Relations humaines et communication hospitalière - Objectif Soins & Management n° 253 du 01/02/2017 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 253 du 01/02/2017

 

Management des soins

Sophie Lemaître  

Les professionnels de santé, en s’impliquant notamment dans des groupes de travail, cherchent à interagir autour des informations. C’est alors le cadre de santé qui endosse le rôle de médiateur. Mais la circulation des informations est aussi une source de pouvoir, que les uns et les autres vont utiliser de façon différente.

Alors que les moyens de transmission des informations se sont modernisés, leur circulation au sein de l’hôpital peut, à première vue, paraître difficile. Pourtant, les informations “passent”. Selon les moyens de communication utilisés, les effets produits sont différents, et l’on constate une déshumanisation des échanges.

L’INDISPENSABLE CIRULATION DES INFORMATIONS

La circulation des informations au sein de l’hôpital est un sujet particulièrement important pour que le travail puisse avoir lieu dans les meilleures conditions. Les professionnels de santé ont besoin d’être informés et de s’informer mutuellement : les informations doivent donc circuler. Le sujet peut paraître extrêmement classique, surtout depuis la modernisation des moyens de transmission qui a révolutionné la circulation des informations à travers le monde. Mais certaines situations professionnelles révèlent qu’elle ne produit pas toujours l’effet escompté, malgré tous les efforts qui y sont consacrés.

LA TRANSFORMATION DES TECHNOLOGIES

Différents supports de communication peuvent être employés pour faire circuler les informations. En fonction du type de support utilisé, les effets induits diffèrent.

L’affichage

L’affichage est un moyen de transmission rapide, simple, avec des modalités de mise en œuvre extrêmement faciles et permettant une large diffusion. Il sert à informer, expliquer, orienter ou encore divertir. Il peut être conçu de différentes façons et inclure du texte, des images, des dessins ou encore des photos. Mais cela reste un moyen de transmission complètement impersonnel.

En effet, même si coller des affiches ou des messages sur des lieux de forte fréquentation augmente la probabilité de les rendre bien visibles par un maximum de personnes, il subsiste un doute quant à la réception des éléments transmis : la réception même des informations, leur compréhension, le temps nécessaire pour en prendre connaissance, ainsi que le fait que certains affichages répondant à une obligation réglementaire (les consignes de sécurité par exemple) apparaissent comme des freins à leur appropriation.

Les formations

Les sessions de formation correspondent à une transmission de connaissances qui permettent l’entretien et le développement des compétences. Mais ce n’est pas tant le fait de bénéficier d’une formation qui plaît, mais plutôt de pouvoir échanger en direct avec d’autres personnes, des collègues différents de ceux qui se côtoient quotidiennement, poser des questions, discuter un point de vue, avoir de la controverse. Elles favorisent les interactions que les professionnels de santé recherchent et contribuent ainsi à l’évolution du collectif.

La messagerie électronique

La messagerie électronique est l’outil de communication par excellence. Elle est aussi bien utilisée pour transmettre des informations de première importance (le signalement d’événements marquants), que des informations plus relatives et diverses sur la vie de l’hôpital (coupures électriques mensuelles), ou encore pour communiquer avec les patients (prise de rendez-vous, questions à son médecin). Néanmoins, les échanges sont impersonnels et il n’y a plus de relation entre les acteurs : le contenu des messages peut ainsi s’en trouver dénué de sens. De plus, de cette facilité d’utilisation découle une certaine liberté sans retenue des uns et des autres à envoyer des mails. Dès lors, un tri et une priorisation dans les informations reçues sont nécessaires, impliquant organisation, rigueur et temps pour en prendre connaissance. Essentiel pour les strates hiérarchiques, ce mode de transmission représente par contre une surcharge de travail pour les soignants, plus “aux pieds du malade”, qui semblent déjà contraints par le temps pour la réalisation des soins.

Intranet

L’Intranet est également un moyen de communication performant : il utilise les techniques de l’Internet à une échelle plus modeste, en les orientant vers l’intérieur de l’entreprise(1). Mais les professionnels ne reçoivent pas de formation pour apprendre à s’en servir et certains se retrouvent seuls face à leur manque de compétence dans ce domaine. Cela se traduit par un sentiment d’envahissement de cet Intranet dans leur vie professionnelle, avec un outil qui s’est imposé dans l’hôpital et qui ne répond pas à leurs attentes d’interactions humaines.

