Objectif Soins n° 260 du 01/12/2017

 

Droit

Gilles Devers  

Du point de vue de la logique juridique, la profession infirmière repose sur deux jambes : les compétences et la déontologie. On reconnaît ici d’une part le décret de compétence, et d’autre part le Code de déontologie, qui est issu du décret n° 2016-1605 du 25 novembre 2016, inclus dans le Code de la santé publique aux articles R. 41312-1 et suivants, et qui préexistait sous le terme de « règles professionnelles » avec le décret n° 93-221 du 16 février 1993. Avant d’analyser ces grandes notions de la déontologie infirmière, il faut poser les termes du débat et aborder un peu de théorie juridique.

QUID DE LA DEONTOLOGIE ?

Le premier point est de situer juridiquement la déontologie, et ce n’est pas évident. La déontologie s’analyse comme la science des devoirs, et elle prend place dans l’exercice de certaines professions qui, par leur nature, soulèvent des enjeux aux confins de la morale et du droit. Ainsi, la base est un ordre juridique solide, avec les lois, les décrets, mais également les principes du droit et pour finir l’interprétation qui est faite de tous les textes par la jurisprudence. Les exemples les plus nets sont le régime du secret professionnel ou de la protection de l’intégrité physique, qui sont posés par le Code pénal, et qui directement et au quotidien guident la pratique des infirmières et des infirmiers. Il faut également citer les apports de la loi civile, que l’on retrouve essentiellement dans le Code de la santé publique, avec des données très générales comme les législations sur le consentement ou la fin de vie, mais aussi des régimes spécifiques, et impératifs, comme pour l’interruption volontaire de grossesse ou les vaccinations. Tout cela conduit à poser la base du raisonnement, qui est claire : l’infirmière ou l’infirmier, comme tout citoyen, doit d’abord se conduire dans le cadre du respect du droit.

Alors, que vient faire la déontologie, et qu’ajoute-t-elle ? L’exercice des professions de santé se place au cœur de la problématique humaine, par une pratique professionnelle, scientifique et technique, qui inclut l’altruisme et la volonté de bien faire. De plus, les professionnels se trouvent confrontés à des situations complexes, avec des normes juridiques qui montrent leurs limites, et parfois se trouvent en contradiction. Il en est ainsi de la liberté d’aller et venir, droit fondamental du patient, qu’il faut savoir combiner avec les obligations de bon ordre dans le service et parfois la nécessité de recourir à la contention, à l’isolement, ou à la fermeture des portes du service. C’est encore le cas quand il faut combiner l’intimité du patient, le secret professionnel, et une relation constructive avec les proches. Bref, du fait de la pratique des soins, il se dégage une place pour une réflexion dont le contenu s’avère essentiel, et qui ne peut se résoudre à l’application simple des normes du droit. C’est ici que vient en relais la démarche déontologique, c’est-à-dire le fait d’ajouter au droit le sens du devoir.

Alors oui, la déontologie, cette science des devoirs, a toute sa place dans l’exercice des professions de santé, mais sous deux conditions : la première est de ne pas la considérer comme la donnée initiale, car elle n’est qu’une prolongation, un affinement des problématiques juridiques ; et la seconde est de conserver sa nature d’interrogation. La déontologie, par la force de la pratique, a dégagé des règles dans lesquelles tout le monde se retrouve, et qui s’imposent donc, mais on appauvrirait considérablement le débat si l’on considérait la déontologie comme une réglementation de plus. Bien sûr c’est du droit, car les règles déontologiques sont énoncées dans un décret, mais ces règles sont là pour permettre la mise en perspective, le questionnement. La déontologie trouve ainsi sa place entre l’application du droit et la réflexion éthique.

Il est acquis que la règle déontologique ne se limite pas à l’écrit des codes. L’écrit est un appui, solide, mais rien de plus qu’un appui. Le Conseil d’État a posé ce principe dans un célèbre arrêt du 2 juillet 1993 (n° 124960) en définissant comme base juridique la plus solide, pour pallier une insuffisance ou une absence de texte, « les principes déontologiques fondamentaux relatifs au respect de la personne humaine ». Ainsi, la déontologie n’est pas un décret : c’est une appropriation de ces principes déontologiques fondamentaux.

