Objectif Soins n° 268 du 01/04/2019

 

Promotion de la santé

Dossier

Béatrice Pérel*   Nathalie Fort**  

Cet article a pour but de mettre en valeur l'importance des soins éducatifs dans la formation des étudiants infirmiers. Dans cette perspective, nous nous appuierons sur l'expérience de suivi et d'accompagnement des étudiants au sein de notre Ifsi. Nous partagerons le bilan de la mise en œuvre des unités d'enseignement en lien avec les soins éducatifs.

Le contexte de l'environnement actuel de la santé

Notre système de santé doit répondre à de nouveaux défis (1) :

• les risques sanitaires liés à l'augmentation de l'exposition aux polluants et aux toxiques ;

• les risques d'exposition de la population aux risques infectieux ;

• les maladies chroniques et leurs conséquences ;

• l'adaptation du système de santé aux enjeux démographiques, épidémiologiques et sociétaux.

Comme le souligne Gilles Herreros (2), la dimension économique a pris une place essentielle dans chaque structure de soins. Les soignants y sont directement confrontés. Les durées de séjour se réduisent, amenant à de nouvelles modalités de prise en charge en ambulatoire. Les malades sont de mieux en mieux informés et souhaitent prendre une part active dans les décisions liées à leur santé.

De ce fait les soignants attendent aussi d'eux une plus grande autonomie et une plus grande implication dans la prise en charge de leur pathologie et de ses conséquences, ce qui peut être relié au concept d'empowerment. Celui-ci est défini comme « un processus dans lequel des individus et des groupes agissent pour gagner la maîtrise de leur vie et donc pour acquérir un plus grand contrôle sur les décisions et les actions affectant leur santé dans le contexte de changement de leur environnement social et politique. Leur estime de soi est renforcée, leur sens critique, leur capacité de prise de décision et leur capacité d'action sont favorisés » (3).

Les effets de l'empowerment sur les patients sont clairement démontrés :

• il améliore les prises de décision individuelles et la gestion des complications d'une maladie ;

• il entraîne une satisfaction accrue vis-à-vis des relations soignant-soigné ;

• il permet un meilleur accès aux soins ;

• il entraîne une utilisation des services de santé plus efficace.

Ce contexte interroge la dimension éducative car les temps d'hospitalisation sont raccourcis et nécessitent de poursuivre à domicile des soins techniques et des thérapeutiques parfois complexes.

L'accompagnement du patient par différents professionnels de santé est nécessaire. L'infirmier a un rôle particulier au cœur de la dimension éducative et du transfert de compétences vers le patient que cela présuppose.

La dimension éducative dans les soins infirmiers

Ainsi que le rappelle l'article R. 4311-1 du Code de la santé publique, « l'exercice de la profession d'infirmier ou d'infirmière comporte l'analyse, l'organisation, la réalisation de soins infirmiers et leur évaluation, la contribution au recueil de données cliniques et épidémiologiques et la participation à des actions de prévention, de dépistage, de formation et d'éducation à la santé (...) » (4).

Jusqu'aux années 1970, les progrès de la médecine sont essentiellement axés vers une recherche de la guérison en traitant la maladie ou en éliminant ses facteurs de risque. Sous l'impulsion de Simone Veil, alors ministre de la Santé, le CFEC (5) met en place la première campagne de prévention sur le tabac. Dans le même temps, certaines études montrent l'efficacité de l'éducation thérapeutique et l'abaissement du coût médical lorsque celle-ci est mise en œuvre. Il devient nécessaire d'aller au-delà de la simple information du patient pour mobiliser la dimension éducative du soin.

Les soins éducatifs sont des « interventions qui consistent à offrir informations, conseil ou assistance à une ou des personnes pour les aider à comprendre les mesures propres à améliorer leur santé, à réaliser elles-mêmes leurs soins et à modifier leurs comportements » (6).

L'enseignement des soins éducatifs dans la formation infirmière

Au cours de leur formation, les étudiants doivent valider la compétence 5, qui comporte trois dimensions :

• être en capacité d'élaborer une séquence éducative ;

• mettre en œuvre des soins éducatifs et préventifs ;

• savoir se situer dans une démarche de promotion de la santé.

