La survenance d’une complication grave au décours d’une intervention de chirurgie cardiaque, en dehors de toute faute chirurgicale, n’engageait pas la responsabilité des médecins. En revanche, celle de l’établissement était mise en cause par la faute de l’équipe infirmière, qui avait relevé des signes défavorables d’évolution sans en assurer la transmission aux médecins. Une décision de justice pas à pas.
À la suite de la pose d’une prothèse mécanique mitrale, le 10 janvier 2008, au sein d’une polyclinique, un patient reçoit un traitement anticoagulant. Le 15 janvier, il présente différents troubles dus à la survenue d’une compression médullaire, qui ne seront ni diagnostiqués, ni traités jusqu’au 22 janvier, avec pour conséquence une paraplégie séquellaire.
À l’issue d’une expertise, le patient assigne en responsabilité civile la polyclinique, les deux chirurgiens cardio-vasculaires qui ont procédé à la pose de la prothèse, l’anesthésiste, ainsi que l’Oniam (Office national d’indemnisation des accidents médicaux).
Les soins avaient été prodigués dans un établissement privé, par des médecins exerçant en libéral. Aussi, la procédure devait être engagée contre les médecins à titre personnel, mais aussi contre la clinique, qui est civilement responsable des faits et gestes de ses salariés, donc de l’équipe infirmière. Dans une telle affaire, les médecins sont représentés par leur assurance personnelle, alors que l’assurance de l’établissement prend en charge les fautes commises par les salariés. Vu la gravité du diagnostic, l’affaire se situe sur le registre de la perte de chance, et l’Oniam sera amené à compléter l’indemnisation due au patient. Une affaire très éclairante sur les mécanismes de la responsabilité civile en droit de la santé, avec un arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence du 25 juillet 2016, confirmé par un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 22 novembre 2017 (n° 16-24769).
Selon le rapport d’expertise, la chirurgie de remplacement valvulaire du patient était indispensable, son état de santé correspondant aux critères d’une indication chirurgicale, ce en accord avec les recommandations actuelles des sociétés savantes. La situation a d’ailleurs évolué favorablement sur le plan cardio-vasculaire depuis. S’il n’avait pas été opéré à cette date, le patient serait aujourd’hui probablement décédé ou dans un état d’insuffisance cardiaque sévère. Par ailleurs, la technique chirurgicale était exempte de critiques.
Restent les questions du devoir d’information, du diagnostic et de la surveillance et, sur un autre plan, de la prise en charge des préjudices graves par l’Oniam.
En vertu des articles L. 1111-2 et R. 4127-35 du Code de la santé publique (CSP), le médecin est tenu de donner à son patient une information portant sur son état de santé, les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus.
Délivrée au cours d’un entretien individuel, cette information doit être loyale, claire et appropriée, la charge de la preuve de son exécution incombant au praticien, même si elle peut être faite par tous moyens. Le droit à réparation de la victime reste subordonné à l’existence d’un préjudice en relation de causalité avec le défaut d’information allégué.
Le fait est acquis : le patient n’a pas été informé de la survenance possible du risque qui s’est réalisé. Se pose dès lors la question d’une faute dans la délivrance de l’information.
Le patient a été reçu en consultation par le premier chirurgien le 25 octobre 2007 et par l’anesthésiste le 12 novembre 2007, consultations au cours desquelles ont été menés des entretiens complets.
Il a été revu le 7 janvier 2008 par l’anesthésiste, qui a dressé un compte rendu de consultation préanesthésique, puis par le deuxième chirurgien le 8 janvier 2008, lequel a noté au dossier : « Après discussion avec le patient, plutôt prothèse mécanique. Patient prévenu des risques de la maladie et de la chirurgie. Intervention prévue le 10 janvier 2008 ; pas de geste coronaire associé. »
Le patient a signé un document de consentement éclairé. Dans cet écrit, il reconnaît avoir « été correctement informé de la nature de la maladie et des risques auxquels je serai confronté en l’absence d’intervention chirurgicale, du type d’intervention proposée, des risques qu’elle implique et de la nature des complications auxquelles elle expose, du risque de devoir selon les circonstances être perfusé, de la nécessité d’un bilan sérologique (HIV et hépatite B et C) préopératoire » et atteste « qu’il a été répondu de façon satisfaisante aux questions que j’ai posées concernant les risques et bénéfices de cette intervention ».
