Le premier ministre et la ministre des solidarités et de la santé ont présenté le 20 novembre 2019 un grand plan d'investissement pour l'hôpital, décliné en 14 mesures, autour de trois grands axes : plus d'attractivité pour les métiers de la santé ; une gouvernance plus participative au sein de l'hôpital public ; des moyens pluri annualisés et en augmentation. En particulier ils ont annoncé une hausse des tarifs hospitaliers d'au moins 0,2 % pour les trois années à venir, augmentation qui pourrait être majorée si amélioration de la pertinence des soins.
Un grand merci aux docteures Sandrine Buscail et Marina Martinowski, en charge de ces sujets à l'ARS Ile-de-France, qui ont très largement contribué à l'écriture de cet article
L'amélioration de la qualité et de la pertinence des soins sont le « fil rouge » de ma santé 2022, la transformation du système de santé présentée par le Président de la République en septembre 2018. Il s'agit de mettre fin aux actes ou examens inutiles et de mieux organiser les prises en charge sous forme de parcours coordonnés et organisés entre et par les différents professionnels de santé, avec un nouveau mode de financement aux parcours et prenant en compte la qualité des prises en charge. Cette exigence de qualité et de pertinence des soins est déclinée sous la forme de mesures clés :
• Améliorer la qualité de la prise en charge sur certains parcours – broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO), obésité, maladie coronaire stable, Parkinson puis accident vasculaire cérébral (AVC), épilepsie... – en tenant compte de l'efficacité clinique et de l'expérience patient ;
• Accroître la pertinence des soins, actes, examens dans le cadre de 2 parcours de santé pilotes (insuffisance cardiaque chronique et ostéoporose) en s'appuyant sur les meilleures pratiques identifiées ;
• Étendre la mesure de la satisfaction et de l'expérience patient / résident, notamment en soins de suite et de réadaptation (SSR), en EHPAD, en hospitalisation à domicile (HAD) ;
• Déployer des dispositifs d'appui à la qualité ;
• Développer l'exploitation des données disponibles pour mesurer l'évolution des pratiques.
Qualité et pertinence des soins sont au cœur des transformations de notre système de santé et doivent être la porte d'entrée pour l'analyse de notre système, y compris d'un point de vue financier, mais également de ressources humaines, dixit les protocoles de coopérations, les pratiques avancées.
Mais qu'est-ce au juste la pertinence des soins ? Quels leviers pour l'améliorer ?
La Caisse Nationale d'Assurance Maladie parle de « concepts intriqués » entre qualité, sécurité et pertinence : « les termes de qualité, sécurité, pertinence désignent des notions très liées et interdépendantes... il est ainsi difficile de concevoir une politique de qualité des soins qui ferait l'impasse sur la sécurité ou la pertinence, ou d'imaginer une action de sécurité des soins qui ne comprendrait pas une dimension de pertinence ». Pour illustrer ces propos, prenons l'exemple des césariennes programmées :
• la sécurité pour garantir des soins sécurisés : une césarienne sans complication
• la qualité pour obtenir des soins bien faits : une césarienne conforme aux recommandations de bonne pratique
• la pertinence pour obtenir des soins qui devaient être faits, et dans les meilleures conditions et de manière efficiente : une césarienne justifiée
L'organisation mondiale de la santé définit la qualité des soins comme une « démarche qui doit permettre de garantir à chaque patient la combinaison d'actes diagnostiques et thérapeutiques qui lui assurera le meilleur résultat en termes de santé, conformément à l'état actuel de la science médicale (...) ».
La mise en œuvre de cette démarche par les professionnels s'appuie sur différents leviers :
• Les méthodologies nationales, et notamment celles de la Haute Autorité en Santé (HAS) dans le cadre des démarches de certification, du programme d'amélioration continue du travail en équipes (PACTE) ;
• Les structures régionales d'appui comme l'observatoire du médicament (OMEDIT), le centre d'appui pour la Prévention des infections associées aux soins (CPias), la structure régionale d'appui à la qualité mise en œuvre dans chaque région sous des formes différentes ;
• Les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM) conclus avec les établissements de santé qui les engagent dans une démarche de sécurité, de qualité, et de pertinence des soins, ainsi que les contrats d'amélioration de qualité et de l'efficience des soins (CAQES) ;
• Le soutien financier pour les établissements et les professionnels de santé en prenant en compte les évolutions à venir du financement à la qualité : incitation financière à la qualité (IFAQ), appels à projets.
