Maisons de santé : un maillage qui s’étoffe - Objectif Soins & Management n° 258 du 01/09/2017 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 258 du 01/09/2017

 

Actualités

Anne-Lise Favier  

Organisation des soins Il existe plus de 900 maisons de santé en France et un tiers de plus en projet : comment fonctionnent ces structures, quelles sont leurs spécificités et sous quels statuts sont-elles inscrites ?

La France souffre depuis de nombreuses années d’une baisse de la démographie des professions de santé, phénomène qui se fait plus durement sentir dans certaines zones du pays où règnent des déserts médicaux. Si le phénomène n’épargne aucune région - seuls les départements de la Savoie et de la Loire-Atlantique ont été épargnés depuis 2007 par la baisse du nombre de médecins généralistes (chiffres CNOM 2016) - il est plus prégnant dans la Nièvre et à Paris, le prix du loyer pouvant sans doute expliquer les difficultés d’installation dans certaines zones. La réorganisation de l’exercice par les regroupements de professionnels de santé en maisons de santé semble une solution toute tracée pour combler en partie ces lacunes démographiques, même si, de l’aveu du Conseil national de l’Ordre des médecins, « il ne s’agit pas d’un modèle pertinent pour tous les bassins de population ». La création de ces maisons de santé vise à améliorer la répartition territoriale des professionnels et à fixer des unités de soins pérennes mais aussi à engager des démarches qualité et d’évaluation des pratiques pluriprofessionnelles tout en améliorant le management de la santé de la population prise en charge. Mais ce n’est pas tout : réunir plusieurs professionnels dans une maison de santé, c’est aussi « rompre l’isolement professionnel et lutter contre le burn-out des professionnels de santé », estime la Fédération française des maisons et pôles de santé (FFMPS).

Une définition vaste autour d’un projet commun

Que se cache sous cette dénomination de « maison de santé » ? C’est un terme défini au départ en 2007 par la loi de financement de la Sécurité sociale puis inscrit dans le Code de la santé publique (article L 6323-3) : « La maison de santé est une personne morale constituée entre des professionnels médicaux, auxiliaires médicaux ou pharmaciens. […] Ils assurent les activités de soins sans hébergement de premier recours et le cas échéant de second recours et peuvent participer à des actions de santé publique, de prévention, d’éducation pour la santé et à des actions sociales dans le cadre du projet de santé qu’ils élaborent et dans le respect d’un cahier des charges déterminé par arrêté du ministre de la Santé. » Ce projet de santé est notamment compatible avec les objectifs des schémas d’orientation régionaux, signés par chacun des membres de la maison de santé et toute autre personne participant aux actions envisagées. En substance, le texte qui donne la définition de la maison de santé la résume à un ensemble de professionnels de santé, un exercice de soins de premier recours et un projet de santé. Une définition bien vaste qui repose sur cette équation à trois paramètres qui commence dès lors qu’un médecin et deux auxiliaires médicaux se réunissent sous un projet de santé développé en commun.

Des statuts juridiques variés

Si ces structures se sont construites pour répondre aux nouveaux défis imposés par la baisse de la démographie médicale, elles permettent aujourd’hui de répondre aux attentes des professionnels de santé libéraux qui s’y regroupent en équipe pluridisciplinaire (médecins généralistes et/ou spécialistes, mais aussi infirmières, kinésithérapeutes, psychologues, podologues, diététiciennes, ergothérapeutes) et qui y trouvent également un moyen de partager les frais. Jusqu’à présent, la majorité des professionnels des maisons de santé se réunissaient sous le statut de société civile de moyens, mais d’autres possibilités existent en termes juridiques : « Les groupements d’intérêt économique - GIE - restent peu nombreux car définis pour une durée limitée. Les statuts « loi 1901 » associatifs ne sont guère intéressants car ils ne permettent pas une activité à but lucratif, explique Emmanuelle Bersez, experte-comptable spécialisée dans le domaine de la santé et commissaire aux comptes au sein du cabinet Fideliance. Aujourd’hui, on voit se développer les SISA - sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires - des structures qui doivent compter au moins deux médecins et un auxiliaire médical et qui permettent un partage des recettes. » Ce cadre juridique spécifique, mis en place par un décret de mars 2012, est obligatoire pour les structures percevant des nouveaux modes de rémunérations (NMR) destinés notamment à rémunérer un travail d’équipe (en dehors du paiement à l’acte). Ces SISA sont les seules structures à être habilitées à percevoir et à redistribuer des subventions et NMR entre des associés de profils professionnels différents. Des incitations financières ont également vu le jour en juin 2013 à la suite du plan « maisons de santé » du ministère du Logement qui a permis l’implantation de 300 maisons de santé.

