Objectif Soins n° 268 du 01/04/2019

 

Droit

Gilles Devers  

C'est une réalité qu'il ne faut ni exagérer, ni minorer : le procès pénal fait partie des risques que connaissent les professionnels de santé, et l'expérience montre que personne n'est à l'abri. Voici quelques repères sur ce domaine qui paraît d'un autre monde : la défense pénale.

Le risque pénal

Pourquoi les professionnels de santé sont-ils exposés à un risque pénal ?

La réponse vient de la nature de la fonction : ils pratiquent des actes auprès des patients, c'est-à-dire en intervenant directement sur le corps humain. Or, le droit ne protège rien de plus que le corps humain, qui est l'incarnation de la personne. Aussi, toute atteinte au corps humain est de nature à engager la responsabilité.

Toute atteinte... : alors c'est une responsabilité automatique ?

Non. Le droit est fondé sur la faute : la responsabilité des professionnels n'est engagée que si une faute est prouvée.

Il faut avoir à l'esprit que toute atteinte au corps humain est de nature à engager la responsabilité, car c'est ce qui justifie les dépôts de plaintes. Un dépôt de plainte n'est pas la démonstration de la faute : un patient fait état d'un dommage corporel, et expose que celui-ci résulte d'une faute, de telle sorte qu'il est nécessaire de procéder à une enquête.

C'est compliqué pour les professionnels de santé...

Effectivement, le procès pénal est rude. Mais ces procédures pénales restent très minoritaires, et c'est un risque partagé et connu dans de nombreux métiers. Ainsi, les enseignants pour des défauts de surveillance des enfants, ou une personne qui doit intensément utiliser son véhicule et qui, de ce fait, se trouve très exposé aux infractions.

Ce qui marque la particularité dans le monde de la santé, c'est une sorte de basculement : le médecin, l'infirmière... tous agissent dans l'intérêt du patient, très investis dans cette mission, et soudain ils découvrent qu'un acte de soin peut les conduire au pénal.

La loi a-t-elle institué des garde-fous ?

Elle en a institué beaucoup. Tout d'abord, par un ensemble de règles de forme et de fond, bien connues des professionnels du droit, la loi a rendu plus difficile le recours au pénal et plus facile la voie civile. Un procès est toujours compliqué, et l'avocat cherchera à se placer sur le terrain le plus favorable. À ce jour, la grande majorité des recours sont exercés sur le plan civil, c'est-à-dire contre l'établissement et son assureur, et seule une minorité reste au pénal.

Ensuite, la responsabilité est engagée si on atteint le degré d'une faute, qu'il faut distinguer de l'erreur. L'erreur est un comportement prudent, adroit et attentionné, mais qui se révèle inadapté. C'est le comportement d'un bon professionnel qui a agi selon les règles de l'art, mais qui se trouve face à une situation délicate et non prévisible. Il a commis une erreur, en ce sens qu'il aurait été possible de faire mieux, mais sa démarche a été saine, et on ne pourra pas, en droit, retenir la notion de faute. Les critères de la faute sont fixés par le Code pénal, et ils s'appellent maladresse, inattention et négligence. Ainsi, si le dommage corporel a été causé par l'erreur d'un professionnel, ce n'est pas un cas de responsabilité. En revanche, si le dommage résulte d'une maladresse, d'une inattention ou d'une négligence, la responsabilité peut être engagée.

Erreur ou faute ?

Ce débat est au cœur de tous les procès en responsabilité médicale hospitalière et, au cas par cas, les juges, après avoir entendu les parties et consulté les experts, vont déterminer s'il s'agit d'un acte adroit ou maladroit, prudent ou imprudent, attentif ou négligent.

À ce stade, le droit montre sa logique fondamentale : le professionnel qui, par une faute d'inattention, cause un dommage à autrui engage sa responsabilité. Qui pourrait s'opposer à cette règle ? Il n'y a pas de régime spécifique « contre » les professions de santé, mais une application de ce principe qui est d'ailleurs une valeur sociale : répondre du tort que, par une faute, on a causé à autrui.