Le rapport d’expertise a qualifié la complication d’exceptionnelle, soulignant : « Pour notre part, nous n’avons jamais vu dans notre institution, où nous pratiquons 1 400 CEC par an depuis plus de 30 ans, une telle complication. Aucun des chirurgiens cardiaques présents lors de l’expertise n’avait mémoire d’une telle complication. J’ai, depuis cette expertise, interrogé plusieurs de mes collègues et n’ai encore jamais entendu parler d’un cas similaire. »
Pour la juridiction, il est établi que le patient n’a pas été informé sur ce risque, mais que les praticiens ont eu une démarche attentionnée et adaptée, alors que la complication survenue était tout à fait exceptionnelle. Aussi, aucune faute dans l’information ne peut être retenue.
Les époux font grief aux deux chirurgiens et à l’anesthésiste de n’être pas intervenus suffisamment tôt suite aux alertes de l’épouse, effectives dès le 15 janvier 2008 alors qu’il a fallu attendre le 22 janvier pour qu’une opération de décompression soit réalisée.
En vertu de l’article L. 1142-1 du CSP, un professionnel de santé est responsable des actes de prévention, de diagnostic ou de soin en cas de faute de sa part. C’est le droit commun de la responsabilité pour faute.
Les premiers symptômes sont apparus le 15 janvier, et l’intervention de décompression n’a été réalisée que le 22 janvier. Ces points sont incontestables. De même, il est certain que la paraplégie constatée est une conséquence directe, certaine et exclusive de la complication médullaire dorsale haute. Ce délai a été la cause du préjudice et, pour la juridiction, il s’agit de savoir s’il est fautif.
La complication a consisté en un hématome spontané sous anticoagulants survenu alors que le patient avait quitté la réanimation et se trouvait sous la surveillance des cardiologues. Il s’agit d’une complication neurologique gravissime et totalement exceptionnelle.
Pendant la semaine d’attente, entre le 15 et le 22 janvier, le patient n’a pas été laissé en déshérence. Il a été activement suivi, avec la réalisation d’un scanner abdomino-pelvien, un scanner cérébral puis un scanner lombaire. Ont suivi une IRM cérébrale puis angio-médullaire, et c’est cette série d’examens qui a permis d’établir ce diagnostic difficile.
Selon l’expert, « l’intervention pratiquée par le neurochirurgien a montré un hématome déjà organisé, ce qui prouve bien que la complication hémorragique a débuté dès le 15 janvier, le jour où a été enregistré un excès de décoagulation transitoire ». L’expert souligne que le passage temporaire du TCA (temps de céphaline activée), lors la journée du 15 janvier 2008, au-dessus de la zone cible correspond « à la date probable de survenue de la complication ».
Ainsi, la paraplégie est une conséquence de l’atteinte médullaire haute survenue dans les suites de l’intervention cardiaque de remplacement valvulaire chez un malade soumis à un traitement anticoagulant. C’est un phénomène rare, et le rapport d’expertise précise que « ce qui est remarquable et assez étonnant est que cette hémorragie qui a été constatée dans l’espace sous-arachnoïdien a été limitée en hauteur et s’est finalement comportée comme une néoformation comprimant progressivement la moelle très localement, sans s’étendre ni vers le haut ni vers le bas, contrairement à ce que font habituellement les hémorragies dans les espaces sous-arachnoïdiens ».
Selon le rapport, le caractère exceptionnel de la complication apparue dans les suites de l’intervention cardiaque a égaré la démarche diagnostique, car la probabilité d’un accident médullaire est bien moindre que celle d’un accident vasculaire cérébral dans les suites d’une intervention cardiaque de remplacement valvulaire chez un malade sous traitement anticoagulant.
En outre, au début, la symptomatologie atypique a pu dérouter les médecins. La situation était en effet compliquée par l’existence à la fois de signes d’atteinte médullaire, tels que la rétention d’urines, la faiblesse des membres inférieurs, mais également de signes évoquant une atteinte centrale, avec des troubles visuels, qui ont eux aussi contribué à égarer la démarche diagnostique.