La pertinence désigne des soins appropriés et nécessaires, au bon endroit et au bon moment ; elle implique la coordination des multiples acteurs qui interviennent autour du parcours de santé. Elle doit permettre d'améliorer les pratiques professionnelles afin d'améliorer l'efficience de la prise en charge et éviter des traitements inadéquats et donc des risques potentiels pour les patients et des dépenses inutiles pour la collectivité. Elle concerne la pertinence des prescriptions (médicamenteuses, examens de biologie...), des actes (prise en charge médicale, chirurgicale...) et des prestations (modalités d'hospitalisation, parcours de soins...). Elle s'appuie aujourd'hui sur la notion de « valeur en santé » qui intègre l'usager comme acteur de la pertinence de son parcours de santé.
L'amélioration de la pertinence des parcours de santé est une mission réglementaire des ARS, dont les leviers sont le plan d'action pluriannuel régional d'amélioration de la pertinence des soins (PAPRAPS) et l'animation de l'instance régionale d'amélioration de la pertinence des soins (IRAPS) ainsi que le pilotage d'actions innovantes (projets article 51).
L'IRAPS, définie par le décret no 2015-1510 du 19 novembre 2015 relatif à la promotion de la pertinence des actes, des prestations et des prescriptions en santé, contribue à l'amélioration de la pertinence des prestations, des prescriptions et des actes dans la région. Elle concourt à la diffusion de la culture de la pertinence des soins et à la mobilisation des professionnels de santé autour de cette démarche. Ses membres, dont le nombre ne peut excéder vingt, sont nommés par le directeur général de l'agence régionale de santé. L'IRAPS est donc chargée de l'amélioration de la pertinence des soins ; elle est consultée sur l'élaboration et les révisions du plan d'actions ainsi que sur son évaluation, afin d'associer étroitement les professionnels de santé, les représentants des usagers et les fédérations hospitalières à la démarche d'amélioration de la pertinence des soins.
Le même décret précise le contenu du plan d'actions pluriannuel régional d'amélioration de la pertinence des soins (PAPRAPS) ainsi que ses modalités d'élaboration et d'évaluation.
L'IRAPS dispose de trois leviers importants :
• La transparence des résultats et des données d'activité sur les pratiques ;
• L'accompagnement des démarches d'amélioration de la pertinence afin d'initier un changement des pratiques et des organisations ;
• La contractualisation avec les acteurs de santé.
L'amélioration de la pertinence des soins répond à trois enjeux de notre système de santé :
• Une meilleure efficacité par l'utilisation et le partage des connaissances scientifiques pour prodiguer le bon soin au bon moment, dans le bon environnement, pour le bon patient et par le bon acteur de santé ;
• Une garantie de la sécurité en limitant le risque que présente tout soin, pertinent ou non, sachant qu'une intervention non pertinente (c'est-à-dire inutile, inadaptée ou manquante) entraîne une prise de risque supplémentaire pouvant causer des dommages ;
• Une plus grande équité dans l'allocation des moyens en santé, la baisse du gaspillage des ressources liées à des interventions non pertinentes permettant de mieux répartir ces moyens entre tous les usagers du système de santé et de les affecter également pour partie à la recherche et à l'innovation.
Dans ce contexte on peut identifier 3 axes prioritaires pour améliorer la pertinence des soins :
• Faire du patient un véritable partenaire acteur de la pertinence des soins, pour d'une part arriver à une décision partagée à partir d'une réflexion explicite sur la balance entre bénéfices et risques, prenant en compte ses valeurs et ses propres objectifs, sa situation clinique et les données de la science ; et d'autre part comme acteur de l'évaluation grâce au recueil de son expérience vécue et de son jugement concernant les résultats obtenus
• Analyser le parcours de santé dans sa globalité et non plus les interventions prises séparément, ce qui implique donc l'ensemble des acteurs concernés, professionnels, patient et aidants.
