Objectif Soins n° 260 du 01/12/2017

 

Économie de la santé

Le premier Ministre et la Ministre des solidarités et de la santé ont présenté en octobre dernier leur plan pour renforcer l’accès territorial aux soins.

Ce plan vise à ce que chaque personne, quel que soit l’endroit où elle réside en France, puisse avoir accès à une médecine de qualité, qu’elle soit généraliste ou spécialisée, en renforçant justement la ville et l’hôpital, mais également en profitant des nouvelles techniques médicales, comme la télémédecine, pour garantir, même dans les territoires isolés, une présence médicale mais sous une nouvelle forme.

Le plan met l’accent sur les territoires, à savoir partir des territoires, des besoins de la population de ces territoires, et des initiatives des professionnels de santé pour remédier aux carences. Autrement dit partir d’une véritable logique populationnelle pour « garantir un égal accès aux soins dans les territoires », avec un nouveau rôle pour les autorités de tutelle (agence régionale de santé, assurance maladie) : accompagner les initiatives, plutôt que d’imposer un plan venant « d’en haut » devant s’appliquer de manière uniforme sur tout le territoire. Le plan s’articule autour de 4 priorités :

• Renforcer l’offre de soins dans les territoires au service des patients, par une présence médicale et soignante accrue

• Mettre en œuvre la révolution numérique en santé pour abolir les distances

• Favoriser une meilleure organisation des professions de santé pour assurer une présence soignante pérenne et continue

• Faire confiance aux acteurs des territoires pour construire des projets et innover dans le cadre d’une responsabilité territoriale.

Ce plan repose donc sur un certain nombre de notions bien connues en économie de la santé : le besoin, la distance, l’accessibilité aux soins, l’égalité, le territoire. L’occasion pour nous de les rappeler à l’aune de ce nouveau plan d’accès territorial aux soins.

BESOIN VOUS AVEZ DIT BESOIN ?

Notion floue, le besoin présente un caractère subjectif. On a autant besoin de ce qu’on veut, qu’on veut ce dont on a besoin. L’appréciation d’un besoin, qui traduit un sentiment de manque, dépend de l’environnement de l’individu, de l’évolution des techniques, des mentalités de la société. Le besoin évolue dans le temps et dans l’espace. Cette complexité s’accentue en santé, dans la mesure où la santé couvre elle-même un champ très large. Les déterminants de la santé sont autant biologiques que sociologiques ou économiques. Il convient également de distinguer le besoin ressenti du besoin exprimé : le besoin ressenti ne s’exprime par forcément par une demande de soins. Enfin le système de soins joue un rôle essentiel dans le processus de transformation du besoin en demande dans la mesure où il induit une majeure partie de la demande de soins. Ainsi, si la demande de soins est couramment utilisée pour évaluer le besoin en soins, il faut garder à l’esprit, d’une part que le besoin en soins appréhende le besoin de santé par le biais des moyens mis en œuvre, et d’autre part que le besoin en soins simultanément sous-estime le besoin réel en santé lorsque le besoin ressenti ne se transforme pas, ou pas intégralement, en demande, et le surestime si le médecin induit une demande qui ne correspond pas véritablement à un besoin ressenti. On distingue aussi les besoins latents (perçus ni par les professionnels de santé, ni par les personnes) et les besoins ressentis (tantôt pas exprimés par les personnes, tantôt exprimés et/ou non reconnus par les professionnels). En fonction de ce caractère subjectif du besoin, nombreuses sont les définitions et les approches du besoin en santé. On peut retenir comme définition du besoin de santé les caractéristiques démographiques, sanitaires, sociales, économiques et culturelles des populations régionales qui devraient bénéficier des services financés par le système de santé.

Si la définition des besoins est complexe, leur estimation l’est tout autant. Elle nécessite que des efforts spécifiques soient entrepris mobilisant au mieux les données disponibles dans un cadre cohérent. Toute une série d’indicateurs permettent d’appréhender le besoin en santé, mais il n’en existe pas un qui résumerait toutes ces approches :

• les déterminants de santé : démographie, environnement physique et social, indicateurs socio-économique, comportements, habitudes de vie et facteurs de risque, organisation et activité de l’offre de soins ;

• l’état de santé : morbidité, mortalité ;

• les conséquences des problèmes de santé : incapacités, utilisation des services, consommation des médicaments.