Dès lors, il est bien utile d’avoir un Code de déontologie, car cela rationalise la démarche, et évite le risque de fragmentation de la réflexion, aux marges du droit et de la morale. Mais on ne peut pas lire le Code comme si c’était simplement un décret. Le Code de déontologie est une aide à la pensée, une aide à agir, une méthode pour se repérer dans les problématiques complexes.

À noter que les règles déontologiques sont issues de normes juridiques, et sont applicables par l’ensemble des tribunaux, au civil, au pénal et au disciplinaire et, parmi le disciplinaire, dans le cadre professionnel d’exercice ou devant l’instance ordinale.

Un mot encore pour cette introduction : une déontologie infirmière, oui sans doute, comme il existe une déontologie médicale. Mais la fonction de la déontologie est d’unir, pas de fractionner, et il faut souhaiter qu’un jour ou l’autre, on voit apparaître des travaux sur une véritable déontologie des professions de santé.

La déontologie, qui a vocation à traiter des situations limites, permet des approches fines qui vont se différencier entre les professionnels de santé, et au sein d’une profession en fonction des divers modes d’exercice. Pour le médecin et l’infirmière, la pratique du secret n’est pas exactement la même chose, et ce n’est pas non plus la même chose pour une infirmière travaillant dans l’Éducation nationale et une autre dans le pénitentiaire. Donc, des problématiques déontologiques spécifiques avec des réponses adaptées, mais attention de toujours revenir au fonds commun, c’est-à-dire la réflexion de professionnels qui prennent en charge la santé des autres.

Ces principes d’analyse étant posés, il est alors possible de mettre en lumière les articles les plus importants du Code de déontologie, ce qui est d’autant plus pertinent que ce texte, très inspiré du Code de déontologie médicale et de la jurisprudence, est d’une excellente qualité de rédaction.

LES NOTIONS DEONTOLOGIQUES CLES RAPPELEES PAR LE TEXTE

Protection de la dignité et de l’intimité

« Art. R. 4312-3 –

L’infirmier, au service de la personne et de la santé publique, exerce sa mission dans le respect de la vie humaine. Il respecte la dignité et l’intimité du patient, de sa famille et de ses proches.

« Le respect dû à la personne continue de s’imposer après la mort. »

La formule est générale, mais ce n’est pas un texte fourre-tout. Les termes utilisés sont d’une haute portée, et l’ensemble mérite une lecture attentive et de la réflexion : la pratique infirmière se situe d’abord dans un rapport à la vie. À noter la manière dont le texte souligne la protection de l’intimité du patient, donnée que l’on ne retrouve pas dans le Code de déontologie médicale. Cela place l’infirmière au plus près de la protection qu’attend le malade, et cela commence par l’attention dans les gestes de tous les jours pour la protection de la pudeur.

Loyauté et humanité

« Art. R. 4312-4 –

L’infirmier respecte en toutes circonstances les principes de moralité, de probité, de loyauté et d’humanité indispensables à l’exercice de la profession. »

La loyauté c’est respecter la loi, et l’humanité c’est garder toujours la considération pour l’être humain. Le texte peut paraître tellement général qu’il n’y aurait pas lieu de s’y arrêter, alors qu’en réalité respecter ces deux notions est le premier guide pour la bientraitance dans les établissements. La charge du quotidien, la lourdeur du travail, la nécessité de faire au mieux ne peuvent jamais remettre en cause ce principe : l’infirmière doit toujours garder à l’esprit la grandeur de sa fonction, guidée par le devoir d’humanité.

Secret professionnel

« Art. R. 4312-5 –

Le secret professionnel s’impose à tout infirmier, dans les conditions établies par la loi.

