À la recherche du parcours sanitaire médico-social - Objectif Soins & Management n° 252 du 01/01/2017 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 252 du 01/01/2017

 

Économie de la santé

Didier Jaffre  

Comment décloisonner le sanitaire et le médico-social ? En adoptant une logique populationnelle dans le cadre des nouveaux projets régionaux de santé.

Les débats actuels à l’aune de l’élection présidentielle interrogent à nouveau le rôle des institutions en santé, et notamment les ARS (voir l’encadré p.30 pour la signification de chaque sigle). Avec à nouveau l’idée de “fusionner” les instances étatiques (ministère de la Santé au niveau national et ARS au niveau régional) et les organismes d’Assurance maladie (caisses nationales d’Assurance maladie et organismes locaux) pour créer une agence nationale de santé et une seule instance au niveau régional en charge d’un véritable objectif régional de dépenses d’Assurance maladie. Sans aller jusque-là, rappelons-nous que l’un des objectifs majeurs des ARS était d’arriver à enfin décloisonner les secteurs sanitaire et médico-social, afin de créer un véritable parcours de soins que ce soit pour les personnes âgées ou les personnes en situation de handicap, mais plus globalement pour l’ensemble des usagers du système de santé.

Car l’une des principales critiques adressées à notre système de santé est d’avoir des acteurs de soins qui ne sont pas coordonnés entre eux, ce qui est fortement préjudiciable pour une prise en charge globale des patients. Depuis avril 2010, une seule instance au niveau régional est en charge de la santé : l’ARS, même si elle continue à partager sur le secteur de l’autonomie, et notamment celui des personnes âgées, avec les conseils départementaux. Sept ans plus tard, cette réforme institutionnelle a-t-elle porté ses fruits en matière de décloisonnement ? Pas certain, s’il l’on en juge encore les dysfonctionnements dans la prise en charge des patients atteints de la grippe cet hiver. Pour étayer nos propos, nous nous appuierons sur l’article publié dans Objectif Soins et Management n° 187, pages 15 à 17.

DEUX SECTEURS, DEUX RÉPONSES AUX ATTENTES

Le sanitaire

Le secteur sanitaire, c’est d’abord de l’offre de soins de premiers recours et les professionnels de santé libéraux. Il comprend donc les professionnels de santé libéraux et les établissements de santé.

Les professionnels de santé libéraux

Ils sont médecins généralistes et spécialistes, pharmaciens, chirurgiens-dentistes, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, ergothérapeutes, psychologues, podologues. Si la rémunération appartient au champ conventionnel négocié avec l’Assurance maladie, leur installation relève de l’ARS, mais de manière non opposable, dans le cadre du projet régional de santé et avec toute la problématique du zonage. Les professionnels de santé libéraux :

• interviennent à l’acte,

• sont regroupés en ordres,

• ont des représentations sous formes syndicales et sous formes d’unions,

• interviennent en cabinet ou au domicile du patient, mais également dans les établissements de santé et les établissements et services médico-sociaux.

L’ARS négocie avec les Unions régionales des professionnels de santé, notamment sur les problèmes liés à la démographie des professionnels de santé. Au croisement des établissements de santé, des établissements et services médico-sociaux et du domicile des malades, les professionnels de santé libéraux représentent le trait d’union entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social. Ils créent et assurent un lien, une coordination des soins et des prises en charge, mis en exergue par la récente loi de modernisation de notre système de santé de janvier 2016.

Les établissements de santé

Ces établissements publics regroupent une seule catégorie, les centres hospitaliers (centre hospitalier universitaire, régional, référent, de proximité, spécialisé en psychiatrie) et des établissements privés, qu’ils soient à but lucratif ou non lucratif. Ils relèvent entièrement de l’autorité de l’ARS.

