Dans son ouvrage « Silence sous la blouse », Cécile Andrzejewski, journaliste, dévoile le témoignage de victimes de harcèlement sexuel à l'hôpital. Si les faits sont là, la réalité se confronte à une omerta qui confine les victimes et n'inquiète que peu ou prou les instigateurs.
L'une est infirmière, l'autre technicienne de laboratoire, une troisième médecin : elles sont une poignée et ont accepté de lever le voile sur une réalité entourée d'une culture du secret. Toutes témoignent de ce qu'elles ont eu à supporter de la part d'un chef de service, collègue, médecin ou chirurgien, qui au delà des mots, ont fait subir des actes physiques sans être réellement inquiétés. Le sujet semble encore rester tabou. Il faut dire qu'en France, explique Cécile Andrzejewski, il n'existe pas de chiffre sur le sujet des violences sexuelles à l'hôpital. Tout au plus, une enquête de l'Intersyndicale nationale des internes publiée en 2017 évoque le sujet, alors que ce dernier a déjà fait l'objet de statistiques à l'étranger : ainsi, entre les années 80 et 2000, 66 % des infirmières britanniques, 76 % des américaines et 63 % des turques ont été victimes de harcèlement sexuel. En Israël, elles seraient même 91 % à avoir subi les assauts de collègues ou chefs de service. Le très sérieux Journal of the American Association (JAMA) a d'ailleurs publié un travail en 2016 montrant que les femmes cliniciennes subissaient dans leur grande majorité des remarques sexistes ou des avances sexuelles non désirées.
En cause, le silence de la hiérarchie hospitalière, la culture infirmière, entièrement dévouée à son patient versus la culture carabine et l'omnipotence masculine des chirurgiens... Car lorsque les harcelées ont le courage de dénoncer leurs harceleurs, la hiérarchie hospitalière minimise les faits, quand elle ne couvre pas les médecins responsables de ce harcèlement. Elle excuse même leurs gestes par la pression qu'ils subissent et tente de les préserver dans leur poste pour maintenir une cohésion au sein de l'hôpital, certains spécialistes étant difficiles à recruter. Du côté de la victime, lorsqu'une solution lui est proposée, c'est celle de quitter son poste : double pleine ! Une solution bien souvent proposée pour éloigner la victime de son agresseur, parfois dans l'attente d'une procédure pénale qui prend du temps. Il faut dire que du côté des directeurs d'hôpitaux, la question est sensible mais peu abordée lors de la formation : le sujet est d'actualité, donc on l'aborde, mais il n'y a pas de formation spécifique pour traiter de ce harcèlement sexuel à l'hôpital.