LE BESOIN D’IMPLICATION ET LA COMMUNICATION INTERPERSONNELLE

L’implication est une forme d’engagement dans un projet, dans une relation. De nombreux agents participent à des groupes de travail ou bien sont référents dans un domaine d’activité particulier. Cet investissement répond dans la majeure partie des cas à une motivation personnelle qui peut être issue d’une envie ou d’une aptitude particulière dans un domaine d’activité.

Les projets transversaux

Ainsi, les soignants participent à des projets transversaux qui les obligent à élargir leur environnement, associer leurs compétences et entretenir des relations. La transversalité est donc une occasion de communication entre les différents acteurs hospitaliers et, de son côté, l’institution hospitalière a besoin de gens motivés pour travailler, participer et mener à bien des missions ou des projets à plus ou moins long terme. C’est une relation gagnant-gagnant.

Les réunions de service

Les réunions de service constituent une autre façon de travailler en groupe et sont l’un des moyens de communication utilisés par le cadre de santé. Plébiscitées par les équipes, elles permettent de leur transmettre des informations qui pourront être discutées ensemble. Pour Josette Hart et Sylvie Lucas, « le principe qui fonde le recours à ce dispositif est qu’il faut converser pour construire »(2). Construction d’un travail ensemble, et aussi d’une cohésion sociale, mais à la condition que ces réunions soient organisées, sur un temps dédié et identifié, et où les gens disposent du temps nécessaire pour s’y consacrer en se posant, pour entendre ce qui est dit, pour “discuter”, “poser des questions”, “répondre”, “avoir vraiment une conversation”, “donner son avis”, “exprimer ses difficultés” et même “râler”. Elles sont aussi très riches pour le cadre de santé qui, par leur biais, va collecter de nombreuses informations. En effet, les discussions pourront souvent aller au-delà de l’objet initial de la réunion, et lui fourniront « beaucoup de renseignements essentiels, à tel point qu’ils suffisent à eux seuls à faire de la réunion programmée un moyen de communication très puissant ».(3) Ce qui sera discuté au cours de ces réunions prendra donc du sens pour tous les participants, y compris pour le cadre.

LE BESOIN DE RECONNAISSANCE

Au fil de l’évolution de la réglementation hospitalière, les moyens financiers, humains, techniques se sont peu à peu rationalisés, une culture de la qualité et de la sécurité des soins a été développée. Le tout a progressivement contraint les soignants à occuper une grande partie du temps qu’ils consacrent normalement aux patients, au remplissage et à la rédaction de nombreux documents de plus en plus souvent informatisés, et gages d’un travail réalisé conformément aux nouvelles normes.

Ce travail, bien qu’indispensable, n’est pas tarifé dans l’activité du service, ni quantifié, mais constitue une grande part du travail invisible qu’un professionnel de santé réalise dans sa journée.

Une même reconnaissance pour tous

En échangeant avec eux, nous nous rendons compte que tous les soignants sont à la recherche d’une forme de reconnaissance. Ce droit à la discussion, à l’écoute des difficultés, et ce besoin d’implication qu’ils recherchent au travers des groupes de travail et des réunions, constituent une sorte de réciprocité, en retour de l’engagement qu’ils ont dans leur travail parfois si difficile. Par ailleurs, si la transmission des informations est devenue quasi instantanée grâce à la voie électronique, un apprentissage reste cependant nécessaire pour certains, afin de maîtriser l’ordinateur et la navigation Internet, et la consultation quotidienne de la boîte mail devient indispensable. Mais elle demande d’y consacrer une partie du temps normalement dédié au patient, dans un secteur où l’activité ne cesse d’augmenter et où la rationalisation des moyens a plutôt tendance à réduire les effectifs et où le temps n’est pas extensible.

Les choix qui impliquent les soignants

Le philosophe américain et professeur de management Frederick Irving Herzberg a déterminé cinq facteurs de satisfaction au travail parmi lesquels on trouve la reconnaissance. Il a également déterminé des facteurs de mécontentement, parmi lesquels les relations entre personnes. Les choix décisionnels pris au service des patients ou qui concernent l’organisation institutionnelle de façon plus globale sont pris par les hauts niveaux hiérarchiques. Or, là aussi, les soignants manifestent leur désir d’implication : leur participation à la communication institutionnelle représente aussi pour eux une façon de valoriser leur travail, leurs compétences, de reconnaître tout ce qu’ils font, y compris cette part du travail invisible qui est le leur au quotidien. Leur participation à des groupes de travail, au tutorat des stagiaires, et toutes les missions qui leur sont déléguées représentent peut-être une forme de reconnaissance par la confiance qui leur est accordée, mais pouvoir participer aux décisions qui les concernent constitue une reconnaissance formelle, collective et publique qui s’inscrit dans le registre des relations interhumaines qui relèvent de leurs valeurs profondes.

