Diabète de type 2 ou l’épidémie silencieuse - Objectif Soins & Management n° 252 du 01/01/2017 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 252 du 01/01/2017

 

Promotion de la santé

Françoise Vlaemÿnck  

Le diabète de type 2 se caractérise par une hyperglycémie chronique. Il frappe de plus en plus de personnes en France. En termes de santé publique, les données épidémiologiques apparaissent préoccupantes, même très préoccupantes. Ainsi, quelque 3,5 millions de personnes sont déjà touchées par cette maladie et 400 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque jour.

Presque plus grave, on estime que 700 000 Français ignorent qu’ils sont diabétiques ; « sans compter ceux à très haut risque de diabète et qui ne le savent pas non plus », précise Gérard Raymond, président de la Fédération française des diabétiques (FFD). Au niveau mondial, une personne meurt du diabète toutes les huit secondes. Si rien n’est fait en termes de prévention, d’ici à quinze ans, cette maladie pourrait altérer la santé de 10 % de la population en France, la prévalence de la maladie étant d’environ 5 % aujourd’hui. Et cette tendance est plus marquée dans certaines populations, notamment dans les départements d’Outre-mer et les départements où le niveau de vie socio-économique est le plus faible.

MIEUX VAUT PRÉVENIR

Dans ce contexte, le diabète de type 2, qui représente environ 92 % des cas de diabète, est une véritable épidémie silencieuse. Rappelons que, chez les personnes atteintes de cette forme de diabète, soit le pancréas n’est plus en capacité de produire suffisamment d’insuline, soit l’organisme n’est pas en mesure de l’utiliser efficacement. On parle alors d’insulino-résistance. Ce type de diabète se manifeste surtout chez les personnes de plus de 40 ans. Depuis quelques années, on note cependant une augmentation de ce diabète chez les enfants et les adolescents en surpoids. Pourtant, cette pathologie peut être efficacement jugulée et prévenue par la modification de l’hygiène de vie. En effet, et contrairement aux facteurs de prédispositions génétiques ou ceux liés à l’âge, il est possible de se préserver de cette forme de diabète en adaptant ses habitudes alimentaires et en pratiquant une activité physique régulière. Le diabète de type 2 est en effet intrinsèquement lié au mode de vie actuel qui se traduit par une alimentation trop riche en graisses et en sucres et par la sédentarité. La progression de la maladie est d’ailleurs étroitement corrélée à celle de l’obésité. La prévalence du diabète est 5,5 fois plus élevée chez les hommes obèses et 6 fois plus élevée chez les femmes obèses que chez des sujets non diabétiques.

EFFETS DÉLÉTÈRES

Selon la FFD, « les résultats d’un essai scientifique ont montré que, chez les personnes ayant modifié leur hygiène de vie, l’apparition du diabète baissait de près de 60 % ». Pour lutter contre le diabète, la prévention est donc le nerf de la guerre. Les enjeux de cette bataille sont de taille car les effets de la maladie sur la santé sont extrêmement délétères et les lourdes séquelles qu’elle peut engendrer irréversibles. Le diabète est ainsi la première cause d’amputation des membres inférieurs avec quelque 9 000 cas par an en France. Il est également la première cause de cécité après 65 ans (plus de 1 000 cas par an) et la deuxième cause d’accidents cardiovasculaires (infarctus du myocarde et AVC). Enfin, 25 % des insuffisances rénales terminales lui sont imputables. Par ailleurs, toute cause confondue et à âge égal, « la mortalité est 1,5 à 2 fois plus élevée chez les personnes diabétiques », comme l’indique la Haute Autorité de santé (HAS). Le coût économique de la prise en charge du diabète n’est pas non plus à négliger : 10 % de diabètes “complexes” représentent 40 % des dépenses de santé consacrées à la prise en charge des personnes diabétiques.

