Le respect du secret professionnel est inhérent aux pratiques soignantes, et concerne toutes les professions de santé. Par son implication dans le quotidien, le secret crée nombre de règles de détail, mais il est essentiel, pour comprendre et s’adapter au mieux à la diversité des situations, de toujours savoir le situer dans ses aspects fondamentaux. C’est l’objet de la première partie de cette étude. Dans une seconde partie, nous analyserons les problématiques posées, en cas de maltraitance, par la conciliation entre secret professionnel et dénonciation, ainsi que les relations avec la police et la justice.
La définition fondamentale du secret résulte de l’article 226-13 du Code pénal et, pour ce qui concerne les professions de santé, elle a été détaillée dans l’article L 110-4 du Code de la santé publique (CSP).
Parmi toutes les règles qui guident l’exercice des professions de santé, le secret professionnel s’impose d’emblée avec un statut à part car son régime est directement défini par le Code pénal. Le droit pénal impacte d’autres secteurs de l’exercice professionnel, de manière indirecte lorsqu’une faute a causé un dommage corporel, mais il n’existe pas de règle pénale pour définir les bonnes pratiques. Aussi, ce cadre pénal souligne l’importance du secret, pour chaque personne et pour la société.
La base est l’article 226-13 du Code pénal. Les procédures pénales pour violation du secret professionnel sont rares, mais interviennent tout de même régulièrement, et surtout les autres juridictions – civiles, administratives ou disciplinaires – font référence à la jurisprudence pénale de la Cour de cassation fondée sur ce texte. Que dit-il ?
« La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »
Le texte est succinct, mais il dit tout. Traitant du secret professionnel en général, et non de façon spécifique du monde de la santé, il explique que certaines personnes, du fait de leur profession ou de leur état, sont dépositaires d’informations secrètes et que, dès lors, la révélation intentionnelle de ces informations est une faute pénale. Le secret n’est pas un choix, résultant d’un comportement personnel du professionnel : c’est une donnée objective, qui s’impose à lui, du fait de la nature des informations reçues.
Dans une époque hantée par le spectre de l’insécurité juridique et polluée par la demande toujours plus pressante de réglementations, ce rappel d’une règle pénale qui dit tout en quelques mots et appelle à des constructions intelligentes est bienfaisant. Comme on le verra plus loin, le texte a été complété par d’autres, mais pour bien intégrer la logique du droit pénal, qui est centrale, il faut d’abord ajouter la jurisprudence. Une jurisprudence établie à une valeur proche de loi, de telle sorte qu’en réalité le régime du secret résulte de l’article 226-13 et de la jurisprudence ancienne de la Cour de cassation.
Cette jurisprudence de référence, c’est l’affaire Watelet, jugée par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 19 décembre 1885, avec ce principe : la protection du secret est générale et absolue, et c’est la condition de la confiance. L’affaire mentionne l’article 378 du Code pénal, soit le texte de l’ancien Code pénal, mais ce texte est resté substantiellement inchangé, ce qui donne une excellente assise à la jurisprudence.
Le docteur Watelet était en 1884 le médecin d’un peintre célèbre, Jules Bastien-Lepage qui, de notoriété, était affaibli par la maladie. Le docteur Watelet avait autorisé son patient à faire un voyage en Algérie, mais son état s’était aggravé et le peintre était décédé rapidement. Il s’était alors engagé une campagne de presse, fondée sur la rumeur et des interprétations, dégageant l’idée que le peintre était en réalité atteint d’une maladie vénérienne, que la prise en charge médicale avait été défectueuse et que le docteur Watelet avait envoyé son malade loin de la métropole en espérant une mort discrète. Face à cette campagne, qui atteignait la mémoire du peintre et l’honneur du médecin, le docteur Watelet avait riposté dans un article paru dans la presse en décembre 1884, en rétablissant les faits : le peintre était atteint d’un cancer des testicules et, sachant l’atteinte irréversible, le médecin avait autorisé ce voyage en Algérie. La famille avait approuvé cette publication, qui contrecarrait l’information assez infâmante de maladie vénérienne, et le médecin pouvait être satisfait d’avoir défendu l’honneur de son patient et le sien. Mais le procureur de la République a engagé des poursuites pénales pour violation du secret professionnel, et le médecin a été condamné par la Cour de cassation le 19 décembre 1885.