« L’infirmier instruit les personnes qui l’assistent de leurs obligations en matière de secret professionnel. »

Un article court, pour rappeler que le secret professionnel est d’abord défini par la loi, en l’occurrence le Code pénal. C’est d’ailleurs la seule règle professionnelle qui est définie directement par le Code pénal, ce qui en souligne l’importance. Le secret professionnel répond à une logique ancestrale : « Pas de soins sans confidence, pas de confidences sans confiance, et pas de confiance sans secret. » Le secret est un devoir d’état des professionnels, et tout dans leur attitude doit laisser apparaître cette capacité à recueillir les confidences.

Indépendance

« Art. R. 4312-6 –

L’infirmier ne peut aliéner son indépendance professionnelle sous quelque forme que ce soit. »

Indépendante… bien sûr, l’infirmière travaille en équipe, et elle sait mettre en œuvre les ordres de la hiérarchie et les prescriptions des médecins, mais la garantie fondamentale qu’elle doit au patient est qu’elle ne soit jamais une simple exécutante. Elle garde toujours sa part de libre arbitre, pour ajuster, mettre en œuvre, apporter son savoir, discuter ou démontrer son désaccord.

Devoir d’assistance

« Art. R. 4312-7 –

L’infirmier en présence d’un malade ou d’un blessé en péril, ou informé qu’un malade ou un blessé est en péril, lui porte assistance, ou s’assure qu’il reçoit les soins nécessaires. »

« Art. R. 4312-8 –

L’infirmier apporte son concours à l’action entreprise par les autorités compétentes en vue de la protection de la santé et de l’éducation sanitaire.

« L’infirmier auquel une autorité qualifiée fait appel soit pour collaborer à un dispositif de secours mis en place pour répondre à une situation d’urgence, soit en cas de sinistre ou de calamité, répond à cet appel et apporte son concours. »

Un énoncé parfait pour rappeler que la profession exerce dans une logique de santé publique. C’est aussi dire qu’une infirmière est toujours solidaire.

Défense de l’image de la profession

« Art. R. 4312-9 –

L’infirmier s’abstient, même en dehors de l’exercice de sa profession, de tout acte de nature à déconsidérer celle-ci.

« En particulier, dans toute communication publique, il fait preuve de prudence dans ses propos et ne mentionne son appartenance à la profession qu’avec circonspection. »

C’est un texte parfois mal compris, alors qu’il est essentiel. Les devoirs professionnels de la déontologie… ne se limitent pas au temps de l’exercice professionnel. Même en dehors de l’exercice de sa profession, l’infirmière doit avoir la préoccupation de défendre l’image publique des principes déontologiques que sont l’humanité, la solidarité, l’intimité, les préoccupations scientifiques…

Ce principe n’amène pas au conformisme. Il laisse entière la liberté de pensée et les choix d’action, mais il rappelle que parmi les nombreuses personnes qui s’adressent aux infirmières, dans la vie de tous les jours, figure une part importante de personnes vulnérables, qui ont de la difficulté à exprimer leur souffrance, de telle sorte que les infirmières doivent dégager collectivement une image professionnelle et bienveillante, pour toujours inspirer la confiance.

Sur un plan plus pragmatique, cela signifie qu’une faute commise en dehors de l’exercice professionnel peut être sanctionnée par les instances professionnelles ou ordinales, dès lors que cette faute a un impact sur la représentation publique qui est attendue de la collectivité infirmière.

Une démarche scientifique

« Art. R. 4312-10 –

L’infirmier agit en toutes circonstances dans l’intérêt du patient.

« Ses soins sont consciencieux, attentifs et fondés sur les données acquises de la science.

« Il y consacre le temps nécessaire en s’aidant, dans toute la mesure du possible, des méthodes scientifiques et professionnelles les mieux adaptées. Il sollicite, s’il y a lieu, les concours appropriés.

« Il ne doit pas, sauf circonstances exceptionnelles, entreprendre ou poursuivre des soins dans des domaines qui dépassent ses connaissances, son expérience, ses compétences ou les moyens dont il dispose.

