Objectif Soins n° 260 du 01/12/2017

 

Écrits professionnels

Laurent Soyer  

Si une part de plus en plus conséquente des établissements sanitaires français encourage la recherche-innovation auprès des soignants, via notamment la réponse à l’appel à projet de type Programme hospitalier de recherche infirmière et paramédicale (PHRIP), la conduite de projet dans ce domaine mérite un tutorat spécifique. Retour d’expérience.

Le PHRIP

Un programme encore jeune

Un préalable pour développer notre point de vue concernant le tutorat de projet PHRIP est de clarifier ce que sous-tend cet acronyme. En effet, le construit “PHRIP” est méconnu, voire inconnu, notamment chez certains responsables hiérarchiques hospitaliers. Il est vrai que ce programme de recherche est encore jeune. Piloté par la Direction générale de l’offre de soins (DGOS), le Programme hospitalier de recherche infirmière (PHRI) a été lancé pour la première fois en 2010, puis élargi depuis 2011 à l’ensemble de la recherche paramédicale, d’où la nouvelle appellation PHRIP. Comme le soulignait le Ministère des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes en 2015, « l’introduction puis l’utilisation de technologies de santé innovantes et pertinentes, bénéfiques pour la prise en charge des patients dans leur parcours de soins, sont le résultat de recherches s’inscrivant dans un continuum »(1). À partir de ce postulat, la mise en œuvre de programmes de recherche de type PHRIP s’inscrit « dans la partie aval de ce continuum et concerne plus particulièrement la recherche appliquée aux soins ou à l’offre de soins »(1). Le PHRIP se fonde donc sur l’idée d’apporter un soutien à la recherche centrée sur les soins.

Un programme ambitieux

D’un point de vue de l’investissement financier, notamment : « Entre 2010 et 2014, presque 10 millions d’euros ont été engagés sur un total de 104 projets de recherche infirmière et paramédicale »(2) Ce programme présente également un caractère d’exhaustivité car il s’axe sur l’ensemble de l’activité de soins avec en point de mire la démarche qualité : « Le PHRIP vise tous les aspects de la recherche clinique, principalement la qualité et la sécurité des soins et l’amélioration continue des pratiques professionnelles infirmière et paramédicales, via notamment l’élaboration et la validation de nouveaux référentiels de prise en charge. »(1). Bien que ces lignes semblent davantage cibler une activité hospitalière, au chevet du malade, les projets retenus peuvent s’intéresser à l’ensemble des dimensions des soins, « y compris au domicile des patients. La notion de “soins” doit être comprise dans une acception large, dépassant les seuls soins à visée curative pour intégrer les soins éducatifs et préventifs, la rééducation, la réadaptation, ainsi que les soins à visée palliative »(1). La notion de réseau est aussi présente : « Les projets de recherche validant des méthodes innovantes de soins et de pratiques avec une vision globale de la prise en charge des patients ainsi que ceux portant sur la complémentarité et la subsidiarité entre les lieux de prise en charge sont également concernés »(1). Il est effectivement question de « vision globale de la prise en charge ». La tournure scripturale porte une ambigüité sémantique. D’un côté, l’approche serait holistique avec un centrage sur le soigné comme sujet et, d’autre part, nous serions situés dans une “prise en charge”, donc sur un soigné conceptualisé comme objet. Terminons en pointant que le texte ministériel souligne également la nécessité du caractère innovant des projets de recherche PHRIP, autrement dit l’action d’introduire une nouveauté dans l’activité de soins.

Si le PHRI est devenu rapidement le PHRIP, c’est bien pour toucher le maximum de corporations soignantes et promouvoir l’interdisciplinarité. « De plus en plus, la recherche se dirige vers des projets plus interdisciplinaires. Une collaboration efficace entre des personnes de différentes disciplines est nécessaire pour maximiser les avantages potentiels de l’interdisciplinarité pour les futures activités de recherche »(3).