Le docteur Watelet soutenait qu’il n’avait pas révélé une confidence faite par son patient : il avait simplement indiqué le diagnostic, diagnostic qu’il avait lui-même établi. Par ailleurs, il n’avait aucune intention de nuire dès lors que, face à un débat public sur l’état de santé de son patient fondé sur de fausses informations, il avait voulu rétablir la vérité, et que la famille avait approuvé sa démarche.
Voici en réponse la motivation de la Cour de cassation, qui donne tout son sens à l’article 378, aujourd’hui 226-13 :
« Attendu que cette disposition est générale et absolue et qu’elle punit toute révélation du secret professionnel, sans qu’il soit nécessaire d’établir, à la charge du révélateur, l’intention de nuire ; que c’est là ce qui résulte, tant des termes de la prohibition que de l’esprit dans lequel elle a été conçue.
« Attendu qu’en imposant à certaines professions, sous une sanction pénale, l’obligation du secret comme un devoir de leur état, le législateur a entendu assurer la confiance qui s’impose dans l’exercice de certaines professions et garantir le repos des familles qui peuvent être amenées à révéler leurs secrets par suite de cette confiance nécessaire ; que ce but de sécurité ou de protection ne serait pas atteint si la loi se bornait à réprimer les révélations dues à la malveillance, en laissant toutes les autres impunies ; que ce délit existe dès lors que la révélation a été faite avec connaissance, indépendamment de toute intention spéciale de nuire. »
Cet arrêt de la Cour de cassation a autant de portée que le texte du Code pénal, et il s’en dégage les enseignements suivants :
• le secret est général et absolu ;
• le secret prohibe toute révélation, sans qu’il soit nécessaire d’établir l’intention de nuire ;
• l’obligation du secret est un devoir lié à l’état des professionnels ;
• la loi veut protéger la confiance nécessaire à l’exercice de certaines professions ;
• elle vise à garantir le repos des personnes qui peuvent être amenées à révéler leurs secrets dans le cadre de cette confiance nécessaire ;
• la loi punit toute révélation, indépendamment d’une intention de nuire.
En un mot, la protection du secret est générale et absolue, car c’est la condition de la confiance : pas de soin sans confidence, pas de confidence sans confiance, pas de confiance sans secret.
S’agissant des bases de la compréhension, il faut ajouter un autre texte ancien, avec la remarquable définition de l’article R. 4127-4 du CSP, issue du Code de déontologie médicale :
« Le secret professionnel, institué dans l’intérêt des patients, s’impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi.
« Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, c’est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris. »
Pour ce qui concerne spécifiquement la profession infirmière, la référence est assez pauvre, donnée par l’article R. 4312-5 du Code de déontologie infirmière :
« Le secret professionnel s’impose à tout infirmier, dans les conditions établies par la loi.
« L’infirmier instruit les personnes qui l’assistent de leurs obligations en matière de secret professionnel. »
En réalité, peu importe, car la loi et la jurisprudence l’emportent sur un décret, et c’est donc par rapport à la loi qu’il faut savoir raisonner. Il faudra toujours revenir à cette analyse fondamentale, qui est fondatrice et suffisante.
Pour les professionnels de santé, un texte explicite et bien rédigé est disponible, l’article L. 1110-4 du CSP, la dernière modification résultant de l’ordonnance n° 2017-31 du 12 janvier 2017.