Modes de financement

Aujourd’hui, le financement des maisons de santé repose sur différentes modalités cumulables entre elles : depuis l’article 44 de la loi de financement de la Sécurité sociale (2008), de nouveaux modes de rémunération pouvant compléter ou se substituer au paiement a l’acte ont été mis en place de manière pérenne (arrêté du 23 février 2015 portant approbation du règlement arbitral applicable aux structures de santé pluriprofessionnelles de proximité). Ils ont eu pour objet d’accorder des financements spécifiques pour assurer de nouvelles tâches incombant aux professionnels de santé exerçant de façon regroupée et pluriprofessionnelle (coordination, management, concertation interprofessionnelle…) et de nouveaux services mis en œuvre pour répondre aux besoins des patients (comme l’éducation thérapeutique du patient ou la préparation de la sortie d’hospitalisation…).

Avenir assuré ?

Les maisons de santé sont en plein essor : pas une semaine sans projet émergent, pas un mois sans inauguration, et pas uniquement en zone rurale. Lors d’une récente visite en Mayenne, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a réaffirmé sa détermination à lutter contre les déserts médicaux et son engagement à multiplier les maisons de santé sur le territoire. « Ma priorité, ce sont les déserts médicaux », a-t-elle assuré. Elle entend « faire confiance » aux professionnels de santé de terrain afin qu’ils s’organisent au mieux, selon des logiques propres à leurs territoires. Reste que la définition juridique actuelle insistant sur la présence d’« au moins deux médecins généralistes » ne s’adapte pas forcément à la réalité des territoires et à la progression des déserts médicaux. Le défi de l’avenir sera d’adapter l’offre à la demande en matière de prise en charge de malades chroniques et du vieillissement de la population : les maisons de santé resteront-elles la solution pour pallier la désertification médicale ? Seront-elles investies par l’arrivée du secteur privé qui semble s’intéresser à ces entités réunissant des professionnels de santé ? Quel avenir pour ces structures qui continuent d’essaimer ?

Maison de santé et pôle de santé, la différence ?

Si l’on entend beaucoup parler de maisons de santé, les pôles de santé sont également souvent évoqués. Pourtant, les unes et les autres relèvent d’une réalité différente. Les maisons de santé représentent un lieu physique d’exercice qui rassemble plusieurs professionnels de santé autour d’une charte, d’un projet de santé et d’objectifs concernant la santé des patients ; le pôle de santé, lui, est un regroupement de professionnels de santé unis par les mêmes règles et objectifs de fonctionnement que ceux d’une maison de santé, mais avec un exercice dans ou hors les murs. Il n’implique donc pas le regroupement dans un lieu unique.

Les forces en présence

La mise en place des maisons de santé implique différents acteurs. Outre les professionnels de santé, l’installation concerne les collectivités locales qui encouragent le maintien de l’offre de soin sur leur territoire. En lien avec l’État et les pouvoirs publics (ministère de la Santé, Direction générale de l’offre de soin et Agences régionales de santé), l’ensemble de ces acteurs concourent à une offre de soins correctement répartie sur le territoire. Sont également engagés dans les maisons de santé l’Assurance maladie et les Unions régionales des professionnels de santé qui participent ainsi à leur mission d’organisation des soins. La Fédération française de maisons et pôles de santé (FFMPS), association loi 1901, représente l’ensemble des maisons de santé et constitue à ce titre une force de propositions auprès des acteurs précédemment cités : elle compte 19 fédérations régionales.

Démographie des maisons de santé

Elles sont au nombre de 910 en fonctionnement, dont 420 en SISA, et près de 340 projets en cours de formation. Si les maisons de santé ont éclos il y a quelques années principalement en zone rurale, aujourd’hui, la tendance s’inverse avec 43 % des maisons ouvertes en campagne et seulement 37 % en projet. Une grande majorité d’entre elles fonctionnent en mode pluriprofessionnel avec une moyenne de 5 médecins et 9,1 paramédicaux et 1,6 chirurgien-dentiste et 2,3 pharmaciens.

Source : Chiffres DGOS communiqués lors de la 6e journée nationale de la FFMPS qui s’est tenue à Lyon en mars de cette année.