensemble des conséquences juridiques. De même, un laboratoire de biologie médicale peut être exploité par un GCS conformément à l’article L 6223-2 du CSP. Cependant, les activités biologiques d’assistance médicale à la procréation (AMP) se voient appliquer le régime des autorisations d’activité de soins conformément aux articles L 2142-1 alinéa 4 et R 6122-25 17° du CSP. Or un GCS, dès lors qu’il est titulaire d’une activité de soins, est érigé en établissement de santé (article L 6133-7 du CSP). Ce faisant, la constitution d’un GCS ayant pour objet l’exploitation d’un LBM commun à plusieurs établissements de santé – dont l’un ou plusieurs LBM propres antérieurs réalisaient des activités biologiques d’AMP – impose qu’il soit d’une part autorisé à pratiquer ces activités, et d’autre part qu’il soit érigé en établissement de santé. Ce qui n’apparaît pas opportun alors même que les laboratoires de ville/privés, quoiqu’également soumis au régime des autorisations, peuvent exercer ces activités sans être érigés en établissement de santé. Il convient donc de permettre à ces GCS la réalisation d’activités biologiques d’AMP sans les ériger pour autant en GCS établissements de santé.

→ Toiletter des incohérences résiduelles du droit des GCS

Préciser que la forme d’exercice, individuel ou en société, n’a pas d’incidences sur le statut du GCS ; supprimer la référence aux GCS à l’article 121 de la loi du 17 mai 2011 qui précise de manière inopportune que le statut des groupements d’intérêt public est applicable, à titre subsidiaire, « aux groupements d’intérêt public créés en application des dispositions de l’article L 6133-1 du CSP » ; supprimer la notion de partenaire pour les GCS ou, à défaut, confirmer l’applicabilité d’un régime fiscal dérogatoire pour les partenaires pour lever toute incertitudes juridiques pour ces derniers ; supprimer la notion inutile de fédération médicale inter-hospitalière ; préciser que la convention constitutive doit être signée par les membres du groupement avant d’être approuvée par le DG de l’ARS ; préciser utilement la catégorie “autres organismes” autorisés à être membres à un GCS (article L 6133 2) ; rendre obligatoire l’application d’une redevance dans le cadre des GCS qui organisent l’intervention de professionnels libéraux dans des établissements publics de santé afin d’éviter le recours au GCS déjà à seule fin d’organiser le travail de professionnels libéraux au sein de centres hospitaliers en contournement des règles du contrat d’exercice libéral.

Retrouvez le texte intégral sur légifrance.gouv.fr (via bit.ly/2fZessT).

L’ARTICLE L 6135-1 DU CODE DE LA SANTÉ PUBLIQUE RELATIF AU FMIH

« En vue du rapprochement d’activités médicales, deux ou plusieurs centres hospitaliers peuvent, par décision conjointe de leurs directeurs prise après avis de la commission médicale et du comité technique de chacun des établissements concernés, décider de regrouper certains de leurs pôles d’activité clinique ou médico-technique ou certaines des structures internes de ces pôles, en fédérations médicales inter-hospitalières, avec l’accord des responsables des structures susmentionnées.

« Cette décision définit l’organisation, le fonctionnement et l’intitulé de la fédération. Elle précise notamment la nature et l’étendue des activités de la fédération, les modalités d’association des personnels des établissements concernés à ces activités ainsi que les conditions de désignation et le rôle du praticien hospitalier coordonnateur sous la responsabilité duquel elles sont placées. Le coordonnateur est assisté par une sage-femme, un cadre paramédical ou un membre du personnel soignant et par un membre du personnel administratif. »