L’article L. 1110-4 du CSP s’ouvre par une définition :
« I. - Toute personne prise en charge par un professionnel de santé, un établissement ou service, un professionnel ou organisme concourant à la prévention ou aux soins dont les conditions d’exercice ou les activités sont régies par le présent code, le service de santé des armées, un professionnel du secteur médico-social ou social ou un établissement ou service social et médico-social mentionné au I de l’article L. 312-1 du Code de l’action sociale et des familles a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant.
« Excepté dans les cas de dérogation expressément prévus par la loi, ce secret couvre l’ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance du professionnel, de tout membre du personnel de ces établissements, services ou organismes et de toute autre personne en relation, de par ses activités, avec ces établissements ou organismes. Il s’impose à tous les professionnels intervenant dans le système de santé. »
Sur le plan juridique, le bon angle pour comprendre le secret est de le considérer comme un droit des patients, ce qui est la formule du premier alinéa de ce texte : « Toute personne prise en charge (…) a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant », et ce droit est placé au juste niveau, c’est-à-dire comme nécessaire à la protection de l’intimité de la vie privée.
Ensuite le texte ne s’enferme pas dans un secret « médical ». Ce droit du patient concerne les professionnels de santé, les établissements de santé, et les professionnels du secteur médico-social ou social. Bref, résume la loi, il s’impose « à tous les professionnels intervenant dans le système de santé ».
Enfin vient l’essentiel : le secret « couvre l’ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance du professionnel ». Il s’agit des informations qui concernent l’état de santé mais aussi l’identité et l’existence de la prise en charge. Le secret couvre tout ce qui est parvenu à la connaissance du professionnel à l’occasion de sa profession, et rien ne permet de faire de distinction entre le volet médical, c’est-à-dire le diagnostic et la thérapie, et le volet administratif, c’est-à-dire l’identité ou l’adresse, de même que rien ne permet de faire la différence entre des confidences essentielles et des renseignements plus anodins. Le secret concerne tout ce que le professionnel de santé a entendu, vu, lu, appris, compris ou déduit, du fait de son état professionnel.
Dans une affaire jugée le 17 juin 2015 (n° 385924), le Conseil d’État a rappelé l’ampleur du secret, cette charge liée à l’état professionnel et non pas au fait d’être le thérapeute de la personne. Marquée par l’annonce d’un mauvais diagnostic, une femme s’était rendue au cabinet d’un couple de médecins qu’elle connaissait, pour consulter l’épouse. Elle était arrivée bouleversée, et avait fait certaines confidences à l’époux, lui-même médecin mais qui n’était pas son thérapeute. Impressionné par le diagnostic, celui-ci s’était ensuite permis d’aviser l’ancien compagnon de la patiente, en estimant qu’il le faisait sur un plan strictement amical car il n’était pas le médecin traitant. Le Conseil d’État a jugé qu’agissant ainsi, il avait violé le secret médical :
« Ni les relations amicales anciennes nouées par le passé entre Mme B. et le Dr C., ni les circonstances dans lesquelles il a été amené à recueillir ses confidences avant la consultation de son épouse dans leur cabinet médical commun ne sont détachables de l’exercice de sa part de la profession médicale ; que, même s’il n’a procédé à aucun examen de la patiente et n’assurait pas son suivi médical comme médecin traitant, les faits qui lui ont été confiés lors de cet entretien étaient couverts par le secret professionnel et ne devaient, alors même qu’il ne justifiait d’aucune dérogation légale en la matière, être divulgués à un tiers. (…) En révélant ces informations à un tiers, le médecin a méconnu l’obligation de secret instituée par les dispositions des articles L. 1110-4 et R. 4127-4 du Code de la santé publique. »
En définitive, il faut toujours revenir aux enseignements de l’arrêt Watelet : le secret est général et absolu, et tout patient doit avoir la certitude qu’il peut faire confiance aux professionnels de santé pour exprimer des confidences, et compter sur leur discrétion absolue.
