À l’heure actuelle, la gestion documentaire est quasi systématiquement informatisée et permet de classer la masse de documentation d’une entreprise ou d’un établissement. À titre professionnel, cette documentation est parfois réglementaire, souvent utile et toujours éparse et volumineuse. Chaque gestion documentaire est adaptée à un secteur de travail particulier mais de nombreux principes peuvent s’avérer communs et servir de socle à ce travail de classement.
Comment optimiser la gestion documentaire de l’établissement pour retrouver rapidement un article ou un protocole de soins utile pour un patient ? Comment éviter les doublons tout en garantissant l’actualité et la mise à jour de la base de données ? Quels outils utiliser pour parvenir à une gestion économe et efficace ? Le panorama des principes en vigueur et la mise en application avec des exemples concrets permettront de s’y retrouver.
La gestion documentaire s’applique à tous les documents, quels que soient les supports ou formats, de la phase de création à celle de la destruction. Ce processus complexe comprend également le tri, la recherche, le classement et la traçabilité des documents. La gestion documentaire doit assurer la sécurité des documents et être conforme à un plan de départ, pour que ces derniers puissent être utilisés par plusieurs personnes ou services différents. Enfin, elle doit être suffisamment souple et flexible pour s’adapter au secteur de travail.
Dans le cadre de cet article, je voudrais m’intéresser à une partie du processus, hors la création et la destruction de documents. En effet, la conception n’est pas toujours le fait de l’entreprise (import de documents) et certains services ou personnels l’assurent sans passer par une gestion documentaire. Enfin, la fin de vie “active” d’un document est une étape qui suscite de nombreuses questions : conservation, archivage, stockage, gestion par un tiers, destruction, etc. qu’on ne pourra pas aborder ici.
Pour déterminer l’utilité de la gestion documentaire, il peut être intéressant de partir d’un exemple que les soignants connaissent bien : la visite de certification pour les établissements de santé ou l’évaluation externe pour les autres établissements. À cette occasion, il est nécessaire de sélectionner un volume important de documents qui vont ensuite être mis à la disposition des évaluateurs (ou des experts visiteurs). Il faudra en maintenir à jour les éléments les plus récents (statistiques, chiffres, indicateurs, etc.) jusqu’au moment de la visite, puis les archiver pour en garder une trace.
C’est ce qui nous est arrivé lors de la préparation de la visite d’évaluation externe. Sur le principe, c’est la même chose qu’en établissement sanitaire : il faut suivre un guide d’évaluation en répondant aux questions posées et en apportant la preuve de ce qu’on avance. La technique des boîtes en carton avec chemises et sous-chemises atteint très vite sa limite à cause du volume et du poids de la documentation, sans compter que les chapitres des questions peuvent être différents d’un référentiel à l’autre ou selon le type d’établissement. Cette technique a cependant fonctionné en l’occurrence mais il nous a ensuite fallu mettre en œuvre les préconisations et recommandations des experts. Et retravailler la documentation.
Deux problèmes se sont alors posés :
1 Comment permettre à tous d’accéder à la documentation et comment rendre l’information immédiatement disponible en évitant les copies multiples de versions diverses d’un même document dans tous les bureaux d’une organisation de travail ?
2 Quelles procédures mettre en place pour les modifications de la documentation ?
La gestion documentaire permet d’apporter une réponse à chaque problématique posée. (Cf. tab. 1)
Les sources d’acquisition de la documentation d’un établissement sanitaire ou social sont très vastes : cela va du mode d’emploi d’un dispositif médical ou d’un appareil au protocole de soins, en passant par des documents plus volumineux comme le projet d’établissement, le règlement intérieur ou Contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM). Les fichiers sont des dossiers papier qu’il faut numériser pour les transformer en PDF ou des documents électroniques directement utilisables. Les fichiers PDF sont de loin les plus nombreux : ils ne prennent pas beaucoup de place et sont théoriquement non modifiables.