Les objectifs à long terme

Le PHRIP se calque sur la recherche internationale, dont l’Evidence based nursing (EBN) : « La finalité du PHRIP est de fournir des connaissances fondées sur des bases scientifiques pour contribuer à l’amélioration continue des soins dispensés par les auxiliaires médicaux, tels que définis par le Code de la santé publique. Dans ce contexte, le PHRIP permet également de valider ou de comparer entre eux des actes innovants ou des stratégies de soins mis en œuvre par les auxiliaires médicaux, afin de sélectionner les plus efficaces ou efficients. »(1) Le PHRIP fonde aussi le vœu de pérenniser le développement de la recherche professionnelle soignante : « Le PHRIP entend également favoriser le développement d’un potentiel de recherche en France dans le domaine des soins paramédicaux et promouvoir l’excellence des activités de recherche dans ce domaine spécifique. »(1)

La méthode de recherche

Le PHRIP s’est en première intention focalisé sur des projets proches de la culture médicale, privilégiant les méthodes expérimentales. Les méthodes qualitatives ne sont pas exclues mais assujetties à une validation spécifique : « Les projets s’inscrivant dans une approche qualitative sont éligibles à la condition expresse que la méthodologie proposée soit appropriée, rigoureuse et qu’elle permette d’apporter les éléments de réponse à la question de recherche. »(1) Cette spécificité questionne déontologiquement, comme si l’approche qualitative avait une moindre valeur scientifique que celle quantitative. Pourtant, c’est bien l’approche qualitative qui est actuellement privilégiée en formation initiale infirmière comme l’atteste 95 % des TFE de l’année 2016 mise en ligne sur le site www.infirmiers.com, dynamique qui va probablement favoriser si ce n’est une expertise, en tout cas une culture de recherche qui ne sera pas en adéquation avec une culture PHRIP qui serait davantage axée sur de la recherche quantitative.

Le fonctionnement

En pratique, le PHRIP fonctionne sur le principe d’un appel annuel à projets de recherche. La sélection s’opère par étapes. En premier lieu, l’équipe de recherche se fait connaître auprès de la DGOS via une lettre d’intention (pré-propositions). Une première sélection s’opère alors. Dans un second temps, les porteurs de projets de recherche, dont les lettres d’intention ont été sélectionnées, vont bâtir un dossier complet qui sera soumis à expertise. Les experts du PHRIP sont recrutés parmi un panel de professionnels disposant d’une expertise dans un domaine de soins et, dans l’absolu, d’une expertise en méthodologie de la recherche. Trois experts vont examiner le dossier déposé et rendre un avis à l’aide d’une grille d’évaluation. Les trois experts ne se connaissent pas et n’entrent pas en conflit d’intérêts avec le projet. Enfin, les rapports d’expertises sont passés en revue lors d’une commission où siègent les rapporteurs et l’équipe dirigeante du PHRIP. Il est à noter que les dossiers ne sont pas anonymes !

Un bilan

Dans leur article de 2015, dressant un bilan à cinq ans du PHRIP, les auteurs se montrent optimistes : « Cinq années après sa création, le PHRIP a suscité un réel engouement de la part des professionnels paramédicaux en France, qui trouvent enfin un programme de financement public leur étant dédié et leur permettant de s’investir dans une recherche née de leur pratique quotidienne. »(4) Cette affirmation mérite d’être tempérée par plusieurs éléments. En premier lieu, beaucoup d’établissements et, de fait, nombre d’équipes soignantes, n’ont pas accès au PHRIP, voire ignorent son existence ! Les raisons sont diverses : défaut d’information, priorisation institutionnelle sur d’autres projets, centrage sur l’activité clinique au détriment de la recherche(5), absentéisme et effectifs à flux tendus, manque de personnes ressources… Il est par exemple évident que les Centres hospitaliers universitaires (CHU) sont mieux dotés pour encadrer la recherche, puisque c’est déjà l’une de leurs missions statutaires. Un autre élément identifiable comme un frein est lié à l’encadrement déontologique et législatif des programmes de recherches. « Nombreux sont les projets qui avancent lentement car ils se heurtent à des difficultés d’obtention d’autorisations technico-réglementaires, dont les avis favorables des Comités de protection des personnes ou les protocoles de coopérations délivrés par la Haute Autorité de santé. Ainsi, 70 % des projets 2013 sont toujours en attente d’obtention de ces autorisations au moment de l’analyse. »(4) Par ailleurs, et c’est sur cet élément essentiel que nous allons construire notre développement, peu ou pas de soignants sont formés à pratiquer la recherche à un niveau en adéquation avec les exigences du PHRIP.