Mais cette responsabilité va causer la ruine de l'infirmier !

Non, car il faut distinguer le civil et le pénal. Le procès civil vise l'indemnisation du patient, et les sommes peuvent effectivement être importantes. Mais dans la mesure où le professionnel de santé a commis une faute sans intention de nuire – ce qui est le cas pour la maladresse, l'imprudence et l'inattention –, la charge de la responsabilité civile reste toujours à l'employeur et à son assureur.

Ainsi, il faut d'emblée éliminer cette question du civil, qui ne peut revenir à la charge du professionnel de santé que dans le cadre de la faute appelée « détachable », c'est-à-dire hors mission et intentionnelle. C'est par exemple la situation, hélas connue, d'une agression de patients par un membre du personnel : il s'agit d'un acte de délinquance ordinaire.

Cette protection par l'employeur joue même en cas de faute pénale ?

Oui, même s'il y a des légendes tenaces car bien entretenues qui soutiennent le contraire. Le critère est simple : s'il s'agit d'une faute intentionnelle, c'est-à-dire une faute étrangère à la mission confiée et commise avec une intention de nuire, c'est la responsabilité exclusive du professionnel. S'il s'agit d'une faute par négligence, sans intention de nuire, la responsabilité du professionnel peut être engagée sur le plan pénal, mais en aucun cas sur le plan civil.

On entend dire que l'établissement va régler, mais qu'ensuite il se retournera contre le salarié...

C'est impossible. D'abord, c'est l'assureur qui règle, et la loi dispose que l'assureur de l'employeur n'a pas de recours contre les salariés de son assuré. Le seul centre hospitalier non assuré est l'AP-HP, mais jouent alors les bases de la responsabilité : la faute de l'agent – médecin, infirmière ou autres professionnels – engage la responsabilité de l'établissement. C'est le régime de la responsabilité du service, qui exclut le recours contre les agents.

Pour conclure sur ce point, il suffit de renvoyer à l'observation pratique : peut-on citer un seul cas où une infirmière ait dû rembourser l'indemnisation versée à un patient victime ? C'est donc débarrassé de cette légende qu'il faut examiner le risque pénal qui, lui, est réel.

L'enquête pénale

Comment la personne concernée est-elle informée ?

L'un des problèmes est que le professionnel concerné dispose de très peu d'informations, ce qui le plonge dans une incertitude difficile à vivre.

En règle générale, les infractions sont constatées par les services de police et de gendarmerie, qui transmettent aussitôt les informations au procureur, et les décisions sont prises en connaissance de cause. Dans le monde hospitalier, cette situation ne se rencontre qu'exceptionnellement. Lorsqu'un patient s'estime victime d'une faute, et qu'il entend déposer plainte, il le fera dans des délais et des conditions très variables. Il s'ouvrira ensuite une enquête, qui va inclure de nombreuses vérifications et auditions. Pendant ce temps, le professionnel concerné sait qu'il y a quelque chose qui se trame contre lui, mais il est dans l'impossibilité d'agir, et cela peut durer longtemps.

Il existe des exceptions ?

Oui. C'est par exemple la situation d'un enfant qui décède dans des conditions subites et inexpliquées, avec des parents qui vont immédiatement déposer plainte. Il sera alors engagé une enquête de flagrance, afin de réunir dans les meilleurs délais le plus grand nombre d'informations.

Si un professionnel de santé sait qu'il est potentiellement concerné par une affaire, que peut-il faire ?

À vrai dire, pas grand-chose, à part prendre conseil auprès d'un avocat. Celui-ci ne pourra pas se prononcer sur la procédure car, par hypothèse, il ne la connaît pas, mais sa connaissance générale lui permettra de donner toutes sortes d'explications bienvenues, alors que le professionnel est en prise avec toutes les incertitudes.

C'est donc d'abord un éclairage sur l'environnement juridique, les délais, les réactions possibles de la justice, les risques...