DÉPISTER TÔT

Schématiquement, le développement du diabète de type 2 s’opère en trois étapes successives : insulino-résistance, hyperinsulinisme (phase d’adaptation du pancréas à la demande accrue par l’insulino-résistance) et insulino-déficience. Asymptomatique, l’hyperglycémie est souvent découverte par hasard à l’occasion d’une prise de sang ou lorsqu’une complication survient. Rappelons qu’un taux de sucre dans le sang égal ou supérieur à 1,26 g/l signe un diabète. Pourtant, une meilleure observance des recommandations de la HAS permettrait d’accroître sensiblement le pourcentage de personnes dépistées. Depuis plus de dix ans, l’Agence préconise en effet de dépister systématiquement les personnes de plus de 45 ans présentant un facteur de risque : surcharge pondérale (IMC supérieure ou égale à 28 kg/m2), présence de syndrome métabolique, taux de cholestérol et/ou de triglycérides anormaux, tabagisme chronique, antécédents familiaux au diabète, hypertension artérielle… mais aussi les personnes migrantes ou d’origine non causasienne. La réciprocité entre diabète et précarité étant aujourd’hui établie, les personnes en situation de fragilité socio-économique doivent aussi faire l’objet d’un suivi et d’un dépistage réguliers. D’autant qu’en consommant moins de produits frais et davantage de pâtes, de riz, de sodas sucrés, de thé ou de café et de bière, leurs habitudes alimentaires favorisent l’apparition du diabète de type 2. Depuis 2014, la HAS recommande un rythme de dépistage des personnes cibles d’un à trois ans si la glycémie veineuse à jeun est inférieure à 1,10 g/l (6 mmol/l) et un an plus tard si la glycémie veineuse à jeun est comprise entre 1,10 et 1,25 g/l (6 et 6,8 mmol/l). L’objectif du contrôle glycémique étant bien de prévenir la survenue et/ou de ralentir la progression des maladies liées au diabète. Et si le diagnostic du diabète est posé, une prise en charge doit être rapidement proposée dans le but de contrôler des facteurs de risque aggravants, notamment le risque cardiovasculaire, et d’assurer également une prise en charge diététique et médicamenteuse et une prévention des complications du diabète.

BOUGER ET MANGER ÉQUILIBRÉ

En première intention, le traitement du diabète de type 2 repose sur une éducation thérapeutique. Elle doit être définie de manière différenciée en fonction de la situation de chaque patient. L’objectif de cette approche est de mettre en place des règles hygiéno-diététiques, équilibre alimentaire et activité physique régulière, et d’améliorer l’observance thérapeutique, un suivi régulier des personnes diabétiques. Les traitements médicamenteux étant à mettre en œuvre en seconde intention. « Il y a trente ans, le diabète était une “petite mort”, aujourd’hui, les restrictions sont beaucoup moins rigides et on peut vivre quasi normalement avec cette maladie, à condition de respecter certaines règles d’hygiène de vie qui peuvent être acquises par le biais de l’éducation thérapeutique », indique Isabelle Monso, cadre de santé du service d’endocrinologie et de diabétologie du Centre hospitalier d’Avignon (Vaucluse) (lire l’encadré en page suivante). S’agissant des règles hygiéno-diététiques, elles sont nécessaires et doivent inciter les patients à modifier leurs habitudes en commençant par la pratique d’une activité physique quotidienne. Faire 30 minutes de marche par jour permet ainsi de diminuer et de stabiliser la glycémie et la pression artérielle. L’équilibre nutritionnel, quant à lui, doit viser les apports glucidiques répartis en trois repas par jour – les glucides complexes devant apporter la moitié de la ration calorique quotidienne. Les sucres raffinés, l’alcool, les fruits et les laitages sont ainsi à réduire au profit d’une plus grande consommation de fibres alimentaires. En cas de surpoids, une perte de poids de 5 à 15 % est préconisée en vue de contrôler, là aussi, la glycémie. En seconde intention, un traitement médicamenteux doit être introduit, si les résultats glycémiques ne sont pas atteints malgré les mesures hygiéno-diététiques mises en place mais elles devront être poursuivies durant le traitement.

