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Depuis un an, l'ex-directeur des Soins, de la Qualité et du Parcours Patient du CH de Cholet (Maine et Loire) met en pratique sa double compétence technique et pédagogique dans les DROM. Rencontre avec un professionnel qui prône les échanges et la collaboration territoriale, associant le terrain et l'enseignement dans sa mission de conseil et d'accompagnement.
« Le cœur de métier d'un hôpital, c'est le soin dans toutes ses dimensions et tout ce qui contribue à sa réalisation. Œuvrer pour la meilleure prise en charge possible des patients a toujours été mon fil conducteur. Pour cela, dans mes fonctions d'encadrement et de direction, je me suis toujours intéressé à l'exercice des professionnels et à leur qualité de vie au travail pour leur permettre d'accomplir au mieux leur mission. » Philippe Bourrel a gravi bien des échelons au sein du système de soins avant d'être nommé conseiller technique et pédagogique régional à l'ARS Océan Indien (Réunion et Mayotte) en janvier 2018. Une connaissance du terrain et du monde de la formation qui lui permet de dialoguer en connaissance de cause avec ses interlocuteurs : « Mon exercice de directeur des soins en établissement de santé et en institut de formation m'a amené à travailler avec les ARS et à me situer comme un partenaire, tout en ayant un regard « extérieur ». De cette place la vision que les professionnels ont d'une ARS est celle d'une tutelle qui peut être ressentie comme « empêcheur de tourner en rond ». Maintenant à « l'intérieur » de l'ARS, investi des missions qui lui incombent, je me positionne comme un facilitateur, un accompagnateur, un trait d'union, un conseiller et un régulateur. » A noter que la mission de conseiller s'exerce à « double sens » selon Philippe Bourrel : « conseiller auprès des établissements et instituts de formation, prenant en compte les spécificités territoriales et les stratégies définies au niveau national, et conseiller au sein des différentes directions de l'ARS auprès desquelles une vision et un avis touchant au domaine paramédical (exercice et formation) sont requis. »
Philippe Bourrel a décroché son diplôme d'Etat d'infirmier en 1979. Il a d'abord travaillé dans un établissement privé participant au service public hospitalier dans un service de soins intensifs à Paris. En 1985, après une formation d'infirmier anesthésiste, il intègre la fonction publique hospitalière au bloc opératoire et au SAMU de l'hôpital de Melun (Seine-et-Marne). En 1990, diplôme de cadre de santé en poche, il encadre le service des urgences de l'hôpital de Melun avant de partir en missions humanitaires au Mali pour contribuer à l'ouverture d'une école d'infirmiers anesthésistes à Bamako avec Médecins du Monde.
Rentré en France, il exerce comme cadre de santé en anesthésie à Etampes (Essonne) puis, admis au concours sur titre de Cadre supérieur de santé en 1995, il prend la responsabilité du département Anesthésie - Réanimation - Bloc - Urgences – SMUR, ainsi que le laboratoire et le service d'imagerie de ce CH. Il suit à cette époque une formation à l'Hôtel-Dieu de Paris et obtient un DU de soins palliatifs. Il rentre alors à l'ENSP à Rennes (devenue l'EHESP) et devient infirmier général fin 2000. Responsable de plusieurs pôles cliniques du CHU de Nantes (Loire-Atlantique) jusqu'en 2005, il alterne ensuite entre des directions des soins des services et direction des instituts de formation, dont il assure la coordination. En parallèle, Philippe Bourrel suit un Master en Sciences de l'éducation à l'Université de Nantes « Direction d'un établissement ou organisme de formation ». En 2009, motivé par l'idée de s'enrichir d'une expérience différente de celle de la fonction publique, il intègre le Centre de lutte contre le cancer René Gauducheau à Nantes, où il contribue à la création de l'Institut de Cancérologie de l'Ouest (ICO), né de la fusion des centres de Nantes et d'Angers (Maine-et-Loire).
Directeur opérationnel du site de Nantes et directeur des soins pour les deux sites, il est alors sollicité par le directeur du CHU d'Angers, Yann Bubien, à la recherche d'un directeur des soins ayant l'expérience des services cliniques et celle de directeur d'institut de formation. « C'est ainsi qu'en octobre 2013 j'ai pris un poste de directeur de l'IFSI, de l'école de Puériculture, de l'Institut de formation des cadres de santé et la responsabilité d'un pôle clinique. Le challenge était de mettre en pratique le concept d'« hôpital-école », en considérant que les écoles ne sont ni plus ni moins qu'un pôle dans un établissement, au même titre qu'un pôle clinique ou administratif », confie-t-il. Intéressé par l'évolution des modalités d'apprentissage, il obtient une attestation universitaire en simulation à l'université d'Angers. En 2016, la mise en place des GHT l'amène à travailler avec l'ensemble des hôpitaux du département 49 et plus particulièrement avec celui de Cholet où il prend un poste de directeur des soins coordonnateur général, directeur de la qualité et du parcours patient. Il assure à cette période la présidence de la commission de soins du GHT 49.
