Objectif Soins n° 260 du 01/12/2017

 

RECHERCHE & FORMATIOIN

Dossier

Geoffroy NEEL  

Les formateurs entendent et constatent de façon très régulière que les apprenants en soins infirmiers/aides-soignants se sentent stressés pendant leur cursus de formation, aussi bien par la formation dispensée dans les instituts que par les stages. Le personnel hospitalier est également affecté par le stress, un certain mal-être. Ce constat n’est pas révolutionnaire. Cependant, quel peut être le rôle du cadre de santé formateur dans ce contexte qui perdure ? Points clefs d’un projet mis en place par des formateurs en IFSI pour aider les étudiants et leur apprendre à mieux gérer le stress.

Ce projet cible en première intention les apprenants en soins infirmiers et aides-soignants accueillis au sein de l’Institut de Châteaudun (Eure-et-Loir). Dans quelques mois, ils seront des soignants diplômés : certains d’entre eux éprouveront et vivront des difficultés à s’épanouir professionnellement au regard des conditions de travail parfois éprouvantes et contraignantes, en lien avec les différentes politiques sanitaires et sociales mais aussi de management. Il est donc crucial de travailler avec les apprenants en amont autour du bien-être en formation. Ce projet souhaite s’inscrire dans une dimension éthique de la relation pédagogique, au sens où « l’éthique est l’art de réussir sa vie et de contribuer à la réussite de celles des autres »(1). Ce projet a pour ambition d’aider les apprenants à prendre conscience de la nécessité de prendre soin de soi, sans en ressentir de la culpabilité.

LES PRÉMICES DU PROJET

La formation de cadre de santé en Institut de formation des cadres de santé (IFCS), en fonction de ses orientations pédagogiques, peut être contributive à ce que le formateur (ré) interroge ses pratiques. Nous y avons été confortés dans l’intérêt de développer un projet inhérent au bien-être des apprenants. Il n’était pas utopique. La bienveillance véhiculée par l’équipe pédagogique de cet IFCS envers nous et leur accompagnement empreint d’une humanitude congruente ont été les catalyseurs de cette démarche. En effet, ces formateurs, cadres supérieurs de santé, étaient attentifs au bien-être de tous les étudiants en formation.

• Dans les prénotions collectives vis-à-vis des IFCS, cette philosophie ne pouvait pas être utilisée par les formateurs pour les futurs cadres de santé. Ce n’était pas légitime. Pour Durkheim(2), les prénotions sont « les fausses évidences qui dominent l’esprit du vulgaire »(3). Interloqués par leurs postures en lien avec le caring(4) qui est l’« activité d’aider une autre personne à croître et à s’actualiser, un processus, une manière d’entrer en relation avec l’autre qui favorise son développement »(5), et suspicieux de leur congruence affichée, du temps nous a été nécessaire pour que nous nous écartions de la doxa. Selon Bourdieu(6), la doxa est « l’ensemble des propositions acceptées comme allant de soi ». Ces cadres supérieurs de santé avaient conservé leurs attributs de soignants : c’était un fait irréfutable. Le “prendre soin” faisait partie du projet pédagogique : cette équipe portait « une attention particulière à une personne qui vit une situation qui lui est particulière et ce, dans la perspective de lui venir en aide, de contribuer à son bien-être, à sa santé »(7). Transférer cette expérience nous est donc apparue légitime. C’est ce vécu qui nous a conduits à favoriser le bien-être des apprenants en IFSI/IFAS, mais de façon plus concrète.

CONSTAT DE DÉPART ET RÉFLEXION

En formation

Stress et mauvaise hygiène de vie

Les apprenants en IFSI que nous côtoyons se disent stressés et sont stressés. Ce stress s’exprime lors des suivis pédagogiques individualisés et lors des temps de régulation de promotion. Les causes en sont multiples et concernent aussi bien la formation théorique dispensée (densité de la charge de travail, zones d’incertitudes, nombreuses évaluations…) que leurs stages (validation des compétences en jeu, situations de soins complexes, encadrement mal vécu…). Les agents stresseurs sont donc nombreux. Nous l’avons tous constaté, voire expérimenté en tant qu’“ex-apprenant”. Nous pouvons en rester au constat ou choisir d’agir. Dès lors, quelle stratégie adopter en tant que formateur face à cette définition du physiologiste canadien Hans Selye « réaction biologique, physiologique et psychologique d’alarme, de mobilisation et de défense de l’individu (plutôt que de l’organisme) à une agression, une situation inopinée »(8) vécue par les élèves/étudiants ? Cette définition en dit long : le stress est le dernier rempart d’alerte face à une menace.