L’existence d’un signe d’appel purement fonctionnel d’ordre ophtalmologique explique que l’on se soit orienté vers le diagnostic d’atteinte cérébrale, justifiant le scanner du 16 janvier 2008, qui s’est révélé normal. De même, l’existence d’une gêne motrice au niveau du membre inférieur droit a pu être interprétée comme une amorce de syndrome pyramidal, d’autant qu’il y avait un signe de Babinski du côté droit.
À partir du moment où les médecins ont pu éliminer une étiologie vasculaire cérébrale et une étiologie vasculaire ou autre de la région lombaire et abdomino-pelvienne, la démarche diagnostique s’est orientée vers une localisation atypique, cervicale ou dorsale haute… même si les troubles sphinctériens sévères présentés se voient peu dans les lésions hautes. Tous les examens susceptibles d’être pratiqués ont donc été envisagés.
La dernière IRM a permis de poser le diagnostic de compression médullaire en T2, T3, T4 : il était alors légitime et nécessaire d’entreprendre la recherche d’une malformation vasculaire à ce niveau avant d’intervenir.
Pour le rapport d’expertise, le délai entre l’apparition des premiers symptômes et la mise en œuvre de l’intervention neurochirurgicale décompressive, soit une semaine, qui a eu de lourdes conséquences, trouve son explication dans plusieurs facteurs :
• la topographie inhabituelle de la complication hémorragique liée à l’usage des anticoagulants ;
• la symptomatologie neurologique inhabituelle (rétention urinaire) ou trompeuse (signe d’appel de la sphère visuelle) ;
• les difficultés pratiques considérables d’indications des examens susceptibles d’aboutir au diagnostic car tous pouvaient faire l’objet d’une contre-indication relative liée à leur dangerosité (myélographie, artériographie, IRM à proximité du site opératoire cardiaque récent).
En tout état de cause, il était impossible pour les médecins d’envisager une intervention neurochirurgicale sans s’être assurés de la localisation de l’obstacle et sans avoir éliminé auparavant l’hypothèse d’une malformation vasculaire intrarachidienne.
A posteriori, on ne peut que déplorer la longueur du délai entre les premiers symptômes, le 15 janvier, et l’intervention décompressive, pratiquée le 22 janvier. En revanche, si on se replace en temps réel, force est de reconnaître que la démarche diagnostique a fait l’objet de multiples concertations multidisciplinaires et que la conduite à tenir a été établie au jour le jour par les spécialistes neurologues, neurochirurgiens, et spécialistes cardiovasculaires, anesthésistes, cardiologues et cardiochirurgiens.
Dans ces conditions, le recours en responsabilité à l’égard des médecins a été rejeté.
C’est le second volet de la procédure, tourné vers la polyclinique en qualité d’employeur du personnel infirmier. Un infirmier salarié ou agent de la fonction publique n’engage pas sa responsabilité civile personnelle. C’est son employeur qui répond de ses fautes, et celui-ci est assuré pour cela. La responsabilité personnelle n’intervient que sur le plan pénal, ce qui est une hypothèse rare et, même au pénal, à partir du moment où les fautes ont été commises dans le cadre des fonctions confiées, l’indemnisation reste à la charge de l’employeur. Il s’agit donc de savoir si ont été commises des fautes infirmières, de nature à engager la responsabilité de la clinique.
Est en cause la surveillance de la coagulation, soit du temps de céphaline activée (TCA), qui permet d’évaluer le temps de coagulation.
