Il n’y pas de droit sans jurisprudence. La jurisprudence, ce sont toutes les décisions rendues par tous les tribunaux. Elle permet d’établir des principes de droit.
Cour administrative d’appel de Nantes, 21 octobre 2016, n° 15NT00372
Le droit de grève est un droit fondamental reconnu par le Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 auquel les autorités administratives peuvent apporter les limitations strictement nécessaires à la préservation de l’ordre public, au nombre desquelles figurent les impératifs de santé publique.
Le préfet, dans le cadre des pouvoirs qu’il tient du 4° de l’article L. 2215-1 du Code général des collectivités territoriales, lorsque l’ordre public, la sécurité publique et la continuité des soins l’exigent, et en l’absence d’accord sur la mise en œuvre d’un service minimum dans un établissement de soins, peut légalement requérir les agents en grève d’un établissement de santé, même privé, dans le but d’assurer le maintien d’un effectif suffisant pour garantir la sécurité des patients et la continuité des soins.
Ces mesures doivent être toutefois imposées par l’urgence, proportionnées aux nécessités de l’ordre public, et prises en tenant compte des redéploiements possibles d’activités vers d’autres établissements de santé du territoire de santé ou le fonctionnement réduit du service, et après avoir recherché si les besoins essentiels de la population pouvaient être autrement satisfaits compte tenu des capacités sanitaires du territoire de santé comme défini par le schéma d’organisation des soins prévu aux articles L. 1434-7 et L. 1434-9 du Code de la santé publique.
Pour adopter une mesure de réquisition dans une clinique, le préfet avait relevé que cet établissement était le seul à disposer d’une autorisation en chirurgie urologique sur le territoire de santé, et avait également une importante activité d’obstétrique de niveau 1, que le centre hospitalier situé sur le même territoire de santé n’était pas en capacité d’absorber cette activité dans les conditions de sécurité requises.
Dans ces conditions, la réquisition, limitée à quelques personnes, était une solution nécessaire à la préservation de la sécurité sanitaire de la population du territoire de santé.
Cour administrative d’appel de Nancy, 10 novembre 2016,n° 15NC02086
Le directeur du centre hospitalier a prononcé, d’autorité, l’affection d’une infirmière dans un autre service de l’établissement, mesure contestée par l’infirmière qui soutenait qu’il s’agissait d’une sanction disciplinaire déguisée.
Le dossier montrait que le comportement d’une infirmière au sein de l’unité de consultation et de soins ambulatoires était à l’origine de tensions qui faisaient obstacle, notamment, au recrutement de nouveaux personnels infirmiers et, par suite, compromettaient le bon fonctionnement du service.
Ses notations des années 2012 et 2013 faisaient état de ses compétences professionnelles, mais elles relevaient également un comportement inadapté à l’égard des nouveaux collègues et un esprit d’équipe insuffisant.
Il y avait des témoignages de soutien, soulignant sa valeur professionnelle, mais ces témoignages n’étaient pas de nature à remettre en cause l’appréciation portée par l’administration sur les dysfonctionnements induits par son comportement dans le cadre de travail.
Ainsi, l’infirmière n’est pas fondée à soutenir que la décision contestée aurait été prise dans un but étranger à l’intérêt du service ou serait entachée d’une erreur manifeste d’appréciation, et la mutation a été validée.
Cour administrative d’appel de Bordeaux, 28 novembre 2016, n° 14BX03453
Les dispositions instituant la rente viagère d’invalidité et l’allocation temporaire d’invalidité ont pour objet de réparer les pertes de revenus et l’incidence professionnelle résultant de l’incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Ces chefs de préjudice sont réparés forfaitairement dans le cadre de l’obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu’ils peuvent courir dans l’exercice de leurs fonctions.
Ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l’invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d’une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l’emploie, même en l’absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu’une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l’ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l’accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l’état d’un ouvrage public dont l’entretien lui incombait.
Une infirmière avait été blessée par la chute d’une plaque métallique d’un faux plafond sur son bras gauche à la suite d’une manœuvre maladroite d’une collègue avec laquelle elle intervenait pour assécher une flaque d’eau qui s’était formée dans un couloir du service de gastroentérologie où elles étaient affectées.