• Cette tendance locale est confirmée au niveau national. En effet, différentes enquêtes de la Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (Fnesi) ont mis en évidence « que les évaluations théoriques et les stages font partie des facteurs de stress ressentis. Il est à noter que le niveau de stress augmente au fur et à mesure des études. L’hygiène de vie est également jugée insatisfaisante : peu de pratique de sport, consommation de tabac, mauvaise qualité du sommeil avec prise de somnifères voire de tranquillisants »(9). Ces données sont préoccupantes pour des étudiants qui se destinent à prendre en soin des personnes.

Violence subie

De plus, certains témoignages posent question en termes de violence subie. Il serait judicieux que chaque cadre de santé/formateur puisse prendre le temps d’y réfléchir : « Je suis passé par la FAC avant l’IFSI et oui la maltraitance y existait. Est-ce que la gouvernance universitaire serait plus “gentille” ? J’en doute. Alors oui notre société est maltraitante, est-ce qu’on est mieux traité dans les grandes surfaces, le monde du commerce, de la finance, etc. Au vu des psychotropes prescrits, de nouveaux domaines émergent comme “la santé mentale au travail” des passages à l’acte autodestructeur et autres manifestations de la maltraitance… j’en doute », écrit Mikaelm le 26/02/15(10).

La dernière enquête à ce sujet de la Fnesi (2014-2015), diffusée auprès de 3 522 étudiants, va dans le même sens que les précédentes. Beaucoup trop d’étudiants en soins infirmiers sont en mal-être : 41 % ont déjà pensé à arrêter leur formation, les stages et les relations avec les équipes sont vécues comme violents pour 44,61 %. Les formateurs ne sont pas épargnés : 45,62 % d’entre eux « décrivent la formation comme violente dans leur relation à l’équipe encadrante de l’IFSI »(10). Nous sommes d’accord que l’échantillon interrogé peut sembler peu représentatif du nombre total d’étudiants en soins infirmiers, environ 8,8 % ; néanmoins ces personnes en souffrance existent. Omerta à l’hôpital – Le livre noir des maltraitances faites aux étudiants en santé (2017) du Dr Auslender confirme que ces sujets sont bien réels, et donc d’actualité.

• Ces apprenants paramédicaux ont donc des besoins de sécurité et de bien-être dans leur cursus de formation.

Sur le terrain

• Parallèlement, il est intéressant de s’interroger sur la réalité de terrain vécue au quotidien par tous les professionnels exerçant dans un centre hospitalier (entre autres, les futurs apprenants paramédicaux).

Risques professionnels

→ L’étude de la Surveillance médicale des expositions aux risques professionnels (Sumer) réalisée en 2010 par la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares)(11) démontre que ces professionnels subissent des contraintes physiques, organisationnelles. De plus, ces personnes sont toutes exposées à des agents biologiques et aux nuisances chimiques. La nature de ces contraintes, de ces agents et de ces nuisances varie en fonction du type d’actes et d’activités du salarié. Sécurité et bien-être au travail sont mis à mal.

Souffrance au travail

→ « En février dernier, l’association Soins aux professionnels de santé a ainsi annoncé avoir enregistré plus de 500 appels de soignants depuis fin novembre 2016. Près de 50 % d’entre eux estiment être ou avoir été en situation de souffrance dans leur carrière. Les professions les plus représentées sont les infirmiers, les aides-soignants, les médecins et les pharmaciens. Le principal motif des appels concerne l’épuisement professionnel (presque un tiers des appelants), suivi par les dénonciations des conditions de travail (17 %), les conflits avec la hiérarchie (13 %), les ressentis de harcèlement (9 %) et la démotivation (6 %). »(12)

Présentéisme

→ La notion de “présentéisme”(13) de tous ces professionnels, en lien avec les risques professionnels, est à ajouter. La plupart des cadres de santé formateurs et de proximité, les soignants… se reconnaîtront dans ces définitions :

« Être présent de manière excessive (dépassement d’horaires, travail hors de l’entreprise le soir et les week-ends) : surengagement et surinvestissement, perte des frontières travail/hors travail. Les cadres sont particulièrement touchés par cette forme de présentéisme »(13) ;

« Être présent en mauvaise santé de manière volontaire et assumée ou de manière involontaire : forme de surengagement, de craintes également de perdre son emploi ou par solidarité avec les collègues qui pourraient se trouver avec une surcharge de travail du fait de l’absence »(13) ;