Du point de vue des usagers

Pour les usagers du système de santé, le secteur sanitaire répond aux urgences et garantit la permanence des soins. Il réagit donc à un besoin de santé à un moment donné, pour une durée plus ou moins longue, qui peut être programmée ou non programmée, dans l’objectif d’améliorer l’état de santé de la personne qui y a recours et surtout de faire en sorte qu’elle n’ait plus besoin d’y recourir. Cette réponse passe par l’intermédiaire de professionnels de santé. Elle se déroule au domicile du malade, dans un cabinet ou en établissement.

Le médico-social

Le secteur médico-social distingue les établissements et services pour les personnes en situation de handicap et les établissements pour personnes âgées.

Les établissements et services pour personnes en situation de handicap

Ils sont très hétérogènes avec une présence forte du secteur associatif. On distingue généralement les établissements et services pour enfants en situation de handicap (Camps, CMPP, Sessad, IME, Itep) des établissements pour adultes en situation de handicap (Samsah, Esat, CRP, CPO, MAS, FAM). Ce secteur a commencé sa métamorphose en se regroupant afin d’améliorer sa gestion, de faire face aux nouvelles exigences dans la prise en charge, et surtout d’apporter une meilleure réponse avec l’intervention de professionnels spécialisés mutualisés. Les réformes successives ont permis de structurer le secteur et les ARS ont pour mission de poursuivre la politique de contractualisation, renforcée par la dernière loi d’adaptation de la société au vieillissement, qui généralise les CPOM et les EPRD dans le secteur médico-social.

Les établissements et services pour personnes âgées

Ils regroupent les Ehpad, les Ssiad et les structures spécialisées dans la prise en charge de la maladie d’Alzheimer. Les Ehpad relèvent de la compétence partagée de l’ARS et du conseil départemental, dans la mesure où ce dernier est le chef de file de la prise en charge des personnes âgées, rôle renforcé dans le cadre de la loi NOTRe*.

Du point de vue des usagers

Du point de vue des personnes, qu’elles soient en situation de handicap ou âgées, et de leurs familles, le secteur médico-social répond à une demande de société de prise en charge tout au long de leur vie. En fonction de la gravité de leur handicap, les personnes en situation de handicap auront recours tout au long de leur vie aux services et établissements. Concernant les personnes âgées, elles finiront leur vie avec l’aide des services à domicile ou en institution.

LE NÉCESSAIRE DÉCLOISONNEMENT

Le secteur sanitaire et le secteur médico-social ne sont, de par leurs caractéristiques, pas opposés.

Parcours

Ils montrent même une parfaite complémentarité, en s’associant, par exemple, afin d’éviter l’hospitalisation en urgence des personnes relevant du champ d’activité du médico-social. C’est le cas notamment des personnes âgées. L’exemple se décline de la même manière pour les patients victimes d’accidents vasculaires cérébraux sévères, dont la sortie doit être envisagée dès le début avec les structures et services médico-sociaux si l’on veut que les soins prodigués continuent à améliorer la vie du malade. Il en est de même pour les malades psychiatriques et les passerelles à trouver entre les services d’hospitalisation complète, les MAS et les FAM. On parle alors de parcours : le parcours de la personne âgée, le parcours de la personne en situation de handicap.

Coordonner les points communs

Les deux secteurs partagent les professionnels. Des professionnels qui sont en première ligne pour :

• organiser la coordination nécessaire des interventions,

• organiser la mutualisation des savoir-faire et des connaissances.

La clé pour y arriver est d’apprendre à se connaître. Et c’est nettement plus facile à dire qu’à faire. Aujourd’hui, les secteurs ne se connaissent toujours pas ou très peu. En matière de coordination, il n’est pas question de mettre en place une coordination générale, régulant les deux secteurs. Mais juste leurs points communs. Il est également impératif de traiter les points de rupture dans le parcours.

Bilan

L’enjeu des Agences régionales de santé était bien ici, trouvant leur point de départ dans les besoins de la personne, dans une logique populationnelle. L’objectif étant d’aller au-delà du système médico-social et du sanitaire pour mettre en place un schéma régional médico-social, à la fois le premier et le dernier du genre. Sept ans plus tard, le décloisonnement des deux secteurs, pourtant attendu des deux côtés, est loin d’être atteint.

