Objectif Soins n° 264 du 01/08/2018

 

SUR LE TERRAIN

Dossier

Corinne Privat  

Le programme de la formation en soins infirmiers vise le développement de compétences professionnelles. La compétence s’acquiert en situation dans la capacité à agir avec compétence. Pour cela, notre intention pédagogique s’est orientée vers une méthodologie d’apprentissage par projet. Le projet collectif à mener concerne la mise en œuvre d’une démarche d’éducation pour la santé par des étudiants en soins infirmiers de semestre 4.

Les unités d’enseignement (UE) 4.6 S3 et S4 : « Soins éducatifs et préventifs », participent à la construction de la compétence 5 : « Initier et mettre en œuvre des soins éducatifs et préventifs ». Par définition, cet objectif oriente nécessairement l’apprentissage vers un savoir-faire, lequel s’acquiert davantage au travers de mises en situation.

Dans ce cadre, notre intention pédagogique s’est orientée vers une méthodologie d’apprentissage par projet. « L’approche par projet n’est pas, dans son essence même, une technique ou une façon spécifique d’enseigner. Elle est plutôt une façon de penser l’enseignement en vue d’un apprentissage que l’on espère meilleur (…). »(1) Il s’agit de notre propre conviction que l’on apprend par et dans l’action.

L’entraînement réflexif étant une exigence de la formation infirmière, un apprentissage par projet constitue une ingénierie pédagogique constructiviste, qui consiste « à travers l’acquisition de savoirs et savoir-faire, attitudes et comportements »(2) à favoriser la construction de compétences professionnelles. Un apprentissage par projet répond bien, ainsi, à l’objectif du référentiel de formation en soins infirmiers.

En tant que formateurs garants de l’apprentissage, et confrontés à des contraintes organisationnelles, nous avons au préalable réfléchi les grandes lignes du projet et anticipé quelques points d’étapes pour jalonner le parcours des étudiants.

Un regard sur la conception et la construction de la démarche éducative nous a permis d’envisager les modalités d’évaluation de l’unité d’enseignement.

L’objectif de cet article est de présenter la conception et la mise en œuvre d’un projet pédagogique initiant un projet apprenant pour un groupe d’étudiants en soins infirmiers.

CONCEPTION PÉDAGOGIQUE D’UN PRÉ-PROJET

Pour Guy Le Boterf, la construction des compétences est la résultante de trois facteurs : « le savoir agir qui suppose de savoir combiner et mobiliser des ressources pertinentes (connaissances, savoir-faire, réseaux…) ; le vouloir agir qui se réfère à la motivation et à l’engagement personnel de l’individu ; le pouvoir agir qui renvoie à l’existence d’un contexte, d’une organisation du travail, de conditions sociales qui rendent possibles et légitimes la prise de responsabilité et la prise de risque de l’individu »(3). Nous pensons qu’un apprentissage par projet est une méthodologie pédagogique pertinente permettant de concilier ces trois facteurs et répondre ainsi à l’objectif de l’UE de développer chez l’étudiant la capacité à analyser et à élaborer une démarche éducative.

Pour Jean Proulx, l’apprentissage par projet est « un processus systématique d’acquisition et de transfert de connaissances au cours duquel l’apprenant anticipe, planifie et réalise, dans un temps déterminé, seul ou avec des pairs et sous la supervision d’un enseignant, une activité observable qui résulte, dans un contexte pédagogique, en un produit fini évaluable »(4). Il s’agit donc d’un contexte propice à l’acquisition de compétences.

À travers la démarche de projet nous souhaitons que les étudiants puissent :

• développer des savoirs, voire des compétences, transférables dans plusieurs domaines de l’activité professionnelle infirmière ;

• développer l’esprit de coopération ;

• trouver une motivation à apprendre ;

• renforcer l’identité personnelle et collective ;

• développer l’autonomie, la capacité à négocier des choix ;

– assumer des engagements et des responsabilités.

Dans un apprentissage par projet, il faut donc que l’étudiant « se mobilise », et pour qu’il se mobilise il faut que la situation présente pour lui un intérêt et donc du sens.

Or, le programme de formation est prédéfini, ce qui laisse une marge de manœuvre plus ou moins restreinte au formateur. De plus, le nombre d’étudiants impliqués est tel qu’il est difficile de recueillir une adhésion unanime.