L’AMBIVALENCE DES DESIDERATA

Le besoin et la recherche d’interactions interpersonnelles sont très prégnants pour les soignants dans le domaine de la transmission des informations. Mais lorsqu’ils expriment l’abondance des informations, ils mettent aussi en évidence que bon nombre de celles qu’ils reçoivent ne les concernent pas toujours ou ne les intéressent pas, et ils indiquent tous devoir faire le tri, prioriser et traiter régulièrement les informations, et de façon rigoureuse, pour ne pas perdre les plus importantes qui se retrouvent complètement noyées dans le flot. Certains en arrivent donc à vouloir accéder aux informations professionnelles depuis leur domicile, où ils se retrouveraient seuls face au contenu des messages et en l’absence de réunions pour pouvoir discuter, poser des questions et bien comprendre le vocabulaire médical ou, encore plus important, ce qui est en jeu. Ils estiment pourtant que cela leur permettrait de consulter les informations relatives à la vie hospitalière ou à des formations sur des thématiques variées, en fonction de leurs besoins, de leur disponibilité et du temps qu’ils auraient à y consacrer. Et paradoxalement, certains souhaiteraient être impliqués par la hiérarchie et les directions dans la communication institutionnelle et les décisions qui sont prises sur l’organisation de l’hôpital, sur des sujets qui dépassent largement le périmètre de leur service et même de leur pôle d’activité. Les réunions de service sont largement plébiscitées afin de pouvoir comprendre et discuter les informations dont ils ont connaissance, mais, parallèlement, certains services ne disposent pas suffisamment de temps pour les mettre en œuvre.

L’INFORMATION ET LA NOTION DE POUVOIR

Le manque de temps apparaît au sein de l’organisation hospitalière, de manière discrète mais récurrente, comme un frein à la circulation des informations.

La néfaste rétention d’information

Ne pas transmettre d‘informations ou ne pas organiser de réunion est aussi une forme de communication. Elle peut être volontaire ou non, et s’apparenter soit à la recherche d’une reconnaissance purement “égoïste”, soit à une forme de leadership stratégique jugé indispensable à des choix décisionnels ultérieurs. L’information est source de pouvoir au sein des organisations, et leur rétention en est une forme. Pour Philippe Bernoux(4), « le pouvoir est la capacité pour certains individus ou groupes d’agir sur d’autres individus ou groupes. Cette définition a l’intérêt de mettre l’accent sur le caractère relationnel du pouvoir ».

Or le cadre est en relation avec ses équipes et il influe en permanence sur cette relation en fonction des décisions qu’il prend. La rétention d’informations peut ainsi provoquer des effets divers tels que l’incompréhension, des comportements inappropriés, un travail effectué a minima, et à terme peut avoir des effets néfastes sur la cohésion d’une équipe. En conséquence, les besoins de l’individu décrits par Maslow(5), tels que le besoin de sécurité, le besoin d’appartenance ou le besoin d’estime, ne seront plus satisfaits alors qu’ils sont sources de motivation dès lors qu’ils sont assouvis.

L’information distillée

Le cadre de santé qui retient l’information devient ainsi pour ses subordonnés LA ressource incontournable. Il maîtrise ainsi une zone d’incertitude, mais sera davantage sollicité par l’équipe, étant seul à détenir les informations.

Cette équipe, qui va devoir “courir” après ces informations, n’aura alors peut-être pas une perception positive de son cadre, même s’ils ne connaissent pas toujours les enjeux. En effet, le niveau d’information du cadre de santé est supérieur et plus large que celui des agents qui ont un repère spatial qui va le plus souvent rester limité à leur service et un repère temporel limité à leur planning. Pour le cadre, c’est donc parfois faire acte de pédagogie, voire de stratégie, que de donner ou non des informations aux agents, de choisir le moment adéquat pour les donner, afin que, ce qu’il transmet, au moment où il le transmet, prenne du sens.

À l’inverse, celui qui retransmet l’information n’est pas pour autant dépossédé de son pouvoir, car il la relaie et la diffuse à toute l’équipe, qui va donc le reconnaître comme personne ressource, et peut-être avec une meilleure perception.

Transmettre pour garantir la qualité et la sécurité des soins

Ainsi la transmission des informations constitue un levier de management, mais le cadre ne doit pas oublier que son défaut peut aussi avoir de graves conséquences dans la qualité et la sécurité des soins. En effet, la non-transmission de nouvelles réglementations ou procédures pourrait générer un manquement au respect des bonnes pratiques et aboutir à des événements indésirables graves et dommageables pour les patients.