LE TUTORAT DE PROJET PHRIP

L’idée de développer le tutorat en matière de recherche, au plus proche des professionnels de santé, s’inscrit dans le code de déontologie infirmière : « Encourager et renforcer, sur le lieu de travail, le soutien au lancement de travaux de recherche sur la profession infirmière et la santé, ainsi que la diffusion et l’utilisation des résultats de ces travaux. »(6) De même, l’initiation à la démarche de recherche est depuis 2009 intégrée au programme de formation initiale infirmier et concerne une des dix compétences constituantes de l’agir professionnel infirmier : « Compétence 8 : rechercher et traiter des données professionnelles et scientifiques »(7). Pas moins de quatre unités d’enseignement (UE) contribuent à l’acquisition de cette compétence : « UE 3.4 Initiation à la démarche de recherche S4 […] UE 3.6 Initiation à la démarche de recherche S4 […] UE 6.1 Méthodes de travail et TIC […] UE 6.2 Anglais »(7).

La mise en œuvre du PHRIP a été un révélateur des carences en personnes ressources au niveau institutionnel, pour tutorer ce type de projet de recherche. Nous ne reviendrons pas sur la définition du tutorat(8). Soulignons néanmoins que, dans le cadre du PHRIP, le tutorat d’acteurs de terrain issus des différentes corporations nommées “paramédicales”, s’ajuste dans un processus de professionnalisation qu’il est possible de centrer sur une logique de la réflexion pour l’action. « Elle caractérise également les moments de prise de recul individuel ou collectif à propos de situations vécues mais dans la perspective de définir par anticipation une nouvelle façon de faire de manière à être plus efficace. »(9)

RETOUR D’EXPÉRIENCE DU TUTORAT DE PROJETS PHRIP

En ce qui me concerne, j’ai été mandaté par un organisme de formation de rayonnement national dans le domaine de la santé, pour réaliser le tutorat de plusieurs projets PHRIP sur un CHU sur une série de sessions. Le dispositif de tutorat existant est basé sur des séances ponctuelles contractualisées avec l’établissement client. Une séance comporte deux jours consécutifs de formation. Le nombre de séances est fixé à trois ou quatre et peut évoluer en fonction des besoins. Les séances sont réalisées en présentiel, sur l’espace formation du CHU. Ma posture de formateur était renforcée par mon expertise en recherche et ma qualité d’expert au PHRIP. Dans le champ des compétences, l’expertise se définit comme la « qualité de celui qui est expert par l’expérience. À force de faire, on sait. Mais pour savoir, il faut avoir fait ».(10) Le groupe de tutorés, principalement composé de représentants des corporations infirmière et diététicienne, dont des cadres de santé, s’est montré dès la première session attentif et motivé par les projets de recherche et le tutorat. Chaque session s’est révélée riche en questionnements et en interactions. Cependant, il est intéressant de pointer certains obstacles nécessitant une réflexion pour proposer des pistes d’amélioration de ce type de tutorat. Présentement, nous développerons sept de ces obstacles.

Noviciat des participants en recherche

Un premier constat saute aux yeux dès la première séance : les participants sont des novices en recherche et manque de prérequis pour que les séances de tutorat soient optimisées. À chaque séance, il faut expliciter de nouveau des éléments d’ingénierie ou de méthodologie qui ne sont pas assimilés. Globalement, le niveau est équivalent à celui des étudiants en formation initiale, sauf qu’ici, comme la majeure partie des membres du groupe n’est pas jeune dans la profession, ils n’ont pas bénéficié d’apports théoriques ni de pratique d’initiation par la recherche de type TFE tel que conçus depuis le programme de formation infirmier de 2009.