Lors des retours de stage, ils font souvent part de leurs difficultés pour mettre en œuvre et valider cette compétence. En effet, elle s'avère complexe à acquérir à plusieurs titres :

• pour les soignants, il n'est pas toujours simple d'accompagner l'étudiant dans les soins à réaliser pour valider cette compétence ;

• le soin éducatif n'apparaît pas toujours suffisamment comme une activité soignante à part entière et identifiée en tant que telle ;

• l'étudiant a des difficultés à repérer cette activité parmi les autres aspects de la prise en charge du patient ;

• les organisations actuelles ne permettent pas toujours au soignant d'être disponible dans l'encadrement de l'étudiant pour lui permettre d'acquérir cette compétence.

Les soins éducatifs sont valorisés dans l'enseignement à l'Ifsi aux semestres 3 (25 h) et 4 (15 h), ce qui permet une progression dans les apports théoriques. Ce dispositif pédagogique aide l'étudiant à amorcer une vraie réflexion sur le soin éducatif, à s'approprier la démarche en éducation thérapeutique et à la mettre en œuvre dans la prise en charge des patients au cours des stages. Ces enseignements s'inscrivent dans la continuité des apports et des travaux réalisés en santé publique aux semestres 2 et 3.

Le travail sur les représentations

Dans l'enseignement effectué à l'Ifsi du Vinatier, nous avons en premier lieu travaillé avec les étudiants sur leurs représentations du soin éducatif à partir du test de Brigitte Sandrin-Berthon et Jean-Pierre Deschamps.

À la question : « Selon vous, l'éducation pour la santé, c'est... ? », l'étudiant a le choix entre 16 affirmations lui permettant de se positionner dans sa représentation de l'éducation à la santé.

Les étudiants se reconnaissent particulièrement dans deux affirmations (5 et 11), qui se situent dans une approche participative visant l'implication et l'autonomie du patient. Même s'ils n'ont pas encore eu d'apports théoriques à ce stade de la formation, les étudiants sont déjà imprégnés de cette démarche et déjà sensibilisés au fait de rendre le patient acteur de sa santé.

Nous leur avons aussi demandé, à partir de leurs expériences de stage, d'identifier et de décrire une situation de soin éducatif, puis de réfléchir à ce qui caractérisait la posture du soignant et les attentes du patient dans ce type de situation.

Nous avons pu remarquer qu'un certain nombre d'étudiants avaient déjà repéré les étapes importantes de la mise en œuvre du soin éducatif. Cependant, à ce stade, ils ne voyaient pas encore la réciprocité de la relation soignant-soigné dans ce contexte. Le soin éducatif est souvent envisagé comme un transfert de connaissances vers le patient. L'implication du patient à travers la mise en œuvre d'objectifs personnalisés n'est pas encore prise en compte et exploitée.

Selon vous, l'éducation pour la santé, c'est...

1. Inciter les gens à faire des choix favorables à leur santé en leur expliquant le fonctionnement et les besoins de l'organisme.

2. Permettre à la population de s'approprier les connaissances et les compétences utiles pour promouvoir la santé.

3. Aider la population à respecter les prescriptions et les conseils des médecins.

4. Expliquer comment fonctionne le corps humain et les conséquences positives ou négatives des différents comportements.

5. Permettre aux gens de faire des choix éclairés dans le domaine de la santé en développant leur sens critique vis-à-vis des informations qu'ils reçoivent.

6. Aider les enfants, les jeunes et les adultes à concilier leurs désirs et leurs besoins.

7. Aider les gens à prendre part aux décisions politiques qui concernent la santé publique.

8. Mettre à disposition du grand public des informations scientifiquement validées sur les causes, les conséquences et les traitements des maladies.

9. Présenter des modèles de comportement sains.

10. Dire aux gens ce qu'ils doivent faire pour rester en bonne santé.

11. Construire avec les gens des réponses adaptées à leurs besoins et à leurs attentes dans le domaine de la santé.

12. Apprendre aux gens à gérer les risques qu'ils prennent.

13. Mettre en garde les enfants, les jeunes et les adultes contre les risques qu'ils prennent en adoptant tel ou tel comportement nuisible à leur santé.