L'avocat va solliciter du professionnel de santé un récit détaillé des faits, afin de constituer un premier dossier, qui lui permettra de dégager une analyse juridique. À ce stade, on ne sait pas si le patient déposera effectivement plainte ou non ; on ne sait pas quand il le fera ; souvent, on ne sait même pas quel est le préjudice... Mais une étude complète et neutre du dossier permet de fonder une première analyse. Si l'affaire est sérieuse, l'établissement procédera à une enquête interne, qui va également apporter des éléments d'information. Toutes ces informations sont utiles, et elles doivent être analysées en détail avec l'avocat, pour ajuster les hypothèses.

À ce stade, que faire d'autre ?

Rien, et c'est bien tout le problème. C'est une attente souvent pesante. Le professionnel pense qu'il y a une procédure, ou sait qu'il y a une procédure car la direction de l'établissement en a eu confirmation ou d'autres collègues ont été entendus. Le climat n'est pas sain et il peut être aggravé par des rumeurs. C'est une épreuve personnelle, et les cadres de santé doivent être vigilants à se montrer bienveillants, et entourer la personne concernée.

Combien de temps cette attente peut-elle durer ?

Cela peut durer quelques mois, plus longtemps, et parfois l'éternité. L'éternité car il est possible que les enquêteurs, après avoir réuni les premiers éléments, concluent qu'on ne dispose pas des éléments pour envisager une procédure pénale. Dans ces conditions, ils vont entendre la victime, analyser la situation, et classer le dossier.

Pourquoi la personne concernée n'est-elle pas informée ?

Parce qu'à ce stade, elle n'est pas partie au procès. Elle est potentiellement un témoin parmi d'autres, et aucune disposition du Code de procédure pénale ne permet d'informer les témoins sur l'évolution d'un dossier.

La saisie du dossier par le procureur de la République est-elle un signe parlant ?

Non. Cela signifie simplement qu'une enquête a été ouverte, mais cette saisie ne permet pas de présupposer l'existence d'une faute. Suivra la désignation d'experts et rien ne sera fait avant que les experts se prononcent par écrit. C'est pour eux un exercice difficile, car ils doivent se prononcer à partir du dossier, sans pouvoir rencontrer les membres de l'équipe. Il faut donc compter un délai de plusieurs mois.

À quel moment le professionnel de santé concerné est-il entendu par la police ou la gendarmerie ?

Il le sera si le dossier le justifie, et ce sont les enquêteurs qui décident. À partir du moment où la victime a déposé plainte, l'affaire relève des services de police et de gendarmerie, et plus des initiatives de la victime.

Comment se passe la convocation ?

Il n'y a pas de formalité. Ce peut être un mot dans la boîte aux lettres, un appel téléphonique, une visite... Si la date ne convient pas, il ne faut pas hésiter à téléphoner à l'enquêteur pour trouver une autre date. Souvent, l'avocat s'en chargera.

L'avocat peut-il assister à l'interrogatoire ?

Oui. Le cadre de son intervention est limité par les textes : il n'a pas accès au dossier et ne peut pas intervenir dans le cours de l'interrogatoire. Toutefois, il peut poser des questions après l'interrogatoire. Cette présence est en réalité doublement utile : d'une part, le professionnel se sent moins seul, et d'autre part, cela permet d'avancer dans la compréhension du dossier. Le Code de procédure pénale ne permet pas l'accès au dossier, mais l'enquêteur va faire état de faits précis, et souvent de certaines pièces. De plus, l'enquêteur a une certaine liberté dans la conduite de l'audition, et il arrive souvent que s'engage une sorte de dialogue, intéressant pour tout le monde car cela permet de progresser.

Cette audition peut-elle s'accompagner d'une garde à vue ?

Oui, c'est possible car les infractions poursuivies, c'est-à-dire l'homicide involontaire ou les blessures involontaires, le permettent. La garde à vue peut être justifiée par la nécessité d'une audition longue, s'il y a eu une phase complexe de prise en charge. Mais cette garde à vue n'est pas systématique, loin de là, car les enquêteurs ont une bonne connaissance du dossier, et leurs questions sont ciblées sur les points clés.