Préserver son équipe

La rétention d’informations peut revêtir une tout autre intention dans ce paysage hospitalier humainement si rude. Le cadre de santé peut ainsi se soustraire volontairement à la transmission des plaintes des usagers, dans le seul et unique but de préserver son équipe. Il doit savoir « manager et animer une équipe pluridisciplinaire dans un secteur de prestations de soins et de service »(6). Dans ce but, et pour répondre aux savoirs en lien avec la communication écrite et orale, il doit être capable « d’utiliser les leviers de la motivation »(6). Or le levier de motivation prend ici la forme d’un rempart érigé pour protéger le personnel, par le filtrage des plaintes que le service qualité a reçues et lui a ensuite transmises. Il assure lui-même la gestion des “petites plaintes” courantes et ne transmet que celles qui ont été les plus dommageables pour les patients. Il met donc ici, de façon tout à fait différente, son pouvoir au service de ses subordonnés. La rétention des informations dans ce cas précis est une autre façon d’être en relation avec l’équipe, une autre façon d’agir sur elle.

LA DÉSHUMANISATION DES ÉCHANGES

La transformation des technologies de communication a donc différents effets sur la transmission des informations à l’hôpital : nouvelle tâche, surabondance des informations donc temps important pour les consulter, matériel informatique indispensable – qui doit aussi être disponible et fonctionnel – et nouvelles compétences. Face à l’hétérogénéité des aptitudes vis-à-vis de l’utilisation des outils informatiques, il apparaît que les soignants sont finalement autant confrontés à un problème de contenant de l’information que de contenu. Or l’échange entre les soignants est primordial à l’hôpital. Ils ont besoin d’être informés et de s’informer mutuellement. Mais certaines informations peuvent aussi parfois leur échapper par manque de temps, par une mobilité accrue dans l’hôpital ou, à l’inverse, par un confinement dans un service, par incompréhension des messages, ou plus simplement par manque d’intérêt. La modernisation des technologies de communication a fait prendre des raccourcis dans la transmission des informations, au détriment de sa qualité. Les raisons sont variées et toutes mettent en exergue un manque d’interactions entre les personnes. La voie électronique a rendu les échanges impersonnels car, dans la majeure partie des cas, les messages sont épurés, nombreux, l’échange est rapide et le style parfois télégraphique. Les acteurs sont donc privés du “processus de contextualisation physique et sensoriel”(2), c’est-à-dire qu’ils ne peuvent pas retirer ce qui se dégagerait d’un regard de l’autre, du ton de la voix, d’une poignée de mains ou encore d’une accolade, tout ce qui rend les interactions interpersonnelles si riches.

EN GUISE DE CONCLUSION

Les moyens de transmissions de l’information à l’hôpital ont évolué parallèlement à celle des technologies, transformant les modes de communication. Or les soignants sont attachés à ces dimensions humaines qui constituent leur leitmotiv quotidien. Ils ont besoin de s’impliquer et d’interagir, c’est pourquoi les relations interpersonnelles peuvent, sous certaines conditions, favoriser la circulation des informations à l’hôpital, en évitant leur perte, ou en les discutant. Néanmoins, toutes les communications interpersonnelles n’ont pas la même efficience. Les soignants doivent pouvoir y consacrer du temps, ces communications interpersonnelles ne sont donc vraiment efficientes que lorsqu’elles sont organisées dans un cadre bien déterminé et dans un temps identifié et dédié à la transmission des informations. Que ce soit pour l’encadrement ou pour les subordonnés, l’information se transforme en source de pouvoir en choisissant de distiller l’information ou de la garder pour soi, à quel moment et à quelle personne, et en choisissant d’entendre ou pas cette information. Le temps est d’ailleurs une préoccupation qui semble omniprésente. En effet, l’accélération des technologies de la communication et la facilitation de la transmission de l’information sont des atouts pour les organisations, mais connaître ces informations prend non seulement du temps et fait partie du travail invisible, mais aussi accroît la charge de travail : or le temps n’est pas extensible. La diminution des effectifs et la loi des trente-cinq heures de travail hebdomadaire ont aussi contraint le temps. Ainsi aujourd’hui, en sept heures de travail, il faut être dans l’interaction, dans la dynamique collective, mais il faut aussi trouver des plages pour se concentrer tout seul. Ne pas savoir organiser son temps, ni prioriser ses actions devient un frein à l’accomplissement des tâches. Il faut concilier le temps de travail, la durée du travail et le produit du travail. Cependant, cette problématique n’est absolument pas spécifique à l’hôpital. La gestion et la maîtrise du temps sont une préoccupation contemporaine des systèmes actuels d’organisation du travail : tout ceci est lié aux transformations de l’organisation, à la transformation du management, à la transformation du temps de travail, et la question du temps se pose en permanence. Donc la transformation des technologies de la communication et de l’information joue aussi son rôle dans cette charge accrue de travail que représente la prise de connaissance des informations disponibles.

