Une gestion soutenue par les évidences scientifiques infirmières - Objectif Soins & Management n° 265 du 01/10/2018 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 265 du 01/10/2018

 

EN SUISSE

DOSSIER

Arnaud Zufferey  

Infirmier chef de service
au Centre hospitalier
universitaire Vaudois(CHUV)
pour les services de
cardiologie et de chirurgie
cardiaque. Gestion de
110 etp de personnel
représentant environ
140 personnes.

Infirmier chef de service au CHUV, à Lausanne, Arnaud Zufferey propose un zoom sur les spécificités de la fonction de cadre infirmier dans son contexte. Fortement influencé par l’approche scientifique de la gestion des services infirmiers, il place un focus sur l’utilisation des connaissances dans sa pratique de tous les jours.

QUELLE FORMATION, QUELS DIPLÔMES ?

Pour un cadre supérieur de santé en Suisse, un diplôme universitaire en gestion des services de santé est une base. Actuellement, la tendance va vers une formation universitaire de niveau 2 (master es sciences).

À titre personnel, j’ai réalisé une maîtrise en sciences infirmières à l’université de Montréal. Mes études post grades ont duré deux ans, je suis titulaire d’une maîtrise es sciences en sciences infirmières option administration des services infirmiers. Ce type d’exigence permet aux cadres supérieurs d’utiliser facilement des modèles d’organisation de soins novateurs, performants et surtout éprouvés par des modèles scientifiques solides.

L’autre grand avantage d’être formé à ce niveau, c’est le fait que la discussion autour des projets cliniques proposés par les infirmières cliniciennes spécialisées formés à un haut niveau universitaire (Msc) se déroule d’égal à égal. La compréhension est rapide et les projets peuvent s’enrichir de cette synergie entre la vision scientifique clinique et la vision scientifique de gestion. Cette compréhension mutuelle est une immen se plus-value pour la clinique.

DESCRIPTION PRISE DE FONCTION

Ma prise de fonction fut plutôt très agréable et progressive.

D’une part l’accueil dans l’institution est très structuré, avec une semaine d’intégration réalisée sous forme de cours théoriques et pratiques par une structure centralisée issue du centre de formation de l’institution.

D’autre part, il faut relever que mon prédécesseur m’a accompagné pendant un mois entier pour réaliser un transfert de responsabilité progressif. Dans mes autres prises de fonction je n’ai jamais bénéficié d’autant de temps de jumelage ou mentorat.

LIENS HIÉRARCHIQUES

Ma hiérarchie est double, pour les aspects métiers, je me réfère à la directrice des soins de département. Cette fonction est toujours occupée dans l’Institution par une personne de profession infirmière formée à un niveau académique (Maîtrise au minimum).

Le médecin chef de service représente la seconde hiérarchie de type fonctionnelle. Nous gérons ensemble les orientations stratégiques du service, les développements de projet afin que les aspects importants d’inter-professionnalité, de gestion des risques, de qualité et de sécurité des prises en charge patients soient au cœur de nos réflexions.

EXISTE-IL UNE DIRECTION DES SOINS

Oui, la direction des soins est composée de la directrice des soins, de deux directeurs adjoints, de quatre adjoints responsables des développements stratégiques, du système d’information des soins, de la recherche et de la communication. Les sept directeurs de soins de département en font aussi partie. La directrice des soins est membre du comité de direction du CHUV. Elle participe ainsi activement à la définition, au développement et à la mise en œuvre de la stratégie institutionnelle. Elle a par ailleurs, pour mission de garantir la disponibilité, la qualité et l’efficience de l’organisation et du fonctionnement des professionnels dans les domai - nes des soins et du travail social. Elle est dépositaire d’une vision à moyen ne et longue échéance. Cette vision doit intégrer une approche scientifique et politique de ce que doivent devenir les soins de demain, pour répondre à une demande croissante tant en terme de quantité que de qualité des soins.

LIENS FONCTIONNELS

Outre les collègues médecins, nous avons des liens fonctionnels avec l’ensemble des acteurs de la prise en charge interprofessionnelle. Les physiothérapeutes, les nutritionnistes, les ergothérapeutes, les techniciens en radiologie, etc. L’approche interprofessionnelle est centrale dans notre fonction.

