Objectif Soins n° 261 du 01/02/2018

 

Droit

Gilles Devers  

Revue de jurisprudence récente : information et consentement ; faute dans l'organisation ; faute de surveillance ; faute technique ; faute disciplinaire.

Information et consentement

• Lorsque l'acte médical envisagé comporte des risques graves et connus, le patient doit en être informé, et c'est seulement dans le cas où l'intervention est impérieusement requise, en sorte que le patient ne disposait d'aucune possibilité raisonnable de refus, que l'existence d'une perte de chance peut être niée et que l'obligation d'information ne s'impose donc pas (CAA de Bordeaux, 3 juillet 2017, no 15BX00039).

Une femme, alors âgée de 30 ans et qui souffrait depuis plusieurs années de douleurs dues à une endométriose, a subi, le 3 juillet 2008, au groupe hospitalier Sud Réunion du CHU de La Réunion, une première intervention chirurgicale pour l'enlèvement des lésions endométriosiques. À la suite de complications, elle a dû en subir une deuxième, avec colostomie, le 17 juillet 2008, pour le traitement d'une fistule postopératoire et une troisième, le 3 octobre 2008, pour le rétablissement de la continuité colique.

La fistule qui a provoqué les complications qui ont rendu nécessaires les deux interventions chirurgicales suivantes a pour origine une nécrose, qui est elle-même la conséquence d'une exérèse trop profonde des lésions d'endométriose, lors de l'intervention du 3 juillet 2008. S'il est vrai que la nécessité de n'enlever ni trop ni trop peu des lésions d'endométriose rend ces interventions très délicates, le risque d'une exérèse trop appuyée ne constitue pas un risque inhérent à ce type d'intervention mais un risque dont la réalisation est susceptible de résulter d'un geste technique inapproprié du chirurgien, ce qui est le cas en l'espèce.

En vertu de l'article L. 1111-2 du CSP, lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé. C'est à l'établissement de santé qu'il appartient d'établir que cette information a été dispensée. Un manquement des médecins à leur obligation d'information engage la responsabilité de l'hôpital dans la mesure où il a privé le patient d'une chance de se soustraire au risque lié à l'intervention en refusant qu'elle soit pratiquée. C'est seulement dans le cas où l'intervention est impérieusement requise, en sorte que le patient ne disposait d'aucune possibilité raisonnable de refus, que l'existence d'une perte de chance peut être niée et que l'obligation d'information ne s'impose donc pas.

L'établissement n'établit pas que l'information portant notamment sur le risque de complications qui sont advenues avait été donnée à cette patiente.

Même si la patiente souffrait depuis plusieurs années, du fait d'une endométriose, de douleurs que cette intervention était destinée à soulager, cette seule circonstance n'est pas de nature à faire regarder l'intervention comme impérieusement requise, en sorte que la patiente n'aurait disposé d'aucune possibilité raisonnable de refus. La responsabilité est retenue.

• Le fait qu'un patient dispose de connaissances médicales sur les soins qui vont lui être pratiqués, du fait de sa profession, ne modifie en rien le devoir du praticien de lui apporter toute l'information nécessaire (Conseil d'État, 22 décembre 2017, no 390709).

Une femme qui a été, à partir de 2002, la patiente d'un médecin généraliste spécialisé en médecine esthétique, ainsi que son assistante médicale à compter de 2010, a saisi la chambre disciplinaire de première instance du conseil régional d'Aquitaine de l'Ordre des médecins d'une plainte contre cette dernière, à laquelle s'est associé le conseil départemental, en invoquant des manquements au regard des obligations découlant des articles R. 4127-35, R. 4127-36 et R. 4127-45 du Code de la santé publique qui auraient été commis en lui dispensant des soins à visée esthétique.