L’article L. 1110-4 dispose :
« II. - Un professionnel peut échanger avec un ou plusieurs professionnels identifiés des informations relatives à une même personne prise en charge, à condition qu’ils participent tous à sa prise en charge et que ces informations soient strictement nécessaires à la coordination ou à la continuité des soins, à la prévention ou à son suivi médico-social et social.
« III. - Lorsque ces professionnels appartiennent à la même équipe de soins, au sens de l’article L. 1110-12, ils peuvent partager les informations concernant une même personne qui sont strictement nécessaires à la coordination ou à la continuité des soins ou à son suivi médico-social et social. Ces informations sont réputées confiées par la personne à l’ensemble de l’équipe.
« Le partage, entre des professionnels ne faisant pas partie de la même équipe de soins, d’informations nécessaires à la prise en charge d’une personne requiert son consentement préalable, recueilli par tout moyen, y compris de façon dématérialisée, dans des conditions définies par décret pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
« IV. - La personne est dûment informée de son droit d’exercer une opposition à l’échange et au partage d’informations la concernant. Elle peut exercer ce droit à tout moment. »
Ici commencent les choses complexes. Le secret professionnel est « général et absolu »… mais il est indispensable de partager ces informations pour permettre les prises en charge. Alors comment faire ?
Sur un plan méthodologique, le secret étant défini par la loi, il ne peut y avoir de dérogation que dans les conditions prévues par la loi. Notamment, il existe une série de dérogations législatives expresses, pour les déclarations de naissance, de décès, certains certificats, pour certaines pathologies dans des registres particuliers vu les enjeux de santé… Cette question concerne essentiellement les médecins, et elle ne pose pas de difficultés car il suffit de se référer à la liste des dérogations législatives.
S’agissant du secret partagé, on trouve le même schéma, à savoir le respect du cadre posé par les paragraphes II et III de cet article L. 1110-4 du CSP. Sur le plan pratique, cela signifie qu’il n’existe de secret partagé que parce que la loi l’autorise, et dans les conditions où la loi l’autorise. Ainsi, il n’existe aucune règle de partage général du secret entre les professionnels. Le partage du secret est concevable entre les professionnels qui participent à la prise en charge dans la mesure stricte où ce partage est nécessaire, et après l’accord du patient.
Le paragraphe III prévoit une disposition pour le travail en équipe, en énonçant que les informations sont réputées confiées par la personne à l’ensemble de l’équipe. C’est une règle de bon sens : le patient qui s’adresse à un membre de l’équipe est réputé avoir donné son accord pour que cette information soit partagée par l’ensemble de l’équipe du service. Mais cette règle est juste une présomption. Ainsi, dans la vie courante, la présomption de partage joue, mais on peut très bien concevoir que le patient ait pu délivrer à tel ou tel professionnel des confidences spécifiques, qui n’ont pas d’impact immédiat sur la prise en charge, ou qui n’ont pas à être partagées. Dans ces conditions, la présomption de partage ne joue plus, et le professionnel de santé doit garder cette confidence secrète. S’il a un doute, il doit, de manière anonyme, en référer à des collègues, à un cadre de santé, à un médecin ou au Conseil de l’Ordre, pour avoir un avis et décider ensuite en conscience de la meilleure application de la loi.
La concrétisation la plus simple de ce partage du secret est la tenue du dossier du patient au sein du service : la présomption de partage des informations joue dans la sérénité.