Fin 2017, une nouvelle opportunité se présente, à savoir un poste de conseiller technique et pédagogique à l'ARS qui correspond à sa « « double casquette » alliant direction des soins et direction pédagogique. Cette double compétence ou « bi-appartenance » est pour lui essentielle dans l'exercice de ses missions, considérant que l'alternance entre ces deux lieux d'exercice est un atout pour mesurer l'évolution des métiers et parallèlement l'évolution nécessaire des formations. « En effet, tout le parcours de formation des paramédicaux est fondé sur cette alternance intégrative alliant des apprentissages en école et en stages. Or, lorsque j'étais en exercice, j'ai souvent constaté l'écart entre les attendus sur le terrain et la réalité de l'exercice, questionnant alors le dispositif de formation et son adaptation aux évolutions des besoins et des pratiques. Pour aller au-delà de la seule critique, je me suis interrogé : quels liens et interrelations entre formation et exercice professionnel ? Comment garantir la pertinence entre les apprentissages théoriques et l'exercice réel ? Et pour avoir la réponse, notamment au regard du métier de cadre de santé, j'ai pris une direction d'institut de formation des cadres de santé pendant 5 ans avant de retourner sur le terrain. » Philippe Bourrel est convaincu de l'intérêt de favoriser et de développer les passages et les échanges entre le secteur de l'enseignement et celui de l'exercice professionnel. « Mon expérience au CHU d'Angers a permis de rapprocher davantage les cadres des unités de soins et les cadres formateurs. Directeur des soins des « deux côtés », je pouvais les faire travailler ensemble pour que chacun connaisse les atouts et contraintes de l'autre afin d'optimiser les partages et les contributions mutuelles au bénéfice notamment du dispositif de formation (développement du tutorat par exemple). D'ailleurs, je suis tellement favorable au passage d'un exercice en établissement vers l'école et vice-versa que j'ai été amené non seulement à le proposer et à le faciliter mais aussi à le mettre en œuvre, voire à l'inscrire comme perspective professionnelle dans des profils de poste de cadre de santé. Nous pouvons constater qu'à ce jour, de nombreux directeurs des soins ont mis en pratique cette alternance, la formation à l'EHESP nous préparant aux deux exercices. »
Fondamentalement attaché à la qualité du soin, Philippe Bourrel ne s'est pas écarté de cet objectif en montant dans la hiérarchie. « D'ailleurs l'exercice cumulé de directeur des soins et directeur de la qualité au CH de Cholet a confirmé ma conviction que ces directions sont totalement liées voire intriquées, le soin étant partie prenante dans tous les secteurs d'activité de l'hôpital qui contribuent à ce que la prise en charge des usagers réponde aux critères de qualité exigés. Ma fonction de directeur des soins ne m'a pas fait perdre de vue que mon job est de veiller à ce que les patients soient bien soignés et de faire en sorte que les professionnels œuvrent dans ce sens, mais il m'appartient aussi de veiller à la déclinaison opérationnelle de la politique institutionnelle et au respect des contraintes qui peuvent en découler. Difficile mais passionnant challenge mené conjointement avec l'ensemble de l'équipe de direction ! Le contact direct avec les équipes et les échanges sur leur lieu d'exercice a toujours été très important pour moi. Il est nécessaire d'entendre les personnels mais aussi de leur expliciter les projets, les objectifs, les moyens et les contraintes de l'établissement, à la recherche de leur compréhension et mieux de leur adhésion... ce qui n'est pas toujours gagné ! » La proximité avec les cadres de santé est un point majeur pour le directeur des soins car ils sont les contributeurs directs de la mise en actes sur le terrain par les professionnels dans les unités de soins. Il en est de même avec les cadres formateurs au niveau des instituts de formation pour la déclinaison du projet pédagogique.
