MANAGEMENT DES SOINS
Dossier
Au sein des institutions sanitaires comme médico-sociales, le cadre de santé est garant de la qualité des soins, du respect des droits des patients, comme des droits et devoirs des professionnels.
Cet article a vocation à développer les différents axes sur lesquels le cadre de santé peut travailler, en collaboration avec les autres professionnels, pour que chaque patient, quels que soient sa religion, sa croyance, son besoin de spiritualité, puisse voir ses besoins et ses attentes pris en considération.
Dans ce domaine sensible, le cadre joue un rôle essentiel qui, comme le soulignent Maria Crétant et Chrystelle Croitor, concerne plus fréquemment l'accompagnement des professionnels et des bénévoles que la gestion des demandes des patients.
Dans les établissements sanitaires et médico-sociaux publics comme privés, le cadre de santé s'appuie sur les textes législatifs et les recommandations professionnelles qui régissent la vie des services de soins pour assurer la réponse aux besoins des patients. Concernant le respect des demandes en lien avec la religion et la spiritualité des patients, le cadre de santé favorise une organisation permettant une réponse favorable, dans le respect du fonctionnement du service et des autres patients. Il s'assure que les professionnels agissent avec professionnalisme, sans jugements de valeur, ni prosélytisme.
Comme cela a déjà été souligné dans ce dossier par Daniel Maroudy, il est fondamental de permettre à chaque personne malade de vivre sa religion et ses croyances, qu'elle soit hospitalisée ou non, tant cela peut influencer positivement ou négativement son état de santé. De ce fait, que la personne pratique sa religion de manière très régulière, ou que la religion ou la spiritualité naissent après l'annonce d'un diagnostic, une hospitalisation ne doit en aucun cas entraver la possibilité pour le patient de suivre les principes religieux auxquels il est attaché.
Si, compte tenu du degré de pratique et de la religion concernée, les attentes des patients peuvent être diverses, elles portent majoritairement sur l'alimentation, la prière, la disponibilité d'objets de culte, les principes et rituels en lien avec les grandes étapes de la vie : naissance, fin de vie et décès. Les questions relatives au refus de soins et au choix du médecin ou du soignant ne sont pas spécifiques de la pratique religieuse et font l'objet de règles précises qui doivent être connues des équipes soignantes.
Pour Maria Crétant, l'alimentation concentre les demandes les plus fréquentes. Celles-ci portent sur l'exclusion de certains aliments, et plus exceptionnellement sur le respect du jeûne, principalement lors de la période de ramadan. En milieu institutionnel, de nombreux choix sont désormais possibles, permettant à chacun de trouver le moyen de satisfaire les exigences de sa religion ou de ses croyances. Si ces propositions ne conviennent pas, il est toujours possible de faire appel à des repas venus de l'extérieur. Le cadre favorise cette organisation avec l'équipe, et s'assure que les mesures d'hygiène et les règles diététiques en lien avec la pathologie du malade soient respectées ; Maria Crétant précise que les rares difficultés auxquelles les équipes ont à faire face sont les entrées imprévues pour lesquelles le menu proposé contiendrait des aliments interdits. Il est en effet impossible actuellement de disposer dans les services de plats ou d'aliments qui pourraient être utilisés dans ces situations, qui demeurent exceptionnelles. Concernant le jeûne, en particulier long, il faut savoir que la personne présentant un problème de santé peut en être exemptée. Si le souhait d'assurer le jeûne persiste, malgré une information médicale concernant les risques en lien avec la pathologie, la sollicitation d'un représentant du culte concerné peut être très utile pour la négociation.
Dans la majorité des situations, elle peut s'effectuer aisément dans le contexte d'une hospitalisation. Lorsque des horaires de prière doivent être respectés, il est le plus souvent possible de trouver une organisation adaptée ; Pour Maria Crétant, les difficultés peuvent se présenter lors d'hospitalisations en chambre double accueillant des patients qui n'ont pas les mêmes pratiques religieuses. Il revient alors à l'équipe de trouver des solutions, tant au niveau de l'organisation qu'avec les personnes hospitalisées.
Elle est possible à l'hôpital, dans le respect des règles d'hygiène liées à la pathologie du patient et au contexte institutionnel.
En lien avec les grandes étapes de la vie (naissance, fin de vie, décès), elles peuvent être multiples, liées à des rituels religieux et/ou profanes. À chaque fois que cela est possible, la prise de connaissance des attentes et désirs de la personne hospitalisée et de son entourage permet la mise en place d'un dialogue aboutissant à une organisation adaptée.