14. Transmettre des connaissances sur la santé et les maladies.

15. Permettre à chacun d'accéder aux sources d'informations concernant sa santé et celle de la collectivité.

16. Faire prendre conscience aux gens de leurs responsabilités individuelles et collectives dans le domaine de la santé.

L'approche par les modèles en éducation à la santé (7)

Cet apport, effectué au semestre 3, permet aux étudiants de repérer les modèles qui servent de base aux actions en éducation à la santé. Il s'agit d'amener les étudiants à réfléchir autour des aspects qui sont soulignés mais aussi de mettre en évidence les limites de certains modèles.

Ainsi, concernant l'éducation, Berger et Jourdan affirment : « Sa finalité n'est pas de faire baisser la prévalence d'un comportement mais bien de permettre l'émergence du sujet, c'est-à-dire de contribuer à développer l'autonomie, la liberté et la responsabilité de l'autre. La référence est le sujet et non le comportement incriminé. » (8)

Deux autres aspects méritent aussi d'être soulignés :

• la soumission librement consentie (Beauvois et Joulé, 1987) et ses dangers : on peut obtenir d'autrui ce que l'on souhaite sans avoir recours à l'autorité, aux pressions ni même à la persuasion, par exemple dire à une personne qu'elle est libre ou pas de faire quelque chose entraîne un engagement plus important. Cela peut avoir des conséquences en éducation à la santé où le soignant doit avoir conscience de l'impact qu'il peut avoir sur l'autre ;

• les compétences psychosociales : les compétences psychosociales ont été définies en 1993 par l'OMS à l'issue de différents travaux. Elles sont regroupées en trois grandes catégories : les compétences sociales, les compétences cognitives, les compétences émotionnelles. L'OMS insiste sur l'importance de valoriser ces compétences pour promouvoir la santé globale positive : « Les compétences psychosociales sont la capacité d'une personne à répondre avec efficacité aux exigences et aux épreuves de la vie quotidienne. C'est l'aptitude d'une personne à maintenir un état de bien-être mental en adoptant un comportement approprié et positif à l'occasion des relations entretenues avec les autres, sa propre culture et son environnement. »

Élisabeth Luis et Béatrice Lamboy soulignent aussi l'intérêt de travailler sur ces compétences car elles sont des déterminants majeurs des comportements à risque, qui sont eux-mêmes des déterminants de certaines pathologies. On parle de « déterminant de déterminant » (9).

Les étapes de la démarche : du soin éducatif à l'éducation thérapeutique

À la fin du semestre 3, l'évaluation permet aux étudiants de mobiliser les étapes de la démarche à la fois à partir d'une situation clinique et en analysant une expérience de mise en œuvre de soin éducatif de façon synthétique.

Au semestre 4, les attentes sont plus importantes et l'étudiant doit être en mesure d'identifier et de répondre aux besoins éducatifs d'une personne soignée.

Les étapes de la démarche en éducation thérapeutique sont enseignées et mobilisées à travers des exemples (situations cliniques, témoignages).

Les étudiants doivent alors expérimenter cette démarche au cours d'un des stages du semestre 4. Ils doivent ensuite en faire une analyse à travers la réalisation d'un dossier. L'objectif est à la fois méthodologique et vise également à leur permettre de s'inscrire dans une posture réflexive à travers leur engagement dans cette démarche.

L'accompagnement par les formateurs s'est déroulé tout au long du semestre. Pendant la période de stage, des permanences ont été organisées à l'Ifsi et les formateurs ont répondu aux nombreuses sollicitations d'accompagnement par mail. Les questions des étudiants concernaient surtout la validation de la situation : « Est-ce que je me situe bien dans du soin éducatif ? », et sur la façon dont on pouvait initier la démarche : « Qu'est-ce qu'un bilan éducatif ? », « Comment identifier et formuler un objectif personnalisé ? ».

Les étudiants ont été prioritairement confrontés à la prise en charge de patients diabétiques de type 2 au sein d'unités avec des spécificités différentes. De ce fait, ces contextes diversifiés ont amené les étudiants à mobiliser les fondamentaux de la démarche en s'adaptant à la situation du patient.

