Risques psychosociaux Alors que la prévention des risques psychosociaux est une préoccupation de plus en plus prégnante dans les établissements de santé, la place des rythmes de travail inhérents aux activités de soin pose la question de leur impact sur le sommeil, la récupération, et plus largement la santé des professionnels de santé. Afin de limiter cet impact, des solutions peuvent être développées. Elles impliquent des évolutions dans le fonctionnement institutionnel et, dans bon nombre de cas, une évolution des comportements des professionnels qui y travaillent.
Dans sa lettre d’information de janvier 2019(1), l’Institut National de Recherche et de Sécurité fait un zoom sur les rythmes de travail atypiques et propose d’engager des réflexions pour limiter leur effet néfaste pour la santé.
Si une grande majorité des professionnels de santé sont concernés par cette question, nous apprenons que plus de 40 % des salariés français, soit plus de 10 millions de personnes travaillent en horaires atypiques(2), c’est-à-dire en dehors d’horaires compris entre 7 h et 20 h, du lundi au vendredi, suivis de deux jours de repos consécutifs.
Il est rappelé que le travail de nuit, comme le travail posté représentent des facteurs de pénibilité. Ils présentent des risques immédiats (perturbation du sommeil, fatigue, troubles de la vigilance, et donc risques d’accident), et sont également susceptibles d’avoir des effets à plus long terme sur la santé physique et psychique des personnes qui y sont soumises. Parmi ces risques, citons le stress, l’irritabilité, les troubles de la mémoire et de la concentration.
Si dans les institutions de soins les modes d’hospitalisation (hôpitaux de jour, chirurgie ambulatoire) se développent limitant le nombre de soignants travaillant de nuit, il est certain qu’il sera toujours nécessaire que des personnels travaillent à toute heure du jour et de la nuit, en semaine comme le week-end pour prendre soin de ceux qui en ont besoin. Néanmoins, il est intéressant de réfléchir aux propositions faites par l’INRS pour limiter les effets de ces contraintes horaires sur les organismes, mais aussi ne l’oublions pas sur la concentration, la prise de décision et donc sur la qualité des soins. Ainsi, une réflexion sur les conditions de travail, l’apprentissage auprès des salariés de la gestion de leur sommeil et de leur alimentation sont à revisiter. Concrètement, les préconisations et les pistes de réflexion concernent la limitation du nombre de nuits de travail à deux ou trois d’affilée, l’ajustement de la durée du poste à la pénibilité des tâches, l’insertion de pauses appropriées (voir encadré ci-contre), l’organisation de temps de transmission suffisants entre équipes, l’intérêt de la dimension collective du travail. Si l’on suit les recommandations de l’INRS, le débat amenant à mettre la santé des professionels au cœur des organisations doit être une priorité.
Concernant les conseils individuels, ceux relatifs au sommeil s’associent à une hygiène de vie incluant l’alimentation et l’activité physique, domaines souvent négligés chez les professionnels de santé(3). Ainsi, il est conseillé de :
• Maintenir au moins 7 heures de sommeil par 24 heures en favorisant les siestes si ce temps de sommeil ne peut être assuré en une seule fois.
• En cas de travail de nuit, maintenir trois repas par jour et une collation la nuit.
• Limiter la consommation de caféine dans les 6 heures précédant l’horaire du coucher.
• Pratiquer une activité physique régulière.
(1) Horaires atypiques : des rythmes de travail néfastes pour la santé - Lettre d’information n° 133 de janvier 2019 - INRS. Disponible sur bit.ly/2UMMXTl
(3) Source Dares.
(3) Étude Press Next (2004).
En mars : 2e campagne « À chacun son sommeil ». Un français sur trois se plaint de troubles du sommeil. L’objectif de cette campagne est d’informer le grand public sur les conséquences des troubles du sommeil et le sensibiliser à une prise en charge individualisée.
→ Pour en savoir plus : www.achacunsonsommeil.fr
Depuis environ un an et demi, le Dr Depil Duval, médecin chef, et M. Haupais, cadre de santé, des urgences du Centre Hospitalier Eure Seine, hôpital d’Evreux, ont mis en place des temps de sieste obligatoires à la fois pour les médecins (assurant une garde de 24 h) et les personnels paramédicaux (infirmiers et aides-soignants de nuit).
Cette mise en place est inspirée de ce qui se fait dans l’armée. Il faut noter que cette modification n’a pas eu d’incidences sur les délais de prise en charge des patients. Elle a par contre mis un peu de temps à être acceptée par les professionnels tant cela parait au départ contraire aux représentations que les soignants ont de leur travail. Soyons clairs, si ces siestes visent à prendre soin des professionnels, c’est dans l’intérêt du patient, car mieux reposés, ils sont aussi plus lucides, plus disponibles pour les prises de décisions et activités auprès des patients, comme avec leurs collègues lors des transmissions.
Ces temps de repos, comme la reprise après la sieste sont très encadrés et des protocoles sont connus de tous les professionnels : quand utiliser ces temps de repos, comment est assurée la reprise après la sieste ou le cycle de sommeil, etc.
Des apprentissages sont en cours pour identifier les signes d’endormissement. Sécurité et qualité de la prise en charge des patients sont au cœur des préoccupations des initiateurs de cette démarche.
Elle s’accompagnera bientôt d’autres innovations concernant l’alimentation et l’activité physique.
Propos recueillis par Pascale Thibault
* Ce sujet sera abordé lors d’une Table ronde au Salon infirmier le 23 mai 2019 de 14 h à 15 h 30.