« L’infirmier ne peut pas conseiller et proposer au patient ou à son entourage, comme salutaire ou sans danger, un remède ou un procédé illusoire ou insuffisamment éprouvé. Toute pratique de charlatanisme est interdite. »

Des soins consciencieux, attentifs, et fondés sur les données acquises de la science : le Code reprend la formule jurisprudentielle de l’arrêt Mercier, posée par la Cour de cassation en 1936, et qui reste la nasse de toute responsabilité professionnelle en matière de santé. Le professionnel ne s’engage pas à un résultat, mais à mettre en œuvre tous les moyens pour aller vers le meilleur résultat possible. Dans ce cadre, son devoir déontologique est d’agir avec conscience et attention, et toujours par référence aux données acquises de la science.

« Art. L. 1110-5

modifié par la loi n° 2016-87 du 2 février 2016, art. 1 – Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l’urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir, sur l’ensemble du territoire, les traitements et les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire et le meilleur apaisement possible de la souffrance au regard des connaissances médicales avérées. »

La titularité du diplôme signifie que le patient peut avoir confiance car l’infirmière est maître d’un savoir. Elle ne peut donc agir que dans le cadre de cette connaissance scientifique.

Le refus des discriminations

« Art. R. 4312-11 –

L’infirmier doit écouter, examiner, conseiller, éduquer ou soigner avec la même conscience toutes les personnes quels que soient, notamment, leur origine, leurs mœurs, leur situation sociale ou de famille, leur croyance ou leur religion, leur handicap, leur état de santé, leur âge, leur sexe, leur réputation, les sentiments qu’il peut éprouver à leur égard ou leur situation vis-à-vis du système de protection sociale. « Il leur apporte son concours en toutes circonstances.

« Il ne doit jamais se départir d’une attitude correcte et attentive envers la personne prise en charge. »

Et bien sûr, est-on tenté d’ajouter… tant c’est évident, une règle indiscutable, qui est sanctionnée par le Code pénal et explicitée par le Code de la santé publique (art. L. 1110-3) : passée la porte de l’hôpital ou du cabinet de soins, tout être humain mérite strictement la même attention.

Continuité des soins

« Art. R. 4312-12 –

Dès lors qu’il a accepté d’effectuer des soins, l’infirmier est tenu d’en assurer la continuité.

« Hors le cas d’urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d’humanité, un infirmier a le droit de refuser ses soins pour une raison professionnelle ou personnelle.

« Si l’infirmier se trouve dans l’obligation d’interrompre ou décide de ne pas effectuer des soins, il doit, sous réserve de ne pas nuire au patient, lui en expliquer les raisons, l’orienter vers un confrère ou une structure adaptée et transmettre les informations utiles à la poursuite des soins »

La rédaction de cet article repose sur des principes certains, mais qui restent assez méconnus. Le principe de continuité des soins n’est pas de la philosophie : c’est de la pratique quotidienne, et c’est un impératif. Mais dans le même temps, quand la situation devient intenable pour quelque raison que ce soit, l’infirmière a parfaitement le droit de mettre fin à une relation devenue négative, débordante ou vicieuse. Du fait du principe de continuité, l’interruption des soins n’est pas un abandon, et il faut chercher une solution, mais la relation de soins doit toujours rester équilibrée, avec respect mutuel.

Information du patient

« Art. R. 4312-13 –

L’infirmier met en œuvre le droit de toute personne d’être informée sur son état de santé dans le respect de ses compétences professionnelles.

« Cette information est relative aux soins, moyens et techniques mis en œuvre, à propos desquels l’infirmier donne tous les conseils utiles. Elle incombe à l’infirmier dans le cadre de ses compétences telles que déterminées aux articles L. 4311-1 et R. 4311-1 et suivants. Dans le cas où une demande d’information dépasse son champ de compétences, l’infirmier invite le patient à solliciter l’information auprès du professionnel légalement compétent.