Les soins éducatifs en lien avec les troubles du comportement de patients dans le cadre de la prise en charge en psychiatrie sont aussi prépondérants. Ils s'intégraient dans une prise en charge globale du patient visant à favoriser la socialisation ou l'observance thérapeutique du patient.

Par ailleurs, 23 % des étudiants ont été confrontés à une éducation du patient portant sur l'apprentissage d'un soin technique. Les étudiants ont été supervisés par les professionnels durant ces séquences pédagogiques. Face à la diversité des situations éducatives rencontrées, nous pouvons souligner l'importance à accorder aux prérequis théoriques et pratiques de l'étudiant.

Parmi ceux-ci, 8 % se sont impliqués dans l'éducation de patients porteurs de stomies digestives avec l'accompagnement de stomathérapeutes. Les séances d'éducation ont porté sur des soins techniques très diversifiés nécessitant parfois des compétences spécifiques.

Exemples de situations décrites par les étudiants

Situation 1

« J'ai pu pratiquer la démarche éducative au cours de mon deuxième stage de première année, en cardiologie ; c'était un patient qui passait en relais AVK et auquel on avait prescrit des bas de compression. Il a d'abord fallu lui expliquer les raisons de la mise en place de ce traitement, les ``règles'' qu'il allait devoir suivre et les conséquences que cela pouvait avoir sur sa vie quotidienne. On lui a donc donné le carnet d'éducation aux AVK en l'incitant à bien le remplir et à respecter les consignes. Ce patient n'avait pas l'air embêté par ce traitement car il n'aimait pas trop les légumes (donc pas besoin de faire attention à la vitamine K). Il n'était pas sportif ni bricoleur (donc pas beaucoup de risques de coupures, de chutes). Cependant, il ne comprenait pas l'utilité du port des bas de compression, donc on a dû lui expliquer l'intérêt pour lui. Il a fallu lui répéter plusieurs fois de bien penser à les mettre le matin mais à les enlever le soir car il lui est arrivé de dormir avec. L'éducation a une importance majeure chez ce patient.

PS : il a fallu une bonne communication. Le patient étant italien, nous avons communiqué en anglais. »

Situation 2

« Je venais faire une glycémie auprès d'un jeune de 20 ans, très demandeur dans le soin (pourquoi ce soin ? à quoi il sert ?). J'avais préalablement vu avec l'équipe si je pouvais lui apprendre à faire sa glycémie tout seul. Il n'avait jamais osé le faire lui-même et appréhendait. Il préférait que quelqu'un lui fasse. Je lui ai apporté des petits schémas même s'il savait où piquer. Nous avons vu ensemble comment faire le geste et il a voulu essayer quelques jours après. Puis après avoir appris à réaliser une glycémie, il a voulu faire de même pour l'insuline. Je lui ai donc apporté de nouvelles planches avec des schémas et explications chronologiques. Je lui ai expliqué le geste. Il m'a ensuite réexpliqué les étapes pas à pas lorsque je lui ai montré le geste. La fois suivante c'était à lui. Il a gardé ses planches au cours de l'hospitalisation même s'il savait comment faire. Il a dit avoir retrouvé une certaine autonomie, il ne se sent plus dépendant de quelqu'un. L'évaluation a montré une bonne compréhension et une bonne intégration des connaissances de par les résultats glycémiques et son sentiment d'indépendance. »

Situation 3

« Lors de mon stage en libéral, nous avions une patiente diabétique. Nous venions chaque jour pour lui faire un dextro puis l'injection d'insuline. C'est une dame algérienne, très entourée de sa famille et qui reçoit souvent du monde. De par leurs coutumes et habitudes alimentaires, il s'avère que plusieurs fois nous avons trouvé une glycémie à plus de 2 g/L. En questionnant la patiente sur ce taux plus élevé que d'habitude, elle n'hésitait pas à nous dire que c'était parce qu'elle avait mangé un gâteau riche en miel, sucre et amandes. Il était difficile pour elle de comprendre que ces gâteaux étaient dangereux pour sa santé. Un jour, nous avons eu la chance de croiser un de ses fils, très proche de sa maman et soucieux de son état de santé. Il nous a expliqué son inquiétude face aux hyperglycémies de sa maman. Nous lui avons expliqué les risques liés aux habitudes alimentaires de sa maman. Nous avons pu faire une démarche d'éducation, pas directement avec notre patiente mais avec son fils. Celui-ci a accepté de passer plus souvent voir sa maman lors des repas. »