Pour le reste, le débat a ressurgi car le législateur a adopté une conception extensive de l’équipe avec le nouvel article L. 1110-12, issu de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016, complétée par le décret n° 2016-994 du 20 juillet 2016, et qui dispose :
« Pour l’application du présent titre, l’équipe de soins est un ensemble de professionnels qui participent directement au profit d’un même patient à la réalisation d’un acte diagnostique, thérapeutique, de compensation du handicap, de soulagement de la douleur ou de prévention de perte d’autonomie, ou aux actions nécessaires à la coordination de plusieurs de ces actes, et qui :
« 1° Soit exercent dans le même établissement de santé, au sein du service de santé des armées, dans le même établissement ou service social ou médico-social mentionné au I de l’article L. 312-1 du Code de l’action sociale et des familles ou dans le cadre d’une structure de coopération, d’exercice partagé ou de coordination sanitaire ou médico-sociale figurant sur une liste fixée par décret ;
« 2° Soit se sont vu reconnaître la qualité de membre de l’équipe de soins par le patient qui s’adresse à eux pour la réalisation des consultations et des actes prescrits par un médecin auquel il a confié sa prise en charge ;
« 3° Soit exercent dans un ensemble, comprenant au moins un professionnel de santé, présentant une organisation formalisée et des pratiques conformes à un cahier des charges fixé par un arrêté du ministre chargé de la Santé. »
Cette définition a fait bondir le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) qui, en février 2017, a publié les recommandations suivantes : « Échanges et partage d’informations au sein de l’équipe de soins prenant en charge une personne »
Après une étude fouillée, le CNOM a formulé six recommandations, qu’il faut qualifier de haute pertinence.
1 Ne peuvent être mises en partage que les seules informations formalisées, au même titre que ce qui est prévu pour la communication du dossier médical.
2 Sont mises en partage entre tous les professionnels de santé membres de l’équipe de soins, sauf opposition du patient, toutes les informations formalisées contenues dans son dossier.
3 Le paramétrage informatique des accès aux bases où sont contenus les dossiers doit permettre de sélectionner les informations formalisées inscrites dans le dossier qui sont rendues accessibles aux non-professionnels de santé afin qu’ils puissent accomplir leurs missions. Si les données auxquelles ils ont ainsi accès leur paraissent insuffisantes, les autres communications pourront leur être transmises par la voie des échanges sous la responsabilité du médecin ou du professionnel de santé qui les détient.
4 La connaissance de ses droits par le patient suppose que l’information lui ait été donnée de manière générale par une communication publique et des dispositifs d’affichage du même type que ceux qui l’informent du traitement informatisé des dossiers. Le médecin, comme tous les autres professionnels de santé membres de l’équipe de soins, doit demander au patient s’il a bien pris connaissance des informations générales qui lui ont été données et s’il n’a pas d’observation à lui faire.
5 Pour ce qui concerne les professionnels de santé, cette information leur est délivrée régulièrement par la communication des ordres professionnels aux tableaux desquels ils sont inscrits, quels que soient leur statut et secteur d’activités. Pour ce qui concerne les autres professionnels, ils en sont informés par l’organisme de tutelle auquel ils se rattachent.
6 L’accès aux informations qui peuvent être partagées dans les dossiers doit être informatiquement identifié, horodaté et tracé avec conservation des traces dans le système informatique. Cela suppose qu’un moyen d’authentification du professionnel ayant accédé au dossier soit possible, soit par une carte à puce, soit par un moyen donnant les mêmes garanties. L’utilisation d’un identifiant/mot de passe impose que le mot de passe soit créé par le professionnel sous son identité et qu’il change ce mot de passe de façon régulière. Un des membres de l’équipe de soin doit être identifié comme l’interlocuteur du responsable de la sécurité du système d’information dans lequel les membres de l’équipe de soins sont identifiés.
L’article L. 1110-4 poursuit :
« V. - Le fait d’obtenir ou de tenter d’obtenir la communication de ces informations en violation du présent article est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
« En cas de diagnostic ou de pronostic grave, le secret médical ne s’oppose pas à ce que la famille, les proches de la personne malade ou la personne de confiance définie à l’article L. 1111-6 reçoivent les informations nécessaires destinées à leur permettre d’apporter un soutien direct à celle-ci, sauf opposition de sa part. Seul un médecin est habilité à délivrer, ou à faire délivrer sous sa responsabilité, ces informations.
