Objectif Soins n° 255 du 01/04/2017

 

Ressources humaines

Laure de Montalembert  

L’idée d’origine était de surveiller. Peu à peu, la profession de cadre de santé prend l’ampleur qu’elle mérite. De presque bonnes-sœurs à managers, le chemin a été long, mais il en reste encore à parcourir.

Elle semble loin, l’époque où le métier d’infirmière était régi par des règles quasi sacerdotales. Et pourtant, il n’y a pas si longtemps, on ne parlait pas de “cadres de santé” mais de “surveillantes”. Nonobstant la référence perpétuellement féminine à un métier qui a fini par laisser de la place aux hommes, ce terme même n’engageait pas à des relations d’entraide, d’accompagnement ou de confiance.

Témoin, cette définition du Larousse : « Personne chargée de la surveillance d’un lieu, d’un service, d’un groupe de personnes. » Les infirmières avaient donc vocation, à l’époque, à être surveillées et non encadrées. Cela en dit déjà beaucoup sur la manière dont elles étaient perçues malgré leurs qualifications et le nombre d’années d’études qui augmentait régulièrement. Que dire, alors, de la surveillante générale ? Les soignants ne la rencontraient (au mieux) que lors de leur embauche et (au pire) lorsqu’ils étaient à blâmer. Sauf exception, bien sûr. Quelles que soient les structures, il y a toujours eu des personnes exceptionnelles et en avance sur leur temps.

HIÉRARCHIE RELIGIEUSE ET INFIRMIÈRE

Comme le souligne Marc Catanas*, le silence et l’abnégation ont longtemps été de mise : « En Europe, avec le développement du christianisme, le corps devient source de péché et se voit assez rapidement frappé d’interdit. » Les femmes qui avaient donc pris l’habitude de soigner de manière empirique se sont donc retrouvées vouées aux gémonies alors que les religieuses sont encouragées à prendre soin des malades. La hiérarchie infirmière s’est donc inspirée de la hiérarchie religieuse pour se structurer. L’évolution de la société a permis que ces concepts antiques laissent place à une véritable vision managériale. Le cadre de santé est l’interlocuteur des patients, des familles, des équipes soignantes, des partenaires et de la direction. Une sorte de pivot du soin, en somme.

PREMIÈRE LOI NOTABLE : 1958

Le ministère de la Santé publique et de la Population crée par décret du 14 novembre 1958 le Certificat d’aptitude aux fonctions d’infirmière surveillante et monitrice. On en est encore à une vision très directoriale du management. Il s’agissait de surveiller et de punir les infirmières. En gros, « veiller à la bonne exécution des tâches et au maintien de la règle »*. Dans les années 1960, les premières écoles de cadres voient le jour.

CRÉATION DU STATUT DE CADRE INFIRMIER

Un premier décret

Le décret du 4 octobre 1975 crée un certificat cadre infirmier. Ce certificat est délivré aux personnes titulaires du diplôme d’État d’infirmier ou d’infirmière qui ont suivi un enseignement dans une école de cadres agréée par le ministre de la Santé et réussi un examen à l’issue de cet enseignement. Par dérogation au premier alinéa de cet article, le certificat cadre infirmier est attribué par équivalence aux personnes titulaires du certificat cadre infirmier de secteur psychiatrique qui en font la demande auprès de la direction régionale des affaires sanitaires et sociales qui leur a délivré ce certificat.

Création du diplôme de cadre de santé

En août 1995, le diplôme de cadre de santé est créé. À cette date, de nombreuses professions paramédicales peuvent accéder au statut de cadre de santé.

LOGIQUE FINANCIÈRE

Tant au niveau stratégique que du pilotage ou au niveau opérationnel, l’exercice des cadres de santé a fortement évolué ces dernières années. La mise en place de la tarification à l’activité les amenant à prendre leurs décisions en fonction d’éléments tels que la notion de qualité, de coût ou encore d’efficience.