Ils constituent des droits du patient, sans que la notion de religion n'intervienne : chacun est en effet libre, sauf situation d'urgence, de choisir le médecin qui lui convient. Toutefois, le patient ne peut refuser d'être examiné par un médecin pour des motifs religieux. Les limites qui s'imposent dans le cadre de l'urgence ont été clairement déterminées par la loi, permettant ainsi aux soignants (médecins comme non médecins) de dialoguer avec le patient. Il est essentiel que le malade ait été clairement informé des risques qu'il encourt en cas de refus de soins. Il peut ainsi, en connaissance de cause, choisir de ne pas se faire soigner. En fonction des contextes, et particulièrement si l'état du patient ne lui permet pas d'être adressé à un autre établissement, le directeur de l'hôpital peut être sollicité par le cadre pour intervenir.
Les membres de l'entourage du malade sont aujourd'hui de plus en plus présents auprès de lui, et les professionnels de santé ont également pour mission de les accompagner. En matière de religion, les demandes spécifiques des familles portent dans la majorité des cas sur le respect des rituels dans les phases de fin de vie, au moment du décès et dans les heures qui suivent.
Chrystelle Croitor précise que quelques demandes – comme l'utilisation d'une bougie, interdite en raison des risques d'incendie – doivent faire l'objet de négociations et de propositions alternatives bien comprises par les familles. Elle souligne la grande disponibilité dont font preuve les représentants des cultes auprès des patients hospitalisés, particulièrement en fin de vie, tant le jour que la nuit pour les accompagner dans ces moments où le respect des rites religieux est d'une importance fondamentale pour le travail de deuil.
Si le respect des droits des patients, de la réponse à leurs attentes et besoins religieux constitue une priorité, des limites peuvent être posées. La loi précise que la réponse aux besoins religieux se fait dans le respect du fonctionnement du service, et sans gêne pour les autres patients.
Par ailleurs, comme cela a déjà été précisé, en cas de refus de soin et sans obligation de répondre favorablement à une demande de choix du soignant pour raison religieuse, le directeur peut décider de refuser un malade au sein de l'établissement si un accord ne peut être trouvé, sauf en cas d'urgence.
En ce qui concerne certaines demandes telles que le souhait du conjoint que sa femme soit examinée par un médecin de sexe féminin, il est nécessaire de prendre l'avis de la patiente elle-même, sans obligation de répondre favorablement à son époux.
Être soignant, agent d'un établissement de santé, ou bénévole, en particulier dans les établissements du service public et dans les établissements participant au service public, implique des obligations en lien avec les religions et les croyances. Dans le même temps, les professionnels exerçant en milieu de soin, comme tout citoyen, bénéficient de droits, en lien avec leurs croyances ou appartenance religieuse. Le cadre est garant du respect des devoirs des professionnels et de leurs droits.
Quel que soit leur lieu d'activité, les professionnels :
• doivent respecter les croyances des personnes hospitalisées, et leur donner la possibilité de pratiquer leur foi ;
• ne doivent pas user de leur fonction pour pratiquer le prosélytisme, particulièrement auprès des personnes les plus vulnérables.
Dans les établissements du service public et les établissements assurant des missions de service public, les professionnels ne doivent pas porter de signes religieux visibles.
Dans les établissements privés, les salariés sont en principe libres de porter des signes religieux, dans la limite de ce qui est inscrit dans le règlement intérieur de l'établissement, qui peut s'aligner sur les exigences du secteur public. Le salarié doit alors se conformer à ce texte.
Ces règles peuvent faire l'objet de questionnements, d'incompréhension, en particulier au regard des droits accordés aux patients. Pour Chrystelle Croitor et Maria Crétant, l'insuffisance de formation, quelle que soit la fonction exercée, est criante. Maria Crétant précise ainsi : « On ne nous a pas appris à gérer ces questions, même à l'école des cadres où le sujet est abordé rapidement, ce qui laisse place à l'incertitude dans la pratique. »
• Chacun est libre de sa religion, de croire ou de ne pas croire, et peut l'exprimer dans l'espace privé et public sans trouble pour autrui. La République assure et garantit cette liberté.
• Un agent du service public ne peut faire l'objet de discrimination en raison de son appartenance ou opinion religieuse ou de leur absence.
• Un agent peut bénéficier de congés pour une fête religieuse, à la condition que cela ne porte pas atteinte au bon fonctionnement du service.
À noter : si les professionnels ne doivent pas faire de prosélytisme ni afficher leur appartenance religieuse, la connaissance par un membre de l'équipe des principes religieux correspondant à sa culture ou ses croyances peut constituer une aide précieuse, et il serait dommage de s'en priver. Cela constitue une ressource pour les patients et les collègues, permettant une meilleure compréhension de certaines demandes, l'importance de la croyance et de la nécessité de suivre des préceptes religieux.
