Objectif Soins n° 262 du 01/04/2018

 

Actualités

Karen Ramsay*   Véronique Hunsinger**  

Politique

Dans un entretien exclusif, la ministre des solidarités et de la santé expose sa vision du métier de cadre de santé et de ses évolutions. Propos recueillis par Karen Ramsay et Véronique Hunsinger.

Comment réagissez-vous au “mal être” des soignants ?

Je le comprends car ils sont soumis, depuis quelques années, à une forte pression à l’activité. Cela a progressivement déstructuré des équipes. Les cadres de proximité se sont aussi parfois éloignés. On constate également que les patients sont de plus en plus exigeants.

Qu’entendez-vous quand vous dites qu’il faut restructurer l’hôpital ?

C’est un besoin urgent. La T2A fait que les établissements sont en concurrence les uns avec les autres pour les activités les plus rentables et souvent au détriment de l’hôpital public.

Au sein des groupements hospitaliers de territoire (GHT), les établissements vont s’organiser entre centres de recours et centres de proximité. Des hôpitaux pourront être centre de recours pour une pathologie et centre de référence pour une autre. On pourra ainsi faire des économies d’échelle pour investir davantage sur les plateaux techniques.

Comment vont se mettre en place les financements au parcours de soins ?

Ce sont des parcours qui intègreront également les soins de ville. On mettra en place une tarification annuelle forfaitaire pour chaque partie prenante du parcours après avoir défini les examens et les actes dont le patient a besoin pour son suivi.

Comment voyez-vous l’évolution du métier de cadre ?

On constate une légère augmentation des effectifs sur les cinq dernières années. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas avoir une réflexion globale sur l’attractivité du métier. Certaines recommandations ont déjà été mises en œuvre avec la réforme statutaire de 2012 et il y a eu des revalorisations. Cette question fait partie du chantier que nous allons lancer sur les ressources humaines à l’hôpital et sur la formation.

Quel est le devenir des directeurs de soins ? Leur formation est-elle amenée à évoluer ?

Par la cohérence qu’ils assurent entre la politique des soins et leur projet d’établissement, les directeurs des soins sont un rouage essentiel. Dans l’attente d’une réflexion d’ensemble – et concertée – sur l’évolution du métier, des mesures statutaires ont été prises en complément de la mise en place du protocole PPCR.

La réingénierie de la formation des cadres de santé est-elle à nouveau d’actualité ?

Oui, en instaurant l’universitarisation de ces professions, nous les rapprochons de la recherche et permettons une nouvelle amélioration de la qualité des soins. Ce rapprochement avec l’université doit s’accompagner d’une réingénierie de la formation pour redéfinir les compétences de chacun. Je souhaite que les référentiels de toutes les professions de santé concernées soient revus d’ici 2019. Cela nécessite d’identifier quelques modules communs avec les autres formations, de permettre la mutualisation des enseignements – tout ceci afin de favoriser un travail en équipe interprofessionnelle.

Le décret sur les protocoles de coopération est paru en février. Or les syndicats infirmiers demandent surtout un élargissement du métier socle. Est-ce que vous travaillez sur ce sujet ?

La révision du métier socle des infirmiers est bien prévue, notamment dans le champ des vaccinations. La Haute Autorité de Santé a d’ailleurs été saisie pour donner un avis en ce sens. En fonction des avancées résultant de ces protocoles, des retours que nous aurons du terrain, nous pourrons envisager l’élargissement du métier socle. Mais ce qui me semble important dans cette question, c’est aussi la reconnaissance pleine et entière de l’infirmier en pratique avancée au grade de master. Celle-ci va faire sensiblement évoluer le champ des activités de la profession dans le domaine des pathologies chroniques.

Quand seront dispensées les premières formations de pratiques avancées ?

Dès la rentrée 2018. C’est une véritable montée en compétences par la formation initiale et continue des professionnels que nous espérons avec cette réforme.

Les établissements de santé forment les soignants de demain. Est-ce que la nouvelle réforme de santé du gouvernement se saisit de la question de la politique d’accueil et d’encadrement en stage ?

Nous avons voulu que cette réforme du système de santé soit globale, complète, profonde. Toutes les structures de soins sont concernées, et dans toutes leurs prérogatives dont la formation. Nous allons lancer une consultation auprès des établissements et professionnels pour recenser les problèmes et les points de vigilance. S’il est estimé que l’encadrement des stages doit en faire partie, nous inclurons ce sujet dans notre réforme.

Comment réagissez-vous à la faiblesse relative du taux de vaccination des soignants ?

La vaccination est un enjeu collectif et un enjeu déontologique dont les ordres doivent s’emparer. On ne peut pas soutenir l’argument de la liberté individuelle quand on risque de mettre en danger les autres. C’est antinomique avec la posture de soignant.