Trois questions à… - Objectif Soins & Management n° 255 du 01/04/2017 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 255 du 01/04/2017

 

Sur le terrain

Pour ce numéro anniversaire, un peu spécial, nous avons posé trois questions à différents professionnels de santé. Voici les questions, ainsi que leurs réponses.

Question I Pour vous, être cadre de santé aujourd’hui, qu’est-ce que cela signifie ?

Question II Quel est l’événement le plus marquant de ces vingt-cinq dernières années pour votre profession ? Expliquez rapidement pourquoi.

Question III Si vous étiez ministre de la Santé, quelles seraient vos trois premières mesures ?

Jean-Marc Perez DGA, Oncopôle Toulouse (Haute-Garonne)

Question I

• Une volonté personnelle de changement qui débouche sur une promotion professionnelle, une évolution personnelle, un changement de métier et une amélioration de statut.

• Une prise de responsabilité dans l’organisation des soins pour contribuer différemment à (peser sur) l’entreprise collective en défendant mes valeurs et ma vision du soin.

Question II

C’est moins un événement (la tarification à l’activité ou les certifications) qu’une évolution progressive qui montre :

• la place croissante (et ce n’est pas fini) des usagers. Les usagers sont de plus en plus impliqués non seulement dans le fonctionnement des institutions mais aussi dans leur parcours de soins. Attitude consumériste mais aussi plus responsable et meilleure information obligent (ou obligeront) à changer radicalement les modes de prise en charge (compliance, éducation thérapeutique, consentement éclairé…) ;

• le rôle des technologies de l’information dans les prises en charge médicales et soignantes. Les technologies de l’information acutisent cette évolution : communauté de malades, scoring des établissements, alimentation de son propre dossier de santé, etc.

Question III

• La limitation du nombre de médecins conventionnés I et II par régions (départements) de sorte de réorienter les installations vers les “déserts médicaux” et/ou l’abandon du numérus clausus.

• L’évolution rapide des groupements hospitaliers de territoire vers un dispositif de fusion pure et simple encore plus intégrateur.

• La fin de la tarification à l’activité pour les maladies chroniques au profit d’une tarification au parcours de soins.

Thierry Joutard Directeur Centre d’Habitat, Nantes (Loire-Atlantique)

Question I

• C’est un métier compliqué avec de faibles marges d’autonomie dans un contexte budgétaire contraint. Je crois que ce métier ne pourrait plus m’attirer aujourd’hui comme cela a été le cas avant.

Question II

• L’universitarisation de la formation IDE car, même si elle est encore balbutiante, elle augure d’une professionnalisation du métier par la recherche et avec un niveau d’autonomie professionnelle qui ira crescendo. Les infirmiers et infirmières, comme d’autres professions de santé, investissent de plus en plus les bancs de l’université, les masterisés sont nombreux et les doctorants et docteurs commencent à s’organiser, quelle que soit la discipline dans laquelle ils ont poursuivi leurs études. Les choses avancent dans le bon sens.

Question III

• Développer la formation d’infirmières cliniciennes et coordinatrices.

• Favoriser l’universitarisation de la formation infirmière et cadre avec une filière LMD (licence-master-doctorat) réelle.

• Encourager la prescription infirmière.

• Supprimer une ligne hiérarchique, soit le niveau cadre ou cadre supérieur.

• Développer les passerelles public/privé.

• Permettre l’accès à la formation médicale des paramédicaux.

Roselyne Vasseur Directrice des soins, Paris

Question I

• Le cadre de santé est un professionnel paramédical issu d’une filière soignante. À ce titre, il en maîtrise les fondamentaux (scientifiques, techniques, relationnels, organisationnels, sociologiques, culturels).

• C’est également un manager qui pilote et accompagne ses équipes sur le terrain (soutien, support, repère, contrôle) dans l’accomplissement de leurs missions quotidiennes de soins au bénéfice des usagers (malades et proches).