Les objectifs de l'encadrement sont de favoriser la cohésion de l'équipe et la neutralité de chaque professionnel afin de respecter les demandes des patients et la réponse à leurs besoins d'expression et de pratique religieuse, de limiter les dissonances, les jugements de valeur, les difficultés d'application du principe de laïcité dans le respect des pratiques religieuses, les difficultés de compréhension entre les droits des patients et les devoirs des soignants.
Pour le cadre de santé, il est important d'apporter la garantie que la réponse aux besoins des patients comme les devoirs des agents sont respectés à n'importe quel moment, jour, nuit, semaine ou week-end. Pour que cela soit possible, il est souhaitable d'identifier en équipe l'ensemble des questions qui peuvent se présenter, de donner des réponses en lien avec les textes législatifs, que ces réponses soient comprises et appliquées par tous. Cela permet de répondre aisément aux demandes des patients et de leur entourage, d'acquérir un savoir-faire professionnel et d'éviter que des situations dégénèrent vers l'incompréhension, voire l'agressivité. Pour cela, l'accompagnement de proximité assuré par le cadre est nécessaire, car de nombreuses zones d'ombre demeurent pour les professionnels dans l'application de la loi, mais aussi dans l'acceptation des demandes religieuses des patients. Pour Chrystelle Croitor, il faut dépasser « les prêts-à-penser hâtifs », qui rassurent. Et ce sujet n'échappe pas à la règle qui veut que pour ne pas être isolé au sein d'une équipe, un professionnel risque d'adopter le comportement général, d'autant que le manque de formation ne lui permet pas toujours de se positionner. Actuellement, si ces cadres incitent leurs équipes à se former, en particulier lors des entretiens annuels d'évaluation, ils rappellent que la formation, bien que fortement recommandée, n'a aucun caractère obligatoire.
• La connaissance des textes et des principales attentes des patients, des procédures à suivre, en particulier en cas de refus de soin.
• L'organisation et la souplesse nécessaire pour répondre favorablement à ces demandes.
• La réflexion et l'anticipation, qui passent par le recueil des informations auprès des patients, la transmission des demandes des patients tant à l'oral que dans le dossier de soins.
• Le recueil de la satisfaction individuelle des patients et de leur entourage et sa prise en considération dans le bilan d'activités du service.
• L'analyse des plaintes lorsqu'elles existent et les évolutions envisagées pour éviter leur renouvellement.
• Le développement de la formation, par divers moyens concernant la connaissance et la compréhension des textes, le développement des compétences en matière de dialogue et de prise de distance afin de répondre de manière adaptée à chaque demande spécifique. Cela peut se faire lors d'analyse de pratiques, de comité de retour d'expérience, d'exercice de simulation.
• L'évaluation des mesures mises en œuvre, à travers les temps de transmissions, les entretiens annuels d'évaluation, les réunions d'organisation ou thématiques.
Pour assurer cet accompagnement des équipes et répondre aux demandes des patients, le cadre de santé ne travaille pas seul. Il peut compter sur le soutien et la présence du service d'aumônerie, l'aide du service de formation et les relations avec les cadres formateurs des instituts de formation, du service chargé de la qualité. Et quand la situation le nécessite, sur l'intervention du directeur d'établissement ou son représentant.
• Le service d'aumônerie est désormais présent dans tous les établissements. Les aumôniers sont des agents de service public, désignés par leur hiérarchie, payés par l'État et placés dans les établissements de santé sous l'autorité du directeur. Chaque représentant du culte peut intervenir auprès des personnes soignées, de leur entourage et des professionnels de l'établissement. Ils ou elles le font à la demande des professionnels. Ils sont tenus aux mêmes règles de confidentialité, d'absence de prosélytisme que les professionnels. L'aumônier est aussi au service des soignants, comme conseil, aide à la décision, médiateur et enseignant.
• La formation concerne les agents en poste, avec une attention particulière pour ceux assurant le rôle de tuteur de stage, les étudiants en stage, les nouveaux professionnels non médicaux et médicaux. Ce point nécessite une collaboration avec le corps médical pour assurer l'harmonisation des réponses apportées aux patients, la mise à disposition des éléments nécessaires : protocole pour répondre à une demande alimentaire particulière, pour le respect des horaires de prière en lien avec la dispensation des soins, des possibilités de contacts avec les représentants du culte, etc.