Il est toutefois possible d’appréhender les besoins à minima, en partant notamment de la structure par âge et par sexe de la population et de modes de consommation en soins. Ceci suppose cependant de disposer d’un système d’information performant sur les besoins, par agrégation des données produites par les multiples organismes des pouvoirs publics.

DISTANCE D’IMPLANTATION VERSUS DISTANCE DE CLIENTÈLE

En matière d’accès aux soins hospitaliers, deux types principaux de distance sont distingués : la distance d’implantation et la distance de clientèle. La distance d’implantation représente la distance moyenne de la population au service de santé le plus proche. Elle est égale à la moyenne arithmétique pondérée des distances entre le service de santé considéré et chaque individu de la population générale desservie par ce même service. En fait c’est la distance moyenne entre la mairie de la commune où est implanté le service de santé et les mairies des communes desservies par ce service qui n’en disposent pas mais qui sont situées dans sa zone d’attraction. Plusieurs unités de mesure sont alors possibles. La première et la plus simple est le kilomètre. Toutefois, cette mesure ne prend en compte ni le relief, ni les obstacles naturels et les difficultés particulières de communication qui pourtant influent fortement sur l’accessibilité aux soins. Aussi est-il plus opportun de retenir comme unité de mesure le temps (minutes, heures, journées, …) qui prend en compte ces facteurs climatiques et géographiques. On parle alors de distance/temps qui exprime la durée de déplacement moyenne d’un individu pour se rendre au service de santé le plus proche. Cette durée de déplacement devient alors une norme d’équité quand un temps maximal ou optimal d’accès est défini par consensus avec les professionnels de santé. Toutefois, cette notion de temps d’accès optimal varie en fonction des pathologies et des services de santé. Par ailleurs, il convient de préciser quel est le mode de transport utilisé. Il s’agit donc ensuite de spécifier une vitesse moyenne, les durées indiquées par Michelin étant généralement retenues. La distance temps varie alors selon le mode de transport retenu. Une autre mesure de la distance d’implantation peut être réalisée en valeur, c’est à dire en termes de coût. La distance à parcourir représente un coût direct (coût du transport) et indirect (manque à gagner en termes de production) pour le malade et sa famille. La distance s’analyse alors comme un coût d’opportunité, qui varie selon l’âge, l’emploi occupé, …

La recherche de l’équité dans l’accès aux soins conduit à minimiser cette distance d’implantation ou à tendre vers une distance considérée comme optimale pour l’ensemble de la population. La distance apparaît alors comme un indicateur géographique qui résume les conditions d’accès au service de santé, mais aussi comme un indicateur économique qui valorise la règle de proximité (le trajet le plus court est le meilleur) et de minimisation des coûts pour l’usager. Or rien ne prouve que les usagers se rendent au service de santé le plus proche.

C’est pourquoi il convient de définir la distance de clientèle qui est la distance réellement parcourue par les malades pour accéder au service de santé. Elle correspond à la moyenne arithmétique pondérée des distances entre le service considéré et chaque individu pris en charge. Cette distance est également appelée indicateur de distance pondérée : c’est la distance moyenne des lieux de résidence des malades à leur lieu de prise en charge. Si on l’applique à différentes disciplines, plus la distance calculée est grande, plus la discipline est attractive, et, inversement, plus l’indicateur de distance est faible, moins la discipline est attractive. La distance de clientèle correspond donc à l’accès effectif aux soins, alors que la distance d’implantation correspond à la disponibilité théorique et constitue un indicateur d’accessibilité.

Ainsi, un indicateur d’équité dans l’accès aux soins est fourni par le rapport entre la distance d’implantation et la distance de clientèle. Il détermine ainsi la distance « moyenne » qui garantit l’équité en prenant en compte à la fois la disponibilité de l’offre et le comportement des usagers. Cet indicateur combine une approche de l’offre et une approche de la demande de soins. Le rapport entre ces deux distances précise également l’aire d’attraction d’un service de soins. C’est la force dont fait preuve un service de santé en un lieu donné pour attirer des patients. L’attraction mesure l’image et le rayonnement du prestataire de soins. Plus l’indicateur d’attraction (distance de clientèle / distance d’implantation) est élevé, plus l’attraction est forte, puisque la clientèle préfère recourir à des services nettement plus éloignés que la moyenne des services les plus proches. A l’inverse si l’indicateur est proche de 1, alors l’attraction est faible et la clientèle est une clientèle de proximité.