Que se passe-t-il après l'audition ?

Encore un délai d'attente, et cela commence à faire long... à nouveau. Il est possible que l'audition ait confirmé les doutes sur la commission d'infractions pénales, et on va alors vers le classement sans suite. Si en revanche il y a des éléments à charge, le procureur, destinataire du dossier, va décider de renvoyer l'affaire devant le tribunal correctionnel ou, si l'affaire est complexe, de la soumettre à un juge d'instruction.

L'avocat

À quel stade du dossier faut-il choisir un avocat ?

Le plus tôt est le mieux. Au tout début de l'affaire, l'avocat ne connaîtra pas le dossier, et il sera prudent dans les analyses. En revanche, il peut donner des conseils généraux, combattre les idées fausses, et entreprendre l'analyse des faits avec son client.

L'avocat peut-il rencontrer les enquêteurs ou le procureur ?

Le Code de procédure pénale ne lui permet pas de démarches auprès des enquêteurs, qui de toute façon lui opposeraient le secret. Il peut rencontrer le procureur, car existent certaines relations entre les professionnels de la justice, mais celui-ci sera très réservé parce qu'il n'a pas de vision du dossier à ce stade.

Comment choisir un avocat ?

Dans un premier temps, le professionnel de santé va se renseigner en fonction de la notoriété de tel ou tel, ayant une pratique en droit pénal de la santé. Ensuite, il faut prendre contact, échanger, et demander un avis. Si le contact n'est pas convaincant, il ne faut pas hésiter en à rencontrer un autre, et le changement d'avocat est possible à tout moment et sans avoir à justifier de motif. Bien sûr, il faut mieux changer au début du dossier qu'à quelques jours du procès.

Sur quels critères choisir ?

C'est d'abord à l'avocat d'expliquer s'il peut gérer ou non le dossier en fonction de son domaine d'activité et de son expérience. Ensuite, il doit effectuer une consultation, en fonction des éléments donnés par son client. La consultation préalable est un acte majeur de l'avocat, qui parfois suppose un travail important et peut être rémunérée en tant que telle. Si l'avocat n'établit pas de consultation, il faut s'orienter vers une autre adresse.

Comment sont fixés les honoraires ?

Chaque avocat fixe ses honoraires, en tenant compte essentiellement de la complexité du dossier et du temps qu'il faudra passer. Il doit faire une proposition d'honoraires au début du procès. Au début d'une affaire pénale, il est impossible d'établir une proposition globale, et on procède à une évaluation, prestation par prestation. En droit pénal de la santé, les honoraires peuvent atteindre un niveau significatif car il y a beaucoup à faire, et il est indispensable de bien se mettre d'accord dès l'origine.

Le professionnel de santé peut-il recevoir des aides ?

Les agents relevant de la fonction publique – médecins, cadres de santé, infirmiers, et tous professionnels de santé – bénéficient du régime de la protection fonctionnelle : ils ont le libre choix de l'avocat, et l'administration prend en charge les factures présentées par celui-ci. De telle sorte, le coût du procès ne pèse pas sur l'agent.

Certains employeurs privés offrent le même service, directement ou par le biais d'une assurance.

Enfin, toute personne peut conclure un contrat de protection juridique avec des compagnies qui prennent en charge les honoraires d'avocat en fonction d'un barème. C'est une aide appréciable pour les agents du privé, mais inutile dans la fonction publique compte tenu de la protection fonctionnelle.

L'instruction

Quel est le rôle du juge d'instruction ?

Ce magistrat dispose de pouvoirs importants pour approfondir les enquêtes pénales, saisir des documents, ordonner des expertises, entendre les personnes, organiser des confrontations, prononcer la mise en examen... Si les personnes concernées disposent d'arguments en ce sens, elles peuvent demander une contre-expertise. Aussi, la phase d'instruction peut durer.

Quand intervient la mise en examen ?