Difficultés à problématiser

Le second constat est intrinsèque au premier. Il concerne la capacité à problématiser. Or la faculté du chercheur à problématiser constitue non seulement le fondement de son étude, mais en jalonne également tout le parcours. Comme je l’indiquais dans un article consacré à ce sujet, « l’initiation à la recherche est fondée dans la problématisation, elle suscite la pluralité des possibles et invite au questionnement »(11). Lors des sessions de tutorat, les membres du groupe achoppaient à des moments clés de la problématisation. Dès le début, un embryon d’idée de recherche, souvent maladroitement formulé ou formalisé, est constaté. Ce tâtonnement, qui se retrouve chez les étudiants en soins infirmiers, est lié à l’aspect heuristique de la recherche. La recherche va pousser l’équipe de recherche à rompre avec son quotidien, à se lancer dans l’inconnu, à mettre en question à la fois l’existant qui constitue l’environnement d’exercice professionnel, mais aussi sa propre vision du monde. La problématisation est une mise en question qui implique une remise en question des certitudes. Un autre moment clé où les tutorés sont en difficulté est celui de la formulation des questions liées à la recherche : question initiale ou/et question de recherche. Outre le défaut de connaissances théoriques qui ne facilite pas la démarche réflexive, les tutorés ne savent pas où ils vont, pour utiliser un vocabulaire qui image bien la situation ! Tout le travail du tuteur consiste alors à travailler cette gymnastique intellectuelle du questionnement, via de nombreuses interactions avec les membres du groupe. Dans cette dynamique pédagogique, le tuteur est à la fois en posture de médiateur, d’aiguilleur de la parole et des idées, en clair du cheminement de la problématisation. La posture du tuteur est donc fondamentale ici, car elle sort du cadre de la transmission de savoir formateur-formé (s), pour privilégier la pensée Mètis, c’est-à-dire « des agissements de l’ordre de cette intelligence rusée tels que la duplicité, la feinte, le refusement, le manquement, la création de l’attente, la surprise, la ruse, la polymorphie, l’invention de poros… »(12). Dans la situation d’apprentissage que nous évoquons, le tuteur se trouve au cœur de membres de groupe de projets différents. Le conflit, sous-entendu sociocognitif, va surgir d’un groupe. Le questionnement va voir jour tel un “bruit” imprévu dans la séance de tutorat. Il constitue un événement de paroles qui a une haute valeur formative. Pourquoi ? Parce que le tuteur va utiliser ce bruit, cet événement, pour activer les interactions entre membres des groupes et ainsi générer de la problématisation active. Le rôle du tuteur est bien d’agrandir le conflit qui était à l’origine cantonné à un groupe. Le tuteur ramène la problématique d’un groupe à la dimension de son auditoire complet. Il convoque son assistance dans le triangle didactique(13). Le plus simple serait de donner des solutions, des clés pour formuler les questions et ainsi produire l’attendu, c’est-à-dire un projet de recherche dument formalisé. Mais « former à la problématisation n’est donc pas transmettre des savoirs mais activer les conditions pour que s’identifient des compétences expérimentées ou anticipées, c’est accompagner par l’exercice du questionnement »(14).