« L’information donnée par l’infirmier est loyale, adaptée et intelligible. Il tient compte de la personnalité du patient et veille à la compréhension des informations communiquées.

« Seules l’urgence ou l’impossibilité peuvent dispenser l’infirmier de son devoir d’information.

« La volonté de la personne de ne pas être informée doit être respectée. »

Le Code de la santé publique, dans sa partie législative, a élaboré un régime particulièrement complet, qui a le mérite de s’imposer dans les mêmes termes à toutes les professions de santé. Le texte ici est utilitaire, en ce sens qu’il apporte une certaine patine par rapport à la pratique infirmière, sans déroger au corpus législatif. Et s’il fallait résumer d’une formule, gardons celle, ancienne, de la déontologie, à savoir le devoir de délivrer une information « loyale, adaptée et intelligible ». L’information n’est pas un gavage, ni la mise en œuvre d’une réglementation : c’est un outil pour construire une démarche confiante, et aider le patient à affronter la maladie.

Consentement

« Art. R. 4312-14 –

Le consentement libre et éclairé de la personne examinée ou soignée est recherché dans tous les cas. Lorsque le patient, en état d’exprimer sa volonté, refuse le traitement proposé, l’infirmier respecte ce refus après l’avoir informé de ses conséquences et, avec son accord, le médecin prescripteur.

« Si le patient est hors d’état d’exprimer sa volonté, l’infirmier ne peut intervenir sans que la personne de confiance prévue à l’article L. 1111-6, ou la famille, ou à défaut un de ses proches ait été consulté.

« L’infirmier appelé à donner des soins à un mineur ou à un majeur protégé s’efforce, sous réserve des dispositions de l’article L. 1111-5, de prévenir ses parents ou son représentant légal et d’obtenir leur consentement. En cas d’urgence, même si ceux-ci ne peuvent être joints, l’infirmier donne les soins nécessaires. Si l’avis de l’intéressé peut être recueilli, l’infirmier en tient compte dans toute la mesure du possible. »

« Art. R. 4312-16 – Le consentement du mineur ou du majeur protégé doit être systématiquement recherché s’il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. »

Une part essentielle du consentement se joue dans la relation entre le patient et le médecin, mais les principes du consentement jouent pour le médecin comme pour l’infirmière. L’accord qui a pu être donné au médecin ne crée pas ipso facto une acceptation des soins, et l’infirmière doit se placer dans la même démarche d’information et de conviction, en sachant entendre un refus.

La formule selon laquelle, devant un patient qui est hors d’état d’exprimer sa volonté, l’infirmière ne peut intervenir sans que la personne de confiance, la famille, ou à défaut, un de ses proches ait été consulté, joue sous deux réserves : d’abord l’absence d’urgence imposant l’acte, et ensuite le fait qu’il s’agit d’une consultation, et non pas d’un consentement. Seul le patient peut donner son consentement, ce qui n’empêche pas l’infirmière de chercher à se placer toujours dans le consensus.

Protection en cas de sévices

« Art. R. 4312-18 –

« Lorsque l’infirmier discerne qu’une personne auprès de laquelle il est amené à intervenir est victime de sévices, de privations, de mauvais traitements ou d’atteintes sexuelles, il doit mettre en œuvre, en faisant preuve de prudence et de circonspection, les moyens les plus adéquats pour la protéger.

« S’il s’agit d’un mineur ou d’une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d’une maladie ou de son état physique ou psychique, l’infirmier doit, sauf circonstances particulières qu’il apprécie en conscience, alerter les autorités judiciaires, médicales ou administratives. »

En charge de la protection de l’intimité de la personne, l’infirmière doit être particulièrement vigilante pour détecter les situations de maltraitance, dans leur extrême diversité. La découverte de sévices conduit à une double démarche : sans doute rechercher l’auteur, et c’est la question des signalements auprès du procureur de la République, du conseil départemental ou des médecins, mais la priorité est la protection de la personne, c’est-à-dire sa mise à l’abri. Tout prétexte doit être trouvé pour extraire la victime du risque de renouvellement des sévices. D’abord la protection, ensuite la dénonciation, et ce si possible après un certain travail pour associer la victime à la plainte. Les plaintes précipitées et mal préparées ne conduisent pas loin.