Dans la nouvelle gouvernance, une délégation de gestion est désormais confiée aux cadres. Il leur est demandé d’optimiser les ressources allouées par le pôle pour le fonctionnement de leurs services tout en prodiguant aux personnes hospitalisées la meilleure prestation de soins possible. Il leur est même parfois demandé de déterminer les activités les plus rentables pour le service, et ainsi espérer se voir allouer de meilleurs budgets de fonctionnement. Les cadres ont donc dû s’atteler à maîtriser cette nouvelle logique gestionnaire et se l’approprier mais aussi y faire adhérer ses équipes. La dimension financière du soin s’ajoute donc aux autres compétences de management.

GESTION DES RISQUES

C’est bien connu, le risque zéro n’existe pas. La gestion des risques est le fruit d’une évolution sociétale qui provient des exigences croissantes de la population en matière de sécurité et de qualité des soins. À l’hôpital, il s’agit d’un enjeu capital pour les patients mais aussi pour les professionnels.

Sécurité des patients

Concernant la gestion des risques associés aux soins, les grandes lignes en sont définies par la direction de l’établissement et la direction des soins mais ce sont les cadres de proximité qui doivent mettre en œuvre les actions définies. Les directeurs des soins sont également encouragés à identifier les situations à risque au sein de leurs services.

Transmettre, signaler et avancer

Ces informations seront transmises aux responsables qui établiront ensuite, en coordination avec les intéressés, de nouvelles actions à mener.

La fréquence des événements indésirables associés aux soins reste encore élevée. C’est la raison pour laquelle des procédures de signalement existent dans tous les établissements et même sur Internet.

C’est également aux cadres que revient le rôle de faire accepter par leurs équipes que tout “événement indésirable” ne signifie pas forcément “faute” et que son signalement ne peut qu’améliorer la qualité des soins.

LE VIRAGE AMBULATOIRE

Autre élément de changement important : le virage ambulatoire. Dans ce contexte d’éternelle recherche de réduction des coûts hospitaliers, les hospitalisations se font de plus en plus courtes, voire inexistantes.

Ce basculement de l’hôpital vers la ville présente certes de nombreux avantages, comme la baisse du risque d’infections nosocomiales ou une plus rapide récupération des patients revenus à domicile, mais il a également un impact sur les équipes de soin qui doivent gérer une toute autre organisation au sein de services où tout doit se faire très vite. 30 % des séjours sont d’une journée, qu’il s’agisse de chimiothérapie ou de bilans diabétiques par exemple. Conséquence : les malades hospitalisés durablement sont maintenant des patients atteints de pathologies beaucoup plus lourdes au sein de structures où le personnel s’épuise et vient parfois à manquer. Le vieillissement de la population accroît encore le nombre de ces patients lourds qui demandent des soins chronophages.

DES ÉQUIPES À BOUT DE SOUFFLE

Une fonction proche du burn-out

La fonction managériale des cadres de santé n’est pas facilitée par les difficultés dont les infirmières se font l’écho ces dernières années. En novembre dernier, dix-huit syndicats infirmiers appelaient à la grève. En cause : l’augmentation des cadences ainsi que la rigueur budgétaire qui ne permettrait plus aux établissements d’embaucher suffisamment de personnel soignant alors que le chômage est apparu dans la profession infirmière. De leur côté, les étudiants en soins infirmiers se plaignent de ne plus être correctement encadrés en stage, faute de temps. « C’est “soigne et tais-toi”. On a choisi ce métier pour un idéal qu’on ne peut pas réaliser », se plaint ainsi l’un des manifestants.

S’adapter en permanence

Pris, en quelque sorte, entre le marteau et l’enclume, le cadre est contraint à réinventer son type de management dans ce cadre extrêmement complexe. Le turn-over des équipes s’accélérant sans cesse et compliquant encore l’organisation des soins, son rôle est de s’attacher ses équipes et de les animer. Parmi les actions qu’il mène et qui font partie de son référentiel de compétences, la gestion et le développement des compétences des agents tiennent une place essentielle.

LE PATIENT, ACTEUR DE SA SANTÉ

Parallèlement, la loi dite “Kouchner” du 4 mars 2002 définit les droits des patients, un concept encore peu usité dans le secteur du soin où on estimait trop souvent que soigner suffisait. Cette loi garantit une meilleure représentation des usagers au sein des grandes institutions de la santé et des hôpitaux, le droit des patients à accéder directement à la totalité de leur dossier médical qui reste désormais sa propriété.