L’organisation hospitalière a subi de nombreuses réformes successives, destinées à améliorer l’accès des soins, mais aussi à maîtriser les dépenses de santé, en augmentation constante depuis la Seconde Guerre mondiale. Une gestion des moyens financiers et techniques stricte s’est imposée dans les hôpitaux où le cadre de santé de proximité diplômé, formé à la gestion et à l’économie de la santé, est venu remplacer les surveillantes nommées à l’ancienneté et au mérite, et représente « le centre nerveux » de l’organisation(7), où il a un rôle essentiel de médiateur des informations.

La question de la circulation des informations glisse vers la question de la communication : ceci suggère que les soignants ne sont pas simplement avides d’avoir des informations qui les concernent, mais souhaitent avoir du lien. Ils sont des acteurs de la relation d’aide à l’autre et les relations interhumaines font partie de leurs valeurs. Les actes qui donnent de l’humanité et entrent dans le domaine de la bientraitance sont aujourd’hui écrits sur des procédures. Ce qui est écrit doit ensuite se faire et se lire et la question des interactions interpersonnelles, et tout ce qui se transmet de personne à personne, avec l’affect que les gens peuvent y mettre, prend une dimension encore plus grande.

D’autre part, la qualité des soins est aujourd’hui le leitmotiv, ce qui implique que tout est procéduré : travail sur ordinateur, traçabilité administrative, signalements… La part de temps consacré au patient diminue, or ce qui joue beaucoup pour le patient dans la qualité de soin passe par le relationnel, c’est-à-dire par le sentiment que quelqu’un s’occupe vraiment de lui, par des petits gestes qui peuvent paraître insignifiants mais qui ont une grande valeur pour la personne malade : le geste qui va aider à se sentir mieux.

La diminution des interactions entre soignants, et entre soignants et patients, n’entre-t-elle pas en contradiction avec la qualité des soins tant recherchée ?

NOTES

(1) Detrie, Philippe. Broyez, Catherine. La communication interne au service du management. Éditions Liaisons, 2001.

(2) Hart, Josette. Lucas, Sylvie. Management hospitalier, stratégies nouvelles des cadres. Rueil-Malmaison : Éditions Lamarre, 2002, 180 p.

(3) Mintzberg, Henry. Le manager au quotidien : Les dix rôles du cadre. 2e édition mise à jour et complétée. Paris : Éditions d’Organisation, Collection références poche, 2014. 284 p.

(4) Philippe Bernoux est sociologue.

(5) Abraham Harold Maslow (1908-1970) était un psychologue américain considéré comme le père de l’approche humaniste.

(6) Référentiel de compétences du cadre responsable d’unité de soins de l’APHP, 2010, p.5 (à consulter via le lien raccourci bit.ly/2kicS5T).

(7) Mintzberg, Henry, Manager – L’essentiel : Ce que font vraiment les managers… et ce qu’ils pourraient faire mieux, Éditions Vuibert, 2e édition, 2014, p. 77.

Le rôle médiateur du cadre de santé

Au sein de l’organisation hospitalière, le cadre de santé est le premier maillon de la ligne hiérarchique des soignant, et c’est lui qui relaie les informations : transmissions de mails, affichage de messages en salle de repos, dans les postes de soins, dans les cahiers de transmission, points infos, réunions, ou encore transmission informelle. Mais, pour pouvoir transmettre des informations, le cadre de santé ne se contente pas d’en recevoir, il en collecte dans tout son environnement et lui en transmet. Il collecte, informe, explique ce dont il a connaissance. Mais, en son absence, l’information ne circule pas aussi bien. En effet, la création et l’entretien de liens entre les acteurs de santé représentent une part importante de l’activité du cadre. Dans un secteur où la continuité, la qualité et la sécurité des soins doivent être assurées, le cadre intervient dans de nombreuses situations afin de limiter ou de rattraper des problèmes organisationnels, ou des défauts dans l’application des procédures. Il a donc un rôle central de lien entre l’équipe et les niveaux hiérarchiques équivalents et supérieurs : c’est le pivot, l’interface de l’information. Mais la façon de la faire circuler relève cependant d’une forme de pouvoir.