Le bilan fait par les étudiants

Parmi les différents éléments relevés par les étudiants dans le bilan réalisé dans leur dossier, nous pouvons souligner les points suivants.

• La prise de conscience de la complexité de la démarche : les étudiants prennent conscience des différents facteurs qui entrent en jeu dans la démarche. Après avoir réalisé le bilan éducatif, ils perçoivent toute la finesse que doit développer le soignant pour adapter la démarche en s'appuyant sur les prérequis et les habitudes de vie du patient. Le contexte de la prise en charge en psychiatrie est un facteur de complexité supplémentaire qui a demandé aux étudiants de requestionner leur propre posture. Dans d'autres situations, les étudiants ont modifié leur approche pour pouvoir intégrer la famille. Celle-ci a pu alors être une véritable ressource pour le patient car elle était intégrée à la démarche.

• L'importance de la relation de confiance : l'enjeu de la relation de confiance est primordial dans le soin éducatif. Le changement de comportement est une prise de risque, source d'anxiété pour le patient, qui s'interroge sur ses propres capacités. « Quand on est dans une relation de confiance, le patient peut faire ce qu'il ne se croyait pas capable de faire », exprime Louise, étudiante de 2e année.

Les étudiants ont bien compris que cette relation de confiance permettait une décentration vers l'autre, nécessaire pour que le patient puisse aborder les questions qu'il se pose.

• La créativité avec l'élaboration d'outils spécifiques : les étudiants ont su utiliser des documents existants mais aussi créer des outils pour faciliter la compréhension du patient, que ce soit des documents d'information, des fiches récapitulatives ou des fiches d'évaluation.

• L'implication des soignants dans le travail demandé par l'Ifsi : certains étudiants ont été promoteurs de la démarche. Les soignants ont aidé les étudiants à formaliser une démarche personnalisée. Les étudiants se sont majoritairement sentis soutenus alors qu'ils doutaient souvent au départ de pouvoir atteindre leur objectif de mener à bien cette démarche. De plus la démarche réalisée a été systématiquement validée par les soignants en s'inscrivant de façon cohérente dans le projet de soin du patient.

• L'autonomie de l'étudiant dans la réalisation de la démarche : promouvoir cette démarche a permis à certains étudiants de se sentir capables d'agir et de progresser dans l'acquisition de cette compétence. Les étudiants se sont sentis « se transformer », avec une modification de leur posture dans la réalisation de ce soin. Ainsi si la relation de confiance permet l'instauration de la situation éducative, l'interaction qui en découle permet au patient mais aussi à l'étudiant de se sentir renforcé dans ses acquisitions. « Si par son action éducative, le soignant parvient à promouvoir l'autonomie de la personne malade, sa rencontre avec le patient lui permettra de progresser lui-même sur le chemin de l'autonomie, l'éducation se fera bien dans les deux sens. » (10)

• L'envie de s'inscrire dans cette dimension du soin : par leur implication progressive dans la démarche, les étudiants se rendent compte du bénéfice apporté au patient, de son intérêt dans une vision globale du soin centrée davantage sur les préoccupations de la personne soignée.

La dimension éducative mobilise les différentes dimensions de la profession car elle repose sur de solides connaissances théoriques, un savoir-faire sensible, une posture ancrée dans un agir éthique.

Plusieurs étudiants ont fait ressortir à quel point ils se sont sentis « professionnels » durant la mise en œuvre de ces séances d'éducation à la santé.