La circonstance qu'un patient détienne des connaissances médicales ne saurait dispenser le praticien de satisfaire à son obligation de l'informer, par un entretien individuel, de manière loyale, claire et appropriée, sur son état de santé et les soins qu'il lui propose, ainsi qu'il résulte des dispositions du Code de la santé publique. Une telle circonstance est seulement susceptible d'influer sur la nature et les modalités de cette information. Au surplus, s'agissant d'un acte à visée esthétique, l'obligation d'information était renforcée, et devait porter sur les risques et inconvénients de toute nature susceptibles d'en résulter.

• Un centre hospitalier engage sa  responsabilité pour avoir omis de vérifier le maintien du consentement au prélèvement d'un rein, en vue d'une greffe (CAA de Nantes, 29 septembre 2017, no 15NT03537)

Un homme, né en 1965, a subi le 9 novembre 2004 une opération chirurgicale consistant à prélever son rein gauche en vue d'une greffe au bénéfice de son frère, atteint d'une insuffisance rénale. Dans la nuit précédant cette intervention, il avait marqué son intention de quitter l'établissement hospitalier et de renoncer à ce don d'organe. Depuis l'opération, il présente des douleurs abdominales et thoraco-lombaires, accompagnées de crises de type neurologique, ainsi qu'une symptomatologie anxiodépressive réactionnelle.

La responsabilité du centre hospitalier est engagée pour avoir omis de vérifier le maintien du consentement de l'intéressé à l'intervention chirurgicale, alors que ce dernier avait manifesté sa volonté de se rétracter, et pour ne pas avoir informé ce dernier sur la technique opératoire finalement retenue.

• Le défaut d'information, à l'occasion de la prise en charge d'un état dentaire dégradé, qui a conduit à des complications connues, est une faute, mais dans la mesure où les soins s'imposaient, il n'engage pas la responsabilité (CAA de Douai, 7 novembre 2017, no 15DA01722).

Un patient, alors âgé de 44 ans et qui présentait un état dentaire très dégradé, avait été admis au centre hospitalier de Cambrai le 10 novembre 2005 pour y subir une extraction de l'ensemble de ses dents. Il s'est plaint en 2006 d'infections et de douleurs qu'il estime liées au maintien d'une racine résiduelle finalement extraite en 2011, après une première tentative infructueuse en 2006, dans l'établissement ayant réalisé l'opération initiale. À la suite de ces complications, le patient a recherché la responsabilité pour faute du centre hospitalier.

L'indication opératoire était licite et les soins prodigués à l'intéressé ont été conformes aux données acquises par la science et adaptés à l'état du patient.

Le praticien ne justifie pas, en l'absence de tout élément produit, que le patient, avant la réalisation de l'intervention chirurgicale subie le 10 novembre 2005, ait signé un document de consentement éclairé précisant notamment le risque de survenance de complications de l'acte chirurgical envisagé.

Selon l'expert, le « consentement implicite » de l'intéressé a été vraisemblablement donné lors des consultations préopératoire et pré anesthésique effectuées antérieurement à l'opération réalisée, mais l'information du patient a été insuffisante compte tenu de l'absence de production du dossier médical stomatologique de l'intéressé. Un tel manquement des praticiens à leur obligation d'information est de nature à engager la responsabilité de l'hôpital.

La perte de chance résultant de ce défaut d'information n'est pas établie dans la mesure où, en l'absence d'intervention, des complications infectieuses potentiellement graves seraient survenues. Si au vu de ces conclusions expertales, une intervention chirurgicale était requise compte tenu de l'état dentaire dégradé, il subsiste une incertitude quant au caractère impérieux de celle-ci à la date où elle a été effectuée dans la mesure où l'ablation totale des dents en mauvais état n'était indispensable que lors du traitement du cancer de l'amygdale dont a été atteint le patient, mais qui est survenu 5 ans après l'intervention pratiquée.

Dans ces conditions, l'intervention n'apparaissant pas impérieusement requise, le manquement des médecins à leur obligation d'information est de nature à engager la responsabilité de l'hôpital au titre d'une perte de chance.

Toutefois, la survenance du risque d'oubli d'une racine dentaire n'a entraîné pour le patient aucune incapacité temporaire, ni incapacité permanente et l'intéressé n'a subi aucun préjudice en lien avec la faute commise. Dès lors, les demandes indemnitaires ne peuvent qu'être rejetées.

