Objectif Soins n° 254 du 01/03/2017

 

Qualité Gestion des risques

Anne-Lise Favier  

Courant février, une contamination est détectée sur des appareils de lavage et désinfection des endoscopes à l’hôpital Nord de Marseille (AP-HM). L’occasion de faire le point sur la sécurité de ces appareils voués à l’exploration cavitaire.

La désinfection des sondes endocavitaires : le sujet questionne régulièrement et fait même parfois la Une de l’actualité. Si l’usage de ces appareils remonte à quelque cinquante années en arrière, l’emploi de mesures de désinfection est récent. Avec un problème à surmonter : effectuer une décontamination parfaite pour ne pas exposer le patient sans compromettre la qualité du matériel avec des désinfectants trop agressifs pour ces dispositifs médicaux high-tech.

INFECTIONS, TRANSMISSIONS, PROTECTION

Régulièrement, les associations de patients interpellent les pouvoirs publics et les professionnels de santé sur les risques d’infections nosocomiales véhiculés par les sondes. Et pour cause, puisque l’on parle de dispositifs médicaux destinés à mener une investigation dans des cavités physiologiques comme les bronches, le vagin (pour mieux visualiser l’utérus et les ovaires), l’œsophage (pour examiner le cœur notamment), l’estomac ou encore les intestins et le rectum (par exemple pour l’examen du côlon et, chez les hommes, de la prostate). Un système qui, lors de son passage, peut risquer de déposer bactéries et virus s’il n’est pas parfaitement désinfecté.

Des recommandations qui évoluent…

Ces dix dernières années, les recommandations ont évolué, posant tour à tour la question de la contamination lors des explorations digestives par les agents transmissibles non-conventionnels (ATNC) – maladie de Creutzfeldt-Jakob en tête – et plus récemment par les papillomavirus humains (HPV) pour les échographies endovaginales. …

et une enquête

À ce sujet, la Direction générale de l’offre de soins a confié l’an dernier une mission d’enquête exploratoire nationale relative aux pratiques d’hygiène liée à la désinfection de ces sondes au Groupe d’évaluation des pratiques en hygiène hospitalière (GREPHH), pour « caractériser les organisations de process de désinfection et mesurer les éventuels écarts relatifs aux recommandations de bonnes pratiques du Haut Conseil de santé publique de 2008 ». Ces dernières recommandaient l’usage – pour les sondes d’échographies endocavitaires – de gaines de protection et une désinfection de bas niveau entre deux examens, ou de niveau intermédiaire en cas de rupture de la gaine ou de constat de souillures sur la sonde. Une mesure que les associations de patients n’ont cessé de dénoncer, Le Lien en tête, estimant la procédure insuffisante.

DES INFECTIONS POSSIBLES ?

Si Le Lien met en avant le témoignage de patientes ayant été contaminées par le HPV après un examen échographique, il reste néanmoins difficile de prouver que la contamination provient bien de l’acte d’exploration (et pas d’une relation sexuelle si l’on prend l’exemple du HPV). En France, le signalement des infections nosocomiales (en place depuis 2001) n’établit aucun cas d’infection par HIV ou un autre virus comme l’hépatite B lors de la réalisation d’actes d’échographie endocavitaire. Reste que des accidents de contamination survenus outre-Atlantique ont bel et bien été rapportés concernant des examens d’endoscopies.

Un réel problème de santé publique

En 2015, une entérobactérie résistante aux carbapénèmes (CRE en anglais) a contaminé plusieurs patients ayant subi des examens d’endoscopie digestive. Cette bactérie, en plus d’être ultra-résistante aux antibiotiques les plus pointus, est considérée comme mortelle dans 50 % des cas. Le problème de la contamination des sondes d’endoscopie est donc un réel problème de santé publique.

Rappelons notamment que le sujet a été mis à l’ordre du jour dans le Programme national d’actions de prévention des infections associées aux soins (Propias) 2015, lequel demande de « réduire le risque infectieux associé aux actes invasifs » (axe 3 du programme), puis, dans le thème “renforcer et ancrer la culture de sécurité de l’ensemble des personnels pratiquant des actes invasifs”, de pratiquer des audits sur la question.

Une prévention suivie

Une mission d’audit que le GREPHH a menée en publiant en septembre 2015 un rapport national sur les endoscopes non autoclavables(1). Celui-ci conclut que « le traitement des endoscopes en dehors des heures ouvrables du site de traitement n’est pas optimum dans 25 % des cas. Il faudrait s’intéresser à l’usage unique, à la stérilisation des endoscopes ou à la mutualisation des ressources (+/- centralisation) avec du personnel formé, opérationnel et disponible en astreintes ou garde ».

Le GREPHH insiste aussi sur la formation à l’introduction de nouveaux matériels. D’autres professionnels de santé, Société française d’hygiène hospitalière (SF2H) en tête, s’interrogent eux aussi régulièrement sur la réévaluation du risque de transmission d’infections nosocomiales par l’intermédiaire de ce type de matériel et conduisent avec le Haut Conseil de santé publique (HCSP) une exploitation des nouvelles données épidémiologiques et scientifiques pour proposer de nouvelles recommandations. En 2016, lors du congrès de la SF2H qui s’est tenu à Nantes (Loire-Atlantique), Pierre Parneix, président de cette société savante, a mis en avant les convictions de la SF2H : « La prévention du risque ne peut reposer sur la seule désinfection de la sonde et doit intégrer une maîtrise de la gestuelle et de l’environnement », un point, qui selon lui, « mérite d’être plus encadré ». Ajoutant que les procédés actuels de référence pour la désinfection de niveau intermédiaire (de type oxydant) avaient une bonne capacité virucide sur les HPV, mais restant ouvert à des évolutions possibles (la réalisation d’une désinfection de niveau intermédiaire doublée d’une gaine de protection) et demandant une instruction des autorités sanitaires pour faire évoluer les règles de désinfection dans le domaine des sondes d’échographies endocavitaires.