• À l’interface des logiques administratives et médicales dont il comprend les enjeux, il agit en facilitateur, en innovateur, qui met en œuvre le changement pour atteindre les objectifs fixés avec les moyens disponibles, indique le cap, valorise l’équipe, donne du sens et garantit le respect des RBPP (Recommandations de bonnes pratiques professionnelles) et des valeurs. Il prend soin des professionnels (prévention du burn-out) pour qu’ils puissent prendre soin des malades. Il s’inscrit dans une dynamique institutionnelle aux côtés de ses pairs, sous l’égide de la Direction des soins.

Question II

• L’universitarisation de la profession infirmière et des professions paramédicales LMD, même si, dans l’attente du doctorat en soins, elle reste incomplète, et l’accès des paramédicaux à la recherche. Cette réforme dont les professionnels se sont saisis est de nature à bouleverser le paysage à terme, puisqu’ils pourront mener en propre les recherches et travaux inhérents à leur métier et le faire ainsi évoluer sans passer par l’intermédiaire d’autres disciplines (sociologie, psychologie, éducation, santé publique…) et d’autres professionnels.

Question III

• En finir avec la suprématie du médico-centré, CHU centré, et tout curatif, pour permettre au système de mieux répondre aux besoins de la population à moindre coût : développer la prévention, recentrer les médecins et les hôpitaux sur leur cœur de métier (expertise et activités complexes) en élargissant les prérogatives des paramédicaux et en faisant réellement vivre les filières et réseaux plutôt que d’en parler.

• Mettre en œuvre la subsidiarité au niveau des professions et des organisations pour simplifier le fonctionnement quotidien en ville, à l’hôpital et dans les institutions.

• Upgrader l’exercice (infirmiers cliniciens, consultations, prescription…) et la rémunération des paramédicaux et de la médecine de ville, en particulier pour la prévention, le dépistage et le suivi des pathologies chroniques en s’inspirant des modèles internationaux.

• Mettre fin aux abus du consumérisme médical de certains usagers et mettre en œuvre une tolérance zéro concernant la violence à l’encontre des professionnels de santé.

• Associer les paramédicaux aux réflexions et décisions les concernant et plus largement relatives aux évolutions du système de santé = visibilité, valorisation, reconnaissance.

• Reconnaître aux directions de soins la place et la rémunération conformes à leurs missions et responsabilités au sein des équipes de direction.

• Instaurer des ratios de référence maximale malades/IDE pour éviter les situations intenables générant des risques et des accidents et permettre d’assurer aux usagers la qualité requise et aux soignants des conditions d’exercice adaptées (moins onéreux que le coût de la non-qualité).

• Favoriser la mobilité et les passerelles “deuxième carrière” pour permettre aux paramédicaux d’évoluer vers d’autres fonctions/métiers et prévenir ainsi l’usure professionnelles et les risques psychosociaux.

• Faire évoluer le dialogue social et la représentation syndicale insuffisamment représentative des problématiques et aspirations des professionnels de terrain.

Maria Crétant Cadre de santé, Corbeil (Essonne)

Question I

• Le cadre de santé doit avoir aujourd’hui des compétences d’adaptation et d’organisation, essentielles au regard du contexte dans lequel il travaille.

• Il doit développer et acquérir une intelligence émotionnelle afin de gérer ses émotions et faire face aux situations tendues.

• C’est un maillon indispensable pour le bon fonctionnement d’une unité de soins. Pour cela, il doit questionner en permanence les organisations en ayant une attitude réflexive et bienveillante.

• Le cadre de santé porte des valeurs professionnelles et une certaine éthique. Cela lui donne du sens au travail. Ciment essentiel pour mener à bien ses missions d’encadrement et d’enseignement.

• En revanche, on peut se questionner sur le devenir de ce métier et de ses limites.

Question II

• L’obtention du diplôme de cadre de santé avec la formation à l’Institut de formation des cadres de santé. Aujourd’hui, les cadres de santé ne sont plus des “infirmières chefs” qui avaient de l’expérience et pouvaient être nommées par ancienneté. Le diplôme et la formation permettent de prendre du recul sur sa pratique, sur son identité professionnelle, sur ses valeurs et de construire une nouvelle identité professionnelle.

• Cette formation permet d’acquérir des savoirs et des outils afin d’aiguiser le sens de l’observation et d’analyse. Ce positionnement lui permet de prendre de la distance dans les situations complexes et tendues. Les savoirs en actions seront renforcés par cette attitude.

