Objectif Soins n° 266 du 01/12/2018

 

ÉCRITS PROFESSIONNELS

Marie-Christine Weider*   Dominique Barfuss**   Olivia Bourgeois***   Moufid Hajar****   André Weider*****   Luc Durand******  


*Cadre supérieur de santé, chargée
de mission « Évaluation de la charge
en soins », CHU de Bordeaux
**Cadre supérieur de santé, pôle
appareil digestif, endocrinologie,
nutrition, CHU de Bordeaux
***Cadre de santé, pôle
cardiothoracique, cardiologie,
CHU de Bordeaux
****Médecin, département information
médicale, CHU de Bordeaux
*****Directeur des soins,
CHU de Bordeaux
******Coordonnateur général
des soins, CHU de BORDEAUX

La nécessité de mesurer l’activité en soins infirmiers de façon fiable et vérifiable constitue un enjeu primordial dans un monde hospitalier où l’évolution de l’activité soignante est constante. En effet, de nouvelles techniques de prise en charge, des durées de séjours de plus en plus courtes et une diversification des types d’hospitalisation impactent la demande en soins des patients.

La méthode des soins infirmiers individualisés à la personne soignée (SIIPS) consiste en le recueil, d’une part, des points SIIPS, d’autre part des activités afférentes aux soins (AAS)(1).

Le recueil des points SIIPS est actuellement la seule méthode d’évaluation de la charge en soins couvrant les secteurs de médecine-chirurgie-obstétrique (MCO), soins de suite et de réadaptation (SSR) et psychiatrie, notamment l’activité ambulatoire(2).

Le recueil des AAS a pour finalité d’apprécier la charge liée à l’organisation de l’unité. L’association du recueil des SIIPS et des AAS donne la charge de travail du personnel infirmier et aide-soignant à couvrir par 24 heures. Par ailleurs, la méthode est prise en compte par l’Agence technique de l’information hospitalière (ATIH) comme un élément contributif du calcul du coût des séjours établi par l’Échelle nationale des coûts (ENC).

JUSTIFICATION D’UN CONTRÔLE QUALITÉ DES POINTS SIIPS

Le recueil des points SIIPS donne une appréciation globale et synthétique de la charge en soins répartie en trois fonctions de soins : les soins de base (SB), les soins techniques (ST) et les soins relationnels et éducatifs (SRE). Il nécessite de se poser la question suivante : « Quels soins réalisés par les infirmiers et aides-soignants programmer pour les patients présents ? » Pour y répondre, les infirmières et aides-soignantes doivent être dans la maîtrise de la démarche, du raisonnement clinique et de l’écriture professionnelle.

Les cotations SIIPS sont des estimations et non un temps exact chronométré. Les chiffres obtenus peuvent être influencés par un certain niveau de subjectivité, inhérent à la méthode et/ou à une maîtrise insuffisante de celle-ci. Malgré un effort constant de formation au recueil, il devient indispensable d’estimer le niveau de fiabilité des données en s’appuyant notamment sur le dossier de soins.

Les vérifications ont pour but d’apprécier la fiabilité des cotations SIIPS des unités de soins et de constituer un outil pédagogique auprès des équipes, portant sur la qualité de l’écriture professionnelle et la cotation SIIPS.

Les audits sont annuels et s’inscrivent dans le projet institutionnel du CHU de Bordeaux.

Le prérequis est la mise en place d’une formation transversale à la méthode des SIIPS, axée notamment sur l’articulation des différentes composantes du dossier de soins et l’analyse des pratiques de chaque auditeur.

C’est pourquoi nous avons jugé indispensable de rédiger une charte de fonctionnement définissant l’organisation des audits du recueil des points SIIPS(3).

POURQUOI UNE CHARTE DE FONCTIONNEMENT ?

Dans le cadre d’une réunion plénière annuelle des auditeurs SIIPS, il est apparu qu’il existait une organisation hétérogène des audits SIIPS sur les trois sites de l’établissement.

Ainsi, nous avons constaté que :

• l’organisation du débriefing avant et après l’audit n’était pas généralisée ;

• le report des audits n’était pas organisé ;

• le turnover des auditeurs n’était pas anticipé ;

• l’envoi des comptes rendus d’audit n’était pas systématique, ni homogène dans son contenu.

Ces constats nous ont amené à formaliser une charte de fonctionnement dont les objectifs sont :

• harmoniser la pratique des audits avec une utilisation de supports identiques ;

• inscrire une approche pédagogique dans les contrôles qualité pour toutes les parties prenantes (auditeurs et unités auditées).

Le contenu de cette charte repose sur des valeurs et des principes professionnels indispensables, comme le respect mutuel, la dynamique d’accompagnement et d’aide, la confidentialité du contenu du dossier patient et des écrits professionnels, le souci d’optimiser les capacités et ressources des équipes, le non-jugement des personnes et des organisations de soin et de travail ou la non-ingérence dans les problématiques d’unités.

ARTICULATION DE LA CHARTE AUTOUR DE CINQ THÉMATIQUES

La formation

Elle vise l’expertise des auditeurs SIIPS (cadres de santé et infirmiers). Elle s’appuie sur une formation initiale, de périodicité semestrielle, destinée aux nouveaux auditeurs ; elle se poursuit par des sessions d’approfondissement portant sur la méthode des SIIPS, l’analyse des pratiques et le contenu des comptes rendus de restitution des audits SIIPS.

La composition des groupes d’auditeurs

Les auditeurs sont recrutés sur la base du volontariat et sont répartis sur les différents sites en fonction du nombre d’équipes à auditer. Ils s’engagent à réaliser les audits programmés semestriellement.