SEPT ANS PLUS TARD, UN CONSTAT EN DEMI-TEINTE

Une chose est sûre, les ARS sont désormais bien implantées et reconnues dans le paysage institutionnel de la santé. Avec la mise en place des premiers PRS et donc des premiers schémas prévention, soins et médico-social, des avancées notables sont à souligner. Cependant, le décloisonnement tant attendu n’est pas aussi flagrant que souhaité. Certes, d’un point de vue institutionnel, les secteurs ont été décloisonnés ; en revanche, du point de vue des professionnels eux-mêmes, beaucoup reste encore à faire. Force est de constater que le système de planification mis en place en 2009 a entraîné une lourdeur administrative au détriment de l’efficacité des politiques et des actions conduites par les ARS. Le système actuel de planification de l’offre sanitaire et médico-sociale articule au sein des PRS un PSRS, trois schémas sectoriaux (SRP, Sros, Sroms) et des programmes de mise en œuvre. Dans son rapport annuel sur l’exécution des lois de financement de la Sécurité sociale pour 2014, la Cour des comptes a corroboré ce constat plaidant pour une simplification des conditions d’élaboration des PRS ainsi que de leur structure. Les PRS n’ont pas permis de mettre en place une action sanitaire et médico-sociale véritablement cohérente au niveau des régions.

Ainsi l’article 158 de la loi de modernisation de notre système de santé de janvier dernier vise à rendre le PRS plus stratégique, fixant les grandes orientations à dix ans et établissant un seul schéma régional de santé pour cinq ans, mettant fin à la sectorisation. La réforme des PRS semble donc aller dans le sens d’une meilleure prise en compte de l’approche parcours des malades, en supprimant les schémas sectoriels, contraires justement à une logique décloisonnée. Mais les futurs schémas régionaux de santé seront-ils assez innovants pour fixer des objectifs en matière de prise en charge de population et non plus en termes d’activités de soins ou de prévention ? Passera-t-on enfin d’une logique de l’offre à une logique populationnelle ? Car cette logique de “contrainte” sur l’offre est encore très prégnante, les objectifs d’implantation n’ayant pas disparu (au contraire, on les rend opposables pour le secteur médico-social). Or l’important n’est pas tant de planifier l’offre, mais bien d’anticiper les besoins pour mieux y répondre. Le décloisonnement entre sanitaire et médico-social repose donc sur les nouveaux PRS.

NOTE

* Loi NOTRe : « Promulguée le 7 août 2015, la loi portant sur la Nouvelle organisation territoriale de la république (NOTRe) confie de nouvelles compétences aux régionset redéfinit clairement les compétences attribuées à chaque collectivité territoriale. » www.gouvernement.fr/action/la-reforme-territoriale

Définitions des sigles

→ ARS : Agence régionale en santé

→ Camps : Centre d’action médico-sociale précoce

→ CMPP : Centre médico-psycho-pédagogique

→ CPO : Centre de pré-orientation

→ CPOM : Contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens

→ CRP : Centre de rééducation professionnelle

→ Ehpad : Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes

→ EPRD : État des prévisions de recettes et de dépenses

→ Esat : Établissement et service d’aide par le travail

→ FAM : Foyers d’accueil médicalisé

→ IME : Institut médico-éducatif

→ Itep : Institut thérapeutique, éducatif et pédagogique

→ MAS : Maison d’accueil spécialisée

→ PRS : Projet régional de santé

→ PSRS : Plan stratégique régional de santé

→ Samsah : Service d’accompagnement médico-social pour adulte handicapé

→ Sessad : Service d’éducation spéciale et de soins à domicile

→ SROMS : Schéma régional d’organisation médico-sociale

→ Sros : Schéma régional d’organisation sanitaire

→ SRP : Schéma régional de prévention

→ Ssiad : Service de soins infirmiers à domicile