Faute dans l'organisation

• Dans le cadre d'une urgence réelle, avec une incidence s'appréciant d'heure en heure, le centre hospitalier doit prendre les mesures nécessaires pour prendre en charge le patient, quitte à déprogrammer d'autres interventions moins urgentes (Conseil d'État, 19 juillet 2017, no 395083).

Victime d'une fracture ouverte de la jambe droite à l'issue d'une chute survenue le 2 août 2005 vers 18 heures, un patient a été transporté vers un centre hospitalier où il a subi, le lendemain à 8 h 50, un débridement, un lavage et une réduction de la fracture et une antibiothérapie. Une nécrose de la face interne de la jambe et une infection s'étant produites, une amputation de la jambe a été réalisée le 24 août 2005.

Le patient, qui présentait à son arrivée le 2 août 2005 à 20 h 30 une fracture du pilon tibial ouverte, stade II, avec des contusions cutanées à la face interne de la jambe, n'a pu être opéré que le 3 août 2005 à 8 h 50, après un délai de plus de 12 heures. Or, en cas de fracture ouverte dans un environnement septique, les opérations de parage, d'excision et de lavage doivent intervenir le plus rapidement possible, et si possible dans un délai de 6 heures.

Le fait pour le centre hospitalier d'avoir été dans l'incapacité d'assurer l'opération du patient dans le délai qu'exigeait son état, en effectuant la remise en état opérationnelle de la salle d'opération immédiatement après la fin de la césarienne, révèle, alors que la situation à laquelle était confronté l'hôpital n'avait aucun caractère exceptionnel, une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service.

Faute de surveillance

• L'absence de surveillance après une crise d'épilepsie, dans le contexte d'un sevrage alcoolique, chez un patient connu du service, est une faute qui engage la responsabilité (Conseil d'État, 19 juillet 2017, no 395243).

Un patient a subi le 6 octobre 2007, au cours d'une cure de sevrage alcoolique, une première crise d'épilepsie survenue à son domicile. Il a été admis à 18 h 44 aux urgences d'un CHU où il a été installé sur un brancard. À l'occasion d'une deuxième crise d'épilepsie survenue entre 19 h 00 et 20 h 30, il a chuté au sol et subi un traumatisme crânien, dont il résulte des séquelles.

Une crise d'épilepsie survenue en contexte de sevrage alcoolique comporte un risque de récidive accru et justifie une surveillance particulière du patient.

Le centre hospitalier, où le patient était ordinairement suivi et où son état antérieur était connu, n'a justifié d'aucun traitement, ni d'aucune forme de surveillance organisée de ce patient après son admission, ni même de son installation dans des lieux permettant une surveillance occasionnelle ou incidente, alors que son placement sur un brancard dont les barrières de sécurité se trouvaient au minimum à 110 centimètres du sol était susceptible, en cas de chute, d'aggraver notablement les conséquences d'une nouvelle crise. La responsabilité est engagée du fait de ces fautes.

• Le fait que l'arrêt cardio-respiratoire, dû au désengagement de la ligne veineuse chez un patient sous dialyse dont l'abord vasculaire était masqué et qui ne comportait pas d'alarme, n'ait été constaté qu'à la suite du déclenchement de l'alarme révèle un défaut de surveillance (CAA de Marseille, 13 juillet 2017, no 15MA00646).

Au cours du traitement par hémodialyse, consécutif à l'ablation des deux reins, de la vessie et de la prostate pratiquée six jours auparavant, la ligne veineuse du circuit de la dialyse s'est débranchée, entraînant une perte de sang. L'équipe de soins alertée par l'alarme de basse pression de l'artère a constaté un arrêt cardio-respiratoire. À la suite des manœuvres de réanimation, le patient est demeuré dans un état végétatif jusqu'à son décès, survenu deux ans plus tard.