Pourtant, pour mener à bien le projet il faut que les étudiants y adhèrent car apprendre c’est avant tout choisir d’apprendre. De ce fait, former c’est rendre le savoir désirable. C’est tout l’enjeu du projet pédagogique, dont les objectifs ont été réfléchis pour créer du sens, induire une motivation à l’action, et donc développer des compétences professionnelles.

Pour rendre désirable un savoir obligé, et lui donner du sens, nous avons fait le choix de l’inscrire dans une réalité professionnelle. Pour cela nous avons répondu à un appel d’offre. Le directeur d’une école primaire accueillant des élèves de 6 à 11 ans souhaitait que les élèves du CE1, CM1 et CM2 puissent être sensibilisés à des notions d’hygiène. Nous avons négocié les thèmes : « lavage des mains » et « brossage des dents », qui nous semblaient les plus appropriés aux besoins des enfants et réalisables par le groupe étudiant. Le projet ayant alors une implication sanitaire et sociale, les apprentissages qui en découlaient pouvaient être perçus comme utiles. Nous espérions ainsi susciter l’adhésion des étudiants.

ORGANISER DES CONDITIONS APPRENANTES

Donner du sens aux apprentissages

Michel Develay définit le sens comme « le rapport que le sujet établit entre l’intention (ce qu’il vise) et l’action (ce qu’il fait). Ce rapport entre l’intention et l’action correspond au désir d’apprendre »(5) et donc à la motivation.

L’intérêt d’initier un projet dans un groupe étudiant est de permettre à chacun, dans la participation qu’il s’est choisie, de trouver un sens à son action et donc d’apprendre.

Pour Bernard Charlot, le rapport au savoir est propre à chacun : « Le savoir, c’est l’apprenant qui le crée, le fabrique, le produit, l’invente »(6), il s’enracine donc dans un désir d’autonomie. Cependant miser sur l’autonomie du groupe et l’autonomie de chacun au sein du groupe rend l’apprentissage incertain et peu visible par le formateur. On sait que, spontanément, l’étudiant va s’inscrire dans ce qu’il sait faire. Or apprendre c’est avant tout oser le risque, se confronter à des difficultés, faire des erreurs.

Ainsi, si l’autonomie est nécessaire à l’apprentissage, elle ne le garantit pas ; nous faisons donc le pari de la confiance réciproque dans une cocréation de projet.

La peur du risque induit une incertitude chez certains étudiants. De ce fait, l’autonomie requiert pour se construire un accompagnement sécurisant : la relation avec le formateur est donc primordiale pour l’acquisition de savoirs.

Les étudiants l’ont ainsi retracé avec humour : « On nous a dit : “Vous avez carte blanche, organisez-vous, soyez créatifs…” C. [la formatrice] s’en va, nous laissant seuls face à notre sort ! »

Dédramatiser les enjeux

Miser sur l’autonomie et la motivation de l’étudiant, c’est lui laisser une liberté d’action qui nous échappe. L’étudiant va se centrer davantage sur la réussite du projet et perdre de vue l’objectif d’apprentissage. Nous avons dû dédramatiser l’enjeu en misant l’intérêt d’un apprentissage en situation pour l’acquisition de savoirs et non sur une obligation de résultat. De ce fait, le niveau de satisfaction du commanditaire sera entendu mais ne sera pas pour nous un moyen d’évaluation. Nous nous devrons donc d’évaluer les apprentissages au moyen de critères objectifs concernant l’organisation, le déroulement du projet et l’analyse critique, a posteriori, qu’en feront les étudiants.

Respecter le projet de chacun au sein d’un projet collectif

Dans l’apprentissage par projet, les étudiants apprennent en étant actifs et en gardant un lien avec le monde réel, ce qui leur permet « de nourrir la communication, la coopération, la créativité et la réflexion en profondeur (…) »(7).

Partant du principe que le rapport au savoir est une affaire personnelle, nous pouvons penser que chaque étudiant mettra ses compétences au service du projet mais aussi au bénéfice d’autres étudiants. De ce fait, il pourra acquérir lui-même de nouveaux savoirs à travers le partage de connaissances pour résoudre des situations complexes. L’organisation du projet d’éducation sera définie par les étudiants eux-mêmes en fonction des savoirs dont ils disposent et qu’ils souhaitent réinvestir, mais aussi des savoirs qu’ils espèrent acquérir. Il se peut même que l’étudiant peu investi dans l’activité du projet trouve à travers celui-ci matière à apprendre.

