Objectif Soins n° 273 du 01/02/2020

 

Actualités

Adrien Renaud  

Opinion

L'Académie nationale de médecine a présenté début février les résultats d'un sondage qu'elle avait commandé sur les attentes des Français vis-à-vis de la médecine. Un exercice qui fait apparaître une certaine insatisfaction, mais aussi de profondes divisions.

« Ce sondage définit davantage la limite entre les gens qui sont heureux et ceux qui ne le sont pas que la limite entre les gens qui sont malades et qui ne le sont pas. » C'est ainsi qu'a réagi le 4 février dernier le Pr Jean-François Mattéi, président de l'Académie nationale de médecine, à la présentation des résultats de l'enquête sur les attentes des Français vis-à-vis de la médecine que son institution avait commandée à OpinionWay et au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof). Et il est vrai que ce travail, effectué en ligne à l'automne dernier auprès de 1 530 personnes, en dit au moins autant sur les répondants que sur le système de soins lui-même.

Au premier regard, on pourrait penser que l'exercice décerne un satisfecit général au système de santé national. Les Français restent par exemple à 80% convaincus que celui-ci est « un des meilleurs du monde ». Ils plébiscitent par ailleurs les professionnels de santé : 95 % des sondés disent avoir une « très bonne » ou une « assez bonne » image de ceux qu'OpinionWay a choisi d'appeler « les personnels soignants » (infirmières, sages-femmes, aides-soignantes...). Viennent ensuite les chercheurs, ceux que le sondage qualifie de « paramédicaux » (podologues, kinés...), et les médecins, tous au-dessus de 90 %.

Des analyses divergentes

« Je connais beaucoup d'hommes et de femmes politiques qui donneraient leur chemise pour avoir des taux de popularité pareils », commente Bruno Cautrès, sociologue et chargé de recherches CNRS au Cevipof qui a travaillé sur l'enquête. Mais derrière ces chiffres positifs se cache une réalité plus contrastée. Les personnes appartenant aux catégories socioprofessionnelles les plus favorisées, par exemple, sont plus nombreuses à estimer que le système de santé français est un des meilleurs du monde : 85 %, contre 76 % des personnes appartenant aux classes populaires.

« Il y a une pluralité de regards, articulés à des segmentations sociologiques assez fortes », décrypte Bruno Cautrès. « Les Français les mieux dotés en capacités économiques, en compétences culturelles, en niveau de diplôme, ont tendance à être plus optimistes. » Des divergences qui s'expriment tout particulièrement sur la question de l'accès aux soins. Si par exemple 64 % des sondés considèrent qu'il est « facile d'accéder aux soins en France, quel que soit son revenu », le chiffre tombe à 58 % si l'on ne considère que les catégories populaires.

Et les différences sont encore plus marquées quand on aborde la question de l'accessibilité géographique. Ainsi, si 41 % des sondés estiment qu'il est « facile d'accéder aux soins en France, quel que soit son lieu de résidence », les chiffres sont bien inférieurs pour les habitants des communes rurales, avec des écarts allant de 3 à 14 points en fonction des professionnels ou structures de soins testés. De manière générale, les habitants des communes rurales sont moins positifs que ceux des communes de plus de 100 000 habitants, avec des écarts allant de 2 à 10 points en fonction des questions.

Un avenir morose

Si la question de l'accessibilité est emblématique des fractures qui traversent l'opinion sur le système de santé français, elle l'est aussi de l'inquiétude des sondés pour l'avenir. Ceux-ci sont ainsi 70 % à citer le fait « qu'il y ait moins de médecins » comme l'une de leurs principales craintes pour la médecine de demain, et 69 % à évoquer la perspective de temps d'attente plus longs pour obtenir un rendez-vous. Par ailleurs, s'ils sont 93 % à croire que la médecine de demain sera « plus technologique » et 77 % à estimer qu'elle sera « plus performante », ils sont aussi 90 % à prévoir qu'elle sera « plus chère ».

Les sondés se montrent par ailleurs largement conscients des difficultés que les blouses blanches rencontrent au quotidien. Ainsi, si les répondants estiment à 84 % que les pharmaciens sont « tout à fait » ou « plutôt » reconnus à leur juste valeur, ce chiffre tombe à 70 % pour les médecins généralistes, et il chute à 31 % pour les infirmières. Les aides-soignantes, elles, ferment la marche, avec seulement 25 % de personnes jugeant qu'elles sont reconnues à leur juste valeur... rejoignant probablement l'opinion des principales intéressées.