L'arrêt cardio-respiratoire est consécutif à l'hémorragie ayant résulté du désengagement de la ligne veineuse. La circonstance que l'arrêt cardio-respiratoire et le désengagement de la ligne veineuse chez un patient récemment opéré d'une chirurgie lourde, dont l'abord vasculaire était masqué et ne comportait pas d'alarme, n'aient été constatés qu'à la suite du déclenchement de l'alarme de basse pression de l'artère, révèle un défaut de surveillance de nature à engager la responsabilité de l'établissement.

Malgré les gestes de réanimation cardiaque, le patient est resté plongé dans un coma neurovégétatif irréversible. Il est demeuré hospitalisé au centre de néphrologie et de transplantation rénale du centre hospitalier. Son état physique s'est progressivement dégradé, sur les plans cutané, respiratoire et neurologique, avec des épisodes infectieux réguliers dont le dernier, survenu en décembre 2009, n'a pu être surmonté et a entraîné son décès. Ainsi, le coma, puis, en l'absence de cause étrangère à la prise en charge hospitalière, le décès du patient le 23 décembre 2009, plus d'un an après la consolidation de son état de santé, le 30 juillet 2008, sont la conséquence directe et certaine de la faute commise par l'Assistance publique-hôpitaux de Marseille, de nature à engager sa responsabilité totale.

Faute technique

• S'agissant de la prise en charge d'un adénocarcinome prostatique, la survenance d'une fistule prostato-rectale, entraînant des séquelles sérieuses, n'engage la responsabilité qu'en cas de faute prouvée (CAA de Nancy, 24 octobre 2017, no 15NC01795).

Un patient, né le 12 juin 1945, a été pris en charge par un centre hospitalier à compter du 7 janvier 2009 afin de subir une prostatectomie radicale rendue nécessaire par un adénocarcinome prostatique diagnostiqué en 2006. Les suites de cette intervention chirurgicale ont été marquées par des complications, notamment une fistule prostato-rectale, des fuites urinaires et une occlusion intestinale, nécessitant de nouvelles interventions chirurgicales les 12 janvier 2009, 19 janvier 2009, 21 janvier 2009 et 22 avril 2009.

L'adénocarcinome prostatique justifiait une intervention chirurgicale compte tenu de l'évolution de la tumeur, et la prostatectomie subie par l'intéressé le 7 janvier 2009 par voie de cœlioscopie a été réalisée selon les règles de l'art. Il n'est pas établi que le chirurgien ayant pris en charge le patient n'aurait pas disposé des compétences requises pour procéder à cette intervention.

Selon les experts, la plaie rectale résultant de l'opération ne présentait pas de caractère fautif eu égard à la proximité entre l'appareil urinaire et le rectum dans une région anatomique très étroite, aux confins de la cavité pelvienne.

Dans ces conditions, si le patient a présenté après l'intervention une fistule prostato-rectale en lien avec des fuites urinaires et une occlusion intestinale, ces complications constituent un accident médical non fautif dont la survenue est constatée dans moins de 3 % des interventions par voie de prostatectomie. Les experts précisent que les interventions de reprise chirurgicale subies les 12 janvier 2009, 19 janvier 2009, 21 janvier 2009 et 22 avril 2009, rendues nécessaires par lesdites complications, étaient adaptées et conformes aux bonnes pratiques médicales. La responsabilité n'est pas retenue.

• Dans le cas d'une atteinte d'un organe ou un tissu que l'intervention n'impliquait pas, une faute du chirurgien peut être écartée par la preuve de la survenance d'un risque inhérent à l'intervention ne pouvant être maîtrisé et relevant de l'aléa thérapeutique (Cass. civ. 1re, 4 octobre 2017, no 16-24159).

Un patient souffrant depuis plusieurs années de douleurs anales et de fistules a subi, le 10 février 2005, une colostomie et, le 9 novembre 2005, une désinsertion de la stomie, réalisées par un chirurgien exerçant en libéral dans une clinique. Le 14 mai 2007, en raison de la persistance des proctalgies de son patient, le praticien a pratiqué une amputation abdomino-périnéale du rectum. À la suite de cette intervention, le patient a présenté des troubles urinaires et sexuels.

