Objectif Soins n° 253 du 01/02/2017

 

Actualités

Claire Pourprix  

Politique Tous les candidats à l’élection présidentielle sont désormais connus. Leur programme s’affine et il est grand temps pour la profession de se faire entendre. Mais vous, que feriez-vous si vous étiez président ? Trois cadres de santé déroulent leurs mesures phares.

Laurent Soyer

Cadre de santé aux Hôpitaux du bassin de Thau (Hérault), dans les services de soins de suite et réadaptation et long séjour du pôle de gériatrie

« L’augmentation des dépenses de santé est surtout liée à l’offre de soins, notamment aux progrès technologiques qui créent de la demande, ainsi qu’à une surconsommation de médicaments. Cependant, l’espérance de vie stagne voire décroît, les cancers prolifèrent…

Je souhaiterais un président qui développe un système de santé privilégiant une approche sanitaire préventive, alors qu’actuellement elle est principalement curative. En renforçant éducation et santé dès l’enfance, à l’école et dans le cercle socio-familial, les enfants et parents deviendraient des acteurs responsables de leur santé. Un message comme “manger 5 fruits et 5 légumes” ne prend de sens que si ces aliments ne sont pas bourrés de pesticides ! D’où la nécessité de généraliser une alimentation biologique dans les établissements scolaires et les hôpitaux, là où les personnes sont les plus vulnérables.

Le développement de la santé communautaire favoriserait l’appropriation citoyenne de la prévention en santé. Cette perspective inviterait alors à revisiter les programmes de formation médicaux et paramédicaux et également à créer des postes d’infirmières de santé communautaire.

Les personnes en demande de soins ont besoin d’un personnel compétent, donc formé régulièrement et suffisant en nombre. Ne serait-il pas préférable de maintenir, voire d’augmenter les postes de soignants grâce à des transferts de budgets, par exemple de celui de la Défense qui se monte à plus de 31 millions d’euros ? Quelle société souhaitons-nous ? »

Samira Billa

Cadre de santé en psychiatrieà l’hôpital Fernand-Widal (AP-HP)

« Si j’étais présidente, ma priorité serait de lutter contre les déserts médicaux. C’est un vrai problème dans la vie quotidienne de nombreux Français de ne pas avoir accès, dans un délai raisonnable et sans être obligé d’accepter des dépassements d’honoraires, à des dermatos, ophtalmos, sages-femmes et même infirmières. Il faudrait instituer des quotas d’ouverture et organiser des parcours fléchés attractifs grâce à des aides à l’installation, et faire en sorte que les maisons médicales et centres de soins soient proportionnés à la population. Le financement devrait provenir du ministère de la Santé et non pas des mairies.

Je mettrais en place un système de limitation des prix des consultations, cohérent avec le remboursement des mutuelles, et un contrôle plus strict de l’octroi de la CMU : un rééquilibrage est nécessaire et il faut responsabiliser les citoyens, les praticiens et les prestataires de services pour pérenniser notre système de santé.

Je soignerais mieux le personnel soignant en investissant dans leurs locaux, leur équipement et en renforçant les effectifs. La nouvelle organisation du temps de travail à l’AP-HP réduit la journée de 14 minutes : c’est autant de temps de transmission, d’entretien avec un patient ou de tâches pour le service en moins. Les soignants ont besoin d’une meilleure reconnaissance. »

Arnaud Barras

Infirmier, cadre supérieur de santé en Ifsi

« L’une des urgences est de revoir le mode de financement des hôpitaux. La tarification à l’activité a créé un système inique avec des tarifs fixés par l’État en dehors de toute logique d’offre et de demande. Pour établir un tarif à l’activité de soins, il faudrait un système qui ne se cantonne pas à l’activité technique mais qui prenne en compte la personne : ses antécédents, son âge, ses données sociales, reconnaître le soin relationnel.

De plus, il faudrait créer des circuits de filière gériatrique pour accueillir dignement et efficacement les personnes âgées. Aujourd’hui, elles se retrouvent trop souvent dans les services d’urgences, ces lieux où se concentrent tous les problèmes sociaux irrésolus par notre société. Une véritable réflexion sociétale doit être menée sur la personne dépendante, à commencer au sein même du monde soignant. Nos formations n’insistent pas assez sur cet aspect alors que cette population requiert une prise en charge particulière.

Une autre mesure phare porterait sur la reconnaissance infirmière avec l’instauration des sciences infirmières à l’université via la création de masters et de doctorats en sciences infirmières. Les deux derniers gouvernements n’ont pas écouté la profession, qui est absente des lois HPST et Santé. La réingénierie de la formation cadre est toujours en attente et nos compétences autonomes ne sont pas valorisées. Les cadres devraient être présents dans les instances de décisions des hôpitaux et associés aux processus de décision comme le soulignait déjà le rapport de Singly en 2009. »