Didier Hoeltgen Le directeur général du CHU Clermont-Ferrand n’est pas un adepte de la langue de bois. Ancien psychologue des hôpitaux, syndicaliste et militant associatif et personne engagée, il défend un service public de qualité, au sein duquel chacun doit faire face à ses responsabilités. Et savoir, aussi, se remettre en cause.
Le CV de Didier Hoeltgen en dit long sur son goût de l’engagement. Hospitalier depuis 1980 - il commence sa vie professionnelle comme psychologue des hôpitaux au CHS Valvert (13). Diplômé de l’École nationale de santé publique en 1987, il a effectué ensuite sa carrière au sein de la direction de nombreux établissements :
• directeur de la formation des personnels infirmiers du SIRIF Ile-de-France;
• directeur adjoint en charge des finances et des affaires générales du CH Louise Michel d’Evry (91), puis du CH Evry Corbeil, avant la création du CH Sud Francilien (entériné avec la fusion du CH d’Evry et d’Yerres), où il conservera le même portefeuille ;
• directeur adjoint du CH intercommunal de Villeneuve Saint-Georges (94), en charge du projet d’établissement, des investissements et des travaux, il en deviendra directeur en 2008 ;
• entre temps, (2004-2008) il devient directeur au CH de Guéret (23) ;
• en janvier 2017 et jusqu’à aujourd’hui, il est nommé, par décret du Président de la République, Directeur général du CHU de Clermont-Ferrand (63).
Parallèlement, Didier Hoeltgen s’est de tout temps investi dans la fédération hospitalière, la coopération, la politique et le syndicalisme. Cet hyperactif devient élu municipal dès 1995 à Evry, dont il sera l’adjoint au Maire aux sports et à la santé pour plusieurs mandats. Il s’occupe des questions de politiques de la ville lors du renouvellement de son mandat. En 2011, il est élu conseiller général de l’Essonne et devient viceprésident du Département. Aujourd’hui, il conserve un poste d’élu municipal d’opposition à Vigneux-sur-Seine. Très investi dans le milieu de la santé, il a enchaîné les mandats: membre du conseil supérieur de la Fonction Publique Hospitalière (FPH), délégué départemental (94) de la Fédération Hospitalière de France (FHF), président du Comité départemental d’éducation pour la santé (CODES 91) et président de l’Institut régional d’éducation et de promotion à la santé (IREPS). En 2014, il devient membre de la Conférence régionale de Santé et de l’Autonomie (CRSA), vice-président de la Conférence de territoire et de la Conférence Nationale des Directeurs de Centres hospitaliers (CNDCH).
En 2016, il est élu Secrétaire Général du syndicat CH-FO cadres. Il est depuis par ce mandat syndical, membre du conseil d’administration du CNG, de I’EHESP, du comité de suivi ministériel de la réforme des GHT et de la FHF. Entre autres !
« J’ai un portrait d’engagé et d’élu, mais je suis d’abord et avant tout un hospitalier, aime à rappeler Didier Hoeltgen. C’est mon ADN » Ce qui l’anime ? Le service public. « Il m’est chevillé au corps ! L’hôpital est, selon moi, un rouage essentiel du territoire, notamment sur la question de l’emploi. L’accès aux soins est un édifice républicain. C’est encore un secteur où la République répond de façon presque régalienne. On y accède avec une relative non-discrimination, quelles que soient ses origines et ses religions. »
La fonction de directeur d’établissement lui est aussi chère : « C’est un métier passionnant, fait d’une complexité que peu de gens connaissent, y compris parmi les autorités. Il touche à l’humain, l’organisation du travail, la stratégie, l’économie… » Seul bémol, la reconnaissance salariale : « Les directeurs d’hôpitaux sont sur le pont nuit et jour. Les Directeurs Généraux de CHU sont nommés par décret du Président de la République, ce qui veut dire que la République les considère… pourtant nous sommes peu reconnus, au regard de nos responsabilités. »
Sur le terrain, ses priorités sont « dictées par les orientations gouvernementales » et il défend par-dessus tout la préservation de l’accès aux soins, la non-discrimination des patients, et l’aménagement du territoire. À ce titre, il se réjouit que le Plan Santé de la Ministre Agnès Buzyn ne touche pas à l’organisation des hôpitaux de proximité. « Sur notre territoire, l’Auvergne, grand comme une ex-région, l’hôpital local et les soins locaux constituent une vraie question. » En revanche, il revendique plus de moyens - « investir c’est l’avenir ! Sans recherche, sans robot, ni IRM, quels soins pourrons-nous offrir ? Même si la reconquête des équilibres financiers est importante pour maintenir le système de soins viable, la T2A a permis de faire valoir que l’hôpital public travaillait beaucoup. En revanche, il ne doit pas être conditionné uniquement par la rentabilité de cette tarification, estime Didier Hoeltgen. Notre ministre dit qu’il faut plus d’humanité à l’hôpital. J’en suis convaincu, mais cela est difficile quand on n’arrive plus à dormir faute de moyens… »
Quant à la question du malaise des cadres de santé… elle n’a, selon lui, rien de passager. « Ils sont à l’articulation entre une logique budgétaire, de soins, d’organisation et humaine : c’est difficile. Je pense qu’on ne leur a pas donné les outils suffisants pour mener à bien cette mission, et qu’on leur en demande beaucoup trop. Il est essentiel que cette profession se transforme en avançant, pour être au centre d’une nouvelle dynamique. C’est aussi à eux de se prendre en mains sur ce plan… Ce qui les aiderait, c’est d’avoir une formation plurielle, de sortir de leur bulle en travaillant dans plusieurs établissements, pour gagner en polyvalence. Il me semble que chaque projet professionnel ne devrait pas dépasser 5 ans. »
Parfait iconoclaste et persuadé que la connaissance de l’autre est essentielle au respect des différentes familles qui constituent l’hôpital et à la bonne marche du système, Didier Hoeltgen a commencé sa mission à la tête du CHU de Clermont-Ferrand par une rencontre avec l’ensemble de ses cadres : « les discussions avec les cadres supérieurs ont eu lieu en 2017, place aujourd’hui aux échanges avec les cadres de proximité. » À l’issue de ces rencontres, il sera en mesure d’écrire un projet social qu’il veut être cohérent avec les attentes et la situation des cadres. « Je ne crois pas à la logique métier, mais à la logique de fonctions et de missions et donc de de statut, dans l’intérêt général des établissements de santé. Or, cela est compliqué car dans les IFSI, la logique métier est prévalente. Pourtant, un patient doit être pris en charge de manière globale, ce qui nécessite plus de compréhension pluridisciplinaire : la blanchisserie est un maillon aussi essentiel que le soin. Il faut donc sortir d’une logique de maillon pour adopter une logique de chaine hospitalière, d’union. »
Ce raisonnement, Didier Hoeltgen l’entend aussi à un niveau macro, gage d’une bonne articulation entre les CHU et les hôpitaux de proximité. « L’articulation entre les différentes entités demande de la transversalité, de l’ingénierie de recherche pour connecter le patient et que les soignants soient en lien. Trouver du sens : c’est peut-être ça, la qualité de demain. »