Soulagement des souffrances

« Art. R. 4312-19 –

En toutes circonstances, l’infirmier s’efforce, par son action professionnelle, de soulager les souffrances du patient par des moyens appropriés à son état et l’accompagne moralement.

« L’infirmier a le devoir, dans le cadre de ses compétences propres et sur prescription médicale ou dans le cadre d’un protocole thérapeutique, de dispenser des soins visant à soulager la douleur. »

Excellent texte qui ne se limite pas à la lutte contre la douleur, mais au soulagement des souffrances, et qui en fait un devoir de l’infirmière, venant en écho de la loi : « Toute personne a le droit de recevoir des traitements et des soins visant à soulager sa souffrance. Celle-ci doit être, en toutes circonstances, prévenue, prise en compte, évaluée et traitée » (CSP, art. L. 1110-5-3).

Dignité de la fin de vie

« Art. R. 4312-20 –

L’infirmier a le devoir de mettre en œuvre tous les moyens à sa disposition pour assurer à chacun une vie digne jusqu’à la mort.

« Il a notamment le devoir d’aider le patient dont l’état le requiert à accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement.

« Il s’efforce également, dans les circonstances mentionnées aux alinéas précédents, d’accompagner l’entourage du patient. »

« Art. R. 4312-21 – L’infirmier doit accompagner le mourant jusqu’à ses derniers moments, assurer par des soins et mesures appropriés la qualité d’une vie qui prend fin, sauvegarder la dignité de la personne soignée et réconforter son entourage.

« L’infirmier ne doit pas provoquer délibérément la mort. »

Sur la question de la fin de vie, un certain nombre de points font consensus et d’autres non. Mais pour ce qui concerne l’infirmière en situation professionnelle, son devoir est d’appliquer la loi, tel que fixé par le Code de la santé publique (CSP, art. L. 1110-5-2). Les conceptions personnelles ne peuvent en aucun cas prendre le dessus.

Rôle propre et initiatives

« Art. R. 4312-33 –

Dans le cadre de son rôle propre et dans les limites fixées par la loi, l’infirmier est libre du choix de ses actes professionnels et de ses prescriptions qu’il estime les plus appropriés.

« Il doit, sans négliger son devoir d’assistance morale, limiter ses actes professionnels et ses prescriptions à ce qui est nécessaire à la qualité et à la sécurité des soins.

« Il tient compte des avantages, des inconvénients et des conséquences des différents soins possibles. »

Un rappel particulièrement sain : l’infirmier est libre du choix de ses actes dans le cadre du rôle propre, domaine qui ne relève que de son initiative. Attention toutefois à ne pas limiter le rôle propre par opposition au rôle « sur prescription ». Le rôle propre marque toute la pratique infirmière même dans les secteurs les plus techniques, et en toute circonstance, le patient a droit à cette attention spécifique de l’infirmière pour la protection de sa personne.

Dossier de soins infirmiers

« Art. R. 4312-35 –

L’infirmier établit pour chaque patient un dossier de soins infirmiers contenant les éléments pertinents et actualisés relatifs à la prise en charge et au suivi.

« L’infirmier veille, quel que soit son mode d’exercice, à la protection du dossier de soins infirmiers contre toute indiscrétion.

« Lorsqu’il a recours à des procédés informatiques, il prend toutes les mesures de son ressort afin d’assurer la protection de ces données. »

Pour ce qui concerne le dossier de soins infirmiers, l’infirmière n’a rien à demander à personne : elle doit le mettre en œuvre parce qu’elle est infirmière. Un manquement est une faute qui engage sa responsabilité.