Les étudiants ont organisé les groupes de travail en toute autonomie. La répartition au sein des groupes est fondée sur le volontariat en fonction des choix de chacun. Les critères de choix n’ont pas été identifiés. Nous avons perçu, cependant, lors du déroulement du projet que certains avaient réinvesti dans leur fonction au sein de leur groupe des compétences déjà acquises.

FAVORISER L’APPRENTISSAGE

Entre collaboration et coopération

Nous savons que dans les travaux de groupe les étudiants se répartissent les tâches. Ils constituent des sous-groupes par affinité, par intérêt et/ou compétences pour une tâche. Nous avons respecté ce choix pour favoriser une collaboration et un engagement de chacun dans un groupe pour mener à bien la mission qu’il s’est choisie et dans laquelle il trouve un intérêt et du sens.

Cette collaboration, certes nécessaire, n’est pas suffisante : un projet doit être mené de façon collective. Une simple collaboration entre apprenants au sein d’un groupe, parce qu’elle n’offre pas à chacun une vue d’ensemble du déroulement du projet, n’optimise pas l’acquisition de savoirs. Dans la collaboration, les tâches sont certes partagées au sein du groupe, mais chaque groupe, dans la fonction qui lui est dévolue, poursuit l’objectif indépendamment des autres groupes. Faire aboutir un projet nécessite une mutualisation, une harmonisation, un « ajustement des activités en situation, en vue d’une action commune efficace »(8), en cohérence avec l’objectif final du projet. Il convient donc que s’instaure une coopération intergroupe.

Coopérer ne peut se faire qu’à partir du moment où chaque étudiant, dans chaque groupe, a conscience de l’objectif à atteindre et de sa propre responsabilité dans sa réussite. La coopération aura valeur d’apprentissage dans la mesure où elle mobilise des qualités de cohésion, de négociation, de rationalisation. Des temps institutionnels réguliers ont été planifiés et supervisés par les formateurs, et une adresse mail a été créée par les étudiants pour faciliter les échanges intergroupes. Chaque groupe d’étudiants a ainsi désigné un secrétaire, dont la mission est de réaliser une synthèse écrite de la progression du projet au service des autres groupes. Des temps de regroupements organisés ont favorisé les échanges et permis un ajustement des travaux en vue de l’objectif à atteindre. De même, cinq « référents de projet » ont été institués comme intermédiaires entre les étudiants et le commanditaire. Grâce à une vision large du projet, ils ont permis de réajuster l’activité du groupe, de gérer les impondérables et faire respecter les termes du contrat.

Guider et superviser

Accompagner, c’est pouvoir soutenir les élèves dans le développement de leur autonomie. « La démarche d’élaboration de projet ne peut pas être linéaire, elle témoigne de tous les reniements, de toutes les impasses que le sujet en train d’apprendre est obligé d’explorer, avant de reconstruire une cohérence explicative ou productive là où, jusqu’alors, il n’y avait que savoirs morcelés. »(9) La qualité de l’apprentissage se fonde sur la qualité de l’accompagnement des formateurs.

Le formateur doit également prendre en compte d’autres facteurs dans la réalisation du projet par les étudiants. Notamment, le fait qu’ils doivent rester concentrés sur la seule réalisation du projet dans la poursuite d’un objectif, et non sur une éventuelle compétition entre eux.

Pour formaliser les attentes, nous avons défini les objectifs du projet et fourni un guide méthodologique aux étudiants.

Nous avons proposé également des points d’étape formalisés pour :

• superviser le projet ;

• réajuster éventuellement le processus ;

• répondre aux questions ;

• aider à faire des liens théorie/ pratique ;

• valoriser et rassurer, tout en veillant à rester disponibles comme personnes ressources s’ils le jugeaient nécessaire, en dehors de ces temps formalisés.

La constitution d’un cahier de bord tenu par les étudiants a été un moyen pour nous de suivre le cours du projet et d’apprécier la contribution de chacun au sein de celui-ci.

