Présidentielles Plusieurs dizaines de milliers d’infirmières ont manifesté dans toute la France le 7 mars dernier. Une journée de mobilisation qui a été l’occasion de mettre en lumière les revendications de la profession en vue de l’élection présidentielle.
À cinquante jours du premier tour de l’élection présidentielle, une grande manifestation « pour la défense du secteur public », en particulier hospitalier, a réuni plusieurs dizaines de milliers de participants dans toute la France, le 7 mars dernier. À Paris, le cortège principal, largement composé d’infirmières, s’est dispersé devant le ministère de la Santé sans que les représentants du mouvement n’y aient été reçus. Il a compté entre 10 et 12 000 participants selon la police et entre 30 et 35 000 selon les organisateurs, à savoir une intersyndicale FO-CGT-SUD ainsi qu’un collectif de quinze syndicats et associations d’infirmiers hospitaliers, libéraux et étudiants, toutes spécialités confondues
Au cœur des propositions des organisations infirmières : le malaise ressenti par la profession, en particulier à l’hôpital. Un malaise qui s’est beaucoup exprimé dans les manifestations. « Il y a urgence à mettre en place un moratoire sur les plans d’économies, source de souffrances au travail », est-il écrit dans la plateforme des propositions qui invite à « sortir de la logique comptable exclusive » et à « réviser le système de financement hospitalier en incluant la pertinence et la qualité des soins ». « Il y a encore eu un suicide à l’AP-HP ce matin, a rappelé Nelly, IDE psychiatrique en région parisienne qui a manifesté le 7 mars. Nous sommes constamment en sous-effectif et travaillons continuellement à flux tendu. »
La profession a également fait état de son manque de reconnaissance. La plateforme de propositions demande ainsi notamment une « reconnaissance salariale à hauteur des compétences et des responsabilités » et une « prise en compte de la singularité de l’exercice par la reconnaissance d’une spécialité ». « Notre objectif est que toutes les spécialités accèdent au grade de master », a expliqué Virginie, infirmière puéricultrice à Rouen (Seine-Maritime), pendant la manifestation. La reconnaissance de la pénibilité par un départ anticipé en retraite, que ce soit dans le public, le privé et le libéral, est également réclamée. Et en début de carrière, c’est la précarisation qui est dénoncée. « De plus en plus d’agents sont recrutés en CDD, explique Cécile, infirmière au CHU de Poitiers (Vienne) et membre de la Coordination nationale infirmière. On voit même des IDE recrutées comme aides-soignantes en attendant qu’un poste se libère. »
Ces propositions ont également été transmises aux candidats à l’élection présidentielle. Un candidat était même présent dans la manifestation : Philippe Poutou pour le Nouveau parti anticapitaliste qui estime que « la situation est dramatique à l’hôpital » et qu’il « est urgent de mettre la question de la santé dans la campagne ». Dans le cortège du 7 mars, la plupart des infirmières disent être sûres d’aller voter mais peu s’étaient encore fixées sur leur choix.
* AEEIBO, Anfiide, ANPDE, CEEIADE, Convergence infirmière, CNI, FNI, SNIA, SNICS-FSU, SNIES-UNSA, Sniil, SNPI CFE-CGC, Snipuerlib, Unaibode, UNEF et Unidel.
À Toulouse, c’est sous une pluie discontinue que le cortège de manifestants a avancé dans les pasde l’intersyndicale CGT/Sud/FO. Ils étaient 1 200 (d’après la préfecture de Haute-Garonne) à être venus battre le pavé pour cette nouvelle journée de mobilisation nationale. Dans les rangs, notamment de nombreux infirmiers anesthésistes, élèves Iade (près de 93 % de grévistes pour le CHU toulousain) et élèves aides-soignants.
Comme dans le reste de l’Hexagone, les soignants de la région Occitanie ont exprimé leur ras-le-bol face à la dégradation de leurs conditions de travail, productivité et restrictions de personnels prenant le pas à tous les étages. Infirmier contractuel pendant cinq ans, Laurent explique ainsi avoir été « très souvent en conflit avec sa hiérarchie pour des remplacements intempestifs du jour au lendemain » avec « des menaces d’abandon de poste » clairement explicites s’il n’y répondait pas. Pour ce dernier, « les personnels ne sont que des pions sur des plannings ». Aujourd’hui élève Iade au CHU de Toulouse, il se considère plutôt mieux loti avec « des horaires de journée, moins d’astreintes, une plus grande autonomie… ». Il a dû toutefois démissionner et financer lui-même sa formation… comme la moitié de sa promo d’ailleurs. « Le travail est à flux tendu ; on est à la limite de la sécurité », ajoutent de leur côté Laurence, Ibode, ainsi que Roxane et Soledad, toutes deux jeunes IDE de bloc opératoire à la clinique Pasteur de Toulouse.
→ Un travail quantifié et mutualisé
« Avec la réorganisation des services, le travail est quantifié sur la journée. On a douze patients par IDE même si la charge de travail et les soins ne sont pas les mêmes. […] On mutualise l’été avec un autre service. Heureusement, on peut compter sur la solidarité de l’équipe et le soutien de notre cadre qui a réussi à sauver un poste », témoignent deux IDE en médecine vasculaire à l’hôpital Rangueil. D’après l’intersyndicale, « 200 suppressions de postes » seraient attendues au sein du CHU toulousain d’ici 2018 dans le cadre du plan Avenir. Ce que conteste la direction, convenant cependant que « l’ère de la création de postes est terminée, sauf en cas de hausse d’activité »
Danielle Julié
* Voir l’interview de Raymond le Moign, directeur du CHU de Toulouse, in Côté Toulouse, 26 décembre 2016, via le lien raccourci bit.ly/2hHkvPF