• Diminuer les variations inexpliquées de pratiques constatées entre les équipes, en les diffusant largement et en mettant en œuvre les recommandations professionnelles, l'analyse des différences de taux de taux de recours permettant de cibler les actes sur lesquels agir en priorité.
Tout le monde a donc intérêt à ce que la pertinence des soins soit améliorée :
• Le patient lui-même car plus de pertinence c'est la garantie d'un rapport bénéfice-risque accru pour sa propre santé ;
• Les professionnels de santé car plus de pertinence c'est la garantie d'une meilleure pratique et donc de risques associés diminués et un meilleur résultat ;
• La collectivité dans son ensemble car c'est une meilleure utilisation des ressources publiques allouées à la santé.
La pertinence des soins c'est donc le tiercé gagnant.
Étendre le contrat d'engagement de service public aux étudiants, assorti d'une indemnité mensuelle de 750 € pour un certain nombre de professions.
Revaloriser et étendre la prime d'engagement dans la carrière hospitalière (PECH) aux non-médecins, et l'ouvrir à toutes les professions en tension.
Étendre l'indemnité temporaire de mobilité aux soignants de la fonction publique hospitalière.
Pour le personnel médical : augmenter la prime d'engagement de carrière hospitalière (PECH) et élargir le nombre de médecins bénéficiaires ; permettre d'accéder plus rapidement au bénéfice de l'indemnité de service public exclusif ; augmenter la prime d'exercice territorial et élargir le nombre de bénéficiaires.
Une prime annuelle nette de 800 € our les 40 000 personnels infirmiers et aides-soignants travaillant à Paris, dans les Hauts-de-Seine, en Seine-Saint-Denis ou dans le Val-de-Marne et gagnant moins que le salaire médian (environ 1950 € nets/mois).
Les hôpitaux pourront récompenser l'investissement des personnels avec des primes (en moyenne, 300 € annuels), selon des critères de qualité des soins et de prise en charge.
Pour les personnels en fin de carrière, un grade de débouché en catégorie B sera mis en place, et pourra bénéficier à plus de 10 000 professionnels par an.
L'accès à la formation destinée à renforcer les connaissances et les besoins spécifiques des personnels exerçant en service de gériatrie sera étendu. Une prime mensuelle de 100 € sera mise en place pour les personnels formés.
L'attractivité des débuts de carrière sera renforcée.
Les conditions d'exercice du médecin à l'hôpital seront assouplies. Les activités non cliniques, de recherche, d'enseignement ou d'encadrement seront davantage reconnues. Une part de rémunération variable (sur critères d'activité et de qualité) sera mise en place.
Renforcement du dialogue et du sens du collectif au sein des hôpitaux : pour cela, les médecins seront mieux intégrés à la gouvernance des hôpitaux et le management de proximité sera renforcé et valorisé.
Le principe du « dites-le nous une fois » devra devenir la norme pour l'hôpital. Les modalités de recrutement seront aussi simplifiées afin de réduire les délais et permettre les remplacements plus rapidement en cas de vacance de poste.
La finalisation des protocoles de coopération entre professionnels sera accélérée. Leur mise en œuvre permettra de libérer du temps médical et d'attribuer aux professionnels concernés, notamment les infirmiers, la prime de coopération mensuelle de 100 € bruts.
Trois priorités : mieux contrôler et encadrer le recours à l'intérim, mieux rémunérer les gardes assurées en plus des obligations de service, mieux organiser la répartition de temps médical ponctuel.
Allouer des ressources supplémentaires pour le fonctionnement de l'hôpital avec un rehaussement de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) sur 2020-2022 pour un total de 1,5 Md €
L'engagement est d'augmenter chaque année les tarifs d'au moins 0,2 % et de faire encore mieux quand ce sera possible grâce à une meilleure pertinence des soins. Cela permettra de recréer une confiance dans l'avenir. C'est l'engagement de pouvoir investir, de maintenir l'emploi hospitalier et les lits à l'hôpital.
150 M € seront investis chaque année sur 3 ans pour permettre aux hôpitaux d'acheter le matériel indispensable pour le travail des soignants au quotidien.
À partir de 2020, 10 Md € de dettes seront repris aux hôpitaux en 3 ans afin d'alléger les charges d'établissements, assainir leur structure financière et leur permettre d'investir et de se transformer.