Mobiliser des ressources et acquérir de nouveaux savoirs

Pour acquérir de nouveaux savoirs, il est nécessaire de passer par des moments d’apprentissage plus formels pour développer des compétences contextualisées. Ces apprentissages plus formels font partie de prérequis sous forme d’un enseignement plus traditionnel débuté au semestre 3, sur la démarche de projet, sur la démarche d’éducation thérapeutique et de promotion de la santé. Les étudiants ont également participé à l’organisation d’une activité éducative auprès d’une population de personnes âgées dans le cadre de la Semaine nationale des retraités et personnes âgées, dite « Semaine bleue ».

Ainsi, l’étudiant peut s’appuyer sur des savoirs pour construire son projet, développer son apprentissage et, ainsi, développer des compétences susceptibles d’être transférées dans d’autres situations de son futur exercice professionnel.

Cependant, les acquis individuels sont difficilement visibles. De ce fait, l’apprentissage par projet complexifie l’évaluation, d’autant que, selon Jacky Beillerot, « à partir de savoirs acquis, [le rapport au savoir de chacun] produit de nouveaux savoirs singuliers »(10). Les savoirs acquis, quels qu’ils soient, ne peuvent être que présumés ; peu de critères sont visibles et donc évaluables. Nous pouvons simplement dire qu’à travers cette expérience les étudiants ont pu bénéficier de tous les ingrédients qui permettent de construire des compétences. Mais, chacun, en fonction de ses prérequis, de sa motivation, de la confiance en soi, de ses besoins éducatifs, a investi le projet à sa façon et acquis des savoirs qui lui sont propres.

Pour répondre au référentiel de formation, nous avons instauré malgré tout des modalités d’évaluation prenant en compte les éléments qui, selon Guy Le Boterf, participent à la construction des compétences.

ÉVALUER L’ACQUISITION DE COMPÉTENCES

Guy Le Boterf considère trois types d’approche pour juger d’une compétence :

• s’assurer que l’activité soit conforme aux procédures apprises (ici la méthodologie de projet enseignée), pas dans la pure exécution de la procédure mais dans la pertinence avec laquelle on l’applique ;

• apprécier l’efficacité et la performance par rapport au résultat attendu ;

• chercher à repérer le « plus » adaptatif, la part de travail « réel » que chacun apporte au-delà du « prescrit », pour gérer les impondérables, assurer le bon déroulement du processus et la qualité du résultat.

Pour apprécier si les étudiants ont agi avec compétence nous avons souhaité évaluer chaque type d’approche.

• La compétence collective a été évaluée à travers la mise en œuvre du projet, de sa conception à sa réalisation, au moyen de critères observables. L’activité des étudiants, la qualité de la collaboration et de la coopération ont ainsi pu être mises en évidence :

– lors des échanges pendant les regroupements ;

– par l’étude du journal de bord tenu par les étudiants ;

– par le suivi des étudiants au cours des différentes étapes du projet jusqu’à sa réalisation.

• Comme nous nous y étions engagés, la qualité de la prestation à travers l’évaluation du résultat et la satisfaction des commanditaires n’ont pas été pris en compte pour une évaluation quantitative.

• La troisième approche étant difficilement évaluable, nous avons demandé à chaque étudiant une analyse critique argumentée du déroulement du projet et de son activité, ainsi que l’identification, au mieux, des savoirs acquis en référence aux critères du référentiel de formation. Nous avons tenu compte ainsi du « sentiment de compétence » de chaque étudiant. Nous espérions à travers la pertinence de l’analyse et de l’argumentation percevoir éventuellement le schème opératoire de chaque étudiant, donc la part de « travail réel » qu’il a fourni et qui a valeur de compétence. Nous avons ainsi posé une note individuelle en complément de la note de groupe.

ANALYSE CRITIQUE DU PROJET PéDAGOGIQUE

Le paradoxe de l’autonomie

La dynamique des groupes opérant de façon efficace, le formateur doit peu intervenir dans le processus d’apprentissage sous peine de censurer la motivation et limiter l’acquisition de compétences des étudiants. L’autonomie laissée aux étudiants n’a pas été suffisamment encadrée de notre part. Les temps de stage nous ont éloigné des étudiants, nous avons ainsi perdu de vue le déroulement du projet et celui-ci a débordé les limites fixées.

En autonomie, les étudiants se sont investis pour finaliser le projet et satisfaire le commanditaire, ainsi un contexte d’autonomie et de motivation mal maîtrisé de notre part a induit une implication chronophage pour les étudiants qui a débordé largement le temps imparti dans l’UE. Nous pouvons craindre que cette dérive productiviste se fasse au détriment de l’apprentissage. La logique d’une prestation réussie contredit paradoxalement la logique de formation.