Il faut ici citer le rapport d’expertise : « L’analyse des surveillances de la coagulation retrouve des TCA dans la zone visée, entre 2 et 3 fois le témoin. À noter juste un passage temporaire la journée du 15 au-dessus de la zone cible puisque le 15 janvier 2008 le TCA est à 130 le matin puis à 100 à 22 heures. Cet excès est banal en période d’équilibre post-CEC (circulation extracorporelle) et non majeur puisque parallèlement l’héparinémie reste entre 0,58 et 0,51. La décoagulation est immédiatement diminuée et dès le 16 on est à nouveau dans des chiffres cibles, avec une héparinémie qui est même cette fois plutôt basse puisqu’elle était redescendue à 0,27. Le 14, l’héparinémie est à nouveau un peu basse, à 0,26. Notons qu’elle était inférieure, à 0,10, les 13 et 14, et qu’il avait été logique d’augmenter la décoagulation, ce qui explique l’excès de décoagulation transitoire du 15. »
Les données transmises démontrent que le TCA du patient, qui était de 59 le 14 janvier 2008 et qui ne doit pas excéder 3 fois celui du témoin, soit 90, est passé le 15 janvier 2008 à 6 heures à 130, à 17 heures à 105 et à 22 heures à 100. Le rapport souligne : « Aucune alerte n’a été donnée sur cet excès de décoagulation durant toute cette journée du 15 janvier 2008 par le personnel infirmier, pourtant intervenu à trois reprises pour les prises de sang destinées à vérifier ce taux. Aucune réaction n’est notée dans le dossier médical ou infirmier durant les 16 heures qui ont séparé la première prise de sang de la dernière alors que les seuils maxima étaient très largement franchis et que dans la nuit précédente, qui était celle de l’arrivée au service, la décoagulation avait été augmentée. »
Si l’excès est courant en période d’équilibre post-circulation extracorporelle, comme indiqué par le rapport d’expertise, il n’a pas été suppléé immédiatement par l’équipe infirmière, mais bien plus tard, en fin de journée, par une action sur la vitesse d’administration de l’héparine à la seringue électrique en vue de faire baisser ce taux. Cela caractérise un manque de réactivité et de diligence infirmière face à l’évolution objective de l’état de santé du patient, ce qui traduit une défaillance dans le suivi et revêt un caractère fautif.
Les données cliniques étaient devenues anormales, traduisant une dégradation de l’état de santé. Le personnel infirmier, du fait de ses compétences et de sa pratique dans ce service de chirurgie cardiaque, en avait nécessairement connaissance. Or ces résultats ont été notés dans le dossier sans que l’attention des médecins ait été attirée. La faute est certaine, et la juridiction l’a retenue comme élément central.
La responsabilité de la clinique est engagée du fait des fautes commises par les membres de l’équipe infirmière. Dans le cadre de la responsabilité civile, il n’est pas nécessaire d’identifier ceux des membres de l’équipe qui ont fauté, ou de se prononcer sur la responsabilité du cadre de santé, alors que la coopération entre le personnel salarié de la clinique et les praticiens libéraux est en défaut. En effet, la clinique – comme le ferait d’ailleurs l’hôpital – répond globalement des fautes commises par ses salariés. La responsabilité individuelle n’apparaît qu’au pénal ou au disciplinaire.
On peut toutefois estimer que cela ne clôt pas le débat. En effet, le patient est toujours placé sous la responsabilité d’un médecin à partir du moment où il est admis dans un établissement, et la question se pose ici de savoir si les médecins n’ont pas commis une faute en ne prenant pas connaissance eux-mêmes des résultats de ces examens. Cette question ne paraît pas avoir été abordée par la procédure, ce qui est surprenant. Il est certain que la faute essentielle est de nature infirmière, car l’infirmier a l’obligation de signaler les résultats montrant des anormalités. De même, se pose la question, également non abordée, des protocoles établis dans le service. La désignation d’un expert infirmier n’aurait pas été inutile. Quoi qu’il en soit, confrontés à cette situation clinique hautement préoccupante, les médecins se devaient de suivre eux-mêmes les résultats des examens qu’ils avaient prescrits, sans s’en remettre aux diligences des infirmiers, ce qui établit une faute.
Où commence, en droit, le préjudice ? La question est d’importance car il est acquis que, sans l’intervention, le décès du patient était à bref délai inéluctable. La question a été tranchée par la jurisprudence : le préjudice de la victime présente un caractère certain et direct chaque fois qu’est constatée la disparition d’une éventualité favorable.
Dans le cas où la faute médicale a fait perdre au patient une chance d’éviter une atteinte à son intégrité physique, l’indemnisation doit correspondre à la chance perdue. Elle correspond à une fraction des différents chefs des préjudices subis, et son étendue doit s’apprécier en prenant en considération l’état de santé du patient et les conséquences qui en découlent.
Comme cela a été expliqué plus haut, la complication hémorragique a débuté dès le 15 janvier, le jour où a été enregistré un excès de décoagulation transitoire, ce que confirme l’existence d’un hématome déjà organisé, mis en évidence lors de l’intervention pratiquée par le neurochirurgien. Le passage temporaire du TCA, lors de la journée du 15 janvier 2008, au-dessus de la zone cible correspond à la date probable de survenue de la complication, responsable de la paraplégie actuelle du patient. Cette hémorragie, constatée dans l’espace sous-arachnoïdien, a été limitée en hauteur et s’est finalement comportée comme une néoformation comprimant progressivement la moelle très localement, sans s’étendre ni vers le haut ni vers le bas, contrairement à ce que font habituellement les hémorragies dans les espaces sous-arachnoïdiens.