LES QUATRE DIMENSIONS DE L’ACCESSIBILITÉ AUX SOINS

Dans le langage courant, on dit qu’un objet ou un lieu sont accessibles quand il est facile ou possible d’arriver à ceux-ci. On définit alors l’accessibilité aux soins comme le degré d’ajustement entre les caractéristiques des ressources de soins et celles de la population dans le processus de recherche et d’obtention des soins. Elle est représentée comme une fonction entre les obstacles (indicateurs de résistance) et les capacités de la population à surmonter de tels obstacles (utilisation potentielle). Ces obstacles qui caractérisent l’accessibilité aux soins sont au nombre de quatre : physiques, financiers, organisationnels et informationnels.

L’obstacle physique concerne la facilité d’accès physique et géographique à l’offre de soins, généralement appréhendé en termes de distance à parcourir pour se rendre à l’équipement sanitaire. Cette distance est elle-même mesurée soit en kilomètres ou en temps (la distance physique qui dépend du relief, des axes et des moyens de communication), soit en monnaie (la distance économique qui correspond à la perte de revenus et/ou de production), soit en social (la distance sociale dont les facteurs sont le niveau d’éducation, la mobilité des personnes par exemple). Plus la distance à parcourir est élevée, moins l’accessibilité est garantie, en n’oubliant pas toutefois de distinguer la disponibilité de l’offre de l’accès effectif et efficace. Les nouvelles technologies, et en particulier le développement de la télémédecine tendent à remettre en cause cet obstacle en termes de distance physique, dans la mesure où de nombreux actes, et en particulier les consultations de spécialistes, peuvent se faire à distance via un simple outil de visio-conférence : le patient ne se déplace plus, le médecin non plus, et la distance physique est réduite à néant.

L’obstacle financier se traduit par la barrière financière dans l’accès aux soins dont la consommation représente un coût direct et indirect pour le malade. Dans un système de soins à financement socialisé comme l’est le système français où le coût de la santé est relativement réduit, restent cependant à la charge du malade le ticket modérateur qui peut s’avérer un frein dans l’accès aux soins pour les personnes modestes, tout comme l’avance de frais. Par ailleurs, une hospitalisation entraîne de nombreux coûts indirects comme la perte de revenus du travail, la garde des enfants, les aides à domicile. Là encore l’introduction du tiers payant généralisé vise à diminuer cet obstacle financier.

L’obstacle organisationnel caractérise une offre de soins encombrée (c’est bien le cas des services d’urgences, et ce depuis plus de 20 ans, malgré les différentes mesures qui ont été prises par les pouvoirs publics) dont la cause identifiée correspond principalement à un manque d’articulation entre les professionnels de santé. Il se traduit par la constitution de files d’attente de malades, le transfert des personnes, l’allongement des délais de prise de rendez-vous, qui peuvent se traduire in fine par un renoncement aux soins. Il se traduit également par une inadaptation de la prise en charge par rapport à l’état de santé du malade.

L’obstacle informationnel réside dans le manque de lisibilité du système de soins et le manque d’information de l’usager. Ce niveau d’information dépend de la relative opacité du fonctionnement de l’offre de soins, mais aussi de l’éducation à la santé que le malade a reçue. Selon le niveau d’éducation, le niveau culturel, l’appartenance à un groupe, l’usager n’adoptera pas la même attitude quant au recours et au mode de recours aux soins. Certaines personnes refuseront de se faire soigner en invoquant des croyances ou des arguments religieux par exemple.

Au-delà de ces quatre dimensions, il convient de distinguer l’accessibilité absolue de l’accessibilité relative, dans le sens où le recours aux soins dépend de la décision initiale du malade de recourir aux soins, puis de la décision du médecin généraliste de prescrire une hospitalisation, et enfin la décision du malade de suivre la recommandation de son médecin prescripteur.

LIBÉRAL OU ÉGALITAIRE ?

Une première conception de l’équité en santé s’appuie sur une approche libérale de la justice. Selon celle-ci, la justice est garantie par le marché et l’intervention des pouvoirs publics n’est justifiée que pour assurer le bon fonctionnement et le respect des règles marchandes. Appliquée à la santé, la notion de justice libérale signifie que le jeu de l’offre et de la demande de santé conduit à une organisation des soins juste et équitable. Dès lors, les pouvoirs publics n’ont pas de raison d’intervenir pour réduire les inégalités.

