Objectif Soins n° 260 du 01/12/2017

 

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Claire Pourprix  

INTERVIEW Secrétaire général du Haut Conseil pour l’avenir de l’Assurance maladie, en charge de la mission sur les formations paramédicales et de maïeutique dans l’université, lancée conjointement par Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, et Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation.

Trois questions à Stéphane Le Bouler.

Objectif Soins & Management : Quel est votre rôle à la tête de cette mission destinée à poursuivre l’intégration des formations paramédicales et de maïeutique dans l’université ?

Stéphane Le Bouler : Les ministres m’ont confié cette mission pour traduire dans les faits les mesures de la « feuille de route » décidées par le Premier ministre à l’issue de la Grande conférence de la santé, en 2016. Depuis lors, le travail réalisé par l’IGAS et l’IGAENR a permis de tracer un certain nombre de pistes opérationnelles pour traduire les dispositions de la feuille de route. Dans la mesure où il n’existe pas vraiment de dialogue permanent entre l’ensemble des parties prenantes sur le champ des formations paramédicales, je suis chargé d’organiser une large concertation de façon à ce que les ministres puissent arrêter rapidement à la fois des orientations générales claires et des mesures opérationnelles pour les rentrées 2018 et 2019.

OS&M : Certains professionnels s’impatientent et craignent que le dossier ne s’enlise à nouveau…

S.L.B. : Il est essentiel de clarifier ce que l’on entend par intégration à l’Université. Cela concerne à la fois le parcours des étudiants, l’organisation des formations, la gouvernance… Il s’agit de rapprocher concrètement les règles en vigueur (à l’Université et dans les entités de formation extérieures à l’Université), de faciliter le dialogue des équipes enseignantes de part et d’autre, de renforcer les dispositifs de régulation collective…

La Grande conférence de la santé avait permis d’avancer sur les aspects sociaux des formations, et notamment sur l’alignement des bourses accordées aux étudiants. Du côté des universités, quantité de projets, d’initiatives, de réalisations, menées en partenariat avec les Régions, les Agences régionales de santé et les centres hospitaliers, concrétisent ce processus d’intégration à l’université de ces formations. Sur la question de la réingénierie, il s’agit de travailler les conditions dans lesquelles le processus pourra être repris (en dehors des travaux en cours concernant les infirmiers (ères) puériculteurs (trices) et les IBODE). L’objectif est in fine d’améliorer l’offre sanitaire aux besoins de la population. Pour cela, il ne s’agit pas d’augmenter de façon générale la durée des études mais d’actualiser les cadres de formation là où cela est nécessaire et de faire émerger un certain nombre de qualifications intermédiaires par une montée en compétences raisonnée, pour envisager de façon plus ample la pratique avancée, assurer la présence sur le terrain de professionnels de santé en lien plus étroit avec les préoccupations contemporaines (couvrir les besoins de santé sur le territoire et assurer les conditions du « virage ambulatoire », permettre une meilleure continuité des soins, développer l’interprofessionnalité et le travail collectif), explorer de nouveaux champs de recherche pour améliorer les pratiques et la formation. Pour ce faire, il est nécessaire de conforter la régulation collective, en faisant en sorte que les universités, les Régions et les pouvoirs publics au niveau territorial travaillent mieux ensemble. Ces enjeux ne sont pas minces et les préoccupations légitimes propres à telle ou telle catégorie professionnelle doivent être considérées à travers cette vision large de la question de « l’universitarisation ».

OS&M : Où en est la formation en pratique avancée et le soutien à la recherche en soins infirmiers ?

S.L.B. : La ministre des Solidarités et de la Santé a insisté sur la mise en place des formations en pratique avancée dans des délais restreints, pour la rentrée 2018. Ces questions sont en cours de traitement sur le volet statutaire du travail en pratique avancée et sur le volet de l’offre de formation. Les universités ont des projets « dans les cartons », prêts à être mis en œuvre rapidement au niveau du Master.

A plus long terme, en ce qui concerne les soins infirmiers, la création de formations de niveau Master dédiées a du sens, tant en ce qui concerne les effectifs d’étudiants qu’en ce qui concerne la constitution d’un champ de recherche spécifique, comme il en existe chez nos partenaires étrangers. Aujourd’hui, les étudiants en soins infirmiers, qui ont eu la reconnaissance de leur grade licence, sont contraints d’aller en Master dans des domaines connexes, parfois proches, parfois éloignés.

Cela se reproduit au moment d’intégrer des écoles doctorales. Il convient d’ouvrir de façon plus large le vivier de recrutement, de faire en sorte que plus d’étudiants en soins infirmiers – et les professionnels en cours de carrière – soient accueillis en Master, que cet accueil soit rendu plus simple au sein des écoles doctorales et qu’on trouve les moyens de susciter sous des statuts diversifiés le recrutement de personnels enseignants universitaires issus de ces filières. Cela a du sens car les champs de recherche susceptibles de mobiliser les étudiants en soins infirmiers et les professionnels existent : c’est une réalité qu’il faut faire prospérer car c’est important pour améliorer les pratiques en ville comme à l’hôpital et pour faire des progrès en matière de formation et d’ingénierie pédagogique. Un rendez-vous d’étape de ma mission est prévu avec les ministres fin 2017-début 2018. Les ministres pourront alors arrêter un certain nombre de grandes orientations et préciseront un premier ensemble de mesures à l’échéance des rentrées prochaines pour traduire ces orientations concrètement dans un calendrier d’ensemble.