Selon l'expertise :

– les troubles constitutifs du dommage urinaire et génital subi sont en relation directe, certaine et exclusive avec l'amputation abdomino-périnéale du rectum. Ils sont la conséquence d'une atteinte des plexus nerveux cheminant de part et d'autre du rectum, lesquels vont se distribuer aux organes génitaux et à la vessie ;

– les complications uro-génitales de l'amputation du rectum surviennent chez 10 à 15 % des patients ;

– le patient se trouvait exposé à un risque accru de troubles sexuels et urinaires. Aucun reproche ne peut être fait au praticien lors de la réalisation de l'amputation, qui s'est révélée difficile en raison de conditions septiques et inflammatoires locales ;

– si certaines précautions pouvaient être prises pour préserver la sphère nerveuse, elles ne sont pas toujours réalisables en cours d'intervention ;

– le praticien a manqué à son obligation d'information en ne portant pas à la connaissance du patient le risque d'atteinte uro-génitale lors de l'exérèse du rectum.

La preuve d'une faute imputable au praticien n'est pas apportée. Mais dans le cas d'une atteinte d'un organe ou un tissu que l'intervention n'impliquait pas, une faute du chirurgien peut être écartée par la preuve de la survenance d'un risque inhérent à l'intervention ne pouvant être maîtrisé et relevant de l'aléa thérapeutique.

• La lésion d'un organe tiers lors d'une intervention chirurgicale, à savoir le traitement de varices, n'établit pas en elle-même l'existence d'une faute de nature à engager la responsabilité (CAA de Nantes, 10 novembre 2017, no 16NT00618).

Une patiente, alors âgée de 53 ans, a subi le 31 mars 2010 au centre hospitalier de Vierzon une intervention chirurgicale pour traitement de varices multiples à la jambe droite. Les douleurs postopératoires ayant persisté, un électromyogramme a été réalisé le 29 août 2013, qui a révélé que le nerf saphène droit avait été atteint lors de cette intervention. La patiente a alors demandé au centre hospitalier de Vierzon, qu'elle estimait fautif, de l'indemniser de ses préjudices.

La lésion du nerf saphène droit au cours de l'intervention du 31 mars 2010 n'était pas imputable à un geste médical fautif, mais à une complication connue, bien que rare et mal expliquée, inhérente à ce type d'acte. L'opération a été menée conformément aux données acquises de la science et aux règles de l'art, le marquage préopératoire n'étant qu'une pratique qui n'est pas obligatoire et dont il n'est pas établi que l'absence aurait en l'espèce concouru à l'atteinte du nerf en cause.

Si le chirurgien qui a opéré la patiente n'était pas chirurgien en chirurgie vasculaire, son titre de chirurgien général l'autorisait à procéder à cette intervention, qu'au demeurant il pratiquait régulièrement en chirurgie ambulatoire. Aucun élément du dossier n'établit, par ailleurs, qu'il n'aurait pas disposé de la compétence requise pour ce type de geste. Aussi, la responsabilité ne peut pas être engagée à cet égard.

• En matière de diagnostic anténatal, l'échographiste engage sa responsabilité en cas de faute caractérisée de nature à engager la responsabilité de l'établissement (CAA de Paris, 3 juillet 2017, no 15PA03379).

Le 27 janvier 2001, une mère a donné naissance à une fille dans un centre hospitalier où elle avait été suivie lors de sa grossesse. Il est apparu à la naissance de l'enfant qu'elle était atteinte d'une ectrodactylie touchant les quatre extrémités, qui se caractérisait par l'absence de plusieurs doigts et orteils, à savoir une agénésie des quatre doigts de la main droite, sauf l'index, une agénésie du pouce, de l'index et du majeur, une synéchie annulaire et auriculaire de la main gauche et, à chaque pied, deux orteils opposés en pince de crabe.