- à méditer : « En Norvège, un salarié qui reste trop tard à son bureau inquiète sa hiérarchie, qui le soupçonnera de ne pas avoir de vie sociale ! Une fois encore, une question d’équilibres… »(13)

Considérer l’épuisement professionnel

→ Pour tenter de prévenir aux mieux ces différents risques amenant à un épuisement professionnel, le bureau de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale a créé en mars 2016 une mission d’information sur le syndrome d’épuisement professionnel présidée par Yves Censi ; 27 préconisations ont été émises en février 2017. Les politiques ont donc bien mesuré la nécessité d’améliorer les dispositifs de prévention. Il est à rappeler que l’employeur est soumis à une obligation de sécurité et de santé au travail(14) pour les salariés : il doit évaluer les risques professionnels du poste de chaque agent et aussi mener des actions de prévention pour l’ensemble du personnel (informer, former, veiller à la charge de travail, …). Il pourrait donc paraitre pertinent d’en tenir compte “officiellement” dès le cursus des apprenants et d’inclure la dimension “bien-être” en formation dans le projet pédagogique de chaque institut.

Remise en question…

… des outils mis en place

• Ces éléments nous ont amenés à nous questionner sur les outils mis en place par la direction de l’institut, l’équipe pédagogique, mais aussi par la direction de l’établissement de santé support et les lieux de stage accueillant les apprenants de notre lieu d’exercice. Nous sommes tous unanimes pour affirmer, pour nous rassurer peut-être, que nous mettons en place des moyens pour dépister ces troubles, accompagner les apprenants dans leur parcours de formation, écouter les apprenants… et que nous n’avons pas attendu ces enquêtes pour le faire(15).

→ Ainsi, nous effectuons des régulations de promotions, des suivis pédagogiques individualisés, nous répondons aux appels/visites en stages, nous orientons éventuellement l’étudiant en souffrance vers un professionnel extérieur, un bilan oral individuel et annuel est effectué avec le référent de promotion. Des enquêtes de satisfaction sont menées par la directrice auprès des promotions (pouvoir s’exprimer, proposer des pistes d’amélioration), il existe un conseil de vie étudiante, sont organisés des élections des délégués, les délégués siègent aux conseils technique et pédagogique, une journée régionale de formation est organisée par le Cefiec sur les compétences…

… de l’accompagnement

• Les formateurs en institut, à leur niveau, disposent de leviers d’amélioration auprès des apprenants sans que cela constitue un “gros chantier” ni “ne coûte trop”. Le tout est de s’interroger sur nos valeurs personnelles/professionnelles et d’équipe (cf. le projet pédagogique de chaque institut) : celles affichées sont-elles déclinées concrètement ? Ou alors, comment faire pour continuer à les décliner de façon plus opérationnelle ? Ces réflexions concernant l’accompagnement ne sont peut-être pas partagées/perçues comme des priorités, cependant je suis sûr que, sur le principe, elles seront jugées comme cohérentes, voire intéressantes par l’ensemble des collègues. Reste à savoir quel est le crédit autorisé quant à leurs applications.

• La finalité de ce projet n’a pas la prétention de réduire ces taux de mal-être, mais d’accompagner et de proposer des moyens (non des solutions) aux apprenants paramédicaux en souffrance pour tenter de “gagner du mieux-être” et/ou de pérenniser du bien-être en formation.

… de la créativité

• Bien que des moyens et des ressources humaines soient mis à disposition au sein de notre institut, il paraît réaliste que nous puissions encore améliorer la qualité de notre accompagnement pédagogique singulier. Nos outils et stratégies pédagogiques peuvent évoluer sur un versant plus créatif tout en conservant la crédibilité et les exigences de la formation. Pour Lubart(16), professeur de psychologie différentielle à l’université René-Descartes-Paris-V, la créativité est la « capacité à réaliser une production qui soit à la fois nouvelle et adaptée au contexte dans lequel elle se manifeste. Par définition, une production nouvelle est originale et imprévue : elle se distingue de ce que le sujet ou d’autres ont déjà réalisé. D’autre part, une production créative ne peut être simplement une réponse nouvelle. Elle doit également être adaptée, soit qu’elle doit satisfaire à différentes contraintes liées aux situations spécifiques des personnes ».

OBJECTIFS DU PROJET

Cinq objectifs généraux

N° 1 : Aider au développement de la personnalité toute entière de l’apprenant.