Une indemnisation de l’aléa thérapeutique est également créée, même en l’absence de faute du professionnel de santé. La loi précise également qu’aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et que ce consentement peut être retiré à tout moment.

Un management adapté

Des changements que les cadres ont dû intégrer dans leur pratique quotidienne. À ce jour, il existe plus de 14 000 associations de patients en France. Leur rôle principal est de rompre l’isolement que peut provoquer la maladie mais aussi de veiller à ce que les patients soient correctement traités lors de leurs contacts avec les soignants ou de les aider à obtenir des indemnisations en cas d’événement indésirable. Ainsi, l’usager n’est plus seul face à l’institution.

Elles œuvrent aussi dans le domaine de l’éducation thérapeutique en coordination avec les équipes soignantes. L’hôpital s’est donc ouvert à toutes sortes d’intervenants extérieurs avec lesquels les cadres doivent interagir en bonne intelligence.

L’usager plus exigeant

Dans le même temps, c’est l’usager lui-même qui a changé. Souvent plus éduqué, plus au fait de ses droits et mieux informé grâce à l’utilisation d’Internet, il devient plus exigeant et ose même parfois se confronter aux intervenants de santé qui lui font face. On a également assisté à l’émergence de patients experts, ce qui n’a pas fait que des heureux dans le monde de la santé, certains craignant de se voir retirer certaines de leurs prérogatives. La réingénierie du diplôme de cadre de santé a commencé il y a plus de cinq ans avec, comme question déterminante, la pertinence du cursus différencié entre cadre manager et cadre formateur. À l’heure actuelle, on en est au point mort. Une situation qui n’a guère de chance de s’améliorer dans l’immédiat, les candidats à la présidentielle ayant étrangement éludé la plupart des questions en lien avec la santé et les personnels de santé.

Extraits de l’arrêté du 18 août 1995

« Article 2. Sans préjudice des dispositions réglementaires prévues dans les statuts de la fonction publique hospitalière ou des dispositions des conventions collectives, nul ne peut diriger un institut de formation des cadres de santé s’il ne remplit les conditions suivantes :

1° - Être titulaire d’un diplôme, certificat ou autre titre lui permettant d’exercer l’une des professions pour lesquelles l’institut est agréé ;

2° - Avoir exercé des fonctions d’enseignant pendant au moins deux ans, soit à temps plein, soit à temps partiel pendant une durée équivalente à deux ans à temps plein, dans un établissement agréé pour la formation préparant à l’un des diplômes permettant l’exercice de l’une des professions pour lesquelles l’institut de formation des cadres de santé est agréé, dans un institut préparant au diplôme de cadre de santé, ou dans un établissement agréé pour l’une des formations préparant aux certificats mentionnés par l’article 2 du décret du 18 août 1995 susvisé?;

3° - Être titulaire du diplôme de cadre de santé ou de l’un des titres mentionnés à l’article 2 du décret du 18 août 1995 susvisé.

« Article 3. Sans préjudice des dispositions réglementaires prévues dans les statuts de la fonction publique hospitalière ou des dispositions des conventions collectives, les enseignants des instituts de formation des cadres de santé ou les enseignants extérieurs intervenant de façon régulière ou permanente, à temps complet ou à temps partiel, appartenant à l’une des professions mentionnées à l’article 1er du décret du 18 août 1995 susvisé, doivent être titulaires de l’un des titres visés au 3° de l’article 2 du présent arrêté et justifier d’un exercice professionnel, en tant que cadre, d’au moins trois ans.

L’équipe enseignante comporte au moins un enseignant, intervenant à temps complet ou à temps partiel, pour chacune des professions pour lesquelles l’institut est agréé.

« Article 4. Pour être admis à suivre la formation sanctionnée par le diplôme de cadre de santé,les candidats doivent :

1° - Être titulaires d’un diplôme, certificat ou autre titre permettant d’exercer l’une des professions mentionnées à l’article 1er du décret du 18 août 1995 susvisé ;

2° - Avoir exercé pendant au moins cinq ans l’une des professions mentionnées au 1° ci-dessus ;

3° - Avoir subi avec succès les épreuves de sélection organisées par chaque institut sous le contrôle du directeur régional des affaires sanitaires et sociales.

