“On essaie de faire de notre mieux pour que tout aille bien” - Objectif Soins & Management n° 265 du 01/10/2018 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 265 du 01/10/2018

 

AU SÉNÉGAL

DOSSIER

Adja Gueye*   Pascale Thibault**  


*Cadre au Centre hospistalier de Dakar.

Adja Gueye est cadre du service d’oncohématologie pédiatrique du Centre hospitalier de Dakar (Sénégal). Adja Gueye est âgée de 30 ans à peine, sage-femme de formation, elle est cadre de ce service depuis 2011. Elle a accepté de nous accueillir et de nous parler de sa fonction.

L’UNITÉ D’ONCOHÉMATOLOGIE

Fait partie du service de pédiatrie. Elle comprend de 19 à 22 lits, et 6 berceaux. Les enfants y sont accueillis de la naissance à l’âge de 18 ans, voire plus lorsqu’ils sont suivis dans le service depuis longtemps. Ils sont originaires du Sénégal, mais aussi de pays limitrophes. Le service dispose également d’un service de traitement en ambulatoire.

Les familles sont toujours présentes auprès des enfants. Le plus souvent un seul accompagnant reste auprès de l’enfant malade. Mais lorsqu’ils viennent de loin, et qu’ils n’ont pas de famille d’accueil sur Dakar, il peut arriver que plusieurs membres de la famille de l’enfant soient accueillis dans le service. Il n’existe pas d’hébergement type maison des parents pour les loger.

Les familles assurent les soins quotidiens des enfants : toilette, changes, jeux, administration des médicaments qui ne sont pas délivrés par le service, gestion des repas. Il existe une cuisine centrale qui assure les repas, néanmoins, certains parents préfèrent les réaliser eux-mêmes.

Le service travaille peu avec les services extérieurs à l’établissement. Il n’existe pas de service d’Hospitalisation à Domicile susceptible de prendre ces enfants en charge. Lorsque leur état et l’administration des traitements le permettent, les enfants peuvent être orientés vers des hôpitaux périphériques, pour une durée brève. Les médecins privés ne soignent pas les enfants atteints de cancer.

L’ÉQUIPE ET SON FONCTIONNEMENT

Le personnel infirmier est composé de 4 Infirmiers titulaires, 3 infirmiers dits prestataires, 2 infirmiers stagiaires embauchés pour une durée de 3 à 6 mois. Ce sont des infirmiers déjà diplômés, en contrat avec l’hôpital. Les infirmiers diplômés d’État sont responsables d’équipe sous la responsabilité du cadre de proximité. Dans ce service, l’équipe paramédicale, comme l’équipe médicale est majoritairement féminine (2 onco-pédiatres parmi les 3 médecins de l’unité sont des femmes), alors que le métier d’infirmier au Sénégal est très majoritairement masculin.

Au Sénégal, le personnel infirmier est formé sur deux niveaux : l’infirmier diplômé d’État pour lequel la durée des études est de trois ans, l’infirmier titulaire d’un Brevet d’infirmier dont les études durent 2 ans, aussi appelé “assistant-infirmier”.

Chaque infirmier effectue 40 h par semaine plus 24 h de permanence pendant les week-ends et les jours fériés, une à deux fois par mois. Ces permanences s’ajoutent aux horaires de semaine.

Les horaires de jour sont, le matin de 8 h à 16 h, l’après-midi de 14 h à 20 h, l’horaire de nuit est de 20 h à 8 h. Tous les personnels assurent l’ensemble de ces horaires. Les rotations Jour/Nuit se font tous les trois à quatre mois, de préférence en accord avec le personnel sur le principe du volontariat, sinon par tirage au sort.

Adja Gueye souligne que l’équipe d’infirmiers de l’unité d’oncohématologie constitue un groupe soudé, tous parlent le même langage et ne posent pas de problème spécifique.

Les plaintes des soignants portent sur le déficit de personnel, qui représente le premier souci. Ce déficit entraîne de la fatigue, entame le droit à la pause. Lorsque la pause n’est pas possible, le travail se déroule en continu et une réorganisation interne concernant la distribution des tâches incombe au cadre de proximité.

La seconde cause de plainte est l’insuffisance de matériel, en particulier les consommables. Vient ensuite le manque d’espace à la fois pour les malades et leurs accompagnants et pour les professionnels.

Concernant les difficultés en lien avec la spécificité des soins, les soignants ont bénéficié de formations particulières comme par exemple l’utilisation des moyens non médicamenteux de soulagement de la douleur. Ceci leur est très utile, en particulier quand la morphine n’est pas disponible.