Question III

• Revoir le financement des établissements de soins car il existe un vrai paradoxe entre l’obligation d’être (au moins) à l’équilibre financièrement et de remplir nos missions de service public. Aujourd’hui, la rentabilité amène les établissements de santé à être maltraitants avec les professionnels. Les soignants finissent par s’épuiser car leurs valeurs sont mises à mal. Parfois cela conduit même au burn-out.

• Revoir la prise en charge des personnes âgées notamment dans les maisons de retraite afin de maintenir et de garantir la dignité et la bienveillance.

• Développer la recherche et éviter la fuite des chercheurs à l’étranger. La culture de la recherche devrait prendre une part plus importante également dans les formations paramédicales avec peut-être davantage d’échanges européens.

Sandrine Paugam Cadre de santé, Morlaix (Finistère)

Question I

• À ce jour, être cadre de santé en secteur d’activités de soin signifie être un manager et gestionnaire qui veille au bon fonctionnement d’une unité de soin en adéquation avec la politique institutionnelle et les projets de service, ceci bien évidemment en collaboration avec le chef de service, le tout dans un but commun : assurer le “prendre soin”.

• Être cadre formateur signifie transmettre des savoirs et donner l’envie d’apprendre afin de former de futurs professionnels infirmiers compétents et motivés dans le but d’effectuer des prises en soin globales et de qualité auprès des patients.

Question II

• Le Rapport de la mission cadres hospitaliers, de Chantal De Singly, du 11 septembre 2009. Paule Bourret, en 2006, avait mis en évidence « le travail invisible » des cadres de santé. Ce rapport de 2009 confirme ce travail et met en évidence les différentes missions du cadre de santé. Il a permis une revalorisation du statut des cadres de santé, un travail sur un nouveau référentiel, mais qui est depuis trois, quatre ans à l’état de statu quo… Malheureusement, depuis quelques années, ce rapport semble être tombé en désuétude, alors qu’il aurait pu ouvrir sur de nombreux axes de travail afin de redonner de l’attrait à cette profession : place du cadre de santé au sein du pôle et des groupements hospitaliers de territoire, quelle autonomie pour le cadre de santé, favoriser l’accès à des masters ou à des diplômes universitaires…

Question III

• Demander un audit sur le bien-être des soignants au travail : aide-soignant, infirmiers, médecins (fonction publique et privée). En effet, les soignants se disent de plus en plus “administratifs”, moins auprès des patients, régulièrement en sous-effectif… Quid de l’hôpital-entreprise ? Or, si les soignants ne sont pas épanouis dans leur travail, comment peuvent-ils prodiguer des soins de qualité et apporter un minimum de bien-être aux patients ?

• Renforcer les actions de prévention en milieu scolaire dès les premières années de scolarité. Un vieil adage dit “vaut mieux prévenir, que guérir”… En ciblant les actions de prévention dès le plus jeune âge, les enfants, futurs adultes, deviendraient plus aisément des acteurs responsables de leur santé. En effet, les discours de prévention seraient assimilés de manière éducative.

• Lutter contre les désert médicaux et limiter les dépassements d’honoraires. Donner de l’intérêt aux jeunes médecins spécialisés de s’installer en libéral ou dans les centres hospitaliers de proximité mais pas que dans les centres hospitaliers universitaires. On constate des désertifications sur certaines spécialités médicales, peut-être faudrait-il envisager un état des lieux ? Favoriser l’installation des généralistes dans des centres de soins afin de regrouper les acteurs de la santé et d’éviter les isolements. Mettre un plafond pour les dépassements d’honoraires afin d’éviter une médecine à deux vitesses dans l’objectif de permettre l’accès aux soins pour tous.

Arnaud Gautier Cadre de santé, Paris

Question I

• Qu’il s’agisse de pédagogie ou de management d’une équipe, le cadre de santé doit être animé par l’envie de faire évoluer les choses, d’accompagner, de guider l’autre, qu’il soit étudiant ou professionnel. De plus, il doit avoir le désir d’appartenir à une institution en constante évolution pour motiver une équipe et l’accompagner à s’engager dans des projets d’amélioration de la qualité des soins. Concevoir, convaincre, expliquer, négocier, piloter, décider sont des actions qu’il réalise au quotidien.