Si le juge estime qu'il y a des indices graves et concordants de culpabilité, il doit prononcer la mise en examen. L'aspect négatif est qu'il y a donc passage d'un seuil : le professionnel n'est plus seulement témoin, mais il doit faire face à des indices graves et concordants. L'aspect positif est qu'il va enfin accéder au dossier, et qu'il ne peut plus être entendu que par le juge, en présence de son avocat. De plus, la loi reconnaît à l'avocat la possibilité de demander des actes d'instruction, ce qui peut permettre de réorienter le dossier sur des points insuffisamment analysés.

À ce stade, la personne concernée est donc pleinement informée ?

Oui, et elle le restera jusqu'à l'issue de la procédure car, avec la mise en examen, elle est devenue « partie au procès ». L'avocat peut aussi avoir des contacts réguliers avec le juge, prendre connaissance des évolutions.

Peut-il y avoir plusieurs mises en examen ?

Au pénal, chacun répond de sa propre faute, et si plusieurs professionnels de l'équipe sont concernés, il y aura plusieurs mises en examen.

Le juge d'instruction peut-il prononcer une mesure d'interdiction d'exercer ?

La loi lui en donne le pouvoir. Si les faits ont été graves, avec notamment le décès d'un patient, et qu'ils viennent d'avoir lieu, le juge d'instruction doit apprécier si les faits révèlent une dangerosité telle qu'il faut mieux prendre une mesure de précaution de ce type, tout en sachant que cela aura des incidences lourdes pour le professionnel et sa famille. Ce n'est pas très fréquent, mais cela peut arriver.

En revanche, si les délais ont couru, que l'employeur n'a pas pris lui-même de mesures, et que ne sont pas apparus d'autres faits marquants, l'interdiction d'exercer est peu probable. Si elle est prononcée, cela justifie un appel devant la chambre de l'instruction.

Y a-t-il des confrontations ?

Cela peut arriver. La confrontation est utile s'il y a des points de vue divergents, qui ne sont pas étayés par le dossier. Le juge est confronté à des versions contradictoires sur des points qui résultent simplement du récit, et il veut donc essayer de se faire une idée juste.

Comment intervient la fin de l'instruction ?

Lorsqu'il estime que les éléments d'instruction sont suffisants pour se faire une opinion, le juge avise le procureur et les avocats en leur laissant un délai pour faire part de leurs observations compte tenu des éléments réunis. Le juge prend ensuite sa décision, qui est de donner suite ou non au dossier. Le juge d'instruction ne se prononce pas sur la culpabilité, mais sur les charges. S'il estime que les éléments de l'information justifient que l'affaire soit jugée, il signe une ordonnance de renvoi, qui vaut convocation devant le tribunal correctionnel. Si en revanche il est convaincu que les éléments d'infractions pénales ne sont pas réunis, il rend une ordonnance de non-lieu.

Y a un recours possible ?

Oui. Toutes les parties à la procédure, c'est-à-dire le procureur de la République, les avocats des personnes mises en examen et l'avocat des victimes, peuvent interjeter appel, et la décision sera débattue devant la chambre de l'instruction.

Le jugement

Devant quel tribunal sont jugées ces affaires ?

Ces affaires sont jugées par la chambre correctionnelle du tribunal de grande instance et, le cas échéant, par la chambre correctionnelle de la cour d'appel.

Le professionnel de santé se trouve donc sur le banc de l'infamie ?

Il ne faut pas exagérer. Il est certain que le médecin ou l'infirmière amenés à comparaître devant le tribunal correctionnel, qui connaît les agressions, les vols et le trafic de drogue, ressentent la convocation de manière très péjorative. Mais il faut revenir à la source : la loi protège le corps humain, et l'atteinte au corps humain par négligence est une infraction pénale.

L'audience est-elle publique ?

Oui.

Qui porte l'accusation ?

Le procureur de la République, qui a la charge de l'accusation, doit apporter les preuves, et l'avocat de la partie civile va lui donner son appui.

Qu'est-ce que la partie civile ?

La partie civile est le nom que l'on attribue à la victime lors du procès pénal. Le pénal reste toujours l'affaire du procureur de la République, et la victime n'a pas compétence pour demander une peine. En revanche, le Code de procédure pénale lui permet de participer au procès pénal et à la démonstration de la faute.