Adja Gueye précise que le travail quotidien est pesant sur le plan psychologique et affectif, mais les groupes de paroles organisés par la psychologue aident particulièrement les soignants à surmonter ces difficultés.

ACCÈS AUX FONCTIONS D’ENCADREMENT

Pour être cadre au Sénégal, il faut être sage-femme ou infirmière diplômée d’Etat. Ces deux formations s’effectuent sur une durée de trois ans. C’est ensuite l’ancienneté qui le plus souvent promeut le professionnel aux fonctions d’encadrement. Il existe une formation, de nature plutôt administrative, mais elle n’est pas obligatoire pour exercer en qualité de cadre.

Adja Gueye pourra peut-être un jour devenir major, mais elle précise que pour cela, il est nécessaire que l’unité soit reconnue comme service.

LES RESPONSABILITÉS DU CADRE

Au quotidien, Adja Gueye est responsable du personnel paramédical. Son rôle consiste en :

• l’organisation du travail de l’équipe, la distribution des tâches ; -la coordination du travail des infirmières et infirmiers chargés des soins ;

• l’évaluation du travail effectué à chaque rotation : Adja assure le contrôle sur les soins, l’administration des médicaments, les résultats d’examens ;

• l’identification des points forts et des points faibles à la fois des personnels et du fonctionnement de l’équipe. Elle peut, de ce fait, être amenée à modifier la composition des équipes lorsque les personnels présentent des signes d’incompatibilité pour assurer correctement le travail ;

• la gestion des commandes de médicaments et de matériels en accord avec les médecins en fonction des besoins des patients. Le cadre d’unité n’a pas de regard sur le budget que ce soit pour les médicaments ou le matériel ;

• la formation et l’encadrement des stagiaires, qui sont en partie délégués aux infirmiers diplômés d’Etat, qui connaissent leurs limites dans ce domaine ;

• l’identification des besoins de formation des équipes. Les formations peuvent ensuite être développées en interne, d’autres impliquent un déplacement des personnels. Elles se font alors le plus souvent au Maroc, pays proche géographiquement, parfois en France, le service étant en relation constante avec les services similaires dans ce pays ;

• elle assure également la surveillance du secteur d’hospitalisation ambulatoire, et en facilite l’organisation en préparant les dossiers la veille.

Le recrutement du personnel se fait au niveau de l’administration, le cadre de proximité n’intervient pas dans ce domaine. Éventuellement la major du service peut communiquer les attentes et besoins spécifiques pour un service au service chargé du recrutement.

LA HIÉRARCHIE DU CADRE HOSPITALIER

En premier lieu le cadre de proximité ou coordonnateur des soins dépend de la major du service, elle-même paramédicale qui dépend des médecins et du professeur qui dirige le service.

De ce fait, les cadres dépendent d’une double hiérarchie, paramédicale et médicale. Mais lorsque le cadre de proximité à des choses à clarifier, il ou elle passe en premier lieu par la major.

Pour résumer sa fonction, Adja Gueye nous dit en tant que cadre « on essaie de faire de notre mieux pour que tout aille bien ».

Le système de santé au Sénégal

Au Sénégal, l’article 14 de la Constitution stipule que « l’État et les collectivités publiques ont le devoir social de veiller à la santé physique, morale et mentale de la famille ».

L’état a ratifié les textes internationaux : Déclaration universelle des Droits de l’Homme, la Charte de l’OUA et la convention des Droits de l’Enfant.

Dans le domaine de la Santé, les responsabilités sont réparties sur 3 échelons :

• 50 échelons périphériques répartis sur l’ensemble du territoire, chacun correspondant à un district. Chaque district est dirigé par un médecin et constitue une zone opérationnelle,

• 14 échelons régionaux, un par région administrative

• L’échelon central qui correspond au Ministère de la santé et aux services qui lui sont rattachés, où sont décidées les orientations en matière de santé.

Population estimée à 15 M d’habitants, dont 54 % a moins de 20 ans, l’espérance de vie à la naissance est estimée à 65 ans ; le taux d’analphabétisation atteint près de 58 %. Les principaux problèmes de santé sont : VIH/sida, paludisme, tuberculose, pathologies tropicales, mesures d’hygiène, difficultés d’accès à l’eau, mortalité infantile 7,5 pour 1 000 naissances.

Les infirmiers sont au nombre de 4 100 pour 1 800 médecins (source www.cippf.org consulté le 1/10/18). Les titulaires du diplôme d’État d’infirmier sont susceptibles d’accéder à tous les niveaux du système de santé.

Le système de santé du Sénégal représente un secteur important de la vie économique.

Source Ministère de la Santé Sénégalais 2http://www.sante.gouv.sn/politique-de-sante/pyramide-de-sant%C3%A9 consulté le 9 août 2018