Cette faute de surveillance de l’équipe infirmière, donc faute de la clinique, a conduit à la complication de l’hématome spontané et aux troubles neurologiques postopératoires, et a privé le patient de la possibilité de bénéficier en temps utile d’une prise en charge adaptée, qui aurait pu avoir une influence favorable sur l’évolution de la situation.
Il existe donc un lien de causalité certain entre la faute et le préjudice, mais ce lien n’est pas exclusif. En effet, il est impossible d’affirmer avec certitude que si la faute n’avait pas été commise, ce patient n’aurait pas présenté ces troubles. De ce fait, la juridiction ne peut accorder la réparation de l’entier dommage. En revanche, il est certain que, sans la faute, il existait une chance sinon d’en éviter l’apparition du moins d’en limiter l’étendue ou d’empêcher leur aggravation avec leurs incidences séquellaires. C’est une hypothèse de perte de chance.
La responsabilité civile de la polyclinique est donc engagée, et elle est tenue de réparer les conséquences dommageables corporelles qui en découlent. Au vu de ces données, la juridiction a estimé que cette perte de chance devait être évaluée à 50 % du dommage.
Comment évalue-t-on une perte de chance, qui consiste à réaliser un pari sur l’avenir ? C’est une question particulièrement délicate. Dans les faits, les juges demandent aux experts de leur donner le plus d’indications possibles, et au final ils tranchent.
Dans l’hypothèse où une faute commise par un établissement ou un professionnel fait perdre à la victime une chance d’échapper à l’accident ou de se soustraire à ses conséquences, l’accident ouvre droit à réparation au titre de la solidarité nationale si les conditions sont remplies (art. L. 1142-1 et L. 1142-18 du CSP). Dans ce cas, l’indemnité due par l’Oniam est réduite du montant mis à la charge de celui qui est responsable pour faute.
Cette prise en charge est due lorsqu’un préjudice causé par un accident médical est directement imputable à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins, qui ont eu pour le patient des conséquences “anormales” au regard de son état de santé. L’article D. 1142-1 du CSP a fixé ce taux à 24 %.
La grande question, pour un patient au diagnostic préoccupant, est le critère de « l’anormalité du dommage ». Selon la jurisprudence :
• ce critère est rempli lorsque l’acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie de manière suffisamment probable en l’absence de traitement ;
• dans le cas contraire, les conséquences de l’acte médical ne peuvent être considérées comme anormales sauf si, dans les conditions où l’acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible ;
• elles ne peuvent être regardées comme anormales lorsque la gravité de cet état a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l’origine du dommage.
L’Oniam, financé par la solidarité nationale, ne joue qu’à défaut d’engagement de la responsabilité d’un professionnel de santé, et ne peut être tenu que de la part du dommage non réparée par la clinique au titre de la perte de chance.
Les critères permettant l’intervention de l’Oniam étaient ici réunis :
• un dommage directement imputable à un acte médical non fautif ;
• de caractère anormal au regard de l’état de santé de la victime et de son évolution prévisible ;
• présentant le seuil de gravité requis, le taux de déficit fonctionnel permanent étant de 50 %.
Le défaut de surveillance de l’équipe infirmière a privé le patient de la possibilité de bénéficier, en temps utile, d’une prise en charge adaptée qui aurait pu avoir une influence favorable sur l’évolution de sa situation. Sans cette faute, il aurait eu une chance que ses troubles soient moins importants.
Il s’agit d’un accident médical non fautif répondant aux conditions de gravité fixées par les articles L. 1142-1-II et D. 1142-1 du CSP, dont la probabilité de réalisation était faible et dont les conséquences auraient été susceptibles d’être limitées en l’absence de faute, de telle sorte que la part des préjudices subis non réparés sur le fondement de la faute doit être mise à la charge de l’Oniam.
Ainsi, l’Oniam ne devait assurer l’indemnisation qu’à hauteur de 50 % de l’entier dommage subi par le patient, taux qui correspond à la partie du préjudice total qu’il doit prendre en charge au-delà du pourcentage imputé à la faute de la clinique.