Dans une économie libérale, le marché est la seule règle qui garantisse le bon fonctionnement de la société et constitue le seul mode efficace de coordination des actions individuelles. Il respecte les deux valeurs fondamentales du libéralisme : la liberté individuelle et la propriété privée. La justice réside alors dans les échanges entre les individus sur le marché qui garantit la liberté et l’efficacité. Par définition le marché est juste et, celui-ci étant la seule règle, les inégalités ne sont pas injustes, à partir du moment où les libertés individuelles et les droits de propriété sont respectés. Ces inégalités peuvent éventuellement être réduites par des actions de charité ou par une action collective dans le cadre d’un contrat social, mais leur correction n’est pas obligatoire puisqu’elles ne sont pas injustes. Selon la conception libérale de l’équité, l’accès à la santé doit se faire selon les lois du marché. Chaque individu reçoit à sa naissance un capital santé qui va évoluer au cours de sa vie en fonction de ses choix et de ses comportements. Toute amélioration ou détérioration sera juste à moins qu’elle ne soit causée par la violation des droits individuels. Ainsi les inégalités de santé existantes ne sont pas injustes dans la mesure où chaque individu est responsable de sa propre santé. En conséquence, la distribution des soins est régie par les lois du marché et en aucun cas un système public de régulation de la santé ne saurait être justifié pour des raisons d’équité. D’une part, la distribution des soins résulte des choix et des préférences individuelles. D’autre part, l’accès aux soins selon les lois du marché est efficace dans la mesure où les individus nécessitant des soins attribuent une valeur marchande plus importante à leur santé et donc se rendent plus facilement dans les hôpitaux qui les traiteront en priorité. Ces deux arguments concourent à rejeter toute redistribution publique en matière de santé pour des raisons d’équité. En aucun cas un système de planification ne saurait être justifié pour des raisons d’accessibilité aux soins. Dans les lieux où il n’existe pas de médecins, l’Etat n’a pas à intervenir pour en implanter. Enfin, une telle conception implique qu’il n’existe pas de structures de soins publiques, mais seulement privées. Le rôle de l’Etat se cantonne au respect des droits individuels de chaque individu dans les structures privées de santé. La politique de santé telle que nous la connaissons aujourd’hui en France n’a donc pas de sens selon une telle conception de l’équité.

L’égalité égalitariste est quant à elle au cœur du concept de réduction des inégalités. Un objet, un droit ou un être humain est égal à un autre lorsqu’il est de même quantité, nature, dimension, qualité ou valeur. Deux êtres égaux possèdent les mêmes caractéristiques. Dès lors l’égalitarisme peut être appliqué selon deux approches, l’une positive visant à rechercher l’égalité absolue, l’autre négative visant à réduire les inégalités. Force est de constater que l’égalitarisme sous-tend la régulation de la santé que l’on connaît en France. Le premier objectif est l’égalité d’accès aux soins, ou tout du moins, dans la pratique, la réduction des inégalités d’accès aux soins par le maintien d’un niveau d’accessibilité satisfaisant pour l’ensemble de la population. C’est ce qui sous-tend la plupart des projets régionaux de santé, à savoir la réduction des inégalités territoriales pour aller vers l’objectif inatteignable d’égalité entre les territoires. Ainsi l’Etat providence a pour objectif de réduire les inégalités de bien-être entre les individus.

Les partisans du courant égalitariste considèrent la santé comme un bien à caractère tutélaire (ou bien public) pour lequel l’intervention de l’Etat est nécessaire pour permettre à la fois l’égalité des états de santé, des droits à la santé et la maximisation de la santé et du bien-être. Garantir l’égalité des états de santé des individus signifie que le système de santé produit des résultats égaux à état de santé et à besoin de santé équivalent. Or cette volonté se révèle vite être irréalisable dans la réalité. D’une part l’amélioration de l’état de santé d’un individu ne peut pas être atteinte par la détérioration de l’état de santé d’un autre individu : il n’y a pas d’effet de redistribution comme en matière de revenus par exemple. D’autre part, l’égalité des états de santé relève de l’utopie, tant les caractéristiques physiologiques de l’être humain diffèrent selon l’âge, le sexe, les prédispositions génétiques. Dès lors à l’approche positive de la recherche des égalités des états de santé se substitue une approche négative visant à la réduction des inégalités de santé. Cette approche postule l’égalité du droit à la santé qui suppose que tout individu possède un droit à la santé, comme il possède un droit au travail, à l’éducation, au logement ; la santé est considérée comme un droit social fondamental et l’Etat doit garantir le respect de ce droit pour chaque individu. Réduire les inégalités de santé est un objectif qui sous-tend très largement les politiques de santé, entre autres en France.