Lors de la troisième échographie du fœtus pratiquée par un stagiaire à 22 semaines d'aménorrhée, le 27 octobre 2000, au centre hospitalier, il a été porté sur le compte rendu, à propos des membres inférieurs du fœtus, « 3 segments vus mobiles. Angulation jambe/pied : normale » et, à propos des membres supérieurs, « 3 segments vus mobiles. Deux mains, 5 doigts, flexion et extension des doigts, pouce en opposition ». Or si les métacarpes et les métatarses peuvent parfois donner l'illusion que des doigts ont été vus, une telle interprétation fallacieuse ne peut être faite s'agissant de l'opposition du pouce.

La quatrième échographie du fœtus pratiquée à 33 semaines d'aménorrhée le 16 janvier 2001, qui n'a fait état d'aucune anomalie, a été également effectuée par le stagiaire.

En laissant son stagiaire pratiquer sans contrôle ni vérification les deux échographies en cause, ce qui a conduit à ce que non seulement, lors de la quatrième échographie pratiquée le 16 janvier 2001, aucune anomalie ne soit vue à l'extrémité des quatre membres du fœtus mais, plus encore, à ce qu'il soit expressément indiqué sur le compte rendu la présence, aux 2 mains, de 5 doigts présentant une flexion et une extension et un pouce en opposition, alors que ces membres n'existaient pas, hormis 3 doigts, l'échographiste a commis une faute caractérisée de nature à engager la responsabilité de l'établissement.

• La prise en charge d'une pyélonéphrite obstructive ayant laissé des séquelles n'engage pas la responsabilité, dès lors que les séquelles ne peuvent être assimilées à un risque grave, et que par ailleurs la preuve du caractère nosocomial de l'infection n'est pas apportée (CAA de Bordeaux, 17 octobre 2017, no 15BX02598).

Le 29 mars 2010, une dame a été hospitalisée en urgence dans un centre hospitalier en raison de douleurs abdominales intenses ayant provoqué un malaise. Les examens médicaux pratiqués ont permis de poser un diagnostic de pyélonéphrite obstructive due à la présence d'un volumineux calcul coralliforme.

La patiente a été traitée par une antibiothérapie et un drainage de la voie excrétrice urinaire droite avec pose d'une sonde double J. Ce traitement a permis de stabiliser son état de santé, et la patiente a quitté l'hôpital le 3 avril suivant.

Elle a été réadmise au sein du même hôpital, le 24 mai 2010, pour une exérèse des éléments calculeux par endoscopie qui a eu lieu, sous anesthésie générale, le 26 mai suivant. À la suite de cette intervention chirurgicale, elle a présenté les symptômes caractéristiques d'un choc septique en dépit de l'antibioprophylaxie mise en place. Cette septicémie s'est accompagnée de plusieurs défaillances organiques ainsi que d'une microangiopathie thrombopénique.

Au titre de la solidarité nationale

Lorsque la responsabilité d'un établissement n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à réparation lorsque le préjudice est directement imputable à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret (CSP, art. L. 1142-1-II). Ouvre droit à réparation un préjudice au plus égal à 25 % (CSP, art. D. 1142-1).

En l'absence d'intervention chirurgicale pour exérèse de la lithiase, la patiente encourait un « risque de récidive septique aux conséquences potentiellement délétères » et, notamment, un risque de septicémie. Ainsi, l'acte médical pratiqué n'a pas entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles la patiente était exposée de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. En outre, les bactéries à l'origine du choc septique subi par l'appelante étaient nécessairement contenues dans le calcul dont il s'agit et ont été libérées par la fragmentation de celui-ci dès lors que l'infection s'est déclarée quelques heures après l'intervention chirurgicale, et les urines de l'intéressée étaient stériles au moment de cette intervention.

La patiente soutient que cette complication présentait un risque de survenance faible et produit, à l'appui de cette allégation, une note médico-légale, réalisée à sa demande par un expert judiciaire, dont il ressort que « le risque de survenue d'un tableau septicémique au décours d'une fragmentation par urétéroscope est de l'ordre de 0,1 % ».