• Le service chargé de la qualité permet d'identifier la qualité des réponses apportées par chaque service, et le suivi des éventuelles demandes insatisfaites grâce à l'analyse des questionnaires de satisfaction et des plaintes.
• Le directeur ou son représentant sont garants du respect du fonctionnement de l'institution. Il peut être fait recours à son intervention si la situation le nécessite.
Concernant l'application du respect de la pratique religieuse dans le contexte de laïcité français au sein des établissements de santé, le rôle du cadre de santé est fondamental, tant pour le respect des droits et devoirs des personnes soignées, que pour celui des personnels soignants et non soignants. Une présence attentive, faite d'anticipation et d'accompagnement de proximité, permet, comme le mettent en évidence les résultats fournis par l'Observatoire de la laïcité, de répondre favorablement aux besoins des patients dans le respect des règles institutionnelles.
Plusieurs textes législatifs sont à prendre en considération pour répondre à l'ensemble des situations rencontrées dans les services de soins en lien avec la demande religieuse. Il est nécessaire de les connaître, d'en comprendre la teneur et le sens, et d'en assurer la mise en œuvre.
Ce texte impose deux grands principes : la séparation des Églises et de l'État, la liberté de conscience et de religion : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions (édictées ci-après) dans l'intérêt de l'ordre public. »
Il est important pour notre sujet d'en connaître l'article 1 : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances (...). »
Ce document fait suite au rapport de la commission Stasi (4) relatif à l'application du principe de laïcité dans la République remis en décembre 2003. Il a pour but d'expliciter le principe de laïcité dans les établissements de santé publics et les établissements participant au service public (autrefois PSPH (5), aujourd'hui ESPIC (6)).
Cette circulaire constitue une référence pour tous les professionnels hospitaliers, et particulièrement les cadres puisqu'elle précise l'ensemble des droits et devoirs des patients comme des professionnels. Elle permet de retrouver tous les éléments juridiques (articles de loi, de la Constitution qui permettent de guider la conduite des agents du service public hospitalier).
Il y est rappelé, en conformité avec la Constitution actuelle, « l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion ». Ce qui signifie pour l'hôpital que : « tous les patients soient traités de la même façon quelles que puissent être leurs croyances religieuses ; les patients ne puissent douter de la neutralité des agents hospitaliers ». Dans les établissements concernés, « les patients se voient garantir la libre pratique de leur culte et la manifestation de leurs convictions religieuses : les hospitalisés doivent être en mesure de participer à l'exercice de leur culte ; ils reçoivent, sur demande de leur part adressée à l'administration de l'établissement, la visite du ministre du culte de leur choix » (art. R. 1112-46 du CSP).
Il y est rappelé que, dans la charte du patient hospitalisé, il est précisé : « L'établissement de santé doit respecter les croyances et les convictions des personnes accueillies. Un patient doit pouvoir, dans la mesure du possible, suivre les préceptes de sa religion (recueillement, présence d'un ministre du culte de sa religion, nourriture, liberté d'action et d'expression...) ».
Elle rappelle de façon synthétique et explicite les grands principes des textes précédents.
Elle édicte le principe suivant : « Nul ne peut, dans l'espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage », et en précise les conséquences en cas de refus.
Elle a pour objectif principal de faciliter le dialogue entre les aumôniers rattachés à l'hôpital et les directions d'établissement.
Relative au respect du principe de laïcité dans la fonction publique, elle apporte des précisions sur l'application de ces principes et présente les outils de formation, de communication, de conseil et de veille liés à ce contexte.
(1) Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État (consulter sur : https://bit.ly/2ap1I7f).
(2) Constitution du 4 octobre 1958 (consulter sur : https://bit.ly/2brHNWA).
(3) Circulaire DHOS/G no 2005-57 du 2 février 2005 relative à la laïcité dans les établissements de santé (consulter sur : https://bit.ly/2VJHcpr).
(4) Commission de réflexion sur l'application du principe de laïcité dans la République. Rapport au président de la République, 11 décembre 2003 (consulter sur : https://bit.ly/2LbeMRC).
(5) PSPH : participant au service public hospitalier.
(6) ESPIC : établissement de santé privé d'intérêt collectif.
(7) Consulter sur : https://bit.ly/2HvvScL
(8) Loi no 2010-1192 du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public (consulter sur : https://bit.ly/2kUZYrx).
(9) Charte nationale des aumôneries des établissements relevant de la fonction publique hospitalière (consulter sur : https://bit.ly/2VTBiHB).
(10) Circulaire du 15 mars 2017 relative au respect du principe de laïcité dans la fonction publique (consulter sur : https://bit.ly/2LUVj8o).