Ce que l'apprenant fait aujourd'hui peut améliorer ses lendemains de citoyen ou de professionnel de santé !

L'insuffisance d'activité physique

Les années précédentes nous avions basé la formation sur « l'identification et l'application des principes d'ergonomie et de manutention lors des mobilisations, des aides à la marche et des déplacements et l'utilisation du matériel de manutention ». Nous avons réalisé en 2018 que la plupart des apprenants méconnaissent leurs corps, ce dernier n'étant pas toujours « employé » correctement. J.W. Von Goethe, écrivain allemand dit bien que « celui qui reconnaît consciemment ses limites est le plus proche de la perfection ». Pour corroborer ce constat nous avons fait des recherches statistiques et professionnelles et les « diverses données de la CNAMTS ⁽³⁾, de la DREES ⁽⁴⁾ et de la CNSA ⁽⁵⁾, montrent que 2/3 des accidents du travail des professionnels de santé et de l'aide à la personne sont dus à la manutention manuelle ». D'autre part, Jean-Christophe Rousset et Étienne Deloison ⁽⁶⁾, formateurs de prévention certifié par l'INRS ⁽⁷⁾ disent : « le nombre d'accidents du travail et de maladies professionnelles parmi les personnels des établissements du milieu sanitaire et social a dépassé celui des salariés des entreprises de l'industrie, du secteur du bâtiment et des travaux publics et du commerce ». Enfin les préconisations de l'OMS ⁽⁸⁾ rapportent : « Les bénéfices pour la santé de la pratique régulière d'une activité physique sont avérés, quels que soient l'âge et le sexe. Pourtant, moins de la moitié des Français âgés de 15 à 75 ans atteignent un niveau d'activité physique favorable à la santé. Les recommandations de santé publique sont donc formulées aujourd'hui pour permettre à chacun d'intégrer l'activité physique dans son quotidien. En France, la recommandation diffusée depuis 2002 par le ministère chargé de la santé, dans le cadre du Programme national nutrition santé (PNNS), est de pratiquer l'équivalent d'au moins 30 minutes de marche rapide par jour au minimum 5 fois par semaine pour les adultes et l'équivalent d'au moins 60 minutes par jour pour les enfants et adolescents ⁽⁹⁾ ».

En conséquence, notre souhait est alors de nous pencher sur la prévention primaire en nous basant sur le travail mené auprès des sportifs de haut niveau et le travail en pluridisciplinarité en proposant cette approche à deux promotions différentes.

Une nouvelle offre pédagogique

Au regard de toutes ces informations, nous décidons de construire un projet pédagogique commun étudiant infirmier de première année (rentrée scolaire en septembre) et élève aide-soignant en fin de cursus (rentrée scolaire en janvier). La formation est donc proposée en septembre 2019. Elle débute par un cours magistral de 3 heures puis des travaux pratiques de deux heures en groupe de 10 apprenants.

Les travaux pratiques sont destinés à évaluer le risque de lombalgie de l'apprenant par des tests physiques en étudiant de quelle façon il maîtrise son bassin, quelle est sa force musculaire et son endurance, quelle est sa souplesse, que connaît-il de son corps ? Les apprenants sont timides au départ puis ils se font confiance et réalisent que : « S'il y a bien une chose que j'ai apprise au cours de tous ces entraînements, c'est que nous sommes toujours meilleurs que ce que nous croyons ⁽¹⁰⁾. » Chacun décide d'essayer et le sourire arrive, le bien être s'impose malgré des courbatures naissantes. Une évaluation de cette première étape est effectuée (voir tableau 1).

À partir de cette évaluation, Alexandre Germain propose aux apprenants des exercices à répéter à leur domicile, tous les jours, soit douze minutes de travail par jour pour une vie personnelle et professionnelle sans douleurs ou problèmes. Une goutte d'eau pourrions-nous dire mais néanmoins il faut un engagement responsable de l'acteur professionnel-citoyen. D'ailleurs, Françoise Giroud, écrivaine française, dit bien que : « Agir, c'est se protéger » !

Ce nouveau projet pédagogique a beaucoup plu à la fois aux élèves et aux étudiants d'après leurs retours oraux et écrits (bilan de module) mais aussi à l'équipe pédagogique de l'IFSI. Nadine Faure et Alexandre Germain souhaitent pérenniser ce projet en l'étoffant avec l'idée de « suivre » les étudiants infirmiers de première année sur leurs trois années de formation. L'ensemble semble ambitieux mais nous savons tous qu'il suffit « parfois d'un seul déclic pour commencer à faire plus de sport et à bouger. Une seule décision fait souvent la différence entre arrêter ou poursuivre ses entraînements » ⁽¹¹⁾. Nous terminerons par cette citation de Nelson Mandela : « Cela paraît toujours impossible jusqu'à ce que ce soit fait », c'est en passant par nos apprenants que nous pouvons injecter les bonnes pratiques et lutter contre les lombalgies ou les troubles musculosquelettiques (TMS), fléau de notre société actuelle.

Alexandre Germain, kinésithérapeute de l'équipe de France de football privilégie dans l'approche du sportif la connaissance de son corps et l'éducation aux bonnes pratiques pour mieux se protéger des accidents. Le sportif répète des gammes, l'apprenant peut aussi s'appuyer sur ce modèle. Il est également important de souligner avec les apprenants l'exigence de la formation et du métier qui risquent de mettre leur corps à rude épreuve comme : rester assis pendant les cours théoriques (positionnement qui engendre le non-respect des courbures de la colonne vertébrale : cervicale, dorsale et lombaire) ; s'alimenter correctement durant la formation et l'exercice professionnel ; dormir suffisamment ; supporter les horaires postés ; se familiariser au statut de stagiaire ; trouver la posture soignante ; appréhender sans trop de stress les différentes évaluations ; concilier vie professionnelle et vie privée. Les apprenants nous informent aussi que peu continuent ou débutent une activité sportive durant leur formation et nous observons ainsi la prise de poids de certains d'entre eux. Or, Alexandre Germain répète : « l'homme est fait pour bouger ! ».