Rechercher l’égalité dans l’accès aux soins signifie rechercher un niveau d’accessibilité aux soins qui soit identique pour chaque individu, ceci dans toutes les dimensions de l’accessibilité.

Les conceptions « rawlsiennes » de l’équité relèvent simultanément d’une approche libérale et d’une approche égalitariste, dans la mesure où elles laissent la liberté aux individus de réaliser eux-mêmes leur choix de vie, et tout en préconisant l’égalité des ressources ou des chances pour l’exercice de cette liberté individuelle. Selon la conception rawlsienne, et en fonction de l’approche retenue, le critère d’accessibilité aux soins peut être considéré comme non pertinent (les individus choisissent librement leur lieu d’habitation), minimaliste (il convient de garantir l’accessibilité aux soins de base) ou différencié selon certaines caractéristiques de la population (il s’agit de garantir l’accessibilité aux soins pour les plus pauvres, malades et/ou fragiles).

DU BASSIN DE SANTÉ AU TERRITOIRE DE SANTÉ

La notion de bassin de santé vise à la fois à une meilleure accessibilité des personnes au système de santé et à une meilleure adéquation entre l’offre et la demande. Le bassin de santé représente le cadre spatial de l’action du professionnel de soins, c’est à dire celui où réside « sa » clientèle et autour de lui les autres professionnels (médecins généralistes, infirmières libérales, pharmaciens, …).

Un bassin de santé (qui est aussi un bassin de vie) est une partie du territoire drainée par des flux, hiérarchisés et orientés principalement vers un centre, de patients aux caractéristiques et aux comportements géographiques homogènes. Une commune ou un canton appartiennent à un bassin de santé quand ses habitants s’adressent préférentiellement aux établissements de ce bassin et que vis à vis des autres établissements périphériques, les habitants des communes ont un comportement voisin. Les limites des bassins de santé sont déterminées par les aires d’influence respectives des pôles hospitaliers voisins. La définition des bassins de santé repose sur une homogénéité des pratiques des populations. Il s’agit d’une approche par les comportements, de type populationnel, et non par les structures, de type institutionnel. Dans la pratique, on parlera de bassin de santé dès lors que la population sera suffisamment nombreuse tout en restant la plus homogène possible, en rapport avec ses caractéristiques significatives des besoins de santé. Les bassins de santé peuvent être délimités de plusieurs manières à partir :

• de la perception des acteurs par le biais d’enquêtes d’opinion ou de consommation (enquêtes sociologiques), même s’il convient de veiller à l’objectivité des réponses.

• des aires d’attraction des établissements de santé.

• des méthodes de prescription et d’orientation des patients par les médecins libéraux (généralistes et spécialistes) vers les établissements de santé.

Quelle que soit la méthode de délimitation retenue, elle repose sur l’analyse d’une information qui décrit les flux de patients de leur domicile à leur lieu de soins.

Le territoire de santé peut-être découpé selon plusieurs logiques : administrative (secteur sanitaire ou département), naturelle (flux de population) ou construite (bassin de santé). Nous proposons de retenir trois niveaux d’organisation territoriale des soins qui composent avec ces trois logiques : la région, au sens administratif du terme, le bassin de santé ou zone de besoins, et le bassin de proximité. La région est devenue le lieu de régulation et de planification. Le bassin de proximité correspond quant à lui aux lieux où les professionnels de santé offrent des services de proximité dans le cadre de réseaux ville-hôpital locaux. Ne se pose pas pour ces bassins la question de leur délimitation mais plutôt celle de la délivrance des soins de proximité dans des conditions satisfaisantes de qualité et d’efficacité. La question fondamentale consiste à déterminer le niveau intermédiaire du découpage territorial, entre le bassin de proximité et la région, qui constitue, à notre sens, le levier de la nouvelle organisation des soins : les zones de besoins, appelées parfois bassins de santé ou bassins de vie, sont perméables, non figées ni dans le temps, ni dans l’espace. Il s’agit d’un découpage fictif de la région, qui vise à identifier des ensembles homogènes quant aux besoins sanitaires de la population, pour fixer la nouvelle organisation de l’offre de soins. Ces zones doivent être homogènes au plan des déterminants des besoins de santé. Un indicateur unique de besoins ne peut résumer parfaitement les besoins d’une zone considérée. C’est une batterie d’indicateurs, relatifs aux déterminants de la santé, à l’état de santé et aux conséquences des problèmes de santé, qui permettront de décrire une situation, par leur mise en corrélation.