Question II

• L’hôpital est assurément le service public qui a assumé le plus grand nombre de réformes structurelles. L’organisation de l’encadrement paramédical a toujours été rattachée aux réformes structurelles et économiques du secteur sanitaire. Selon moi, la loi Hôpital, patients, santé et territoires a bouleversé le paysage de la santé et a considérablement renforcé le rôle de gestionnaire du cadre de santé pour répondre aux nouvelles missions managériales.

Question III

• Le management hospitalier est singulier par la nécessaire gestion des émotions des soignants en lien avec la présence permanente de la maladie. Certains soignants se disent usés par le travail à l’hôpital. Il y a donc urgence à prendre en charge les risques psychosociaux dans les hôpitaux.

• La gériatrie est encore et toujours une discipline peu valorisée. L’insuffisance de structures spécifiques me semble être une priorité.

• Favoriser l’émergence de réseaux de santé pour induire une logique de coopération et créer des espaces d’échanges pour les professionnels de santé.

Gilles Desserprit Directeur d’IFCS, Paris

Question I

• C’est être en première ligne pour diriger et conduire les équipes pluriprofessionnelle au regard des organisations et des projets de soins.

• C’est assumer l’ensemble des responsabilités inhérentes aux activités citées ci-dessus.

• C’est être dans une permanence (proximité) auprès des équipes afin de contribuer à la qualité des soins et à la qualité de vie au travail.

• C’est enfin être dans une posture professionnelle combinant assertivité, empathie, leadership, notamment.

Question II

• Depuis 1992 (vingt-cinq ans), l’événement le plus marquant pour notre profession et plus particulièrement pour notre métier reste le décret du 18 août 1995 qui a permis de donner un cadre structurant et toutefois ouvert pour les cadres de santé et l’ensemble de la filière d’encadrement.

Question III

• Hélas, je ne me sens pas l’âme d’un ministre.

Pessel Mélanie Cadre de santé, Corbeil (Essonne)

Question I

• Être cadre de santé aujourd’hui, c’est être en capacité de s’adapter en permanence dans la polyvalence et dans un environnement en pleine mutation.

Question II

• La loi du 2 janvier 2002 « rénovant l’action sociale et médico-sociale en fixant de nouvelles règles relatives aux droits des personnes ».

• La loi du 4 mars 2002, portant sur « les droits des malades et la qualité du système de santé ».

Ces deux lois marquent un tournant législatif dans le positionnement et l’approche soignante et sociale : c’est la reconnaissance de la place de chaque personne comme acteur de son parcours et de sa prise en charge. Elles portent sur l’individualisation et la participation de l’usager comme du patient dans les décisions relatives à sa santé ou sa prise en charge.

Question III

• Réelle politique de santé publique en lien avec l’action sociale et médico-sociale.

• Développer une offre de soins publique en dehors de l’hôpital et ainsi pouvoir offrir un accès aux soins à tous : ouvrir des accueils pluridisciplinaires publics qui répondraient aux besoins de santé et réserver le recours aux services d’urgence ou hospitaliers qu’en cas d’urgence ou de pathologies aiguës.

• Étudier et articuler les différentes structures médicales (Médecine, chirurgie, obstétrique et psychiatrique), médico-sociales ou sociales les plus adaptées aux besoins des différents territoires dans l’optique de rendre à chacun sa mission.

• Développer le volet prévention versus le volet curatif et faciliter le remboursement des prises en charge au regard de la pertinence plutôt que de l’activité, ce qui faciliterait les différentes initiatives et innovations.

Cadre de santé en Ehpad

Question I

• Être cadre, c’est savoir allier management d’équipe, management de terrain et management valorisant le travail des personnes avec dynamisme et positivisme.

Question II

• Le nouveau programme des études en 2009.

Question III

• Reconnaissance d’un métier à risque.

• Valorisation de la prescription infirmière.

• Valorisation financière des actes infirmiers.