« Article 5. Chaque année, sur proposition du directeur de l’institut, un arrêté du préfet de région fixe la date de clôture des inscriptions aux épreuves de sélection et la date de ces épreuves.

Décret du 26 décembre 2012 : la fonction s’élargit encore

→ Quelques articles…

Article 1

Le corps des cadres de santé paramédicaux de la fonction publique hospitalière est classé dans la catégorie A mentionnée à l’article 4 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée.

Les cadres de santé paramédicaux de la fonction publique hospitalière exercent leurs fonctions dans les établissements mentionnés à l’article 2 de la même loi.

Le corps de cadres de santé paramédicaux de la fonction publique hospitalière comprend, selon leur formation :

Dans la filière infirmière :

- des infirmiers cadres de santé paramédicaux ;

- des infirmiers de bloc opératoire cadres de santé paramédicaux ;

- des infirmiers anesthésistes cadres de santé paramédicaux ;

- des puéricultrices cadres de santé paramédicaux ;

Dans la filière de rééducation :

- des pédicures-podologues cadres de santé paramédicaux ;

- des masseurs-kinésithérapeutes cadres de santé paramédicaux ;

- des ergothérapeutes cadres de santé paramédicaux ;

- des psychomotriciens cadres de santé paramédicaux ;

- des orthophonistes cadres de santé paramédicaux ;

- des orthoptistes cadres de santé paramédicaux ;

- des diététiciens cadres de santé paramédicaux ;

Dans la filière médico-technique :

- des préparateurs en pharmacie hospitalière cadres de santé paramédicaux ;

- des techniciens de laboratoire médical cadres de santé paramédicaux ;

- des manipulateurs d’électroradiologie médicale cadres de santé paramédicaux.

Article 2

Le corps des cadres de santé paramédicaux de la fonction publique hospitalière comprend :

Le grade de cadre de santé paramédical, qui comporte onze échelons ;

Le grade de cadre supérieur de santé paramédical, qui comporte sept échelons.

Article 3

Les fonctionnaires du grade de cadre de santé paramédical exercent :

Des fonctions correspondant à leur qualification et consistant à encadrer des équipes dans les pôles d’activité clinique et médico-technique des établissements et leurs structures internes ;

Des missions communes à plusieurs structures internes de pôles d’activité clinique ou pôles d’activité médico-technique ou de chargé de projet au sein de l’établissement ;

3° Des fonctions d’encadrement correspondant à leur qualification, dans les instituts de formation et écoles relevant d’établissements publics de santé qui préparent aux différentes branches des professions infirmières, de rééducation et médico-techniques. Dans ce cas, ils prennent part en qualité de formateur à l’enseignement théorique et pratique et à la formation des élèves et étudiants. Ils prennent part, le cas échéant, aux jurys constitués dans le cadre du fonctionnement des instituts ou écoles ;

Le cas échéant, des fonctions de collaborateur de chef de pôle, prévues au huitième alinéa de l’article L. 6146-1 du Code de la santé publique, lorsque celles-ci ne peuvent être assurées par un cadre supérieur de santé paramédical.

Article 4

Les fonctionnaires du grade de cadre supérieur de santé paramédical exercent :

Des fonctions correspondant à leur qualification et consistant à encadrer les cadres des équipes des pôles d’activité clinique et médico-technique des établissements ;

Des missions communes à plusieurs pôles d’activité clinique et médico-technique ou de chargé de projet au sein de l’établissement ;

Des fonctions d’encadrement correspondant à leur qualification, dans les instituts de formation et écoles relevant d’établissements publics de santé qui préparent aux différentes branches des professions infirmières, de rééducation et médico-techniques ou au diplôme de cadre de santé lorsque les instituts de formation des cadres de santé sont autorisés pour leur qualification d’origine. Dans ce cas, ils prennent part en qualité de formateur à l’enseignement théorique et pratique et à la formation des élèves et étudiants. Ils prennent part, le cas échéant, aux jurys constitués dans le cadre du fonctionnement des instituts ou écoles ;

Des fonctions de collaborateur de chef de pôle, prévues au huitième alinéa de l’article L. 6146-1 du Code de la santé publique.