Donner des moyens à ses ambitions

L’autonomie et la créativité vont de pair, et il est dommage de devoir les restreindre car elles sont pourvoyeuses de motivation et gages de performance. Nous avons souhaité mettre les étudiants en situation au plus près d’une réalité professionnelle, mais notre projet était certainement trop ambitieux dans les conditions du référentiel de formation : temps imposé notamment. Une mise en situation professionnelle demande la mobilisation d’une combinaison de connaissances et compétences ; il serait envisageable de réfléchir ce projet dans la transversalité de plusieurs UE.

Par ailleurs, avoir répondu à une proposition de partenariat avec un prestataire, inconnu pour nous et exigeant, a été source de difficulté. Nous avons dû intervenir régulièrement auprès de lui pour que soient respectés les termes du contrat, car les difficultés occasionnées pour les étudiants débordaient largement le cadre d’une situation d’apprentissage.

La parole aux apprenants

Après les incertitudes de départ, les étudiants témoignent de leur satisfaction voire de leur fierté à avoir mené à bien le projet éducatif. Ils ont surmonté ensemble les difficultés pour répondre à l’objectif fixé. Selon eux, l’expérience d’éducation vécue au semestre précédent leur a permis d’éviter certains écueils, ils ont su réinvestir les savoirs acquis dans cette nouvelle situation.

Le soutien des formateurs a été rassurant, ils ont pu ainsi profiter sans crainte de l’autonomie et de la confiance accordée pour s’autoriser des essais-erreurs.

Dans l’ensemble les étudiants estiment avoir mobilisé beaucoup de compétences déjà acquises mais découvert également des capacités et des qualités qu’ils ne se connaissaient pas. Ils ont, pour la plupart, retiré une grande satisfaction professionnelle et personnelle de cette expérience.

CONCLUSION

Le programme de la formation en soins infirmiers vise le développement de compétences professionnelles. La compétence s’acquiert en situation dans la capacité à agir avec compétence, c’est-à-dire en mobilisant et combinant de façon performante différentes ressources personnelles ou collectives : savoirs, savoir-faire, qualités, etc. Quoi de plus approprié que d’initier un processus de compétences dans un cadre professionnel ? Pour cela, notre intention pédagogique s’est orientée vers une méthodologie d’apprentissage par projet.

Il n’existe pas un seul bon modèle d’apprentissage, il n’existe que celui qui convient à chacun. Cependant inscrire une séquence d’apprentissage dans la réalité d’une profession qu’on s’est choisie peut être source de motivation et de découverte propice à l’acquisition de compétences. Ainsi une pédagogie de projet, parce qu’elle confronte l’étudiant à la complexité et à des aléas, lui permet de construire des « schèmes opératoires » transposables dans d’autres situations de l’exercice professionnel.

En tant que garants de la qualité de l’apprentissage, nous avons organisé les conditions apprenantes, soutenu et guidé les étudiants dans l’élaboration et la mise en œuvre d’un projet porteur de sens, permettant d’initier un processus d’acquisition de compétence.

La compétence n’est pas qu’une somme de savoirs à acquérir ; agir avec compétence relève de la capacité à mobiliser de façon efficiente les savoirs acquis en situation.

L’atteinte des objectifs du groupe ne présage pas des compétences individuelles, et ne nous a pas permis de mesurer de façon objective la qualité des apprentissages de chaque étudiant. Chaque étudiant est à même d’évaluer ses acquis, et pour répondre aux exigences d’une évaluation sommative, il aurait été intéressant qu’il puisse estimer lui-même, quantitativement, les savoirs et compétences que la démarche de projet lui a permis d’acquérir et de mobiliser.

À l’issue de cette expérience, il semble que la plupart des étudiants ont adhéré avec enthousiasme à cette approche pédagogique. L’appréhension de départ a laissé place à la fierté de la réussite et leur a permis de mesurer les savoirs acquis. « Ce projet a été une belle expérience collective qui nous a permis de gagner en maturité et en autonomie » ; il « a été formateur, les difficultés et les heures de travail fournies pour son aboutissement ont été source d’une immense satisfaction sur les plans professionnels comme personnels » (étudiants).