CONCLUSION

Le Pacte territoire santé, inscrit dans la loi de modernisation de notre système de santé de janvier 2016, fixait des objectifs et devait être décliné uniformément sur tout le territoire. Force est de constater que la contrainte législative n’a pas permis de remédier aux problèmes de la démographie médicale, et que les déserts médicaux, non seulement existent toujours mais se sont mêmes aggravés.

Ce nouveau plan s’appuie sur une méthode plus pragmatique, car les outils et les leviers eux restent les mêmes. En revanche il s’agit de partir des besoins de la population, des initiatives des professionnels de chaque territoire et de les accompagner. Le Pacte territoire santé ne devient qu’un outil parmi tant d’autres.

Une nouvelle méthode donc, relevant d’une approche populationnelle, fondée sur les besoins et les acteurs de santé, ancrée dans les territoires, faisant passer les instances de régulation de la tutelle à l’accompagnement partenarial. Une conception finalement rawlsienne de l’équité en santé, mêlant à la fois libéralisme (liberté des acteurs, développement des initiatives) et égalitarisme (même accès aux soins dans tous les territoires, selon une conception « digitale » de l’accessibilité aux soins).

Le plan de renforcement de l’accès territorial aux soins

4 priorités déclinées en 20 actions

→ Renforcer l’offre de soins dans les territoires au service des patients : une présence médicale et soignante accrue

– Aider à l’installation et à l’exercice des médecins dans les zones en tension : nouvelles aides conventionnelles pour les médecins, nouveau zonage pour les médecins généralistes, adaptation des zonages pour les autres professionnels

– Faciliter le cumul emploi-retraite des médecins libéraux pour maintenir des médecins sur le territoire

– Développer les consultations avancées

– Créer des postes d’assistants partagés entre la ville et l’hôpital

– Généraliser le contrat de médecin adjoint

– Favoriser les stages ambulatoires des professionnels de santé en formation

– Faciliter les remplacements et l’exercice mixte (salarié/libéral)

– Développer les coopérations entre les professionnels de santé afin de rendre un meilleur service à la population : nouveaux infirmiers ASALEE, nouveaux protocoles de coopération simplifiés, pratiques avancées

– Organiser la contribution des centres médicaux des armées

→ Mettre en œuvre la révolution numérique en santé pour abolir les distances

– Inscrire la télémédecine dans le droit commun dès 2018

– Accompagner l’équipement des établissements médico-sociaux, des établissements de santé (dont les hôpitaux de proximité), des maisons de santé pluri-professionnelles et des centres de santé dans le déploiement de la télémédecine

– Faire émerger les territoires digitaux

→ Favoriser une meilleure organisation des professions de santé pour assurer une présence soignante pérenne et continue

– Soutenir le développement des maisons de santé pluri-professionnelles, des centres de santé et de tous les modes d’exercice coordonné

– Garantir une réponse aux demandes de soins non programmés aux heures d’ouverture des cabinets en s’appuyant sur les initiatives professionnelles

– Créer un guichet unique d’information et d’orientation pour l’exercice des professionnels de santé

– Simplifier la prise en charge des patients en situation complexe en faisant converger financièrement les dispositifs d’appui aux parcours complexes selon les territoires

→ Une nouvelle méthode : faire confiance aux acteurs des territoires pour construire des projets et innover

– Co-construire un projet d’animation et d’aménagement du territoire par les professionnels de santé, les usagers, les institutions et les élus des territoires

– Créer un cadre commun permettant aux professionnels de santé d’expérimenter de nouvelles organisations

– Evaluer régulièrement la mise en place des différentes actions territoriales

– Appuyer les agences régionales de santé dans l’accompagnement des projets de territoire