CAS DES ÉCHOGRAPHIES

De son côté, le GREPHH a également publié les résultats de son enquête exploratoire nationale relative aux pratiques d’hygiène appliquées aux sondes à échographie endovaginale(2) (enquête mandatée par la Direction générale de l’offre de soins) : « Cette enquête avait pour objectifs d’évaluer le niveau d’application des recommandations de bonnes pratiques actuellement en vigueur aussi bien en établissement de santé qu’en secteur libéral », explique le groupement en conclusion de son rapport. Il se félicite de l’emploi majoritaire d’une gaine de protection répondant aux exigences du marquage CE et de la généralisation de la désinfection de bas niveau en cas d’utilisation de gaine mais regrette néanmoins plusieurs points à améliorer : l’organisation de la désinfection de niveau intermédiaire et du traitement de la sonde en fin de programme (locaux, produits, procédures, continuité? des soins), l’hygiène des mains et le port de gants, notamment le changement de gants pour l’entretien de la sonde, la traçabilité et enfin la formation des professionnels. Des thématiques qui convergent toutes vers des pratiques plus sécurisées des examens d’exploration endocavitaire.

NOTES

(1) “Endoscopes souples non autoclavables avec canaux”, Audit national endoscopie 2015, Résultats de l’audit national, Réseau CClin-Arlin - GREPHH, à lire via le lien raccourci bit.ly/2lA8RfB.

(2) “Enquête exploratoire nationale relative aux pratiques d’hygiène appliquées aux sondes à échographie endovaginale”, Résultats, à lire via le lien raccourci bit.ly/2naez4b.

Gestion de crise à Marseille

Ce sont les endoscopies digestives et bronchiques qui ont connu un problème de contamination. Plus précisément, c’est le système de laveurs-désinfecteurs qui a été mis en cause : on y a retrouvé des Pseudomonas non pathogènes (selon le communiqué émis par la direction communication de l’hôpital Nord) qui ne peuvent « avoir de conséquence clinique chez l’homme à l’exception des patients gravement immuno-déprimés ». Les médecins marseillais et les responsables du CLIN tiennent d’ailleurs à insister sur le fait que la découverte de la contamination intervient dans un contexte de contrôle de prévention systématique et non pas d’une alerte de contamination constatée chez un patient : « Nous avons un programme de prévention d’infection systématisée avec des prélèvements des laveurs-désinfecteurs tous les trois mois et des endoscopes tous les six mois. »

Des appareils vétustes

« La contamination des laveurs-désinfecteurs s’est faite en raison de leur vétusté avec des germes non pathogènes. » À la suite de cette découverte, seules les endoscopies d’urgence ont été maintenues dans un premier temps avec des appareils contrôlés, puis suspendues également pendant huit jours le temps de vérifier l’ensemble de la procédure (prélèvement d’eau du réseau, d’eau post-filtration, des appareils de lavage, des endoscopes eux-mêmes) et des actions correctives ont été mises en place : utilisation d’endoscopes à usage unique pour l’endoscopie bronchique, utilisation d’endoscopes en bonne conformité pour les endoscopies d’urgence, changement des laveurs-désinfecteurs qui s’avéraient vétustes et adduction d’eau revue et corrigée.

Désinfection en cascade

Certains dispositifs médicaux dits “thermosensibles” ne peuvent pas suivre le chemin de la stérilisation classique sous peine d’être endommagés. Pour cela, des produits désinfectants répondant à des normes précises (privilégiant des produits ne fixant pas les protéines à des concentrations et des temps de trempage définis par le fabricant) sont utilisés. On observe trois risques infectieux qui donnent lieu à trois types de niveau de désinfection : le risque infectieux critique, le semi-critique et le non-critique. On privilégie ainsi une désinfection de bas niveau avec des produits au minimum bactéricide pour les dispositifs médicaux à risques non critiques (entrant en contact avec la peau intacte du patient ou sans contact avec le patient), une désinfection de niveau intermédiaire avec des produits bactéricides, virucides, fongicides et tuberculoïdes, voire mycobactéricides pour les semi-critiques (que sont les sondes endocavitaires et tout matériel entrant en contact avec une muqueuse sans effraction de celle-ci ou la peau lésée superficiellement) et une désinfection de haut niveau avec des produits bactéricides, virucides, fongicides, mycobactéricides et sporicides pour les dispositifs médicaux critiques (ceux qui sont introduit dans le système vasculaire ou dans une cavité ou tissu stérile).

POUR EN SAVOIR PLUS

• “Guide pour l’utilisation des laveurs-désinfecteurs d’endoscopes” (bonnes pratiques de désinfection des dispositifs médicaux), ministère de la Santé, de la Famille et des Personnes handicapées, DHOS, DGS, novembre 2003. À lire via le lien raccourci bit.ly/2mwVEDt.