NOTES

(1) Jean Proulx, Apprentissage par projet, Sainte-Foy, Presses de l’Université du Québec, 2004, p. 10.

(2) Référentiel de formation, in : arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d’État d’infirmier, annexe III, Bulletin officiel Santé - Protection sociale – Solidarités n° 2009/7 du 15 août 2009, p. 275.

(3) Guy Le Boterf, « Évaluer les compétences. Quels jugements ? Quels critères ? Quelles instances ? » Éducation permanente n° 135/1998-2, p. 150.

(4) Jean Proulx, Apprentissage par projet, ibid., p. 31.

(5) Michel Develay, Donner du sens à l’école, Paris, Éditions ESF, 1996, p. 97.

(6) Bernard Charlot, Du rapport au savoir. Éléments pour une théorie, Paris, Anthropos, 1997.

(7) Brigid Barron, Linda Darling-Hammond, « Perspectives et défis des méthodes d’apprentissage par investigation », in : CERI (dir.), Comment apprend-on ? La recherche au service de la pratique, Paris, OCDE, 2010.

(8) Jean-François Marcel, Vincent Dupriez, Danièle Périsset-Bagnoud, Maurice Tardif (dir.), Coordonner, collaborer, coopérer. De nouvelles pratiques enseignantes, Bruxelles, De Boeck, 2007.

(9) Isabelle Bordalo, Jean-Paul Ginestet, Pour une pédagogie du projet, Paris, Hachette, 1993, 192 p.

(10) Beillerot Jacky (dir.), Pour une clinique du rapport au savoir, Paris, L’Harmattan, 1996

L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêt.

Constitution de 5 groupes

→ Groupe 1 : chargé de recueillir auprès des enfants leurs connaissances et leurs représentations sur les deux thèmes traités (les savoirs théoriques), ainsi que leurs habitudes de pratiques (savoir-faire). Le choix de la promotion se porte sur l’élaboration d’un questionnaire avec dépouillement des résultats.

→ Groupe 2 : chargé d’analyser les résultats du questionnaire.

→ Groupe 3 : chargé de définir les principaux besoins éducatifs ainsi que les priorités (formulation du diagnostic éducatif et des objectifs amenant aux actions éducatives à réaliser).

→ Groupe 4 : chargé de la création des outils éducatifs adaptés aux enfants.

→ Groupe 5 : chargé du temps d’éducation en face à face avec les enfants et de l’évaluation de l’efficacité des actions entreprises par le biais de la réalisation d’un questionnaire de satisfaction final.

Guide méthodologique non exhaustif

→ Recueillir auprès d’une population d’enfants :

• les éléments de connaissances et les représentations des enfants, relatifs aux notions d’hygiène des mains et d’hygiène buccodentaire ;

• les habitudes de pratiques de lavage des mains et de brossage des dents.

→ Cibler les principaux besoins éducatifs et définir les priorités.

→ Formuler le problème ou diagnostic éducatif.

→ Formuler des objectifs et des activités pour répondre aux besoins.

→ Organiser et coordonner des actions pour répondre aux principaux besoins éducatifs de la population concernée.

→ Utiliser des outils éducatifs adaptés à la population concernée.

→ Évaluer et rendre compte de l’efficacité des actions entreprises ainsi que la satisfaction des enfants.

→ Évaluer de façon qualitative et quantitative :

• les objectifs (critères indicateurs) ;

• le contexte (analyse de la situation) ;

• les ressources et les méthodes à utiliser ;

• le processus (déroulement des activités) ;

• les résultats de l’action (effets attendus, effets produits et résultats obtenus).

BIBLIOGRAPHIE

Jean-Pierre Boutinet, Anthropologie du projet, Paris, Presses universitaires de France, 2005.

Philippe Caillé, Un et un font trois, Paris, ESF, 1991.

Bernard Charlot, Élisabeth Bautier, Jean-Yves Rochex, École et savoir dans les banlieues… et ailleurs, Paris, A. Colin, 1992.

Catherine Reverdy, « Des projets pour mieux apprendre ? », Dossier d’actualité, IFE Veille et Analyses, n° 82, février 2013 (consulter sur : https://bit.ly/2kQgJH3).

Olivier Rey, « Le défi de l’évaluation des compétences », Dossier d’actualité, IFE Veille et Analyses, n° 76, juin 2012 (consulter sur : https://bit.ly/2sHv