Manque de compétences en recherche documentaire

Un troisième constat est un défaut de compétence de la majorité des participants en lien avec la recherche documentaire. Aucun des participants n’était formé à la recherche documentaire. Pas de notion ou alors des notions fragmentaires des types de littératures, de la recherche par mots clés, de la recherche avancée sur des bases de données, de la recension des écrits, de l’analyse d’articles de recherche… Il aurait été très intéressant que de jeunes diplômés, qui sont sensés êtres rompus à la recherche documentaire via notamment l’UE 6.1 Méthodes de travail, ainsi que par la réalisation de leur TFE, viennent appuyer de leurs compétences les groupes projet PHRIP. Les cadres de proximité auraient sans doute un rôle à jouer dans la détection et le recrutement de ce type de profil de compétences. Par ailleurs, ce défaut pourrait être en partie compensé en interne avec le concours de personnes ressources comme les documentalistes(15). Il y a là aussi un problème de disponibilité mais aussi un problème de culture de collaboration soignants/documentalistes, car peu de services de soins se nourrissent d’une veille professionnelle et encore moins collaborent ou coopèrent avec les documentalistes pourtant experts en recherche documentaire.

Difficulté d’accès aux bases de données

Le quatrième constat est étroitement lié au précédent puisqu’il pointe une difficulté d’accès aux bases de données. En effet, d’une part, la grande majorité des participants exprime ne pas connaître les bases de données de références dans les divers champs scientifiques afférents à leur domaine d’activité.

D’autre part, ayant entrepris des démarches prospectives au niveau institutionnel, il s’avère que très peu de bases de données sont accessibles, et encore, depuis le centre documentaire seulement. Il est clair que l’inscription d’un établissement à des bases de données payantes représente un coût. Citons par exemple l’incontournable base de données bibliographiques payantes Cinahl (Cumulative Index to Nursing and Allied Health Literature) qui répertorie près de 3 000 périodiques dédiés aux disciplines des sciences paramédicales dont infirmières. De fait, cet investissement est incontournable aujourd’hui, car aucune recherche ne peut se soustraire à une investigation documentaire actualisée et souvent pluridisciplinaire.

Défaut d’assiduité par manque de disponibilité

Un cinquième constat est le défaut d’assiduité des participants lié à des problèmes de disponibilité en prise directe avec leur pratique professionnelle. Difficile de prévoir longtemps à l’avance des séances de tutorat avec un groupe de participants inconstant. Congés, absentéisme à compenser ou à gérer, parfois diminution de la motivation liée à l’espacement entre deux séances de tutorat… Le tuteur se base sur la première séance où souvent le groupe se trouve le plus complet. Si, lors des séances suivantes, le groupe se trouve diminué, la synergie pédagogique liée au co-apprentissage entre tutorés est altérée. Par ailleurs, le retour de certains membres sur le groupe après une ou plusieurs séances manquées oblige le tuteur à “raccrocher” le tutoré en question, donc à revenir sur des points déjà développés lors des séances précédentes. Cette progression en dents de scie liée à une assiduité précaire, même si elle ne concerne pas la majorité des membres du groupe, ne favorise pas une efficience nécessaire lorsque des échéances sont convoquées comme la remise de la lettre d’intention ou du dossier de projet de recherche à la DGOS.

Faibles avancées entre les séances de tutorat

Le sixième constat est relié au précédent puisqu’il est constaté de faibles avancées entre chaque séance de formation. En fait, les participants consacrent trop peu de temps personnel à l’élaboration de leur projet de recherche en dehors des séances de tutorat. Là aussi, les contraintes professionnelles jouent un rôle de frein. Parfois les membres d’un groupe n’ont pas le même planning, pas les mêmes fonctions, pas les mêmes obligations et ont de grandes difficultés à contractualiser des temps de travail en commun. En pratique, à la fin de chaque séance des objectifs d’avancées étaient fixés avec chaque groupe. Des objectifs réalistes compte-tenu du contexte de faible disponibilité évoqué. Malgré cela, les tutorés attendent d’être guidés par le tuteur et le fait d’être novices renforce probablement cette inertie. Il en résulte un travail morcelé et incomplet.