N° 2 : Offrir un cadre d’existence (institution) au bien-être psychique et physiologique de l’apprenant grâce à des outils/moyens supplémentaires.

N° 3 : Accompagner l’apprenant à oser prendre soin de lui-même en tant que futur soignant (s’autoriser des moments de détente, verbaliser ses inquiétudes/stress… de façon plus libérée).

N° 4 : Proposer un soutien privilégié à ceux qui en ont le plus besoin.

N° 5 : Concilier le bien-être des apprenants tout en conservant la crédibilité et les exigences de la formation.

Quatre outils

• Ces objectifs se déclinent autour de quatre outils différents, et complémentaires.

Outil n° 1 : les ateliers de relaxation en groupe

→ Ces ateliers en groupe de dix apprenants intitulés “Apprendre à prendre soin de soi” ont été initiés à titre d’expérimentation en 2015-2016 auprès des élèves aides-soignants dans le cadre des modules soins/relation-communication et des étudiants en soins infirmiers dans le cadre de l’unité d’enseignement des soins palliatifs. Il s’agissait d’une initiation/sensibilisation au bien-être basée sur le volontariat, en aucun cas un cours ni une formation. Le retour d’expérience des apprenants a été très positif. En outre, la très grande majorité a indiqué spontanément vouloir transposer/partager la philosophie de cet atelier aux personnes prises en soin lors des actes de la vie quotidienne et de moments plus informels.

Outil n° 2 : des séances individuelles de détente

→ Une formation est nécessaire pour ces séances de massage assis minute (MAM). « Le praticien en massage assis est un professionnel formé à une technique spécifique de massage de relaxation, sur personne habillée, en position assise sur simple chaise ou sur un siège ergonomique. Mon souhait est de pouvoir bénéficier de cette formation afin de mener à bien l’ensemble de mon projet. Le MAM pourrait être un précieux outil en termes de bientraitance des apprenants. L’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements sociaux et médico-sociaux définit la bientraitance comme une « culture inspirant les actions individuelles et les relations collectives au sein d’un établissement ou d’un service. Elle vise à promouvoir le bien-être de l’usager en gardant présent à l’esprit le risque de maltraitance (…). Elle trouve ses fondements dans le respect de la personne, de sa dignité et de sa singularité. Il s’agit d’une culture partagée au sein de laquelle les sensibilités individuelles, les spécificités de parcours et de besoins, doivent pouvoir s’exprimer et trouver réponse (…) elle se doit de répondre aux besoins fondamentaux des usagers de la manière la plus individualisée et personnalisée possible »(17). Cette culture de bientraitance doit être insufflée par le cadre de santé formateur en techniques, management et pédagogie des soins et par le cadre de santé responsable de secteur d’activités de soin (18), soutenus par la direction de l’institut/l’établissement.

Outil n° 3 : « La gazette de l’institut/Breaking news »

→ Il s’agit de la rédaction et de la diffusion d’un journal trimestriel réalisé par les apprenants. Les intentions pédagogiques sous-jacentes, en lien avec les objectifs généraux, sont de :

- laisser une certaine liberté d’expression/verbalisation aux apprenants, qu’ils se sentent davantage considérés et reconnus comme apprenants, aussi bien dans leurs projets et leurs idées que dans leurs témoignages (positifs ou en lien avec leurs difficultés),

• favoriser les capacités d’autonomisation, d’affirmation de soi, d’organisation, de leadership,

• favoriser les capacités d’expression écrite et les compétences liées aux méthodes de travail.

Outil n° 4 : Activité sportive hebdomadaire

→ La randonnée paraît être l’activité adaptée au plus grand nombre. Les intentions pédagogiques sous-jacentes, toujours en lien avec les objectifs généraux, sont de :

• institutionnaliser/officialiser une activité extra professionnelle dans le cadre du bien-être,

• proposer un moment de convivialité entre apprenants-équipe institut autour du sport,

• favoriser les capacités d’organisation et de cohésion/solidarité entre les apprenants.

Mise en œuvre

• La notion d’équipe est cruciale. En IFSI, nous avons l’opportunité de travailler entre formateurs, nous sommes donc loin de la solitude du cadre de proximité. Nous disposons là d’une force de travail. Sans une adhésion de l’équipe à la philosophie de ce projet (par adhésion, j’entends avant tout une compréhension et un intérêt identifié pour les apprenants), sa dimension sera moindre car non partagée, tout comme les bénéfices escomptés pour les apprenants.