Son poste de conseiller technique et pédagogique ou conseiller paramédical comme il aime le dire, à l'ARS Océan Indien, lui a permis de passer d'une vision à l'échelle d'un établissement à une vision territoriale. « On me sollicite en interne pour tout ce qui a trait à l'exercice, aux pratiques ou à la formation des paramédicaux. J'ai également un rôle d'animation du réseau des directeurs des soins, d'accompagnateur de la mutation de la stratégie de santé, de lien entre les établissements et/ou les écoles avec la Direction générale de l'offre de soins au ministère de la Santé. Dans ce cadre, je m'assure de la diffusion, de l'appropriation et de l'application des textes et j'apporte mon soutien pour leur mise en place le cas échéant. » Philippe Bourrel est aussi référent pour l'ARS Océan Indien de différentes thématiques portées à l'échelon national, comme la mise en place du Service sanitaire des étudiants en santé, l'intégration de la formation infirmière dans le dispositif Parcours Sup, ou encore la déclinaison de l'article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale 2018 sur l'innovation en santé, qui donne la possibilité à l'ensemble des acteurs de santé d'élaborer des projets qui dérogent aux organisations existantes et/ou aux modes de financement de droit commun. L'insularité de ce territoire génère des enjeux particuliers au niveau de l'organisation des soins et de l'accessibilité aux structures, et aussi en ce qui concerne la formation. « Il est essentiel de former les professionnels de santé sur place pour garantir les meilleures chances qu'ils restent sur la région. Un travail important est mené en partenariat avec le Conseil régional pour établir le schéma régional de formations sanitaires et sociales afin de mettre en adéquation l'offre de formation et les besoins territoriaux en professionnels de santé pour chacun des métiers concernés. »
Bien conscient que l'ARS peut être perçue comme une tutelle administrative contraignante par ses interlocuteurs extérieurs, Philippe Bourrel table sur la convivialité, l'authenticité et sa capacité relationnelle prompte aux échanges et à l'écoute pour mener à bien sa mission. « Dès lors que mes interlocuteurs ont entendu et perçu que je suis là comme conseiller, soutien et aide pour mener à bien leurs missions et soutenir la réalisation de projets innovants, tout se passe bien. Pour autant cette position de conseiller n'exclut pas mon rôle de contrôle et ma mission de veille auprès de mes collègues directeurs des soins, pour qu'ils s'assurent à leur niveau de l'efficience des organisations et des moyens mis à disposition et dont ils ont la responsabilité ». Ces échanges permettent également d'être leur relai attentif auprès des conseillers nationaux de la DGOS, à qui il fait remonter leurs questions et interrogations.
Les métiers paramédicaux constituent une communauté de professionnels qui visent une même cible : garantir le meilleur état de santé de la population. Il s'agit donc d'une chaîne à multiples maillons nécessitant partage et coordination, la responsabilité de chacun s'inscrivant dans un tout. Cette communauté s'appuie sur la collaboration – chacun a son rôle et sa place au sein d'un collectif– et la coopération – on construit ensemble. Elle contribue à l'évolution des métiers et des compétences et donc de la formation des professionnels de santé et aussi à la recherche. Par ailleurs, les paramédicaux sont partenaires des professionnels médicaux, chacun dans son champ de compétences. La collaboration médico-soignante évolue grâce aux protocoles de coopération, à la mise en place des infirmiers de pratiques avancées (IPA) en lien avec l'évolution du contexte, des techniques et de la démographie des professionnels de santé.
Selon moi, le système de soins est un « écosystème », un tout organisé et coordonné associant la prévention, la prise en charge des soins, le suivi et l'évaluation dans une logique de parcours de santé qui vise une même finalité. Il s'appuie sur un ensemble de partenaires concourant à la prise en soins : l'hôpital, la ville, les secteurs public, privé et associatif dont l'objectif est le maintien des usagers dans leur cadre de vie. Ce système de soins comprend donc deux composantes : l'offre de soins (les professionnels) et la demande (la population). Il s'inscrit comme un élément du système de santé qui s'étend lui-même à toutes les dimensions de la vie sociale. Dans l'offre de soins, j'associe les deux versants que sont l'exercice et la formation des professionnels. Au niveau de la population il y a aussi deux approches : la demande et les besoins. Et c'est là qu'intervient l'ARS et, entre autres, le conseiller technique et pédagogique dans sa zone de compétences : étudier et garantir l'adéquation entre les besoins et l'offre... et les ressources.
– Population jeune (croissance moyenne de 0,7 % par an)
– 40 % de la population en deçà du seuil de pauvreté
– 23 % de taux de chômage (2017), 39 % pour les 15-29 ans
– Illettrisme
– Climat tropical
– Pathologies les plus fréquentes : diabète, maladies cardio-neuro-vasculaires, pathologies respiratoires chroniques, maladies vectorielles
– Offre de soins : 26 établissements de santé répartis en 34 structures dont 7 maternités, avec un CHU depuis 2012. Offre ambulatoire : 5 900 professionnels environ dans le secteur libéral dont 2 200 professionnels médicaux et environ 3 700 professionnels paramédicaux ou psychologues
– Forte croissance démographique (10 000 naissances/an)
– 80 % de la population en deçà du seuil de pauvreté
– 26 % de taux de chômage (2017)
– Illettrisme
– Problématiques liées à l'accès à l'eau potable, à l'insuffisance de l'assainissement et du traitement des déchets, aux mauvaises conditions d'hygiène, à l'habitat insalubre et aux logements surpeuplés
– Climat tropical
– Pathologies les plus fréquentes : diabète, hypertension artérielle, malnutrition
– Faible taux de recours aux soins de médecine et de chirurgie
– Offre de soins : principalement organisée autour du CH de Mayotte (un site principal à Mamoudzou, 4 centres de référence et 13 centres de consultations). Offre ambulatoire : peu développée avec 9 médecins généralistes pour 100 000 habitants contre 92 en métropole (en 2016)