Le témoignage de Yacine

Afin de réaliser cette démarche éducative, l'équipe pluriprofessionnelle m'a laissé une place à part entière afin d'être disponible et à l'écoute de monsieur B. Ceci m'a permis de réaliser une prise en charge adaptée et personnalisée pour que monsieur B acquière les compétences préalablement fixées. J'ai dû moi-même, avant de réaliser cette démarche éducative, approfondir mes connaissances dans le but de connaître la dépression, sa symptomatologie, son traitement, ses complications.

Ce travail m'a permis de comprendre l'utilité de l'éducation du patient et de l'évaluation des savoirs de chacun. Les compétences ont parfois été complexes à assimiler mais monsieur B a compris que c'était un apprentissage sur le long terme.

La relation éducative est un élément primordial et exigeant. D'autre part, j'ai pu noter qu'il est important de l'adapter à l'âge et à la situation du patient afin que ce dernier utilise ses acquis pour améliorer sa qualité de vie.

Comme l'écrit Walter Hesbeen, « c'est là que le professionnel de santé pourra exprimer tout son talent, qui se traduit par la capacité de déployer une ``intelligence du singulier'' pour pouvoir accueillir la singularité de cet autre et l'accompagner dans son cheminement d'humain confronté à un problème de santé ou à un risque de détérioration de celle-ci » (11).

J'ai donc appris à composer avec mes résistances, mes a priori, à accepter de ne pas détenir la parole sacrée, à reconnaître mes échecs et savoir expliquer à nouveau des concepts qui me semblaient acquis.

Conclusion

À l'issue de ce travail, nous avons perçu le basculement de posture des étudiants entre le semestre 3 et le semestre 4. Ceux-ci ont compris l'importance de s'appuyer sur les ressources du patient dans la perspective d'une co-construction. Ils investissent alors une posture plus humble car ce travail réinterroge la toute-puissance du soignant. Cela nécessite un accompagnement à la fois par les formateurs et les professionnels dans une complémentarité qui développe le potentiel et les compétences de l'étudiant. Cette démarche de soin éducatif permet à l'étudiant d'investir une posture réflexive. Elle le confronte à l'activité réelle du soin éducatif et lui permet une prise de recul par l'écrit. En ce sens elle fait office d'expérience, l'expérience n'étant pas seulement le fruit de l'activité mais aussi le produit de l'apprentissage par l'activité (12).

Remerciements

Les auteurs remercient les étudiants de la promotion 2016/2019 ainsi que l'équipe pédagogique de l'Ifsi du Vinatier pour leur implication et leur soutien dans ce projet.

(1) Stratégie nationale de santé 2018-2022 (consulter sur : https://bit.ly/2xp7LqM).

(2) Gilles Herreros, « L'hôpital à l'épreuve des réformes, entre institution et organisation », Santé et Société, 21/2007, p. 22-„36.

(3) Glossaire de la BDSP (Banque de données en santé publique) : http://asp.bdsp.ehesp.fr/glossaire

(4) Collectif, Profession infirmier : recueil des principaux textes relatifs à la formation préparant au diplôme d'État et à l'exercice de la profession, Paris, Berger-„Levrault, 2018.

(5) Comité français d'éducation pour la santé.

(6) AMIEC Recherche, Dictionnaire des soins infirmiers et de la profession infirmière, 3e édition, Issy-les-Moulineaux, Masson, 2005, p. 264.

(7) Dominique Berger, Didier Jourdan, « De l'utilité de clarifier les référents théoriques de l'éducation pour la santé », La Santé de l'homme, INPES, mai-juin 2005, no 377, p. 17-20.

(8) Ibid., p. 18.

(9) Élisabeth Luis, Béatrice Lamboy, « Les compétences psychosociales : définition et état des connaissances », La Santé en action, mars 2015, no 431, p. 13.

(10) Brigitte Sandrin-Berthon, « Patient et soignant : qui éduque l'autre ? » (consulter sur : https://bit.ly/2BKo4R4).

(11) Walter Hesbeen, « Éduquer ou informer et accompagner, une question d'intention », Soins cadres, février 2010, no 73, p. 45-„46.

(12) Pierre Pastre, « Le travail de l'expérience », in Luc Albarello, Jean-Marie Barbier, Émile Bourgeois et al. (eds), Expérience, activité, apprentissage, Paris, PUF, 2013.