« Le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès. Toutefois, en cas de décès d’une personne mineure, les titulaires de l’autorité parentale conservent leur droit d’accès à la totalité des informations médicales la concernant, à l’exception des éléments relatifs aux décisions médicales pour lesquelles la personne mineure, le cas échéant, s’est opposée à l’obtention de leur consentement dans les conditions définies aux articles L. 1111-5 et L. 1111-5-1. »
Le texte de loi reprend une disposition déontologique ancienne : en cas de diagnostic ou de pronostic grave, des informations permettant d’apporter un soutien au patient peuvent être confiées aux proches de la personne malade ou à la personne de confiance, sauf opposition de la part du malade, et ce d’une manière organisée par le médecin. La loi ne limite pas à la notion de famille et retient celle de « proches », ce qui suppose une appréciation tout en nuance de la part de l’équipe médicale. Si le patient le souhaite, un proche peut assister aux entretiens, et les professionnels de santé respecteront cette volonté du partage de l’information.
Comme le rappellent les dernières dispositions du paragraphe V, le secret est également dû aux mineurs. Un mineur doit identifier le professionnel de santé comme un confident qui ne révélera pas à ses parents les secrets qu’il lui a confiés. Le praticien va certes encourager le mineur à échanger avec ses parents, quitte à préserver une part de secret, mais en définitive le secret s’impose, sous la seule réserve qu’il ne traduise pas une situation de danger pour l’enfant, amenant à mettre en œuvre les mécanismes de protection de l’enfance. La loi, avec l’article L. 1115-1 du CSP, a consacré le consentement du mineur pour s’opposer à la transmission de l’information et donner lui-même le consentement aux soins :
« Toutefois, le médecin doit dans un premier temps s’efforcer d’obtenir le consentement du mineur à cette consultation. Dans le cas où le mineur maintient son opposition, le médecin peut mettre en œuvre le traitement ou l’intervention. Dans ce cas, le mineur se fait accompagner d’une personne majeure de son choix. »
La problématique « VIH » a souligné l’acuité du conflit entre le droit à la confidentialité et la protection des partenaires, mais les principes sont solides et de bon sens. Dès 1992, le CNOM a formulé les recommandations suivante
• dès lors qu’elle est faite à un proche ou à un tiers par la personne séropositive, mise en face de ses responsabilités, la révélation ne pose pas de problème juridique en matière de secret ;
• lors de cette révélation au partenaire, par celui qui est séropositif, le médecin peut, selon la déontologie traditionnelle, assister à l’entretien à la demande des intéressés et leur donner les éclaircissements et conseils utiles en la circonstance ;
• la loi n’autorise pas le médecin à révéler au partenaire du patient séropositif le danger que lui fait courir le comportement de ce dernier si celui-ci s’oppose obstinément à toute révélation ; il lui faudrait d’ailleurs une certaine naïveté pour prétendre connaître le ou les partenaires exposés.
La notion du secret général et absolu peut être mise à mal par le décès, du fait de la volonté des proches de connaître les causes de la mort. La loi rappelle d’abord que le patient peut, de son vivant, prendre des dispositions pour s’opposer à toute transmission d’informations, ou pour limiter cette information. À défaut, des informations concernant une personne décédée peuvent être délivrées à ses ayants droit, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt, ou de faire valoir leurs droits. Seules les informations « nécessaires » peuvent être révélées (Conseil d’État, 26 septembre 2005, n° 270234). Les ayants droit sont la proche famille ou le concubin et, en cas de doute, c’est le juge qui tranchera.
(1) « Échanges et partage d’informations au sein de l’équipe de soins prenant en charge une personne », Recommandations du Conseil national de l’Ordre des médecins, rapport adopté lors de la session du Conseil national de l’Ordre des médecins de février 2017 (consulter sur https://bit.ly/2JJuvWO).
(2) Bulletin de l’Ordre des médecins, décembre 1992.