Non-reconnaissance de la posture de chercheurs par les pairs

Enfin, un septième constat révèle un manque de reconnaissance des membres des équipes projets PHRIP par leurs pairs. En effet, lors des séances de tutorat, notamment lorsque la discussion portait sur les difficultés d’avancement des projets, une des raisons évoquées était l’impossibilité de se soustraire à l’activité habituelle pour se consacrer au projet PHRIP. Les tutorés sont unanimes pour souligner que leurs collègues montrent une réelle hostilité par rapport à leur posture de chercheur : « Pour eux, ce que nous faisons n’est pas du travail, cela crée des tensions […]. Il est difficile d’avancer le projet de recherche sur le lieu de travail, mes collègues me reprochent de leur laisser tout faire. » Voilà le type de discours de membres du groupe de tutorés qui témoigne de la non-reconnaissance de la recherche comme partie intégrante de l’activité professionnelle de soins.

Après avoir identifier les sept obstacles à l’efficience du tutorat de projet PHRIP, nous proposerons en seconde partie de développer des propositions d’amélioration et une modélisation du tutorat de projet PHRIP.

NOTES

(1) Ministère des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes, “Instruction DGOS/PF4 n° 2014-349 du 19 décembre 2014 relative aux programmes de recherche sur les soins et l’offre de soins pour l’année 2015”, Bulletin Officiel Santé – Protection sociale – Solidarité n° 2015/2 du 15 mars 2015 (à consulter via le lien raccourci bit.ly/2y7VR2V).

(2) Stuwe, L. (2015, avril). Enjeux et défis de la recherche en science infirmière et paramédicale Le programme hospitalier de recherche infirmière et paramédicale (PHRIP). Direction générale de l’offre de soins. Communication présentée à la première Journée scientifique sur la recherche en science infirmière et paramédicale. Marseille : DUSI – Aix-Marseille-Université.

(3) Bridle, H., Vrieling, A., Cardillo, M., Araya, Y., & Hinojosa, L. (2013). Preparing for an Interdisciplinary Future: A Perspective from Early-Career Researchers. Futures (53), 22-32. (lien bit.ly/2AouQtA).

(4) Stuwe, L., Parent, M., & Louvet, O. (2015). “Bilan de 5 ans du Programme hospitalier de recherche infirmière et paramédicale (PHRIP) : quels enjeux, quels défis ?” Recherche en soins infirmiers n° 121.

(5) Soyer, L., & Tanda, N. (2015). Initiation à la démarche de recherche. Traitement des données. Unité d’enseignement 3.4 et 5.6. Semestre 4 et 6. Paris : Vuibert. Collection Référence IFSI.

(6) Conseil international des infirmières. (2006). Code déontologique du CII pour la profession infirmière (lien bit.ly/2zBFIap).

(7) Ministère de la Santé et des Sports. (2013). Formations des professions de santé, Profession infirmier, Recueil des Principaux textes relatifs à la formation préparant au diplôme d’Etat et à l’exercice de la profession. Paris (France) : Berger-Levrault.

(8) Soyer, L., & Tanda, N. (2017). La coopération maître et tuteur de stage. Objectif Soins & Management, (259), p. 32-37.

(9) Wittorski, R. (2009). “Accompagnement et professionnalisation”. Esquisse, (52/53), 5-21.

(10) Le Boterf, G. (1995). De la compétence, essai sur un attracteur étrange. Paris : Éd d’Organisations.

(11) Soyer, L. (2013). “L’initiation à la recherche et la notion de problème”. Objectif Soins & Management n° 219, 52-54.

(12) Hérisson, B., & Caparros-Mencacci, N. (2001). “Pensée mètis et problématisation d’enjeux de reconnaissance au travers d’actes de parole en situation de formation”. L’année de la recherche en éducation, 115-134.

(13) Houssaye, J. (2014) Le triangle pédagogique, Les différentes facettes de la pédagogie. Paris : ESF.

(14) Vial, M. (2012). “La problématisation n’est pas un geste transmissible, elle relève de l’évaluation située”. Colloque, Biennale de l’éducation. Symposium Évaluation et Transmission. Paris : CNAM (lien bit.ly/2hOG96H).

(15) Soyer, L., & Tanda, N. (2016). La revue de littérature en recherche infirmière. Objectif Soins & Management (243), 47-53.