STABILISER LE HBA1C

Pour la HAS, « la stratégie médicamenteuse dépend de l’écart par rapport à l’objectif d’HbA1c (hémoglobine glyquée), de l’efficacité attendue des traitements, de leur tolérance, de leur sécurité et de leur coût ». La HAS recommande d’ailleurs de doser l’HbA1c tous les quatre mois chez les diabétiques. L’objectif est que cette valeur reste la plus proche de celle des sujets sains, à savoir moins de 7 % afin de réduire la morbidité et la mortalité liées au diabète. Lorsque ce taux est supérieur à 8 % à deux reprises, une modification de traitement doit être envisagée. Le diabète étant évolutif, le traitement doit être réévalué régulièrement dans toutes ses composantes (mesures hygiéno-diététiques, éducation thérapeutique et traitement médicamenteux). La metformine est le médicament de première intention en monothérapie – l’association metformine + sulfamide étant la bithérapie à privilégier. S’agissant de l’insuline, ce traitement est préconisé lorsque les autres traitements ne permettent pas d’atteindre l’objectif glycémique. L’insulinothérapie doit être accompagnée et dans l’idéal précédée d’une autosurveillance glycémique, ce qui implique l’éducation du patient. Dans ce domaine, le rôle infirmier est essentiel afin, d’une part, d’assurer avec le patient le suivi des objectifs fixés par les médecins et, d’autre part, de suivre et de repérer des complications : lésions du pied, dysfonction rénale, dépression, déshydratation, troubles oculaires, palpitations, difficultés respiratoires…

Critères du diabète de type 2

L’OMS définit le diabète de type 2 par :

→ une glycémie supérieure à 1,26 g/l (7,0 mmol/l) après un jeûne de 8 heures et vérifiée à deux reprises ;

→ la présence de symptômes de diabète (polyurie, polydipsie, amaigrissement) associée à une glycémie (sur plasma veineux) supérieure ou égale à 2 g/l (11,1 mmol/l) ;

→ une glycémie (sur plasma veineux) supérieure ou égale à 2 g/l (11,1 mmol/l) 2 heures après une charge orale de 75 g de glucose.

Prise en charge du diabète : un fort engagement soignant

Pour Isabelle Monso, cadre de santé du service d’endocrinologie et de diabétologie du centre hospitalier d’Avignon, la prise en charge des personnes atteintes de diabète est un travail d’équipe. Elle demande beaucoup d’implication pour les soignants et notamment les infirmières. Témoignage.

« En diabétologie, on ne peut imaginer un projet de service autrement que pluridisciplinaire et pluriprofessionnel. La prise en charge des patients diabétiques doit associer, en effet, plusieurs spécialités médicales (endocrinologues, ophtalmologues, cardiologues, angiologues, dentistes, psychiatres…) et paramédicales (diététiciens, pédicures, psychologues et infirmières). Toutes les infirmières de notre service sont formées à l’éducation thérapeutique – une approche qui a énormément amélioré la qualité de vie des patients. Au fil des années, nous avons défini des “profils patients”, qui sont régulièrement enrichis. En fonction de leur capacité à s’impliquer dans la prise en charge de leur maladie et de leur niveau de compréhension, nous leur proposons de participer à différents ateliers : Comment vivre avec le diabète ? Comment choisir ses aliments pour manger équilibré ? Quelle activité physique pratiquer ? Comment prendre soin de ses pieds ? Comment surveiller sa glycémie capillaire, faire ses injections d’insuline ?

Par ailleurs, le diabète est une maladie qui bénéficie en permanence de nouveaux traitements qui modifient, de facto, la prise en charge. Dans ce contexte, les infirmières doivent régulièrement se former et s’informer des évolutions dans ce champ pour accompagner et éduquer les patients. Depuis plusieurs mois, par exemple, le Freestyle Libre*, qui constitue une avancée notable dans la surveillance du diabète, nécessite d’éduquer les patients à sa bonne utilisation. Chaque nouvelle “technologie” ou nouveauté thérapeutique fait d’ailleurs affluer les patients. J’ai une équipe très dynamique, qui aime ce qu’elle fait, car l’éducation thérapeutique est une activité particulière qui demande beaucoup d’énergie, d’empathie et d’engagement de la part des soignants, mais aussi beaucoup de temps. Or force est de constater que, d’année en année, les moyens infirmiers et les lits d’hospitalisation diminuent alors que notre file active, elle, ne cesse d’augmenter comme la prévalence du diabète. En moins de dix ans, l’effectif infirmier a quasiment été divisé par deux. En moyenne, le délai de prise en charge en hospitalisation est aujourd’hui de deux mois. »

* Appareil d’autosurveillance glycémique sans piqûre. Le dispositif n’est pas remboursé à ce jour par la Sécurité sociale.