• En accord avec la directrice de l’institut, ce projet va être évoqué à l’ordre du jour d’une réunion de travail. Chaque formateur de l’équipe aura donc l’opportunité de se positionner sur l’intérêt pédagogique de ce projet. Le cas échéant, libre à chaque formateur de s’y inscrire ou non, ainsi que de proposer des pistes d’amélioration. C’est un projet évolutif.

• Dans le cadre d’un travail collaboratif, il serait intéressant de proposer à la documentaliste de l’institut de co-piloter la création de l’outil n° 3, “La gazette de l’institut/Breaking news”.

CONCLUSION

• Nous pouvons supposer et espérer que des apprenants paramédicaux dont le bien-être/mieux-être est pris en compte dans leur parcours de formation par une équipe pédagogique seront des professionnels du soin plus sereins/épanouis et plus à même de développer « la fameuse compétence soignante »(7), au bénéfice de la qualité des soins des usagers de la santé.

L’apprenant, futur soignant, doit veiller à prendre soin de soi afin de se sentir bien d’abord dans sa peau et aussi dans « sa blouse » pour être un soignant le plus efficace possible : « Le soignant, comme tout un chacun, est le premier acteur de sa propre santé. (…) Les pauses et les congés doivent être non seulement pris, mais sanctuarisés. Les pauses constituent une solution simple aux fatigues cognitives, souvent liées aux saturations sensorielles (…). Apprendre à dire non est essentiel. Les techniques d’assertivité peuvent aider le sujet à s’affirmer au travail (…). La conciliation entre vie professionnelle et personnelle passe par les différentes sphères de la vie du sujet (…). Enfin, la sphère de l’intime et le “temps pour soi” constituent le dernier pilier d’une possible prévention, en facilitant la diminution de la sensation de tension interne : aux activités déjà évoquées peuvent s’ajouter les différentes pratiques de relaxation, qu’elles soient encadrées (cours de yoga, sophrologie, pleine conscience, etc.) ou non (…). Il s’agit pour le sujet non d’apprendre à gérer le stress, mais de créer un environnement lui permettant de se ressourcer et de jouir des différentes sphères de sa vie, pour être mieux préparé à affronter les problèmes et les prises de décision, consubstantiels au travail. »(19)

Le mythe du soignant “super-héros” est à questionner : la culture soignante a tendance à véhiculer consciemment ou non l’image d’un soignant inébranlable, toujours disponible, toujours psychiquement et physiquement opérationnel. Il est temps de s’interroger réellement sur les répercussions néfastes de cette représentation collective et d’accepter que cette image doit être révolue. Les instituts de formation doivent être vigilants à la non-reproduction de cette image. Soyons attentifs à nous-mêmes et à nos collègues.

L’institut, qui prépare les apprenants à devenir soignants, doit donc être un “modèle” en termes d’attention à l’autre, sinon, quelles valeurs humaines les apprenants vont-ils être en capacité de transférer auprès des personnes prises en soin ? Il s’agit donc à présent de « conduire une démarche qualité et de gestion des risques »(18).

• Pour Éric Berne(20), « bientraiter les agents, c’est amener à la bientraitance des résidents »(5). Innovons en termes d’initiatives professionnelles au sein d’un “institut de taille humaine” dans le cadre de l’andragogie et de la santé au travail.

NOTES

(1) Michel Dupuis, philosophe, est professeur ordinaire à l’Université catholique de Louvain (UCL), Bruxelles, et président du Comité consultatif de bioéthique de Belgique.

(2) Sociologue français (1858-1917), il est l’un des pères fondateurs de la sociologie, science des faits sociaux. Selon lui, « il faut traiter les faits sociaux comme des choses », c’est-à-dire qu’il faut enquêter, réaliser des statistiques… et dépasser les prénotions.

(3) Alpe, Y., Beitone, A., Dollo, C., Lambert, J., Parayre, S. Lexique de sociologie, Dalloz 2013 : 285.

(4) Milton Mayeroff (1925-1979), philosophe américain.

(5) Formarier, M., Jovic L. Les concepts en sciences infirmières (2ème édition), ARSI, Mallet conseil 2012 : 245.

(6) Sociologue français (1930-2002) dont l’œuvre est axée sur la domination des agents, la reproduction des hiérarchies et des inégalités sociales… Il a également mené des actions de terrain contre la mondialisation pour dénoncer les inégalités sociales (soutien aux sans-papier). Il a fortement concouru à asseoir la sociologie comme une science à part entière..