Cette action dommageable caractérise une faute de service imputable au centre hospitalier, de nature à engager la responsabilité de l’établissement. En l’absence d’imprudence particulière de sa part ou de méconnaissance d’une consigne spécifique, le fait que l’infirmière soit intervenue pour éponger une flaque d’eau sur le sol des locaux du service où elle travaillait ne peut être regardé comme une faute de la victime, exonératoire de la responsabilité du centre hospitalier. Au surplus, son intervention en vue d’assécher le sol du couloir ne peut être regardée comme étant à l’origine de l’accident dû, comme il a été dit, à la chute d’une plaque de faux plafond.
De telle sorte, l’infirmière avait droit à l’indemnisation globale du préjudice subi.
Cour administrative d’appel de Douai, 22 juillet 2016, n° 15DA00142
Il ressortait des pièces du dossier et notamment du compte-rendu d’un entretien au cours duquel l’agent a été entendu, le 12 avril 2013 par la directrice de l’Ehpad et son adjointe, que l’intéressé a alors avoué avoir crié, dans un moment d’énervement, sur une résidente et l’avoir prise sans ménagement par le bras.
L’agent a également avoué avoir déjà haussé à plusieurs reprises le ton à l’égard de personnes résidentes. En outre, un message électronique, dont le caractère probant et le contenu ne sont pas contestés, adressé le 12?juin 2013 par deux aides-soignantes à la responsable du service hôtelier, fait apparaître que l’agent a déposé une bouteille d’eau dans la chambre d’une résidente non autorisée pour motif médical à boire de l’eau sous la forme liquide, l’intéressé ayant reconnu à cette occasion ne pas avoir en sa possession la liste des résidents soumis à cette restriction et ne pas avoir le temps de consulter ce type de listes.
Ainsi, il est établi que l’intéressé a, d’une part, adopté des comportements agressifs et brusques à l’encontre de personnes âgées vulnérables, d’autre part, a mis en danger la vie d’une autre personne en l’exposant, par sa négligence et sa désinvolture, à un risque sérieux pour sa santé. Ces deux motifs constituent des fautes de nature à justifier une sanction disciplinaire. Eu égard à la particulière gravité de ces agissements, susceptibles de porter atteinte à l’intégrité physique et psychique des personnes âgées vulnérables accueillies dans l’établissement, ceux-ci suffisaient à justifier, à eux seuls, la sanction de révocation, qui n’est pas disproportionnée.
Cour de cassation, chambre sociale, 30 novembre 2016, n° 14-18305
Aux termes de l’article L. 1225-4 du Code du travail, aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d’une salariée en état de grossesse médicalement constaté et pendant les périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, ainsi que pendant les quatre semaines subséquentes. Le licenciement est toutefois possible en cas de faute grave ou d’une impossibilité de maintenir ce contrat pour une cause étrangère à la grossesse, la rupture du contrat de travail ne pouvant recevoir effet pendant les périodes de suspension du contrat de travail.
Une femme engagée le 4 mai 2006 par la société exploitant une résidence en qualité d’agent de service hospitalier a été convoquée le 30 juin 2010 à un entretien préalable au licenciement.
Le 3 juillet 2010, elle a informé son employeur de son état de grossesse et, le 30 juillet 2010, elle a été licenciée pour faute grave notifiée le 30 juillet 2010.
Le 1er juillet 2010, à l’issue de son service, la salariée avait agressé l’une de ses collègues en dépit d’un avertissement notifié le 29 juin précédent. Ces manquements graves de l’intéressée à ses obligations contractuelles, qui étaient sans lien avec son état de grossesse, rendaient impossible son maintien dans l’entreprise, dans le respect de l’article L. 1225-4 du Code du travail.
Cour de cassation, chambre sociale, 22 septembre 2016, n° 15-13849
Une femme a été engagée en qualité d’employée commerciale. Postérieurement à un accident du travail et à des arrêts de travail suivis d’avis d’aptitude avec réserves, le médecin du travail a, le 15 mars 2011, déclaré la salariée inapte, l’avis étant formulé selon la procédure d’urgence prévue à l’article R. 4624-31 du Code du travail et l’inaptitude étant de ce fait « définitive et prononcée en une seule fois ». Après avoir été interrogé par l’employeur sur les possibilités de reclassement, ce médecin a précisé, le 30 mars 2011, que la salariée était inapte à tout poste dans l’entreprise mais apte, avec réserve, à son poste d’employée commerciale dans tous les autres magasins de l’enseigne. La salariée a été licenciée le 27 avril 2011 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
En l’absence de contestation, l’avis d’inaptitude délivré par le médecin du travail s’imposait à l’employeur.