L’acquisition suppose donc une source modifiable – un fichier créé dans un logiciel de traitement de texte par exemple – et une source non modifiable, qui servira à la consultation sur écran. Ces deux sources seront conservées dans deux répertoires différents et, si possible, sur deux ordinateurs différents, sans compter les sauvegardes.
L’acquisition passe également par le filtre du décideur : ce document doit-il être versé dans la gestion documentaire ? Quel est son intérêt ? Est-il en phase de rédaction ou validé par les personnes autorisées (système qualité) ? Cette chaîne de validation (appelée workflow) permet la validation du document, son intégration dans la base de données mais également le niveau de consultation accessible en fonction du droit d’accès.
L’indexation constitue la codification du document en vue de son exploitation dans la base de données. Elle peut être faite par métadonnées (type, titre, date, ISBN, nom d’auteur, etc.) – un système utilisé par les bibliothèques ou les archives – sous la forme de plan de classement avec, généralement, la conservation du support d’origine (actes de naissance, cadastre…). Cette indexation peut également être constituée de mots clés dans un contexte donné. C’est cette méthode que nous avons retenue car elle est facile d’utilisation et les mots clés sont communs à tous les acteurs d’un établissement.
À ce stade, un détour est nécessaire dans le système qualité pour comprendre le classement documentaire
La pyramide reflète la quantité croissante de documents au fur et à mesure de la progression vers le bas. C’est à partir de ce modèle que nous allons lister les mots clés en les classant à l’aide du tableau ci-après pour les retrouver, en partant du principe qu’un document a un code unique dans la base et que ce dernier est aisément déchiffrable par tous. Ce sont des exemples. Le numéro d’ordre est séquentiel : il est créé automatiquement à chaque nouveau document, puisque deux documents peuvent avoir les mêmes codes.
Enfin, dans la base de données, à chaque code correspondent des libellés en texte libre qualifiant le document, par exemple : “convention inter-établissement pour la protection judiciaire des majeurs protégés” ou encore “rapport d’évaluation externe”.
Le stockage des documents doit être fait par le service informatique. Il y a deux documents distincts : un original en version modifiable de type traitement de texte ou photo, et une copie PDF. Seul le document non modifiable est accessible dans la base par les utilisateurs. Ces documents sont archivés sur des ordinateurs distincts et une sauvegarde est réalisée sur un disque dur, une clé USB ou un site externe.
C’est le cœur même de la gestion électronique des documents (GED)
Nous n’avons pas souhaité mettre de droits d’accès particuliers pour le personnel, pensant que ce qui était stocké bénéficiait à chacun. Il est sans doute plus facile de ne pas mettre dans la base de données ce qu’on ne souhaite pas divulguer.
L’expérience réalisée a d’abord été faite sous Access® en interne puis dans le cadre d’un petit logiciel développé spécifiquement pour l’établissement. Les logiciels de GED sont nombreux sur le marché mais assez onéreux et compliqués. Un développement en interne est possible si les ressources existent mais le coût d’un développement spécifique est inférieur à l’achat d’un logiciel particulier puisque nos besoins sont finalement assez modestes.
Pour compléter la GED, nous avons souhaité la coupler avec la traçabilité des dispositifs médicaux (achats, notices, maintenance, coûts, photos, factures originales scannées, etc.) puisque la recommandation nous était faite dans le cadre de l’évaluation externe. Sur le plan informatique, l’écriture du programme est presque la même et la consultation quasi identique.
L’évaluation de cette gestion informatisée de la documentation se fait sur plusieurs critères. La sécurité est le critère qui permet de dire que la documentation est accessible à tout moment, y compris la nuit, et que, par exemple, un protocole de soin est disponible en cas d’urgence
(1) Le MAQ est le manuel d’assurance qualité, document énonçant la politique qualité et décrivant l’ensemble des procédures et autres composants organisationnels du système qualité d’un organisme ; nous le laisserons de côté pour cet article. Un prochain article sera consacré aux cartographies.
(2) En anglais DMS, pour « Document Management System » ou EDM, pour « Electronic Document Management ».
(3) Il existe un seul classeur des protocole de soins en salle de transmissions, en cas de panne d’informatique.