AUTONOMIE BUDGÉTAIRE

À mon échelon, l’autonomie est limitée au respect d’un budget défini en début d’année. Des modifications, des rocades d’attributions budgétaires sont possibles. Elles sont décidées de concert avec la directrice des soins de département. Néanmoins tout au long de l’année, j’analyse la charge en soins au regard de la complexité des patients à prendre en charge et des compétences présentes dans les équipes de soignants que je gère. Je suis ainsi en mesure de proposer des adaptations de budget ou de recevoir des affectations conjoncturelles. Une des missions les plus importantes est de garantir la qualité et la sécurité des soins. Je dispose de plusieurs outils pour répondre à ces aspects de la fonction. Le plus novateur dans notre établissement est la mise à disposition d’indicateurs de performance clinique des soins. C’est une immense plus-value de pouvoir discuter avec les acteurs cliniques du niveau de qualité des soins prodigués par nos services sur la base de données empiriques concrètes. Nous utilisons des indicateurs de performance mensuellement mis à jour, ces indicateurs sont dits sensibles aux soins (Dubois et al., 2015), ils sont influencés par les interventions des soignants, cela permet de rendre aux acteurs cliniques le fruit de leur travail. Cela me donne également la possibilité de mettre les moyens de développement sur les points qui le nécessitent vraiment. Cette possibilité de monitoring et de modulation des moyens au plus près des besoins prioritaires est un plus notable dans la conduite d’un service de soins.

Par ailleurs, une autre mission et de gérer les équipes de soins, j’entends par là la participation au recrutement du personnel de soins, ce qui permet de compléter les équipes avec des professionnels qui ont des profils complémentaires à ceux présents. Puis j’ai la responsabilité de développer avec chacun d’eux leur carrière professionnelle en terme de compétences à acquérir, d’autonomie à atteindre et de responsabilités à prendre. Ainsi je définis le plan de formation continue du service pour qu’il soit en cohérence avec les objectifs stratégiques du service et les professionnels présents.

PLACE DANS LES LIENS VILLE ET HÔPITAL

Nous devons assurer un lien entre la prise en charge aigue et la réadaptation, parfois également avec les Centres médico-sociaux qui assurent les soins à domicile des patients. Il est de notre ressort de maintenir des relations hôpital-cité étroites, pour participer à une prise en charge harmonieuse et complète dans l’itinéraire clinique de patients.

ÉVOLUTION DE CARRIÈRE

Les opportunités sont importantes puisque la direction des soins de l’établissement soutient très fortement le développement des compétences par la formation post-grade. Ainsi un infirmier chef peut selon ses envies, compétences et capacités intégrer une direction de soins de département, s’orienter dans un axe d’expertise conseil en direction des soins institutionnelle. Certains d’entre nous rejoignent des postes de maîtres d’enseignement dans les hautes écoles de santé ou des postes de recherche et développement.

PERCEPTION AUTOUR DES RISQUES PSYCHO-SOCIAUX

C’est un sujet d’actualité, la santé mentale et la satisfaction des soignants à l’égard de leur travail est une préoccupation prioritaire dans notre fonction.

D’une part nous disposons d’une offre de cellule de soutien, médecine du personnel, antenne de replacement du personnel, soutien des RH. D’autre part, l’institution s’est engagée dans un virage important quant à la culture managériale afin de développer un leadership transformationnel. Ce dernier, en créant un environnement de travail sain, est porteur d’excellents résultats concernant les risques psychosociaux du personnel soignant. Les études sont unanimes à ce sujet : le déploiement de ce type de leadership permet de diminuer les absences et l’insatisfaction des collaborateurs de manière marquée. Il est porteur également d’excellents résultats cliniques. (Cummings et al., 2010). Des cours sont organisés pour nous permettre d’appliquer ce style de leadership dans notre gestion quotidienne.

Sources

• Dubois, C. A., D’Amour, D., Brault, I., Dallaire, C., Dery, J., Duhoux, … A., Zufferey, A. (2017). Which priority indicators to use to evaluate nursing care performance ? A discussion paper. Journal of Advanced Nursing. doi :10.1111/jan.13373

• Cummings, G. G., MacGregor, T., Davey, M., Lee, H., Wong, C. A., Lo, E., … Stafford, E. (2010). Leadership styles and outcome patterns for the nursing workforce and work environment : a systematic review. International Journal of Nursing Studies, 47 (3), 363-385. doi :10.1016/ j.ijnurstu.2009.08.006