Toutefois, ce chiffre renvoie expressément à une fiche d'information de l'Association française d'urologie dont la seule page annexée ne permet aucunement de rattacher le risque de septicémie mentionné à l'exérèse d'un calcul coralliforme. Par suite, la patiente n'établissant pas que la survenance du dommage qu'elle a subi présentait une probabilité faible, elle n'est pas fondée à soutenir que les conséquences de l'intervention chirurgicale dont elle a bénéficié doivent être regardées comme anormales.

Caractère nosocomial de l'infection

Les établissements et services de santé sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère (CSP, art. L. 1142-1-I). Ce texte fait peser sur l'établissement de santé la responsabilité des infections nosocomiales, qu'elles soient exogènes ou endogènes, à moins que la preuve d'une cause étrangère ne soit rapportée. Mais seule une infection survenant au cours ou au décours d'une prise en charge et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de la prise en charge peut être qualifiée de nosocomiale.

La patiente fait valoir que ses urines étaient stériles lors de l'examen pratiqué le 19 mai 2010 et que la bactérie responsable de la septicémie dont elle a été victime n'a pu être identifiée.

Toutefois, la pyélonéphrite aiguë qui a justifié son hospitalisation le 29 mars 2010 a été causée par une lithiase dont l'exérèse était indispensable en dépit de l'antibiothérapie mise en place afin, précisément, d'éviter des récidives infectieuses. Dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que les bactéries libérées lors de la fragmentation de ce calcul n'étaient pas pathogènes avant l'intervention chirurgicale du 26 mai 2010 ni, par suite, que l'infection qui s'est déclarée à l'issue de cette intervention était d'origine nosocomiale.

Faute disciplinaire

• La radiation disciplinaire d'une aide-soignante pour maltraitance suppose, alors même que des griefs sont établis, la réunion de preuves solides qui imposent la plus sévère des sanctions qu'est la radiation (CAA de Marseille, 18 juillet 2017, no 16MA03583).

Pour prononcer la sanction de révocation d'une aide-soignante, le directeur d'un centre hospitalier a retenu que l'aide-soignante s'était rendue coupable à l'encontre d'une patiente en situation de faiblesse de propos grossiers accompagnés de gestes violents consistant en des serrements de poignet et une pénétration rectale. Toute la question est la preuve des faits.

La directrice des soins, saisie par un praticien hospitalier et un cadre de santé, a été alertée le 17 mai 2013 de la commission d'actes de maltraitance à l'encontre d'une patiente âgée de 92 ans. Les faits relatés auraient été commis la veille vers 20 h 45, en présence d'une autre patiente hospitalisée dans la même chambre, témoin des faits. Ces deux patientes, entendues par la directrice, ont maintenu dans les mêmes termes leur témoignage sur les actes de violence qui auraient été exercés, ainsi que sur les propos grossiers tenus à leur égard.

Toutefois, aucune constatation matérielle n'a permis de mettre en évidence l'existence d'un hématome ou d'une ecchymose au niveau des avant-bras ou des mains de l'intéressée.

Par ailleurs, c'est seulement dans un courrier du 4 juillet 2013 que la patiente s'est plainte d'avoir par la suite fait l'objet d'une pénétration rectale, qui est peu décrite. Un auxiliaire de vie faisait référence à un hématome visible sur la personne de la patiente, sans plus de précision. Mais ni le médecin qui a examiné la patiente le lendemain des faits allégués, ni aucun agent hospitalier en contact avec elle les jours suivants n'ont été en mesure de constater la moindre trace de violence.

La voisine de chambre de l'intéressée a exposé une version claire et précise de certaines violences physiques et verbales imputées à l'aide-soignante, mais les seuls faits pouvant être regardés comme établis consistent en une manœuvre d'une rudesse inadaptée pour rétablir la position de la patiente dans son lit, ainsi que la tenue de propos indélicats.

Les faits de pénétration rectale n'étaient pas établis et la décision de radiation a dû être annulée.

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