Les audits sont réalisés par des trinômes, constitués d’un cadre de santé et de deux infirmiers. La composition de chaque groupe prend en compte la diversité d’expertise pour favoriser une plus grande objectivité, un recul sur la cotation et l’analyse du dossier de soins. Un des auditeurs a toujours une compétence dans la spécialité de l’équipe auditée.

La participation des auditeurs est interrogée de nouveau en novembre et mai, pour s’assurer de la réalisation de l’ensemble des audits.

Planification des audits

Cinq dates fixes sont planifiées par trinôme, réparties sur l’année en dehors des périodes de vacances scolaires.

Deux dates supplémentaires sont prévues : l’une pour les auditeurs cadres qui ne réalisent pas de contrôle qualité le jour où leur unité est auditée, l’autre pour les audits réalisés ou qui ont dû être reportés. Les cadres supérieurs de santé de pôle s’engagent à transmettre au cadre supérieur référent toutes les modifications relatives à un changement de cadre de santé, de localisation des unités et l’ajout ou la suppression d’une unité réalisant les cotations SIIPS.

Schéma organisationnel

La phase préparatoire

À M- 1, un courriel est adressé aux auditeurs et aux cadres de santé des équipes à auditer pour les informer de la programmation retenue par le cadre supérieur de santé responsable de l’organisation transversale des audits. Il permet aussi aux cadres de santé audités d’organiser avec leur équipe le temps de restitution, qui a lieu le jour de l’audit. Ce message permet de vérifier le présentiel des auditeurs et la faisabilité de l’audit.

Les cadres de santé qui utilisent des dossiers papier, doivent préparer cinq dossiers tirés au sort parmi les patients sortis dans la dernière quinzaine ; pour les autres unités, un tirage au sort est effectué à partir de la file active dans le dossier patient informatisé (DPI), le matin au moment de l’audit.

Des courriels de réajustement peuvent être envoyés en fonction de l’absentéisme des auditeurs entre S (semaine) - 3 et S - 1.

Le cadre de santé responsable de l’unité auditée met en place les moyens nécessaires pour la réalisation de l’audit : local respectant la confidentialité, protocoles, ordinateur si besoin.

RESTITUTION DE L’AUDIT

Une restitution synthétique est faite dans un premier temps au cadre de l’unité. Puis la restitution détaillée des résultats du contrôle est réalisée, en présence du cadre, le jour même à l’équipe.

Le compte rendu de l’audit est transmis dans la semaine sur un support standardisé au responsable de l’organisation des audits. Ce dernier transmet le compte rendu complété du pourcentage de conformité (global et par fonction de soins) au directeur des soins du site, au cadre supérieur de santé du pôle et au cadre de santé de l’équipe.

Par ailleurs, les comptes rendus sont à disposition sur un espace partagé intranet. Le taux de conformité est un levier managérial pour l’encadrement ; il est bien évidemment pris en compte dans les études de charge de travail et dans les dialogues de gestion avec la direction des ressources humaines.

IMPACTS

Forts de ces principes, nous avons pu auditer en 2017 25 équipes de plus qu’en 2016 (soit 123 équipes sur 149). Cela représente 568 dossiers audités (+ 34,28 %) et 1 268 synthèses de cotation (+ 38,16 %), soit un minimum de 8 520 cotations journalières.

Nous observons également par rapport à 2016 une amélioration de la conformité des cotations (+ 8,88 %) et une diminution des surcotations (- 12,97 %), toutes fonctions de soins confondues.

Par ailleurs, les formations initiales et les formations d’approfondissement ont permis une montée en compétences des auditeurs au niveau de l’analyse des pratiques et du contenu des comptes rendus de restitution.

En perspective, un groupe de travail avec des auditeurs va être mis en place pour développer l’acculturation, en lien avec le dossier de soins. Il aura deux objectifs : améliorer la pertinence des écrits dans les différentes parties constitutives du dossier de soins et harmoniser les pratiques des équipes en matière de traçabilité et de transmissions ciblées.

CONCLUSION

Nous avons démontré par les impacts obtenus l’intérêt de s’appuyer sur une charte, fondée sur les principes et valeurs exposés ci-dessus, comme cadre méthodologique des contrôles qualité du recueil des points SIIPS.

Dans ce dispositif, le cadre de santé de l’unité de soins et le cadre supérieur du pôle restent les porteurs et les managers d’une application rigoureuse de la méthode des SIIPS, ainsi que de la pertinence des écrits professionnels dans l’unité et le pôle. Les audits sont aussi l’occasion de questionner notre pratique professionnelle, avec pour finalité une amélioration de la tenue du dossier de soins, l’harmonisation des pratiques et la sécurité des soins, pour le plus grand bénéfice des patients.

BIBLIOGRAPHIE

Françoise Pistre, Philippe Voron, Christine Dick-Delalonde, Mylène Mallet, Dominique Treissede, Élisabeth Stevendart, La méthode SIIPS - Indicateurs d’activité en soins infirmiers, 2e édition, Éditions Lamarre, coll. “Cadre de santé”, 2007.

Marie-Christine Weider, Yvonne Gautier, Moufid Hajjar, Luc Durand, “Contrôle de l’indicateur de charge en soins SIIPS”, Gestions hospitalières, n° 550, novembre 2015

Les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêts.

NOTES

(1) Voir : http://www.club- utilisateurs-siips.fr

(2) Une grille de recueil spécifique est en développement pour l’oncologie ambulatoire

(3) Historiquement, le club des utilisateurs de la méthode des SIIPS employait le terme “contrôle qualité”.