Objectif Soins n° 273 du 01/02/2020

 

Actualités

Claire Pourprix  

Interview

Dominique Combarnous, présidente de l'Association nationale des cadres infirmiers et médico-techniques (ANCIM), revient sur les actions entreprises pour réformer la formation des cadres et sur la nécessité de traiter de manière globale les problèmes d'organisation à l'hôpital plutôt que de saupoudrer les mesures.

Cela fait des années que vous réclamez la réingénierie de la formation des cadres. Où en êtes-vous ?

Depuis 1995, date du dernier référentiel de formation des cadres, tout a évolué dans le monde de la santé autour de nous : plusieurs lois santé se sont succédées, l'universitarisation est engagée, le statut d'infirmière de pratique avancée est acté, les inscriptions se font sur Parcoursup... mais pour les cadres de santé rien n'a changé ! L'ANCIM se mobilise depuis longtemps pour réclamer la réingénierie de leur formation. Récemment nous avions quelques espoirs de voir la situation évoluer : j'ai notamment été interrogée par la mission sur la gouvernance et la simplification des hôpitaux menée par le Pr Olivier Claris ; et la ministre de la Santé, que nous avions interpellée dans une lettre en septembre dernier, nous avait laissé entendre une mise en relation avec la DGOS, qui est restée sans suite. Bien sûr, les instituts de formation des cadres n'ont pas attendu pour s'adapter à l'évolution des métiers, mais chacun avance à sa manière en proposant, grâce à des accords avec les universités de leur territoire, des masters en management ou en sciences de l'éducation. Il serait préférable de proposer une formation homogène partout en France. Et que tous les cadres aient le grade de master !

Quelles seraient selon vous les modalités de la formation idéale ?

Au sein de l'ANCIM, nous plaidons pour deux formations distinctes : l'une de cadre formateur, l'autre de cadre manager. Cela constitue sous doute un frein à la réingénierie, car l'ensemble de la profession n'est pas convaincu de cette nécessité. Je pense qu'un bon compromis serait une formation avec un tronc commun la première année et ensuite une spécialité en pédagogie ou en management en alternance, pour rester proche du terrain. De plus, lors de notre participation au groupe de travail de la mission Le Bouler sur l'« universitarisation des formations paramédicales et maïeutique », nous avons exprimé la nécessité de conserver les instituts de formations des cadres et de ne pas tout confier à l'université. Nous ne souhaitons pas perdre notre spécificité et surtout ne pas être absorbés par des facs de médecine. La profession infirmière a déjà bien suffisamment été sous la tutelle médicale ! Par ailleurs, l'universitarisation pose une autre question qu'il faudra bien aborder : un master en 2 ans coûte bien plus cher qu'une formation de 9 mois comme c'est le cas actuellement. Les employeurs seront-ils prêts à financer ce surplus ?

On entend pourtant peu les cadres se rebiffer...

Il est en effet difficile de parler d'une seule voix et de mobiliser la profession sur ces sujets. Les cadres en poste, qui ont déjà leur diplôme, ne sont pas directement concernés par la formation et ont déjà au quotidien une charge de travail considérable. Au sein de l'hôpital, leur position est délicate, ils sont malmenés, positionnés entre le marteau et l'enclume. Et font face dans leurs équipes à un turnover important. Ces derniers mois, les personnels des urgences se sont fortement mobilisés – à juste titre -, mais cela a occulté les autres difficultés que connaissent les hôpitaux. La situation des urgences constitue un vrai problème, mais l'attribution d'une prime aux infirmiers urgentistes ne le résoudra pas et crée de fortes inégalités vis-à-vis des autres services, alors que toute la chaîne de soins est concernée par le dysfonctionnement des urgences. Par ailleurs, j'ai lu des articles évoquant l'inquiétude des cadres vis-à-vis des infirmiers en pratique avancée, craignant qu'ils empiètent sur le management. Or il me semble qu'ils se positionnent plus sur le leadership clinique que sur le management et qu'il y a de la place pour tout le monde. Nous devons travailler tous ensemble et non pas les uns contre les autres. La profession doit rester unie, d'autant qu'il est déjà regrettable que nous n'arrivions pas à avoir une vision globale de ce qu'il se passe. Par exemple, le développement de la chirurgie ambulatoire a beaucoup changé l'organisation de l'hôpital. Dans les unités de soins, il ne reste que les malades lourds : la charge de travail et psychologique des infirmiers est lourde, et il est difficile de les remotiver. Le référentiel de compétences infirmières devrait être revu plutôt que de faire des protocoles de coopération saupoudrés au cas par cas. En englobant tout le monde, avec les cadres, car on fait du patchwork, un pansement par-ci et ça craque à côté... Il faut prendre du recul car après les urgences ça craquera ailleurs !