La victime forme par ailleurs une demande de dommages-intérêts correspondant au préjudice subi. Si les faits ont eu lieu dans un établissement privé, comme une clinique, le tribunal correctionnel pourra se prononcer sur le pénal et sur le civil, lequel restera à la charge de l'employeur et de son assureur. Si l'affaire concerne un établissement public, le tribunal correctionnel se prononcera sur la culpabilité, reconnaîtra le statut de victime, mais il ne pourra se prononcer sur l'indemnisation, qui relève d'un procès devant le tribunal administratif.

Comment préparer l'audience ?

La préparation de l'audience vient en continuation du travail effectué depuis l'origine, si ce n'est qu'à ce stade l'avocat de la défense se trouve réellement sur un pied d'égalité. Aussi, l'avocat et le professionnel de santé vont procéder à un examen approfondi du dossier, pour déterminer si les éléments de l'infraction sont réunis ou non. Si cette étude montre que la faute pénale est établie, il est préférable de la reconnaître, pour expliquer le contexte et chercher la minoration de la sanction. En revanche, si la preuve n'est pas apportée, c'est-à-dire s'il reste au moins un doute, la défense va contester les charges, en plaidant la relaxe.

Comment se déroule l'audience ?

Les débats sont dirigés par le président de la chambre, qui procède à une instruction de synthèse du dossier, en sollicitant chaque fois les déclarations des uns et des autres. Le tribunal prend du temps pour étudier les expertises, et il peut convoquer l'expert pour que celui-ci explique oralement ses travaux et réponde aux questions. Le président clôt la phase de débat quand il estime que suffisamment de choses ont été dites. Viennent alors la plaidoirie de la partie civile, le réquisitoire du procureur, puis la plaidoirie de la défense. Le président du tribunal veille à ce que la personne accusée puisse prendre la parole en dernier lieu. L'affaire est alors mise en délibéré, c'est-à-dire que le tribunal va procéder à une nouvelle étude du dossier, avant de rédiger un jugement qui sera rendu public lors d'une audience ultérieure.

Quel peut être le jugement ?

Si le tribunal estime que les éléments de l'infraction ne sont pas réunis, il rendra un jugement de relaxe. S'il juge au contraire que la preuve de la culpabilité est apportée, il rendra un jugement de condamnation pénale, et se prononcera sur l'indemnisation.

Comment se passe la procédure d'appel ?

Il existe un délai de dix jours pour faire appel. Si le professionnel de santé a été condamné, son appel remet en cause le jugement, qui n'est plus exécutoire, et le débat reprendra en entier devant la cour d'appel.

Quelles peuvent être les sanctions pénales ?

La loi permet de prononcer des peines d'emprisonnement, et comme il s'agit d'infractions involontaires avec des personnes qui n'ont pas d'antécédents judiciaires, les tribunaux en restent le plus souvent à une peine de quelques mois, assortie du sursis. La peine n'est pas exécutée, sauf nouvelle condamnation dans les cinq ans. Pour un dossier grave, on peut arriver à dix-huit mois de prison avec sursis. Si des évidences sont niées, cela donne la mauvaise impression d'un professionnel buté et dangereux, et le tribunal sera enclin à plus de sévérité.

Le tribunal peut-il prononcer des condamnations financières ?

Le tribunal peut prononcer des peines d'amende, mais il le fait rarement.

Le tribunal peut-il prononcer une interdiction d'exercer ?

La loi lui en donne la possibilité, mais c'est une mesure peu pratiquée sauf si le dossier montre une véritable incurie et une incapacité à comprendre ce que doit être la qualité des soins.

L'agent, surtout si c'est un fonctionnaire, va-t-il conserver sa place après une condamnation pénale ?

Si l'employeur veut donner suite, il doit entreprendre une procédure disciplinaire. La condamnation pénale pour une faute de négligence, sans intention de nuire, ne traduit pas l'incapacité d'exercer dans la fonction publique.

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