L’employeur exploitait un magasin sous une enseigne d’un grand groupe national, et il ne démontrait pas son impossibilité d’assurer une permutation du personnel avec d’autres entreprises appartenant au même réseau de distribution et ayant des activités, des objectifs et des emplois identiques. Ainsi, cet employeur ne justifiait pas s’être acquitté de son obligation de reclassement.
S’agissant des suites d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, l’obligation de reclassement est appréciée avec exigence par la jurisprudence. En l’occurrence, la salariée dépendait d’un groupe, et il n’a pas été recherché de solutions de reclassement dans le groupe, de telle sorte que le licenciement était abusif.
Cour de cassation, chambre sociale, 14 septembre 2016, n° 15-18189
Engagée en septembre 2004 par un artisan boulanger, en qualité de vendeuse, la salariée a été victime le 14 janvier 2009 d’un accident du travail. Invoquant l’inaction de son employeur après l’envoi d’un certificat médical final le 13 septembre 2010, elle a saisi la juridiction prud’homale en référé. Par ordonnance du 25 novembre 2011, celle-ci a dit « n’y avoir lieu à référé ».
Si la prise d’acte de la rupture du contrat de travail n’est soumise à aucun formalisme, c’est à la condition qu’elle soit adressée directement à l’employeur.
Le seul acte émis en ce sens par la salariée n’avait pas été adressé directement à l’employeur mais avait consisté en une prétention émise devant la formation de référé de la juridiction prud’homale : en l’absence de prise d’acte, le contrat de travail était toujours en cours à la date du licenciement qui a suivi.
La prise d’acte de la rupture est utile lorsque le salarié se heurte à une inertie de l’employeur, inertie qui remet en cause ses droits ou sa santé. Mais c’est un concept à manier avec beaucoup de prudence. Dans cette affaire, la salariée avait agi en référé devant le conseil de prud’hommes, alors qu’elle devait s’adresser directement à l’employeur.
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 1 décembre 2016, n° 15-12114
L’article 41-1 de la loi du 10 juillet 1965 tel qu’il résulte de la rédaction issue de l’article 95 de la loi du 13 juillet 2006 (loi ENL) dispose que « le règlement de copropriété peut étendre l’objet d’un syndicat des copropriétaires à la fourniture, aux occupants de l’immeuble, des services spécifiques notamment de restauration, de surveillance, d’aide ou de loisirs. Ces services peuvent être procurés en exécution d’une convention conclue avec les tiers. Le statut de la copropriété est incompatible avec l’octroi de soins ou d’aide et d’accompagnement exclusivement liés à la personne qui ne peuvent être fournis que par des établissements et des services relevant du paragraphe I de l’article L. 312-1 du Code de l’action sociale et des familles ».
Il s’agit de dispositions d’ordre public qui s’appliquent immédiatement, et il ne peut y être dérogé par contrat. En conséquence, les résidences services qui prévoyaient avant l’entrée en vigueur de la loi du 13 juillet 2006 la fourniture de services de soins ou d’aide et d’accompagnement exclusivement liés à la personne aux résidents doivent se mettre en conformité avec ces dispositions, ce qui suppose la modification du règlement de copropriété, en ce sens.
Les articles L. 7231-1 et suivants et D. 7231 et suivants du Code du travail ouvrent la possibilité pour les résidences de services d’être agréées au titre des services à la personne pour les services d’aide à domicile rendus aux résidents, ces services d’aide comprenant notamment les services d’assistance aux personnes âgées, aux personnes handicapées ou aux autres personnes qui ont besoin d’une aide personnelle à leur domicile ou d’une aide à la mobilité dans l’environnement de proximité favorisant leur maintien à domicile.
L’article 2 de l’arrêté du 24 novembre 2006 pris pour l’application des articles précités du Code du travail précise que les services d’assistance comprennent notamment l’accompagnement et l’aide aux personnes dans les actes essentiels de la vie quotidienne (mobilisation, déplacements, toilette, habillage, alimentation, fonctions d’élimination, garde-malade, soutien des activités intellectuelles, sensorielles et motrices, transport…), ainsi que dans les actes de soins relevant d’actes médicaux ou réalisés sur prescription médicale sont exclus des services d’assistance ouvrant droit à agrément, au titre des services à la personne.