Mission d’encadrement

« Art. R. 4312-36 –

L’infirmier chargé de toute fonction de coordination ou d’encadrement veille à la bonne exécution des actes accomplis par les personnes dont il coordonne ou encadre l’activité, qu’il s’agisse d’infirmiers, d’aides-soignants, d’auxiliaires de puériculture, d’aides médico-psychologiques, d’étudiants en soins infirmiers ou de toute autre personne placée sous sa responsabilité.

« Il est responsable des actes qu’il assure avec la collaboration des professionnels qu’il encadre.

« Il veille à la compétence des personnes qui lui apportent leur concours. »

Des règles logiques qui donnent un cadre simple et pertinent à l’encadrement, lequel s’exerce en fonction des compétences acquises par les personnes du fait de leur diplôme.

Cette situation fait naître deux responsabilités : celle du cadre, pour cette fonction d’organisation, qui inclut le suivi, et celle de l’infirmière ou de l’aide-soignante, pour ce qu’elle effectue elle-même. Le cadre n’est pas responsable des fautes commises par autrui : il n’est responsable, éventuellement, que de sa faute dans l’encadrement.

Communication avec le médecin

« Art. R. 4312-41 –

L’infirmier communique au médecin toute information en sa possession susceptible de concourir à l’établissement du diagnostic, ainsi que de permettre la meilleure adaptation du traitement ou de la prise en charge.

« Art. R. 4312-42 – L’infirmier applique et respecte la prescription médicale qui, sauf urgence, est écrite, quantitative et qualitative, datée et signée.

« Il demande au prescripteur un complément d’information chaque fois qu’il le juge utile, notamment s’il estime être insuffisamment éclairé.

« Si l’infirmier a un doute sur la prescription, il la vérifie auprès de son auteur ou, en cas d’impossibilité, auprès d’un autre membre de la profession concernée. En cas d’impossibilité de vérification et de risques manifestes et imminents pour la santé du patient, il adopte, en vertu de ses compétences propres, l’attitude qui permet de préserver au mieux la santé du patient, et ne fait prendre à ce dernier aucun risque injustifié. »

Le Code de déontologie a posé comme principe l’indépendance de l’infirmière, que l’on retrouve parfaitement exprimé à travers ces deux textes. La prescription médicale n’est pas un ordre : c’est le passage d’une compétence à une autre, et l’infirmière doit mettre en œuvre au mieux cette prescription en fonction de ses propres compétences. C’est dire que si elle ne comprend pas, qu’elle estime la prescription dangereuse ou inappropriée, elle doit trouver, avoir pris les mesures de sauvegarde de la santé du patient, les moyens du dialogue pour dissiper le malentendu. L’exécution sans réflexion est une faute.

Établissement des protocoles

« Art. R. 4312-43 –

L’infirmier applique et respecte les protocoles élaborés par le médecin prévus par les dispositions des articles R. 4311-7 et R. 4311-14.

« Chaque fois qu’il l’estime indispensable, l’infirmier demande au médecin responsable d’établir un protocole écrit, daté et signé.

« En cas de mise en œuvre d’un protocole écrit de soins d’urgence, ou d’actes conservatoires accomplis jusqu’à l’intervention d’un médecin, l’infirmier remet à ce dernier un compte rendu écrit, daté et signé, et annexé au dossier du patient.

« En cas d’urgence et en dehors de la mise en œuvre d’un protocole, l’infirmier décide des gestes à pratiquer en attendant que puisse intervenir un médecin. Il prend toute mesure en son pouvoir afin de diriger la personne vers la structure de soins la plus appropriée à son état. »

Ces protocoles sont une obligation pour combattre la plaie que restent des prescriptions orales.

Obligation de formation

« Art. R. 4312-46 –

Pour garantir la qualité des soins qu’il dispense et la sécurité du patient, l’infirmier a le devoir d’actualiser et de perfectionner ses compétences. Il prend toutes dispositions nécessaires pour respecter ses obligations en matière de développement professionnel continu. »

Ne pouvant exercer qu’en fonction des données acquises de la science, l’infirmière doit toujours être dans un processus de formation. Tout ralentissement ou toute carence est une faute.