(7) Hesbeen, W. Prendre soin à l’hôpital. Inscrire le soin dans une perspective soignante, InterEditions/Masson 1997 : 8.

(8) Paillard, C. Dictionnaire des concepts en soins infirmiers, Setes Éditions 2016 : 444.

(9) Gillet, A. “Prendre soin de soin de soi avec le massage assis minute”. Revue de l’aide-soignante 2014 ; 160 : 20.

(10) Via le lien raccourci bit.ly/2zCBqj9

(11) Lien bit.ly/2j70kAo

(12) Barsky, E., Debertrand N. “Mieux identifier et prendre en charge le burn out des professionnels de santé”, Soins, La revue de référence infirmière juillet/août 2017 ; 817 : 5.

(13) Sarazin, B. “Présentéisme : une autre face de l’épuisement professionnel ?”, Travail et changement, mars/avril 2014 ; 134 : 2-3.

(14) Code du travail : articles L 4121-1 à L 4121-5, articles L 4131-1 à L 4131-4, articles R 4121-1 à R 4121-4

(15) Lien bit.ly/2hjpmM8

(16) Professeur de psychologie différentielle à l’université René-Descartes-Paris-V.

(17) http://www.anesm.sante.gouv.fr/IMG/pdf/reco-bientraitance.fr

(18) Référentiel de compétences du cadre de santé responsable de secteur d’activités de soin/du cadre de santé formateur (trice) en techniques, management et pédagogie des soins.

(19) Zawieja, P. “Prévenir les fatigues professionnelles”, Soins cadres, mai 2017 ; 102 : 59-61.

(20)) Psychiatre américain et père de l’analyse transactionnelle (1910-1970).

BIBLIOGRAPHIE

Articles : Barsky E., deBertrand N. Mieux identifier et prendre en charge le burn out des professionnels de santé, Soins, La revue de référence infirmière juillet/ août 2017 ; 817 : 5 • Coq-Chodorge C. Dossier risques professionnels, Services en état d’alerte. Revue de l’Infirmière Magazine novembre 2014 ; 354 : 20-26 • Gillet A. Prendre soin de soin de soi avec le massage assis minute. Revue de l’aide-soignante octobre 2014 ; 160 : 19-21 • Marques A. L’ESI dit son mal-être. Campus mai 2015 ; 25 : p. 7, supplément au n° 360 de l’Infirmière Magazine. • Neel G. Témoignage d’un apprenant cadre de santé formateur. Perspective soignante, octobre 2016 ; 56 : 106-113 • Sarazin B. Présentéisme : une autre face de l’épuisement professionnel ? Travail et changement, mars/avril 2014 ; 134 : 2-3 • Zawieja P. Prévenir les fatigues professionnelles, Soins Cadres, mai 2017 ; 102 : 59-61 • Dictionnaires : Alpe Y., Beitone A., Dollo C., Lambert J., Parayre S. Lexique de sociologie, Dalloz 2013 : 474 • Formarier M., Jovic L. Les concepts en sciences infirmières (2è édition), A.R.S.I., Mallet Conseil 2012 : 328 • Paillard C. Dictionnaire des concepts en soins infirmiers, Setes Editions 2015 : 522 • Ouvrage : Hesbeen W. Prendre soin à l’hôpital. Inscrire le soin dans une perspective soignante, InterEditions/Masson 1997 : 195 • Sites Internet :http://www.cefiec.fr • http://www.deboeck.com • http://www.smpsante.fr • http://www.ifjs.fr • http://www.infirmiers.com • http://www.inrs.fr/actualites/rapport-epuisement-professionnel.html • http:// www.legifrance.gouv.fr • https://www.service-public.fr • http://travail-emploi.gouv.fr • https://scribium.com/nawfal-jorio/a/psychologie-le-stroke-ou-besoin-de-reconnaissance/ •

Témoignage d’un élève aide-soignant

« Étant un homme dans une promotion largement féminine cet atelier que j’appréhendais s’est révélé être une excellente expérience. La musique, le thé, et les plaids et les coussins qui recouvraient les tables ont permis de créer une ambiance relaxante. Très vite je me prends au jeu, je me sens à l’aise avec les personnes de mon groupe et nous nous détendons, se faisant masser le visage ou les mains. En sortant de la salle je me rends compte du bienfait de cet atelier, je me sens reposé et serein. Pour conclure, je dirais qu’il est important de ne pas se contraindre à participer à cet atelier, et de se lancer dans cette expérience qu’une fois que l’on se sent à l’aise ».